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REVUE
DBS
LANGUES ROMANES
REVUE /v^l
LANGUES ROMANES
PUBLIEE
PAR LA SOCIÉTÉ
POUB L'ÊTUDË DES LANGUES KOUANtiS
Tome XLII
V" SéaiB — TomeW)
MONTPELLIER
B« d* fAjictMi-Coiinlar, J
PARIS
G. PEDONE-LAURIEL
Likriin-Ultiic
13, BDl BOUFFLOT
floU3L
OCT 16
REVUE
DES
LANGUES ROMANES
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
(Suite)
21
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 46)
I. Lo douz chanz dun auzel
Que chantauen un plais
Mi desiuet * lautrier
De mon chami em trais
5 E iostal perlaissaditz ^
Ou 3 fon lauzelz petitz
Plagnen en un tropel
Trei tozal ^ en chantan
Ja ^ desmesura gran
10 Ca près iois e solatz
Don usnchi ^ plus viatz
Per miels entendrel chan
E dissi lor aitan
Tosas de oui chantatz
15 E de cui vos clamatz.
II. E cobret son mantel
La maier qui saup mais
E dis dun encombrier
Qe moc dels ries sauais
5 Fer qes jouenz delitz
Qua vli ^ col pros es guitz
A bon près qel chapdel
El creschel pareira *
Si so mes a sodan
10 Li peior delz ® maluatz
Qe suis ^^ alegrauatz
Mu ^^ faziatz semblan
Il vos auidaran *2
Conqa ioi non aiatz
15 Si vos lor es priuatz.
III. Tosa ies tan isnel
Nô son ves bos assais
Com foron li prumier
1 c. en: desuiet — ^ c.en: plaissaditz — 3 c. en: On — ♦ c. en: tozas —
B c. en : La — ® /. : uengui — "^ c. en : Qua tili, /. : Quaissi — ^ c, en :
par enan — ^c.en: dels — *<> c. en : sius — i* c. en : Nin — 12 ^ en :
aiudaran
XLii — Janvier-Février 1899.
6
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Cant aondaua iais
5 E cant era grazitz
Qeu neis don sui marritz
Non trop ia qi mapel
Nim qira ^ nim deman
Anz fui raubatz ogan
10 Entre très reis prezatz
Si qe luns des regniatz
Mo ua contrarian
E parec al fera
Qe mera gen donatz
15 E fom mal presentatz.
IV. {p. 36) Segnier dauol fardel
Se cargue dauol fais
Qi rauba soudadier
Ni sen vest ni sen pais
5 El luecs es pois aunitz
On el es acuillitz
Qaital lairô fradel
Plen domal ^ e denian
Si rai ' sufire nil blan
10 Nul aura ^ poestatz
Non pot esser onratz
Qe ben leu ne dira
Al ^ que non o sabra n
Qel eis ner encolpatz
15 Oil 0 neschai lameitatz.
V. A qem irai '^ som ^ reuel
Amîga ni mirais
Curatz vol • qeil derrier
Se meton en leslais
5 Per ai tais colps petitz
Ni loues ni durzitz
Des qe tir en lapel
Qes venha meilhuran
Per pauc colp de verchan
10 Ne ^® qes fassa viatz
Qus vers pros hom prezatz
Si dona parsonâ
Doptara pois lafan
Et " tenra p^r graualz
15 Si gaireil demandatz.
VI. Senier li fort chastel
Don la maleza nais
E li mur eil terrier
De dreig e de biais
5 An tout donz e conuitz
Coi *' nom *^ es om garnitz
Si non fa maug arel ^^
Qe pas sobre lamian *^
E pois ira cridan
10 Ans^^ vilans ërabiatz
Tota la nueg veillatz
Qeu ai auzir ^^ mazan
A la donc ^^ leuaran
E vos si nous leuatz
15 Seres ocaisonatz.
VII. Sil segnier de bordel
Amig** no fostel *^ fais
E nos da consirer
Com del tôt nom abais
5 Lo monz er peritz
Qe mos iois er failli Iz
Te " tôt lais {p, 37) non
[espel
A bon pretz ben estan
Ni ia lai non veirâ 2*
10 Ni dieus ni fes ni patz
On segnier reing iratz
Ca lui lazesmaran ^^
Aug ^^ cil cab el estan
E desqe iois li platz
* : /. queira — * /. : de mal — ^c, en : isl — ^ c, en : auta. — ^ c. en:
Cil — « c. en : Cil — ' /. : ual — * c. en : sim — » /. : Cuiatz vos —
i<> c. en : Ni — ii c. en : Es — 1* /. : Car — 1» c. en : non — 1* c. en :
mangatel — i5 c. en : lanuan — *• c. en : Uns . — ^^ c. en : auzit —
18 /. : Et adonc — *« c. en : amies — *o /. : sofrel — *• c. en : De —
•* c. en ; venran — ** e. : sazesmavan — *^ c. en : Tug
LE CHANSONNIER DE BBRNÂRT ÂMOROS
15 Alegras vas totz latz.
VIII. Amiga el temps nouel
Soliom esser gais
Or no volô vergier
Tros cal frugz los engrais
5 Ni lor platz. chantz. ni critz
Totz lo monz es marritz
E plu; li iouencel
Coi bon conor no fan
Qeu vi ' per un gan
10 Si lor fos enuiatz
Sen niescler > vs barnatz
Qe durera tôt lan
Eraus en con diran '
Lor daufas * amistatz
15 Mais en fol pretz triât z.
IX. Toz eu mirai laissan
De chantar mais oian
Sa mon sobretotz platz
Qe non son enastratz.
X . Segnier li diu ^ bertran
Sai ben que vos diran
Qe mal es conseillatz
Si del chant vos laissatz.
XI. Toza car deshonoratz ^*
Es cama desamatz.
XII. E vos ia conseillatz
Segnier com am forsatz.
22
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242, 65)
I. Sanc iom agui loi ni solatz
Ar sui iratz
E per totz temps desespe-
[ratz
Car mauentura nom terrai*
5 Ja cobre n ^ iai
Cades mi defui ' em tresuai
Quiram repauze cossirers
Qem fan doler dans e de-
[rers.
II. Qar en traspers ore fui *
[natz
Ca deu no platz
Qe nuils bos mos amies
[priuatz
Viua tan con lautra gens fai
5 Aissi meschai
Per mon vngnaure quen
[non ai
Pois mos iois em^*^ faille
[primera
E cuim comenset lencom-
[briers.
III. (p. W)Eramalqes** conor-
[tatz
Comhom forsatz
Qar vos ynaures mamauatz
Mas eram desconortarai
5 Cant vos ** veirai
Ni iamais nom venran de
[lai
Salutz ni certes messat-
[gier
Don iois mi sol venir en-
[tiers .
IV. Hai bels amies ben ensen-
[gniatz
Vescis *3 als fatz
E doitz e sauis als mem-
[bratz
Per vos teing vil abril e
[mai
* /.: vi que — ^ c. en: mescler — 3 /. : escondiran — * c. en ; dausas —
» /. : dui — 8«/.: deshonratz. — « /. : retrai — ' /. : cobre — ^ c. en :
de sui — 9 c. en; sui — *• L : me — i* /. : Et eram alqes — is i. :
nous — 13 c. en : Nescis
8
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT ÂMOROS
5 El dolç tems gai
Ni iamai non alegrarai
Ni non chanterai volontiers
Mas nous puesc ben pla-
[gnier estiers.
Y. Ai tantz bels sabers qau-
[ratz *
Oui los laissatz
Jamais vostre pars ner tro-
[batz
Cane non vi ni ia non verrai
5 Tant non irai
Dim ^ sol orne tan bel assai
Ni non deu dire cauallers
Qe tât entrai gués 3 oliuers.
Yl. Âr es morta bella foudatz
E iocs de datz
E donz e domneis oblidatz
Per vos sol pert près es
[dechai
5 Tro part balai *
Maint pron esdenendran
I sauai
Oui vos fos guitz e compai-
[gniers
Cô hom après de bos mes-
[tiers.
Yll. Dels vostres fins trobars
[smeratz ^
De las bontatz
Del pretz del sen de las rie-
[tatz
Eu ^ degrâ deueuir gran iai
5 Cels cui peigz vai
Ja moB bes noi retrairai
Quel bôs maiestres ba-
[langiers
En resemblera lauzengiers.
y m. Qen vos es mortz près e
[bamatz
Ë largetatz
Bels faitz bos digtz e bels
[solatz
E ia per ma fe non creirai
5 Si ben stai^
Qe dieus als sieus sains ioi
[ver ai
Nos * vos accuilla totz pri-
[miers
Pos tant bels dons vos det
[entiers.
IX . (p. 30) Ja dison qe per vos
[sestrai
Pro en sa de faitz galaubiers
Ams ^ lai non es tant fa-
[zendiers
X. Francs seignier si fos aciers
Lo cors sim degra far qar-
[tiers.
23
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242, 24)
I • Ben es dregz mas en tal ^^
[port
Nos ha nostre segnier tra-
[mes
Gab.ioi lien refeiran ^^ merces
E chascuns poign a plan
[esfortz
5 Qer sia lauzatz e grazitz
Tan adeitz^' guitz
Cuiterzematz** e ploi e venz
Seru ab esser obedienz
^c. en : qauiatz — * c. ew : Don — » c. en : ualgues — ^ c. en : valai
^^c. en : sineratz.— • c. en ; En — ' /. : estai — • /. : Non — * cen:
Cuns — 10 ^ : aital — " c. en : refeiram— i*i. : adreitz— i' /. : terr e
mars
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
9
E qil ten car
10 Ben pot esser siz * cal pa-
[gar
Venral centesmes guizar-
[dos
Jal seruizis nom ^ er iam ^
[bos.
II. Epossabemcancnofes tort
Nil fara daiso qens promes
Anz enfer ades mager bes
Prô deu valer nostre conorz
5 Quaicel qes desfaigz els
[fruratz *
Ëls mais nutitz ^
Acoil els fai viure valenz
Ben sembla quels ries pe-
[nedenz
Voilla logar
10 Sil cors eil obra ven em-
[par
Tro mieils qels forfaitz so-
[fraitos
Qar mais val lor confessios.
111. Per qes degral plus ries
[plus fort
Ësforsar com mais li pla-
[gués
Pos genz garnirs ni bels
[coures
Ni cortesia ni deportz
5 Noil notz des qe sains es-
[pmtz
1 met rays
Ni ia per so& belsgarni-
[menz
Des qe sa vides auinenz
Non deu doptar
10 Qe nostre segnior desam-
[par
Los genz retenenz nils plus
[pros
Si nols en toi autra razos.
IV. {p, 40) Ni non crei qe al
[dreit port
Sil cors noi falsa ni la fes
Qe si aissi iutiarz ^ ni près
Cal cora non venga sous
[vetz "^
5 Qi non sap viure esmaritz
Qe mi es guiz
E car vau trebailliatz te-
[menzr •
Non puesc sufirir qe non
[comonz *
Vn sol chantar
10 Ab qe eu jaua remembrar
Los auols ries de valor blos
Fer qes failtitz *® conduitz e
[eos."
V. E si nô fos qen al ma cortz
Don maue a pensar mânes
Ane nô forô peigz escomes
E mais atendreial plus fortz
5 Per qes lois e iouenz au-
[nitz
E pretz faiduz *^
Ses amde sens reuolenz ^^
Caisi cou fol comenzamenz
Ab ioi menai **
10 De bon pretz eral fan baissar
Tan ni a paucs de coratjos
Oui non espauen messies.
VI. E ai pognos ^^ tarzar la
[mort
1 /. : fiz. — * c. en : non — 3 /. : tant — * /. : qels d. e. frunitz — ' c.
en : nuritz — • /. : iutiatz — ' c. «i ; sors eniz — • /. : temenz — • c. en :
couienz,/. : comenz — lO c. en: faillitz — i* c. e7i: los — **/. : faiditz —
13 c. en : aiude sons beuolenz — ** c. en: menai, /. : menar — i6 c. en :
E qi pogues
10
LE CHANSONNIER DE BERNA RT AMOROS
Yn îom 0 dos qe non ven-
[gues
Ben estera com botezes *
Enô fora tan autz lo ioetz ^
5 Mas ieu crei anc celui nO vitz
Qeu fos auzîtz
Oui veiatz ni sabeis ^ ni
[senz
Ni manentra * fos guirenz
Dan mot parlar
10 Doncs pois ieu segurasiar^
Coi non es tan bella meissos
Con diuer^ pretz antreis^
[baros.
VII. E pos per saber ni per sort
Reis ni ducs ni comsni mar-
[ques
Non viu lo menor jorn dun
[mes
Cô el * de laner mentren-
[tortz »
5 Qe noil fail tro qel es failli tz
El auolz critz
Régna e mostra main tas
[gens
Las obras els captenemenz
El fai blasmar
10 Per ques deuria soin donar
Totz om mentrenei *® lez-
[eros
Qe noil remanses mal res-
[sos.
VIII. (p. 41) Laissera ** estar
Lauol gen caissis fai a far
E parlem des turcs orgoillos
Con lor auols e ieis ^^ caia
[ios.
IX. El segnier qi nos ^' poderos
Nos conduia et si ab nos.
24
GIRAUT DE BORNEL
(= B. Gr. 282, 69)
1. Sieus qieir cosseil bella mia
[lamanda
Per dieu Iom datz com co-
[chatz lous demanda
Qe som retrais vostra domna
[truanda
Qe totz soi for issitz de sa
[comâda
5 Qe so qê dettot mestrai em
[desmanda
Qem consseilatz
Ca pauc mos cors dinz dira
f SOS ira branda **
Can *5 fort en son iratz.
II. Per dieu giraut ges tôt aissi
[aranda
Velers ^^ damic nos fai ni
[nos garâda
Quar si luns fail lautre
[couen que blanda
Que niuls ^^ destrics entre
[lor nô sespanda
5 Anz sella ditz daut poig que
[sia landa
Vos lan crezatz
E plassa vos lo bes el mais
[sil manda
Caissi seres amatz.
^ c. en : ho fezes — * c. en : metz, /. : tortz ~~ ^ c, en : sabers — * c.
en : manentia — ^ c. en : abiar, /. : afiar — « /. : dauer — "^ c. en :
antrels -^ ^ c. en : er — • c. en : mentrencortz — lo /. : mentren es
. _ II c. en ; Laissem — la c. en : a. Ieis — i» c. en : nés— i* /. : dira
non mabranda — i6 /. : Tan — « c.en : Volers --^^ c.en: nuils
LE CHANSONNIER DE
III. Com puesc suffrir qe contre
[goil * non gronda
Ja sias vos donzela belle
[blonda
Paires ^ diraus noz e paucs
[lois 3 vos aonda
Mais qe nô es premeira ni
[segonda
5 El eu qem te m dest ira qem
Qe men lauzatz [côfouda
Sim rem * périr qem traga
[plus ves londa
Mal cre qem captenjatz.
IV. Si menqeretz daital razon
[prionda
Fer dieu giraut non sai qe
[men responda
Pos vos dizes ca pauc son
[iauzionda
Mais voil pelar mon prat
[cautre lom tonda
5 Et seus er oi del plag far
[deztronda ^
Ja li cerchatz
Con son bon cor vos esdiga
[eus resconda
Ben par con es cochatz.
V. {p, 42) Donzel oi mais no
[siatz trop parleira
Plus de cent ves ma ramat •
[premeira
Cuiaz vos donc qz««u tos-
[temps lio sufieira
Semblaria co fezes per ner-
[ceira ^
5 Dautramistat ar ai talant
[qeus feira
BERNART AMOROS 1 1
Si nO callatz
A neillor ^ cosseil saup dar
[ma berengeira
Qe vos nô mi donatz.
VI. Lora vei eu giraut qelaus o
[meira
Car lapellatz camiairis ni
[leugeira
Cuiatz vos donc qe de plait
[vos enqeira
Ai ® non aig *° ges qil sia
[tant maneira
5 Anz er oimais sa promessa
[dereira
Qe qeus digatz
Si sen destrein tan qe ia
[noust pifeira
Trega ni fin ni patz.
VII.Bella per dieu non perda
[uostraiuda
Car bë sabes con mi fon
[couenguda
Seu ai faillit per lira cai
[aguda
Nom tenga dan sanc sentis
[can " leu muda
5 Cors damador. amige sanc
[fos druda
Del plair *• pësatz
Car ben sapcbatz mortz sui
[si lai perduda
Mais no men descubratz.
VIII. Segnier amies ia nagrius
[fui ^^ volguda
Mais elam ditz cadreit ses
[vascuda ^*
Cautran preies con fols tôt
[a saubuda
1 /. ; contr orgoil -^ ^ c. en : Paucs — » /. : lois — * c. en : tem —
» .. ; dezironda. — * c. en : ma ia mentit — M. : nesceira — « c.en :
MeiUor— « c. en : Ni — lo /. : cug — ii c. en : con — i« c. en : plait -
13 c. en : nagrieus fin— i* c. en : irascuda
12
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT AMOROS
Qe no val lieis, ni vestida
[ni nuda
5 Donc 8Î nous gic ben fara
[que vencada
Sautran pregatz
Beus malrai * ia lai eu man-
[tengada
Si mais nous i mesclatz.
IX. Bella perdeu si de lai vos >
[crezuda
Par mi lio aatreiatz.
X. Beus i valrai mas can vos
[er renduda
Samors non laus toilljatz.
25
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 5)
I. Alegrar mi volgreu' chantan
[E chantar per qem alegres
E si dun sol pauc maiudes
Mos bel : . . . nier ni* bon talan
5 Qe ia per nuisa ni per dan
Qim creges nom desco-
[nortes
Qes tiers nom feira fraigz ^
Nil genz pascors [la flors
Ni* solatz
1 0 Mas uaillam chausimens sil
[platz
E maint bona sospeissos
En un uers far qe sia bos.]
U. (p. 43) E pero ben a mais
[dun an
Com mi pregaira ^ qeu
[chantes
E foram bon qem neaforces
Sim pogues pagardelmazan
5 Mas voill qell cors sacordel
[chan
E qe la boca renda * près
Dels bels ditz e dels faitz
[maiors
Grat e laozors
Qar si chantatz
10 De tal qias plassae ul ' s us t '<^
[en patz
Vostres precs ni vostras
[chanzos
Trop len eschai ries gui-
[zardos.
III. E sérail près a mon sem-
[blan
Si vostre chantz meillur
[ades
E si ia '' vis qes meillures
Lo meus com fora son côman
5 Tostemps mais e si ia dafan
Qieu nagues trait in '' co-
[rilles
Tostemps mi defedes amors
De sas honors
E fos mostratz
1 0 Gon hom fols e desmesuratz
De îoî desemparatz e blos
A cui nos taing honors ni
[pros.
IV, Dieus qe mer anatz regaran
Si ia vifa *' qe magrades
E non ges per zo qe cuges
Qe nuUa res mabeillis tan
5 Prou ** maue meils qe nom
[deman
E con nô mo diras fols es
* c. en : i ualrai — » /. : nés — 3 /. : Volgren - * /. : seignier ai —
» /. : fruigz— • /. : Joisni — » c. ffw : pregaua — » c. en : tenda — 3/.:
us — 10 c. en : sufr ^ it c, en : la — i* c, en : mi. — ts c, en : iufa,
/. : vira — »* c. en : Pron
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
13
Ja sabes tu daquetz ama-
[dors
Leus parladors
Qe lur foudatz
10 Qan tôt surs^ affars ses
[aussatz
Lor toi plazers e digz e dos
EIs mena trist e consiros.
V. Per qieu qe nom agrat de-
[nian
Nom 2 volgra cautre men-
[segnes
So qe mon ici mi destorbes
Anz magrobs lom pares
[enan
5 E per som vau sols alegran
E consir cossi ne trobes
Conseil damics e de sei-
[gnors
Nim fos acors
Sobre tarzatz
10 E loin me de mos plus pW-
[uatz
Tan dopn ' qe luecs o sai-
[zos
Membles carqe * mot pml-
[los.
VI. (p, 44) E non ies per so
[qieu soan
Lur solatz e moût non prezes
Fauzes ^ dir e qe demandes
A cels qi venon ni qeiran ^
5 Tais nouas en ^ qanes mes-
[clan
So qe chascuns nom enten-
[des
Qe per uns prims entende-
[dors
Me toi paors
0 treuoldatz*
10 Car non aug • esset *^ ben
[amatz
Mainz gabs mainz digz
[mainz fuigz ^* gingnos
Per qe fora bautz e ioios.
Vil. E diran aig *• qieu dis ogan
Qa tôt home qi ben âmes
Agrobà cun bon amie trobes
En qe nO sanes tre doptan
5 Qe uns non sap de qe ni
[qan
Serei obs com lo conseilles
Mas er die qals entendedors
Es valedors
Conseils priuatz
10 Car greu er si nous engar-
[datz
Qe luns dëtre très compai-
gnjnos
Nous sia soen enoios.
VIII. Cascuns sigartsi coneu faz
Tant be sobre totz qe neus
[vos
Non sabes cals sesmarazos.
IX. Ben leu man lai part les
[gloros '*
0 sai 0 lai o sus o ios.
26
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242, 6.)
1 . Al honor dieu torm** mon
[chau
Donmera loignatz et parti tz
' /. : lurs — * c. en: Non ^9 c. en : dopti — ♦ c. fn : calqe — ■ c. eji :
Sauzes -^ ^ c. en : qe uan —Tcenieu—^cen: freuoldatz — » c. en:
cuig— *o/. : esser — " c. en : faigz - ^* c. en : tug — i« c. en : glotos.
** c. en : tomi
1 4 LE CHANSONNIER DE
E non me * torna brais ni
[critz
Dauzels ni fueilla de verian
5 Ni ges no mesiau en chan-
[tan
Anz 2 siu corrossos et marritz
Qen mains es critz
Conois e uei
Qapodera pechatz
10 Per qeu fail fes e sortz ini-
[quitatz.
II. Consiri ^ ma iauillan *
Con ses lo segles endurmitz
E com bes. serba^ sa ra-
[zitz
El mais sabiiux ^ vai poian
5 Qar a penas prezom ni blan
Si dieu s es ancra tz ^ ni lai-
Qals arabitz [ditz
Trufâ. ses lei
{p, 45) Reman surjen * patz
10 E sai tensor' entre les
[poestatz.
III. E pero ges no mes semblan
Com valga darmatz ni ar-
[ditz
Pois aital coches dieus fail-
[litz
Ja senz vergoinaltorndenan
5 Mas cel caura près dautri
[bran
De granz colps e del sien *°
[feruz ^*
Et«acuillitz
Si de laurrei *^
Qes renra ^^ per priuatz
BERNART AMOROS
10 Qel non es ies de donar
[eissarratz.
IV. E pos a cor de bon talan
Dona poder sanz eperitz
Esloignom ({ue noi si aizitz
De doble trafan plen denian
5 E guidon *• cil qab dieu
[iran
Cuns de sa forsa non sirritz
Ga penas vitz
P«r gran desrei
De vauas *• voluntatz
10 Granz iauzimenz venir ni
[demanz *^ latz.
V. Mas die qe seg an. tug un
[ban
Echascuns voilleser grazitz
E qi mais pot si afortitz
Caissi sapchan qe venceran
5 E cil aiuden qi noi van
Per que dieus sia miels ser-
Pero es ditz [uitz
Cunsqwecs amnei ^*
So qel mon plus li platz
10 El se guamitz *• qi^el vos
[remis ^^ despoillatz.
VI. Ai chaituia 2* gens que di-
[ran
Quant el remêbrarals vblitz
E voira comte des petitz
Cil qera noil aiudaran
5 Veires ben. qal razon ren-
[dran
De canz qwil naion segnio-
[ritz
Era 2* lor guitz
* c. en ; mi — « /. : sui — 3 /. : Consiri molt — ♦ c. en : marauillan
— ^ c. en : sécha — * /. sahriu e — ' c. en : antatz — * c, en : surjem.
/. suri em— » c. en: tensoz — *» /. : sieu. — ** c. en : feritz — 12 c. en :
Er. — 1' ^ : son rei— ** c. en : tenra — *8 /. ; Esquiuam — ^^ c. en :
vairas — *' c. en : denianz — i» /. : abnei — *» . c. en : segua nutz —
20 c. en : reims — •' c. en : chaitiua — 22 /. ; Eia
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
15
Se * que vos dei
Qels aura mal guidatz
10 Non leur fara ni conort ni
[solatz.
VII. Ben sapchatz qem peza del
[dan
Ma perlanctan ^ son esbaitz
Quil trafanet dais bruis >
[vestitz
Qi dieu ni lei ni ben non an
5 Fassen sobre nos so qe fan
(p, 46) Tan lag nos an enui-
[lanitz
Cane non auzitz
En tal agrei
Del temps qe dieus fo natz
10 Tan gran perill. qe tan leu
[fos portatz.
VIII. Pero si vau solatz cobran
Qi mera loingnjatz e per
[anotz *
E mosvers es en ioi teratz *
Qera comensatz em ploran
5 Deisqe las ost chauaujarft
El socors dels reis es ple-
[nitz •
Mal er bailuz '
So vos autrei
Soudanz e amiratz
10 Can il venran si non son
[deslôgnatz.
IX. El coms richartz es ben gar-
Cal siens aitz • [niz
Qi quel menuei
Ses tais afars mesclatz
5 Qi ben es granz e sian
[dieus lauzatz.
27
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242,73)
I. Si per mon sobre totz non
[fos
Qi ditz qieu chan e sia gais
Jal suaus temps can lerba
[nais
Ni pratz, niboscs, ni rams,
[ni flors
5 Ni dieus • segnier ni van
[amors
Nom pogron mètre en les-
[tais «0
Mas daissom teing ab lui
Qe pos iois defui
Merma pretz e barnatz
10 E pos las prestatz**
Ses fraigneron ^^ de iai
De quant qel mieiller fai
Non so '^ per mi lausatz
Caisin siu ** conseillatz
15 Qieu mil ^* rie non enuei
Qi tant mal segnorei.
II. Qella ^* vetz eral segles bos
Can per totz era acuillitz
[iais
E cel grazitz on era mais
E pretz sauemar " ricors
5 Er apellom pros los peiors
E sobranzier qui plus sirais
E cel qi mais adui
Conqes pot de lautrui
Sera plus enueiatz
10 De qem terng ** per forsatz
1 /. : Fe — « /.:lantam— 3 c. en: brus - * c. en : e gandiz — 8 c. en:
tercitz— ^ c. en: pleuitz — ' c. (?w : bailitz - * /. : aizitz. ^ ^ c. en: durs
- !• c. en : leslais — n c. en : poestatz — i« /. : Sestraigneron — ^3 c.
^n : fo — ** c. en : sui — i» /. : nu( — i« /. ; Sella — i' /. : saueniab —
*• c. en|: teing
16
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT ÂMOROS
Coin daaol plai. sauai
Coilla pretz bon verai
Don degresser {p. 47) blas-
[matz
E voz car non pensatz
15 Se taing com pretz autrai *
Celui qui lag feunei.
III. Mal son ' capdelada ra-
fzons
Desqom p^r pros tenc los
[sauais
Els francs els cor tes els
[verais
Razonet hom -per sordeiors
5 E moc la colpa dels auzors
Cant deuers bessillet nis
[frais
Qem non fai ^ per cui
Toi hom lonor celui
Qui nerab dreit cassatz
10 E cels en corillatz
Diran qe mieil estai
Qem * cel qeu non dirai
Sera meillier armât z
E pois fius ^ enbargatz
15 De pretz ni de domnei
Mes • auetz el conrei.
IV. Eu vi com prezaua chanzos
E qe plazra "^ segles gais
Era vei qe pois hom sestrais
Desolatzni de faitz gensors
5 Ni lafars de finz amadors
Se viret de dreit en * biais
Qe totz deuer8 defui
Qe si hom se deblui
La carn el uin els bratz *
10 E fol la compagnatz <®
 pretz non o tendrai
Ni crezutz non serai
Mais nô segral pechatz
Qe valra pauc ricratz **
15 So qui la menai desrei
Ni dreit noi sec ni lei.
V. Er aug del rei qera plus
[pros
E plus valenz e manz assais
De totz cels cui manda *^
[pais
Qe sobrels messianz els
[maiors
5 A crée sos prese sahonors
Enon temra *^ sanz ** ni
[fais
Que si 86 plagnon dui
Lo ters lor o destrui
Quem par mal enseignatz
10 Qieu non aug *5 cane fos
[natz
Da carlemagnê sai
Reis per tam bel assai
Mentagutz ni prezatz
Mas ia leu non crezatz
15 Cafars tan mal estei
Qensemz lo plagnô trei.
VI. E qe val doncs bellafaissos
Ni granz poders qaissi sa-
[bais
Era passia un ** part roais
Lo noms el près e la paors
5 Entrels parans *^ galiadors
Quanc [p. 48) un sol pueg
[areir nols trais
Per qe fail qis delui **
Pos aissi leu sesdui
* /. : autrei — ^ c. en : fon —^cen: Qera non sai— * cen: Qai —
* c. en: suis, /. : sius — ^ l. : Mens — "^ c. en : plazia — • c. en : em
— 9 /. ; blatz — *o /. : E sel acompagnatz — *W. : rictatz — *« c. en
uianda — *3 c. en : temia —**/.; afanz — '« /. ; cuig— ** /.: E ia pas-
^ua — ^T c, en : paians -^ ^^ c. en : desdui
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
17
So tom * plus vol nil platz
10 De qem teing per greuatz
Gels qe mais podon sai
Si nO adobon lai
Qan chamiaran rictatz
Caion calque solatz
15 De lor gran chalabei
Deuât ^ lo maior rei.
Vil. Qel trafanz segles enuios
Dona lui peig qi plus nar-
[rais *
Qom noi a mas qel cors
[engrais
E fassa conqes pot son
[cohors *
5 E larma pert senz lo socors
De lui cui sos couenz e
[frais
Cuns tan gent non sestrui
Ni nos serra nis dui ^
De bels murs batailiatz
10 Can seira trapassatz
Al port lai on seschai
Gom merme son esmai
Totz non si esarratz
Fer qes conseils sennatz
15 Gom de sai se captei
Qe SOS tortz lai vol ^ grei.
VIII. Lui prec qes sols damatz
Uns dieus e trinitatz
Qem gart qieu non solei '
Sai tant qe lai me grei.
IX. E chascuns lo cortei
Qe SOS tortz lai volgrei *.
28
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242. 45 )
I. Leu chansonet e uil
Maurra * obs a far
Qe pogues enuiar
En aluergnal dalfi
5 Pero sel dreit cami
Pogues neblon trobar
Bel poirra *® retrar
Qeu die qen lescujzir ^^
Non es lafanz
10 Mas en lobresclarzir.
II. E qi de fort fozil
Non vol cotel ^^ tocar
Ja voil ^* cui laffilar
En un mol dêbeli
5 Qar jes aiga de vi
Non fei dieus al manjar
Anz sen vole eisauzar
E ses ** esdeuenir
Daiga qera enanz
10 Pois vi per meils grazir.
III. (p, 49) E qi dinz son cortil
Em *^ om vol *® pot forzar
Se vana daiudar
Pois non fai mas qen ri
5 Pro a de qes chasti
E qi de son gabar
Vol SOS clamius pagar
Ja dieus en candezir
Nonca lenanz
10 Ni loi lais auenir.
IV. Per qieu dôme sotil
Qi sap sos miels triar
Nom mer a castrar "
^ c. en: com — » c. en : Denant — 3 /. : natrais. — * L: cors — ^ l, :
clui — * c. en : nol — ' c. en: folei — « c. en : nol grei. — • c.en:
Mauria — •<> c. en : poiria — " /. : lescurzir — ** c. en: cutel— *3 c. en :
noil — 1* c. en : fei — ^^ c, en : En, /. : On — i« c. en : nol — i' c. en :
met a castiar
18
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Ni fort * nom natrai
5 Mas un pauc me desui
Car nO o puesc mudar
Tarn mes gréa a portar
Qui non sap essernir
Tan de ferâz
10 Ne cug con al partir.
V. E sil faig son gentil
A la valor leuar
Als finz fan aguidar
Com sem ^ sent a la fi
5 Qe lo sauis me di
Qe ges al nou tensar
Non dei home lausar
Per son ben escremir
Ni per colps granz
10 Qe prez pren al fenir.
VI. E qi per 3 un fil
Pen prez com sol amar
El pourra * greu trobar
Si romp qi fer ni ^ lo li
5 Cap. pauc en un trai
No sen ^ los ries auar
Qaissi cos degrausar "^
Per els e reuenir
Prez e bobanz
10 E iois len fan fugir.
VII . Mas eu trop un de mil
Pero nO laus nomnar
Per paor de cuiar
Qel dreices lo corxi *
5 Coi del ser al mati
Non pot res meillurar
Ni ia après sopar
Non lauzires ren dir
Qeus lo mazanz
10 Non eschai près durmir.
VIII. Aiam » torn en un mil
Vas mon *^ bel segnior car
Rem als non sai comtar
Mal * * qe samors mauci
5 Ane peior asaissi
Noqam saup enuiar
Qera non puesc pausar
Anz trebail e consir
Si qe mos chanz
10 Es la 12 près del fenir.
IX. {p, 60) E deurial mandar
Mon sobretotz e dir
Qel mager danz
Er siens sim fai fenir.
29
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242,54)
I. Obs magra Qe mo consentis
La saizos del temps entenerg
Qen calqe solaz mesiauzis
Qen cot freg*' magrobs ves-
[tirs
5 E contrai tort queu pren
[merces
E contrais trop trazir** chan-
[tars
E contrais cambes dels ba-
[ros
Fracs seigner e certes e bos.
II. Eragram *'. Plus caut los
[matis
Sim sentis mos obs en lal-
[berg
Qe ia forsatz. fors non eissis
^ c. en : sort — ' c. en : sen — 3 /. : per sol -^^ c.en : poira — * /.:
f erm — • /. : son — ' c. en : degrau far — ^ c. en : coixi — ^ c, en: Aram
— ^^cen: mom — ** c. en : Niai, /. : Mas — ** c, en : ia. -^ ^^ c, en :
contra steg, /. .* contra freg — ** c. en : taizir — ^^ c. en : Elagram
/. : £ iagra
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
19
Qa penas mes amans grazirs
5 E qi sufferre sen pogues
Ben fora nauges demandars
Ab 80 que si donar no fos
Ja no saubrom qis fora pros.
III. E plagra Mais a mos vezis
Manenz que paubres qe pos
[serg
Totz mos obs vns non er
[tan fiz
Prouetz non lenui lescon-
[dirs
5 Ë qi trop fres autrui contes <
Sofra mier laqals qe disnars
Qe pos safîcha des lomos ^
Semblail faillapas a maizos.
IV. EplagramGenzersomes vis
Enquere sobre son aulberg ^
Sautra madaula li faillis
Del sieu car moit mes bels
[seruirs
5 E qes fai del autrui certes
Pos del sieu sera sobrau-
[ars
6es no mes vis li port razos
Qa lui repairel gazardos.
V. Som agra-Mens non acuillis
Si puin uim nranei ^ ni esterg
Los iouenseus nils enantis
Genser en paregral seruirs
5 E qieus fara semblan. queil
[pes
Ensegnamens ni castras ^
Eus trebaillatz pois cautre
[fos
Fragnier i podes mil ^ bas-
[tos.
VI. {p, 61) Podagra Ons ia non
[garis
0 gran mescap en plâ co-
[derg
OaP qel plus luignedanz
[lauzis
E mal on • si segues carnitz
5 0 podehc voltra* lauengues
Cui ioi non platz ni depor-
[tars
Qe maïs pessamës enoios
Loignon de rai *• bonas
[chanzos.
30
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242,66 )
I. Sera nom poia mos chanz
Non sai percui mais senanz
E se non val des ananz **
Qe far non solra *^
5 Ben auras dreit lom soanz
0 per qe no mo demanz
Qe non to diria.
II. E sim seras drogomanz
A liers *3 de cui soi comanz
E com** entendra tos manz
Ja daisso not sia
5 Qels ditz els faitz els sem-
[blanz
El nom el pretz el bobanz
Ter guitz en laura. *5
III. E tu iat fas conoisenz
Eu hoc e dOcs non entenz
Cans metz ** fatz fas apren-
[dens
* /. : conres — a c. en : somos — 3 /. ; ausberg — 4 c. ew : uianei, /. :
manei — * c. e/i ; castias ^^c, en: nulal — ' c. en : Tal — « c. en : an —
» c. en : volria — *» c. en : de mi — n c. en : dos aitanz — «2 c. en : solia
— " c. en : lieis — i* c. en : con — « c. en: la uia — le /, : motz
20
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
E ses mestrîa *
5. Si fas be mas tôt el ^ sens
Con car vueil qe tota gens
Li port garemia. ^
IV. Qel sieu bels cors couinenz
Es assatz ^ e manenz
De totz bos enseignamenz
Ë de cortesia
5 Ja nauras tu maluolês
Car en trop laozar ten-
[prenz
E qet graziria.
Y. Seu enemics e guerrers
Non farian voluntiers
Cuns enoios malparliers
Trobom cascun dia
5 For qieu - non soi sobran-
[zers
Mas si lam blasmauauguis^
leu lon^ combatria.
VI. Qel siens lauses drechurers
El noms vers . elprez entiers
E sim era vis estiers
Nom nantremetra '
5 Quanc fort non fui souen-
[diers
Daitals lauziers plasentiers
Ni no mo séria.
VII. {p, 52) E tu qe tam « sos
[lauzers
Ja ten forsa sobramars
Mais ten vairra ^ callars
Ben ditz gram follia
5 Qe per dieu sol lo parllars
Madutz tais cent bons pen-
[sars
Cunsqegz men vairra '^.
Vlll. E si totz ditz" not ten cars
Non tem*^ volgras esser pars
leu nô per re qt^l cudars
Mauiden ^^ sembria
5 So mes vis totz mos affars
E valran mais mos chantars
Per aital paria.
IX. E sil bos reis de nauars
Mo lauza del belastinars ^*
Grazire *^ non daria.
31
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242,80)
I. Un sonet fàs maluatz e bo
E ren no sai de qal razo
Ni con de qem** per qe
Ni rem " no sai de qem soue
5 E sarai *• lo mas vol ^* sai
[far
E chant lo qui nol sap chan-
[tar.
II. Mal ai cane hom plus sanz
[non so 20
Ereing^' maluais home per
[pro
E don assatz can nô ai ren
E voil mal celui qem vol be
5 Tan sui finz anucs *^ senz
[amar
Cane sem pert qim vol gai-
[zanjar.
III . Sieu ai donna no ueil qem
[son
* /. : maestria — 2 e. en : es — ' c. e7i: garentia — * c. en: asasatz —
'^ c. en \ angiers, /. : augiers — * /. : len — ^ c. en: nentremetria — * c.
en : tain — ^ c.en: valria— *o /. : valria — " c. en : tos doiz — ^^ c, en :
No. ten — 13 c. en : Maiud en — ^* c, en : belastmars, /. : blasmars —
18 /. : Gaire — *® c. en : qe ni — l'ï c. en : ren — i* c. en : farai — i*c.
en : nol — «o c. en : fo — ** c. en ; teing -^^^cen: amies
LE CHANSONNIER DE
Ni sies^ faz tort quez me
[perdon
Sem volgra ^ colgar ab se
Abpaucnouosvir' p«rmafe
5 Qepron* men fariaprerar^
Mas non deu hom trop spa-
[nar •.
IV. Entom mi vai e de veiro
Foudatz qtiar mais s ai de
[caro '
De vas la coa vir lo fie *
Sautre plus fols no men rete
5 Quaital sen mi fes ensei-
[gniar
Al pnm aram fes soleiar *.
V. {p, 53 ) Drutz ai estât una
[sazo
Ses enjan e ab tracio
Et ab *® ergoilai trobat mer-
[ce
A lautrui aissi com per me
5 Qieu van lai ou nO cug anftr
E serc so qiMin non puesc
[trobar.
VI. A celeis vau qe nom somon
E qier li cant non a q3 do
Ver gent" estât son a gau-
[fre "
Qaissi sai far so qem coue
5 Qem leu cant li autre van
[colgar
E plor so don degra chan-
[tar.
VII. Totz hom qem ser en gui-
[zardo
Eu sai ben trobar ochaizo
Ver qel seruizis si recre
BERNART AMOROS
%l
Caissim auon*»far de mal be
5 Gab maluastar auon **leuar-
E mais valer p«r sordeiar.
VIII. Non sai de qe mai faig
[chanzo
Si dôc autre nomo despo
Caital saber foudatz maue
E ia ren non sabres per me
5 Car cil mafag outracurar**
Cane nom voUc** amie apel-
[lar.
IX. Sim volgues amie apellar
Anquer pogra moseu *' co-
[brar.
32
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. ar. 272,28)
I. Qar non ai
Joi qe maon
Mi tent *» de
Ghantar souë
5 Et si menten
En far chanzo s
No mes pros
Caissi con solia
Noi puesc auenir
10 Anz men cug partir
E gicraimen
Non per re
Qeram soue
Qim près e qoi ^* ris
15 Fors de mon pais.
II. E dirai
Qi ses ni don
* /. : sil — 2 c. en : volia — ' c. en : iur — * c. eni prou — ^ c. en:
preiar — 6 c. en: soanar — ' c. en ; cato — « c. en : fre — » /. : foleiar
— !•/.: Ab — 11 /. : estar — it c. en: ganfre — i» csn : cuion — i* c.
en : maluastat cuion — i» c. en : outracuiar — i* cen : vole — ^^ c, en:
mosen — i» c. en : tenc — *^ c, en : qim
22
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Non eu qe
Leugeiramen
5 Fail e mespren
Qis fai iâglos
 sazos
Per qeu seu dizra^
Gui am e dezir
lO Si cO ho consir
Gab faillimen
Sestran se
Cil cui qer be
Gui eu sieu^ pltM finz
15 Qelena paris.
III. (p. 54) Mais non sai
Gom de priom ^
Com de privom*
Map^te
Caci^ marrimen
5 Et denien<^
Fas mi ielos
Enoios
Gaisqeu conostria
Per sobras dalbir
10 Mas se dieus mazir
Seu veramen
Be non cre
Si nom recre '
Meils non er assis
15 Sola • res qe dis.
IV. Qeiatfai
Mal et cofon
Deu merce
Can fadamen
5 Parlom souen
Si qe mai bos
Dis qe dos
Com me confondria
Sim fai cauzir •
10 Anz la dei grazir
Lo pensamen
Qe men ve
Ab qe mestre
De zo qe lai qis
15 As ^^sols la seruis.
V. Eram trai
Aias ^1 mon segon
Tôt mantenen
[Ë nô len]
5 E port prezen
Al rei nanfos
De mos sos
€autra manentia
Nd ai mais de dir
10 Qeil aus per offrir
Qvarc ** ha valen
E mante
Pretz mi coue
Qieu li estiaclis
15 Ser outramaris.
VI. Ben es razos
Sel mante *'
Vas sainsere
Gab ** trop mai conque **
5 Sobre serrazis.
33
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242,72)
1. Sim sentis fizels amies
Per ves *• encuser amor
Mas en " mo lais per paor
Qem dobles lautrei*® des-
[ tries
» c. en: dizia — » c. en : sui — » c. en : prion ^ ^ c, en : privon
— 8 /. : Gai — 6 c. ^n : de men — 7 ^ : refre — « /. : Folla —.»/.;
esiauzir — «o c. en: E — *W. : vas — " /. : Quar — " c. en : maute
— 1* /. : Car — *» /. : conquis — *« c. en : ver — " c. en : er —
18 c. en : lautelf /. : lant el
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
23
5 Mais aiso puesc dire
Sen can
Cane deniam *
Ni de non fe
Nom mebret pos amei ben
10 Per cai suffert de granz mais
Caissi saue als lerals *.
IL E car non grana lespics
Si com pareis a la flor
Cuias qe plassal segnior
Anz lien creis ire genzics
5 Qe consire
Delan
Enairan^
Qansap e ne
Qe SOS affars non la ve
10 Qeu inia eus ferrais *
Anera^ meilliers eus nadals.
III. Eu vilora qera ries
Segon lo cers qera cor
Qe tëra del honor ^
Que maîoz ^ plaitz donet
[sos abrics
5 Com veneutz suffrire
Qe blan
Suffertan
Car nô reere
(p, 55) So qe plais * li des-
[eoue
10 A segon qe ses égals
Lamors ni lamies eabals.
IV. E si uns si fem * enies
Per espauentar mi los lor *®
Can plâz volers. noi acor
Paue li vnl *' porcs " ni
[chanzics ^^
5 Per son sai ** bon rire
Daman
Qe lafan
Damor soste
E nol fap 1^ lOgniar de se
10 Pos ve qes vira venais
Es lo donc amors aitals.
V. Cuiaiz *• ioues ni amies "
Pos en sabailien cor
Criu^* dels dos danz lo me-
fnor
Non feiral veis *• lozoles ^^
5 Deu som donc aucune ^^
Prerau •*
Dreit nai gran
Qieu sai e ère
Mar *3 qe non o die per me
10 Cols ^^ verais amies corals
Non vai enaur ** lur cap
cals. "
VI. Hoi mai semblera predics
Mos chanz e sieu deu adzor
Qe anc nô ms ^^ trobador
Cui meins noz anera ni tries
5 Mas per miels asfire *^
Mon chan
Aian*' cercan
Bos motz esfre
Que son tug cargat e pie
10 Duns estrainz sons ^^ natu-
[ralz
E non sabon tuig de qals.
1 /. ; denian — * c. en: leials — * c. «i : Enauan — * c. ew : uiuia eus
feirals — * /. : Mera — ^ c, en : ténia deshonor — ' c. en : E maintz
— • c. en : plus. — • c. en ; fein — *o c. en: lors — ^^ c, en: val — ** c.
en: percs, /. : precs — *3 /, ; chastics — ^*c, en: sui — ^" c. en ; sap —
*• c. en : Cuiarz, /. : Guiatz — i' /. : antics — ^* c, en: Triu — ^* /. : reis
'-'** c.en: lozuics — ** c. en : aucire — 22 c, en: Preian ^ *^ c, en: Mas
— •* /. : Cals — ^' /. : enan — '• c. en : captais — 2? c. en : nom uis —
*^ c, en: assire — " c. en:Uan, /. : Vau — *<> c. en: sens
24
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
VII. Nomen cal calq ^ unsmendis
Loin de proz che * valor
MiraU qes fan gabador
Lora qe lur fail astics
5 Car b6 bos suffrire
Per tan
Car non nin '
Egal abre
Son si brau e sens merce
10 Cuns mazanz nissim ^ tais
Prat ^lenueg sil frai sauals.
VIII. E qar mais nom val chas-
[tics
Cades nom fion peior
Ges no ma tant de sabor
Car solatz com dels galics
5 Dieus los dieng mal dire
Cantan
Per un gan
De qera ® souen
Pero sis feira tasse '
10 Mogron mist. nO feza fais
Tal guerra pois fo mortals.
34
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242,13 )
I. Ar |ai grand ioi qem re-
[membra lamor
Qem* ren mon cor saluen
sa fezeutat
Qe lautrer vins en an ver-
[gier de flors
Molt gen cubert. Ab chanz
[dauzel mesclat
5 (p, 66) E rant * estan en
[aqels bels jardis
Lai maparec '^ la bella flor
[de lis
E presmos oils e sazic mon
[coratge
Siqeancpuis" remenbran-
[sa ni sen
No aie mas cant de lieis en
[oui menten.
II. III es cella per eu eu chant
[e pi or
Tant mes e me fin talant es-
[merat
Souen sospir e soplei r^^
[aor
Ves lai on vi resplandir sa
[beutat
5 Flors de dOna com aore
[grazis
Es aqella qe til gen ma con-
[quis
Douze boira '^ humils de
[gran paratge
E faitz gentils ab solanz ^^
[auinen
Agradiua vas me a tota gen.
III. Ben fora ries sauzes dir sa
[lauzor
Ca totas genz vengra lau-
[zirs en grat
Mais paor ai qe fais lau-
[zenjador
Fel ** esqui *• sobre desme-
[surat
5 Mentendesson et ai trop de-
[nemis
* c, eun : cal cw — * c. en: preze de — ' c. en: uan— ^c. en: nissira —
* c. en ; Part — • c. en: qem — ' c. en : lasse. — • c. en : Quein — » c.
en : cant — *• c. en : maparet — ^^ c, en : pueis — »* c. en: e — ^^ c. en :
bona — 1* c. en: solaiz, /. : solatz — *• /. : Fel et— *• e. en ; esqiu
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
25
A me* nO plas com se fassa
[deuis
Mais omt ' veirai home de
[son lignatge
Baissarlai tan tro la bocha
[mi fen
Tan domO ' port al sien bel
[cors iauzen.
IV. Ja nO laisses per mi ni per
[amor
Fais lansengiers complitz
[de maluastat
E demandatz oui ni cals es
[ni or
Ses loing o près caisous ai
[ben emblat
5 Camz * foz eu mortz qen ai-
[tais motz faillis
Cami non ai ben daisso
[nom trais
Qem ^ om nô es nO ma ^ p«r
usatge
Ne fol vezin qeil vai mal
[enqeren
Perqieu nom fi em frai ni
[empren''.
V. Ara diram^ de mi escarni-
[dor
Ai farant illz conten sos
[oilz en fat
E sa camba dorgoil e de
[ricor
Qieu non consir ser ( n vn
[grant mercat
5 Mas cant de 1ers ® on mos
[cors ses assis
E rent '* los oils viratz vas
[cel pais
On ilh estai e parle mO co-
[ratge
A des de lieis on mos fiz
[cors saren **
Car non ama qi non o sa ^'
[paruen.
35
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242,70 )
I. {p, 57) Sil cors nom nistra
[dreg
E mal mon grat non la
[fraing
Em *3 vn chantaret sotil
Nom es ius *^ qera safraina
5 Se nom " es forsatz
En aitals motz peteratz *s
Ja" fos qieu men trameua ^*
Plus qeras non faz
Ca meils me e lesta ^*
10 Gapenas hom conoissia
Mos lieugers digtz veziatz
Sotils et menus foudatz'®.
II. E sil chantar lais pel freg
Don mainta gens se com-
[plain
Ni nai mon conort plus vil
Bon estara qem sostaina '^
5 Gam ^* vëra lestatz
Jois e deportz et solatz
E pos dauol compâgnia
* c. en : Ams, /. : Ami — * c. «w : oint, /. : qant — ^c. en: damor. — * l.:
Gainz — » c. en: Qen. — * c. en : aia — ' /. : paren — ^ c. en: diran —
^c, en: leis — lO c. en :tenc — " c. en: saten — " c. en : fa. — *' e. en :
En — 1* c. en : uis — ^^c.en: non — !• c. en .peteiatz, /. : peceiatz — i* c.
en : La — i« c. en : trametia — »• c. en : me e lesia — *• /. : soudatz —
81 /. : sofraina -^ *^ c, en : Can
26
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Nom ten a pagatz
Si chantar gurpia
10 Digatz mab qem defendria:
Dels auols mal enseignatz^
Qem fan peigz qe neus ni
[glatz.
III. E sa cors del cors a dreg
No ab qem conort em re-
[frain
No mi uen sai part labril
Al tom qe farai despaignha
5 Ja lai nO creatz
Qe Hors ni vergiers ni pratz
Gaire maint ni bom sta ^
Nil chanz pel plaissatz
Quer dautrui paria
10 Nom agrat tant cam ' solia
Nim tem per assolassat
Per qeu pronc * mains breus
[cQjatz.
IV. Pero si mal mon estreg
Qe aplana fort remain
Garatz sen * un pauc cortil
Nagra ia trebail ni lauia *
5 Molt es mal anatz
Totz om sobrenamoratz
Qe per aual nos chastra ''
Ja plus nescratz ^
No o conoiserra •
10 Sil ^<^tarza ni sembria
Sos bes ni fas ^^ voluntatz
Pos ben es apoderatz.
V. E car non esper espleg
De mania ^^ cui non tain
Qe tan sabais. ni sumil
Ja ma coilha en fa ^^ com-
[pagnia
5 (p, 58) Pron soi ben me-
[natz 1*
Sim deinba suffrir nil platz
Qe mos chantars lapel mia
Per dieu ben soi fatz
E die gran folia
10 De qal razon sofriria
Qem fezes tant sos priuatz
E donc qem nacosseilhatz.
VI. Gaissim ten amors destreg
Qentendeire ses gazain
Soi dun rie loc segnioril
Gelât e de terrestragnha
5 Dont non soi priuatz
Per qem par nescietatz
Qieu chan si no men ven-
[raia **
Gierdos o gratz
Pero sil plagia
10 Gapeles per cortesia
Sieus mos chanz deisam-
[paratz
Aut los mauria leuatz.
VII. E monstran en mi venrra^*
Jois e bes dauas totz latz.
Sil tan ^7 me sufifri en patz.
36
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr, 242, 30)
I. De chantar
Ab déport
Mi for eu laissatz
Mas can son ben iratz
5 Esteinh lira ab lo chan
^ c. en : esseiguatz — • c. en ; sia — » c. en : can — ♦ c.en: prenc —
* c. en : seu — * /. : lania — "* c, en : aital nos chastia -^ * c.en : nes-
ciatz, /. : ueziatz — • c. en : conoiseria — *o /. : sis — n c. en : fal, /. : sas
— 12 /. : mamia — i3 c.en : sa — i* c. €?i : meiratz — - **> c. en : venra, /. :
venia — ^* c. en : venria — i' /. : can —
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
27
E vau mi conortan
Qestiers non fora patz
Entre lirel coratge
Qes Contran mal uzatge
JO Si rais qe poie ^ creis
Car es faillitz domneis
Dom sol om esser gais
E prez nom pot ni rais '
Reuenir entre tanz
15 Qer es de senz ^ clamanz
Per au * degra valer
Si es pretz ses poder
Longamen
Sas ^ non dura
20 Ses clam o ses rancura.
II. Alegrar
Mi voil fort
E soi naissi passatz
E si nom semblés fatz
5 No camieral talan
Mas tenô samazan
Mainz bos sonetz qe fan ^
Vilan dauol linatge
Gant pros hom de paratge
10 Sen ben auzir ateis
Del escoutar non feis
Nil plazer non estrais
E non es ben sauaiz
Gui iois non platz ni chanz
15 E dais fezes engrais
Qui no sap retener
Eil '' agratnil plazer
En defen
Nis rancura
20 Sil laltrui iois se dura.
III. (p. 69) E nouz par
Peigz de mort
Com cui satamg ' solatz
Viua descornotatz ®
5 Ni fassa mal semblan
Al ver dieu me coman
En cal ora fo natz
Ab aital cor saluatge
Qe lauzel el boschatge
10 [ ]«û
Mouon entrels mens*^
Sonetz e critz e lais
E qui ia non er gais
CO pot esser duranz
15 Res mai non es afans
Mas ira sostener
Ni res tan mal saber
Ni bon sen
Ni mesura
20 Cô ira non peiura.
IV. Dun afar
Mi conort
Don degresser celatz
Qe bem fora clamatz
5 Daco qeil auctor fan
E del mal e del dan
[ ]'•
Mas en gran volpillatge
Ma mes vilam *^ passatge
10 Qen parlera forceis
El seiner qem nés peis
Can mabateral fais
Am comandat qe mais
Non sia corillanz
15 Plus qil son de lur danz
Ni dautrui nO deuer
Non puesca moût caler
E senc ^^
Si bes peiura
^ c. en: poit — * c. en: lais— 3 /. : seuz — * c. en: cui — * c. en : Sar,/. :
Sai. — 6 /. : fatz — ' c. en ; Sil — « c. en : sataing — * c. en : desco-
nortatz — ^^vers omis par le copiste — ^^ c, en: mesis, L : me-seis —
" L : vilan— i* /. : Era sen
2«
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
20 Lor afars nis meillura.
V. Bon proar
Magrab fort
Vn des meillors letratz
Si iauria vertatz
5 Ni viures ses enjan
Ni se ia cobraran
Jois deportz ni barnatz
Lor ancian estatge
Non metrra * ges gatge
10 Gan poral ^ mais anceis
E drechura ni leis
No mes aissi verais
Con ia diz ni retrais
Establimenz ni manz
15 Per qe lor deisenanz
E tart al remaner
E si del captener
Dieus non pren
Calqe cura
20 Nos niran lambladura.
37
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242,25)
I. Ben couen pos ia bassail
[ram
La fueillel frutz après las
[flors
Qe dun vers en qun^ son
[tarzatz
Mesforz con al primer len-
[gail
5 Qestiers nomer honors ni
[pretz
Pos luecs men aiude gens
[temps
Si de cal * maneira nol faz
Qe contra passels plus pre-
[zatz.
IL E per ma guereira cni am
Car es vna de las meillors
Coue si vo can ^ son amatz
Qe per lauenturam trebail
5 £ men fegnha coindes e letz
No fai anz cug qeu nai dig
[nemps
Poa lieis non agrada nil
[platz
Qeu men déport nim na se
[latz.
III. (p. 60} E doblam doH voler
[la fam
Per qe ses vertuda lamors
Queran soi pi "^ enamoratz
E leis sembla qela mirai
5 Can die vos qi non o sabes
Tan gê tet sa veno e sems
Lo senz el pretz e la beutatz
El francs cors qe bona fos
[natz.
IV. E sim sol eu tener son clam
Con uassaltz de sos bos se-
[gniors
E no men soi del tôt laissatz
Qel nescis cors ab qem ba-
[rail
5 Sis * contra leis e vatz mi
[qetz
Me diz qelam fo * vêle rems
De mains emcumbriers cai
[passatz
En qem fora desesperatz.
V. Pero de cabrol e de dam
Si precs entendes ni clamors
Cui era fos adomesgatz **^
^ cen : metria — ^ c. en: poial. — ^ l. : qem — * /. : tal — ^ c. en : po
cam , /. : nocam — « /. : del — ' /. : plus — • c. en : Fis — • c. en : so —
*o c. en : adomeschatz
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
29
Mas vos ma dona nô massail
5 Clams ni merces car non
fvezetz
Los mais qeu trac nils plains
[nils gemps
Qe faz la nueg qant son
[colgatz
El iorn non puesc estar era-
[patz *.
VI. E si per dieu sotz cui estam
Vous ' platz qem traspas
[ma dolors
Qe maucira si non pensatz
Greu mer e sorgoils nous i
[fail
5 E pezaram si non sentes
Con es ioitz freuolitz e semps
Qant de seruizi no uen gratz
Celui qui nés moût trebail-
[latz.
VII. E sim tenetz près e liam
E vô ^ val forsa ni valors
Nam deu valer * humilitatz
Si fai mas en re nô trassail
5 Vostras mans e sim destrei-
[gnetz
Qe mais me volgresser
[reemps
De mais mutz o de reuelatz
Qen tal trebailha fos liuratz.
Vin. Per vos dona qem destrei-
[gnetz
Cuier eu ben esser reems
E de mais mutz o de reue-
[latz
Anz caissi fos vistiziatz^.
IX. Dona merce car non pensatz
Con eu no fos tost temps
[forsatz.
38
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 323, 1)
I. {p, ôi) Abanzqeil blanc poig
[sian vert
Ni veram * flor en la cima
Can lauzel son derhantar ^
[nec •
Cus plus contra freg no ses-
[perta
5 Adoncs voii nouels motz
[laissar
Dun vers qentendam li
[meillor
Qel bes entre! s bos creis e
[par.
II . Per som par cant lo temps
[no ® vert
Mostres vers de razon prima
Als valentz cui sabers con-
[sec
Car estât *o gentz mal aperta
5 Non sap sol re qe val leuar
Qe sens per nuil doctrinador
Ses bon cor non pot meil-
[lurar.
III. Dinz es poirida semblan
[vert
Un auols gentz qe blastima
To so qe anc dreitura amec
E pois negun non sacerta
5 Dieus qant pot hom en els
[blastinar *i
Cane noi agron larteil me-
[nor
Maint om a cui aues prez
[dar.
^ c. en: empatz — ^ c. en : Nous — ^ l. : nom — * c. en : Non deu
valet — * c. en: iustiziatz. — 6 c. en : veiam — ' /. ;de chantar — ^ c. en :
uet — * /. : uei — *o /. : esta — i^ c. en, : blasmar.
30 LE CHANSONNIER DE
IV. Nols * hom del mont non a
[près vt 2
Gant vol daurare pois lima
Per qes ^ cel qe sia sec
Pois ve qe be non reuerra *
5 Qa la coua * pot hom proar
Amie de bocha ses amor
Mas don non vez non espe-
[rar.
V. Qui anc ui fresch ni ioue ni
[uert
Ar es mort per gent caima
Qi cuida far tôt lo mon sec
Qieu non uei fol nimain-
[berta
5 Qui non faza suffren son par
Per 80 fruitz torna en peior
Donc semblan a sabor cla-
[mar •.
VI. Ben sap far paisser herba
[uert
Femna qel marit en crima
Per son viol ^ fai tenir nec
Da qi nais la gens desta ^
5 De près cuns non lauza
[parlar
Mas de mal frug mala sa-
[bor
E cil • non volon sordillar . * ®
VII. Aissi naisson sec e non vert
Gus dengan non repaima
Ni anc pos dieus adam for-
[met
Non tenc tan sa port uberta
5 Gauzra ^* qen fai mainz ^^
[intrar
BERNART AMOROS
Qe lop son tornat li pastor
Qe degron la *> fedas gardar.
Vlll. Cobezexa a mort près vert
Qeseignals baros descrima
E cobezeitatz abrassec
Un ardors qes uberta
5 Dont vezom maintz ries
[abrazar
Prez cuian traire dauol lau-
[zor
Mais i anc ses dieu non vi
[recar.
39 **
GIRAUTZ DE BORNEL
(— B. Gr. 242, 29)
1. (p. 62) Chant em broil
Ni flors enuierjan
Ni gentz temps can lamena-
[brils
Ni vertz herba ni blancha
[flors
5 Tan nomenanza nî atrai
Vas vers far com sol lo may*^
De mon adreit seignior el
[rais *®
Qê fai car ditz qel loncs es-
[pers
El cujars maduira sabers.
II. E sim doil
Dimz e de forz chan
Per qera " paregra virars
[vils
Si tant ferm nom lies amors
1 /. : Nuls — • /. : vert — ^ l.: qesfols fols — * /. : reverta — ^L: coi ta.
• /. : damar — ' /. : auol — • /. : desQPta — • /. : fil — *o /. .- sordeiar —
lï c. en: Gauzia, l. : Bauzia — *• c. en: maiuz — »' /. : las — ** Voyez
le texte rétabli de cette chanson par G. Chabaneau dans la Revue des
langues romanes^ 1884, I, 209 ss. — ** c. en: lo mauz — ï« c. en: lais
— 1' c. en: qem
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
31
5 Qe messeigna qen son esmai
Sesmera coratjos amanz
[Ë qem feigna coindes e gais
Ë sufra qel plus cars auere
Dona bos suffrir se temers.
III. Ë sim soil
Anar corillan
Car mi semblée murs lo
[chambrils
Pero ben conosc qes follors]
5 Qem plagna daiso qieu non
[ai
CassaU mi degra bels sem-
[blanz
Pagar pos chacus poignal
[mais
Ë cant bos seigner als sieus
[ders
Es lo noms auinenz e vers.
IV. Mas lorgoil
Seul sobre deman
Abais lauinenz cors gentils
Abmerce caissimaura sors
5 Ë si ses deue ni sos chai
Qem coche mos sobretalans
Ca qalqe trop nir trun *
[eslais
Fralgnalz orgoilz es non
[deuers
Lo sobramars el trop volers.
V. Car sim toil
Mos precs en chantan
Non soi pro sauis ni sotils
Sa fait nom comti las ho-
[nors
5 El bon pensamen. qem sec
[sai
Car ades cug caura très anz
Qem guidet em gauc ^ em
[trais
De preizon tal. qen sols dos
[sers
Magra délit lo remaners '.
VI. Qeram dou *
De mal e dengan
E serai ferms amies humils
Ja nai agutz maintz blasma-
[dors
5 Qi dizon qeu non creirai
Qe qe drutz senantros '^ e se-
[nanz
Ab orgoil mais no voil qem
[bais
MoB bels segniers sil fiz
[plaziers
Loc non demandaue lezers.
VII. E qil ner primers drogo-
[manz
Qem toil dautramistat em
[lais
Crescal. benananse poders
Qeu nO voil baisars ni
[iazerz.
VIII. E quant sobre totz sai nos
[trais
Noil es cregutz aqel poders
Qe dona baizars e iazers ^.
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242. 63)
1. (p, 63) Sazo e luec
E cor e sen
E grat de mo seignior. e
[mais
i c. en: uir nim — * c. en : garic — 3 c. en : reinauers — * c. en :
toil — ^ c. €71 : senantisc — 6 Les deux envois manquent dans l'édition
de M. Ghabaneau. — ^ Voir l'édition de M.Chabaneau dans lafleu. d, L r.
1884,1, 211.
32
LE CHANSONNIER DE
Agréa si pogaes auenir
5 En an lea chantar comde *
Qem dones iai
Ab qem partis dan fol es-
Qe soil menar [mai
Gant aaaaals' baros rema-
[ner '
10 A cobrar cortz e messies
E car non i paesc aaengar
E vei qe non séria pros
Lais lo a ^ trebail
Qem sol greujar
15 Ë torn a mas garas *
[chansos.
II. E renc ' ma jaec
Lor fallimen
Qe lai don mon lo iois që
[pais
Mes dich qels ublit els air
5 E qe ia nols na congé
E mais ben fai
Ca cors de conseil trobarai
Ben dei pensar
Del gent serair. e del amar^
10 Autals capteners • es bos
A lui qis vol iauzir damor '
E fallhimenz e mespreios
Gant fols trassail
De loinhar **>
15 Gouenz e manz** e guizerdos.
111. E seu ** moc
Lentendement
Qades no fos fiz e uerais
Vas mon segnior e ses
[faillir
BERNART AMOROS
5 Tostemps voil qS deslonge
So qeil qerrai
Mas per lo bon respit qeu
[nai
Dei ben chantar
E sen cuies pins gazainar
10 Trop milleoras motz ol *'
[sof<*
Gar dris ** com alet** dale-
[grar
Li dobla poders e razos
Ë seignier fail
Can pot poiar
15 Les siens els laissa chazer
[jos.
IV. Cor flac eueg "
Denseignamen
Ai eu sanc de lamor *^ mes-
[trais
Mais la ni si ^' démentir
5 Lai cor ni tal '® calonge
So qil deurai
Chantar li dei consum'^ farai
Qe meillurar
Ne puesc ma trobe mon
[afifar
10 Qan dis qe motz chantars.
[liai w bos
Ë sieu poguesen trasgnar'^
Dels sieus certes ditz amo-
[ros
So qal chan val
Pogra doblar
15 Si qe pois valgra per un
[dos.
1 c. en : coinde — * c, en : cuiauals — ^ /. : rengar — * /. : L. lo —
^ c. en : gaias — • c. en : tenc — ^ c. en : onrar — • /. : Caitals capte-
nemens •—•/.: damar — lû /. : Fai deloinhar — i* /. : enianz — " l, :
seu anc — ^^ c. en : meillurerals motz el — i* l. : sos — **c. en: deis.
— *• /. : a luec — i' c. en : euueg — *• c. en : samor — i9 /.; vini si
— ^* c. en : ial -~^^ cen : coasen, /. : consim — ** c. en : li es — «' /. :
trasgitar
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
33
V. Qaissi sa ploc
Trop bellamen
Samors al cor qem broil
[em nais
Ab qe ma fait iauzent languir
5 Qal partir se ^ santonge
Con pera sai
Non sai sim notz car o dirai
Qal comensar
En auer ^ eu plus leu pas-
[sar
10 Mais puis per la fe qe del
[vos
Mes si taijat qe del laissar
No si ^ serai poderos
Per qeu mgail *
Si nocaus par
15 Lo fols els sauis amoros.
VI. {p. 64) Qar con del fuec
Qi ses compren
Don ni cug la flâma poral ^
[fais
E creis tant com noi pot
[suffrir
5 Com non a monge
Trusqen vêlai
Vas son bon abat tant verai
Qe ses trichar
Plus finamen a de corelar®
10 No lan 7. perqe la sospei-
[sos
Me fai partir e delongar
De maintz clamz vilas e
[noios
E sim val ^
Qan dei aussar
15 Camijat ® mal nom de bo-
[nafos.
VIL Mus *® sanc amies per es-
[perrar
Fo bautz ni iauzentz ni ioios
Sobre tolz en
Dei ben cuiar
5 Qenqer aurai nom bonafos.
41
GIRAUTZ DE BORNEILL
( = Br. G. 242, 3 ).
I. Ai los " comuer. qe as amies
Eu son iratz
Per cal razon
Car anc iorn mis menten-
[tion
5 En leis qem fes lo bel pa-
[ruen
E a ** per so ton cor dolen
Si ai
As aissi donc ton cor en lai
Oi eu plus fort
10 lest doncs aissi pretz '^ de
[la mort
Oi eu plus qe no vol** sai dir
Per qet laissas aissi morir.
II. Car soi miep ** vergoignos
[e sis *^
Non las requis
leu per dieu non
E pe^ qe menas tal renson*^
5 Tro aias sauput son talen
Segnierfai*^ mi tal espauen
Qefai
Samor qe me ten en esmai
Ben. as gran tort
10 Guias te qela to aport
* /. : de — * /. : cuiei — 3 /. : sui ni — ♦ /. : megail — • /. : poial —
• /. : cor clar — ' /. : lam — 8 /. : nual — • /. : Camjat — *o c. en : Mais.
"/ :las — 1* /. : as— i3 c. en: près — **/.: vos — ^^ c, en: truep —
ï« c. en : fis — *' c. en : tenson — ** c. en : sai
34 LE CHANSONNIER DE
leu no mas no maus enar-
[dir
Trop poiras tu ton dan suf-
[frir.
III. Segnier e cals cosseils ner
[près
Bos e cortes
Er lom digatz
Tu venras deuant lei viatz
5 Et enqerras la de samor
E si so ten a desonor
Not cal
E selam respon lay ni mal
A tas ^ suffrenz
10 Qe totz temps bos sufirire
[venz
E sis napercep lo gelos
Adoncs nobrarem plus gin-
[gnos.
IV. Nos hot ben sol qi o volgues
Er qe sim cres
Crezutz sias
Ben tisera tos lois ' do-
[blatz
5 Sol lo digtz not fassa paor.
Segner tan senti la dolor
Mortal
Per qes ops co partam égal
Ar doncs toi ^ senz
10 Te vailla e {p. 65) totz ar-
[dimenz
Oc e ma bona sospeissos
Garda ti qe gent ti razos.
y. Raisonar nom sabrai ia ben
Digas per qe
Per leis gardar
Non sabras doncs ab leis
[parlar
5 lest aissi del tôt esperdutz
BERNART AMOROS
Oc cane li son deuant ^
[vengutz
Tes pertz
Oi eu qe non son de ren
[certz
Aital fan tug
10 Sil qe son per amorperdug
Oc mais ieu forzarai mon
[cor
Ara non o tornz en demor.
VI. Ben ma adug
Amors. a so qe sabon tug
Qe mal viu qi deziram
[muor
Per qieu non sai plaigner
[mon cor.
VII. Vas ton desdug
Uai amies anz. co sapchon
[tug
Per qe non perdas ton te-
[sour
Qe leuet pert hom son de-
[mor.
428
GIRAUTZ DE BORNEL
( = B. Gr. 242, 78 )
I. Totz temps mi sol
Plus iois plazer
En abril can safrancha lanz
E qe reman els veianz ^
5 La flors e las follias e nais
El genz déport dauzel el
[plais
Mostron afar
Un conjnen ^ per conortar
Pretz e iouen
* c. en : Sias. — * c, en: iois — ^ c, en : tos -^^ c. en : denant. —
5 Voir rédition de M. Ghabaneau dans la Revue d, l. r., 1884, I, 216 s.
— 6 /. : qe si r. e. verianz — ' /. ; cortes vers
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
10 E ges per zo sim ^ venc len
Po8 no mes fai
Qe tôt qan ten fin amie ' gai
Ni donna capertz ^ ni valor
Trop en mon cor saissi me-
[chai
15 Com esper de mon bel se-
[gnior.
il. Chera sem col
Ses mos saber
Mon solatz ni les bels mos
[chanz
Tôt zo qe mera mais e danz
5 Mer iauzimenz e lira tais *
Ades. qe vas mos precs sa-
[frais
Pro ni deu cujar
Qe ben sai chauzir e gardar
De faillimen
10 Del sieu adreg cors auinen
Certes e gai
Qe luein de trebail e desmai
Qaissi couen de bon se-
[gnior
Desqels siens leua ni refai
15 Gon tan ^qe nai honor.
111. Ar sai sim vol
m retener
Enompuesca nozer enjanz
Pos dechai sa fina lus prianz
5 De lautre penz qe no sa-
[bais
Gaissil serai finz e verais
Quchaizonar
Nom cuig qem puesc em
[ben amar
A mon viuen
10 (p.^(î)Nidenegungaliamen
Qe len dechai
Lamistatz e tom en nafrai
De cels qe son galiador
E per pauc de mescap trasai *
15 Amors damic e de segnior.
IV. Mas no mi dol
Dautrui tener
Nimclamdautrui ^desenanz
Car damor ai las merces
[granz
5 Plus de ioi cane non aie mais
E sanc temp failli ni mes-
[Nim fez semblar [trais
Vera la fiula de bretmar
Tôt bonamen
10 Loi fenisc ua e lo faillimen]
Qeras perai
De sa maluanza. ^ de lai
Si dieus mi salua mon se-
[ gnior
Ai tal gazardon con seschai
15 Si fos de plus amador *.
V. So per qem sol
Plus mais tener
Car non men ven salutz ni
[manz
Caissi couen de fiz amanz
5 Qe lus per lautre sia gais
[ ]
Nos pen veniar
Ni non deu sa colpa celar
Qe doblamen
10 Mescaba qi son tort defen
E nos nestrai
Per qieu si puesc ni chau-
[zirai
Com per ira ni per folor
No faza mon bon sen sauai
15 Don pergal ioi de mon se-
[gnior.
M. ; si me — * /. : ren — * /. : gran pretz — * /. : iais.
— • /. : trasvai — ' /. : dels autrui — » /. : malananza
Le reste de la chanson n'est conservé que par notre ms.
. B /. : G. tenga
9 /. : p. fin a.
36
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
VI. Mas prim lazol
Mi pot tener
Daizom vaaen emen bobanz
Qe qes diga Ions dels ber-
[tranz
5 Ab qe non volaa n! biais
Qe la bona speranzam pais
Ëm fai laissar
Maintas res de qem saeil
[clamar
E nom ten
10 En tal van domneiamen
Qï ven e vai
Qe ia per re no men partrai
Del seruizi de mon segnior
Ni eu si puesc ia non aurai
15 Fais cor trafan ni trichador.
VII. EncmivoP
Per remaner
La meiller e la plus prezanz
Qella si auia cor em balanz
5 On ia nuls pros drutz ni
[sauais
Luec non aura qabantz ni
[bais
E pot trobar
Voil porria * semblan. ni
[par
Mon escien
10 Ira la fondât qieu '
Non qerrai
Anz vos dis * ben qe reman-
[tai5
Sen sobretotz non er anz lor
Qelgranz benananza sesjai
15 Fiz e segurs de bon segnjor.
VI II. {p. 67) Epoismos sobretotz
[sarrai •
Vas nna domna ia ^ seignor
Qi prec e prec e pregarai
Qe sol aia fizel seignor.
43
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 49)
1. Nom platz chantz de ros-
[signol
Tan ai mon cor mom e trist
E pero sis * merauill
Car nom alegret abrils
5 Cane mais no fon negus ans
Nom dômes * de ioi dos tanz
Mas ugan nom plane ^® la
[flors
Nil freig dera nom agrada.
II. Morir mi faram ^* de dol
Ast^'messatgier qe man qist
Ai car si sanpessen ill
Com som valc vs paucs cor-
[rils
5 Mais qe lai vs palais granz
Trop mes lur solastz pesanz
E parara ^^ mi deshonors
Sab lur torn e mencontrada.
III. Pauc saben daizo qe sol
E non crei cane mai fos vist
Com vas sa terra saissill
Mas mi es saluatges e uils
5 E reparais *^ mes afanz
E piegz ^* trac un plus lai
[men anz
Si qe vergoigna e paors
Men dobla qega vegada.
IV. Qui^* mo lauza ben nom vol
* c. en : col — ^ c. en: Noil poiria — ^ c. en: qweren ^ * c. en : die
— 8 c. en : remanrai — * c. en: satrai — "^ c. en : la. — • i. : sim — • c.
en : dones — lo /. : plac — i* c. en: faran — i* c. en : Ist ^^ L: parra
1* c. en : repairars — i* /. : Piegz — ^^ c. en : Qi
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT ÂMOROS
37
Era ^ flacs cors con volguist
Qe tant cars amors rouiil
Ane no fezist qe gentils
5 Cane eor de des ' fiz amanz
Non vi hom miels duns sem-
[blanz
Cora qe sobre valors
Qus las er apoderada.
V. Car per aisso nom acol
Sieu lai vau cella ni cist
Qe de tornar ma volpill
Qai lois sobre segnorils
5 On estai feniz ' mos talans
Es tais per qieu nom balanz
Don nos pot loignar ualors
Se meni emplana baca *.
VI. Maspero pel fort laxol
De la man ab qem presisl
Veille mieils e mes rendill '^
E non taurs ni cabrils
5 Bella dona ben estanz
Dest anar nom sia danz
Qe ieu tornar ai de cors
E vos non sias cambiada.
VII. Cane paris contrai fillol
Non fez * tal failla per crist
Nil paire contrai ^ fill
De lai con sa riual ^ nils
5 Tro sai on sol es colganz
Pero dei esser mos chanz
Sus totz autres chantadors
Per vos domna cai amada.
VIII. {p. 68) Era nom platz chan-
[tadors
Per nos domna cai laissada.
44
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 7)
L Al plus Ieu qeu sai far chan-
[zos
Com cel qe dautret estagna
Mi empren. eras mas dop-
[tos
Siu * mons sabers nO se
[fragna
5 Mas per tal mi plas essaiar
Qon Ieu chanzoneta fezes
Car zo chantom mais qes
[meinz car
Per qeu vau planan mon
[chantar
Descurs ditz qom Ieu lap-
[ses *<».
11. Loncs temps aiamatemper-
[dos
Non puese sufrir no më
[plagnha
E non sai per qal vchaizos
Mas ben esperanz gazagna
5 Per qeu aten mas ^tart mi
[part "
Qe leis qe mes del eor plus
[près
Fassamors tant humeliar
Qô don ioi car nom pot ve-
[dar
Qeu nô lam ab qil nO vol-
[gués.
111. Ges damar leis un an o dos
Nom plane si tôt mes estra-
[gna
Qoras iorns e temps e sazos
* /. : E tu — « /. : dos. — » /. : fermz
mestendill — • c. en: f etz — ' /. : c. bon
Soi» 10 c. en: lapreses — ** /.: par
^ /. : bada — > /. : nuech e
* c. en: sabriual — ^ c, en:
8
38
LE CHANSONNIER DE BEHNART AMOROS
E amors tem qem sofragna
5 Qanc pos la ui p^r rail *
[pensar
No fon qinzel cor nom estes
Sos semblanz p^ qeu la ui
[clar
E la mi fez pels oils passar
Sa beutat qe totz temps mi-
[res.
IV. Souen remire sas faissos
Qamors mi ten en grieu la-
[gna
Ë nom par ni cre qe anc fos
Vas ren de mala compagna
5 Mas vas me qe ges desa-
[mar
Non la puesc per dan qui
[en prézes
Qel mais mes douz a sufer-
[tar
Per ques bes mes a mesurar
QuenaXen mas no motardes.
V. De leis seruir sui voluntos
Cal melz aitan cug menta-
[gna
Qe mainz luecs es seruizis
[bos
Eras ai trop dig remagna
5 Cab vn fil de son mantel var
Sa leis fos plazenz qel mo-
[des
Me feira plus iauzent estar
E mais rie qe non pogra
[far
Autra del mont qab sim col-
[gues.
VI. Fiz amies desauentures '
Abpauc de ioi ses mesclagna
Mezongiers de mezongas
[blos
E qi pos couzel ^ de sagna
5 Per vendre ou per donar
Vos ai estât e sius plagues
Degra ab vos merce trobar
Domna pos al nom voletz
[far
Sufrizetz qeus vis eus pre-
[gues.
VIL {p, 69) Ghanzon tu miras
[laudar *
Celui qi mes el cor plus
[près
E diran. R. ses doptar
Qiemcug a leis demonstrar
5 Plus leu dun falcon yslan-
[des.
VIIL Non veratz eu fai ^ tant da-
[mar
Qe miels désire miels tenc
[car
E miels am dôme qant ^
[nasqes.
45
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 81)
L Un sonet nouel faz
Per ioi e per solatz
E non es ges mos gratz
Mas car als adreitz platz
5 Qe si non fos blasmatz
Non chantera mais re
Pois vei cunielitatz
Ni pretz ni amis ta tz
Ab mi donz pro nom re '.
IL Granz mais nai sufFertatz
Sui ^ amâz non amatz
A las oras ai patz
1 /. : nul — * /. : desauenturos — » c. en : cauzel — * c. en: saludar —
* c, en: sai — « /. : qanc — » c. en : te — « /. : Fins
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Si fizanta** di te
39
Maitas * ves son iratz
5 Ben son apoderatz
Qestat nai per ma fe
Con hom desesp^ratz
Ben a des^ anz passatz
E ges nom en recre.
III. A legon 3 los plusors
Segnenz * galiardos •
Non amerai aillors
Siam sens o follors
5 Tant es granz sa valors
EU beutatz ca ab se
Qil es marails ® e flors
De totas las meillors
Al iucrament ^ de me.
IV. Moût mi den ^ car amors
Els gazardos meillors
Mas pron dona dolors
[ ]
5 Pauc mi fai de secors
E daiude de be
Meinz ca totz amadors
Estier car mes honors
Cades mi ten ab se.
V. Domna cueimdab ' cors gai
On iois e pr^tz estai
Mais qieu non die ni s ai
Vos am. mas qeus dirai
5 Pos autre pro non ai
A sufrir men coue
DOcs men conortarai
Enaissi com poirai
Ab lo mal qe men ue.
VI. Chansos can seras lai
Mon cossir liretrai
E di li per qem fai
Morir en tal esmai
5 Pueis recomandarai **^
Tro inz el cor li vai
Cadoncs i trobarai
Ben leu mais de m^ce.
46
GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 74)
L {p. 70) Si sonis ^« senz
E planz aturs no mirail *'
Qe mos leus chanz
Vaille puege esmer
5 Non esp6r ren semblanz
Qem puesca rem valer
La cuida ablesper
Qe men sol aiudar
Per qe a mi nom par
10 Qe nuls chantars
Sia valens ni cars
Si cudars o temers
0 pezanc plazens ^*
Non mensegna com cban
15 Grazizen o claman.
II. E car no uenz
La benananzal mal
El greus afanz
Celui ca trop suffer
5 Qades sia clamanz
Del autrui nOchaler
Voletz qe diga ver
Qem desplatz en amar
Qom ia puesca trichar
10 Ni sia vars
Celui qel sera clars
E ben volenz e vers
Ni sia tais poders
> /. Maintas — * /. : dos ^ ^ c. en : segon — ♦ c. en : Fegnenz — • /. :
galiadors — * c. en: mirails — ' c. en : iutiament — • /. : ten — • c.
en : cueindab — !•/.: te comandarai — " /. ; sazauta — '^ cen: sotils —
^^cen : nom val — ** /. : pesanza o plazers
40
LE CHANSONNIER DE BERNA RT ÂMOROS
Que sim amie engan
15 Nis page de son dan.
III. E sel cors genz
Se vira no men cal
Vaz fols mazantz
Ab zo qe no sofer
5 De salutz ni de manz
Cug cab meîz dechazer
Mi poira retener
Qe molt fai aprezar
Cortes a solassar
10 E manz auars
On si demora mars
E fai de granz plazers
E pueis ad ob hus sers
La coreillia ^ dun an
15 A cels qi ben i uan.
IV. E sieu sieu ^ lentz
Eu mai lo cor leral '
Ni desamâtz
De so que vol ni qer
5 E laissamen ab uiranz *
Qeu trob e mon saber
Pos mi donet lezer
Ses forza de preiar
Mos segner de chantar
10 E mos trobars
Son * per samors espars
Adonc mirraubem ders
E failliram sabers
Si per pr6cs qeu li m an
15 Enqtter con hom desinan *.
V. E sim bistenz
Nim desrei. nil reial
Lo pros es granz
Mal danz non sai cals ner
5 E sil encortilantz "^
Oir * sauzet eschazer
Del venir son plazer
Passa del ben venjar
Pueissam lais esperar
10 E costeiars
Qel rei faran lanars
Val mais qel remaners
Pos rictatz ni valers
No sen pot puiartan
15 Qe i pauzes son man.
VL E dieus a gentz
Vian nostre capdal
E nos enantz
Tant qe sira ses sera ^
5 Sufram perdas e danz
Tro vengal dechaer
E hom nom deu temer
Mal per dieu gazagnar
{p. 71) Ni no fai doptar
10 Lo comenzars
Qe gascos e nauars
Si lur aonda vers
E durai bos espers
E dieus iran deian ^^
15 Los nostres capdelan.
47
EN GIRAUT DE BORNEL
( = B. Gr. 242, 71 )
I. Sim plagues tan chantz
Quan sol derenantz
Chantera mas fre
Ai qem recre **
5 Qe chantz no mez fais *^
Anz pert mos iornals
Chantan qar qecs fui **
Zo qe pretz adui
^ c» en: cereillia — * c. en : sui — 3 c. en : leial — * c. en : ab ni anz
— 8 /. : Fon — ^ c. en: desman. — ^ c, en : encorrilantz ^ ^ c. en:
Car -^9 c,en: fera, /. : fer — lo c en : deran, /. : denan. — i* c. en :
rete — ^^ /.: sais — *3 c. en: sui
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
41
E merma lois iauzimentz ^
[solatz
10 Don perfc amors son près e
[las rictatz.
II. Mas iea sec sos manz
Sîam pros o danz
E nai mal e be
E sai dir de qe
5 Son amîls ^ ni qals
E qan plane mes mais
Gard on ni a cui
Tan tem lo fol brui
E qan respond gard qe die
[qar foudatz
10 Es dicha leu pcr qeu respon
[viatz.
m. Qar sobre talanz
Forzals fis amanz
Capenas sen re ^
Negus per qieu cre
5 Nesca danz morfcals
E dôc nO es fais
Qi met son esdui
En trop gran refui
Pauc preza se. e cil a cui ses
[datz
10 Sen descubert. en ditz sas
[voluntaz.
IV. Si demanda manz
Dels cobes amanz
San domna de se
Diran non qua me
5 Mas iea nô sui tais
Anz die qe liais
Amies sui de lui
Em * par amdui
Qar qeigz a so qa dos taing
[ab tan patz
10 Qe boca ditz per qom es
[encolpatz.
V. Cel es drulz truanz
Qi nO es eelanz
Sa domna ni se
Sobz ^ autra re
5 Deu gardar si.vals
Ses amies corals
C Nô gab ab autrui
Qar si eis destrui
Sas autra part es des con-
[seil perriuatz •
10 Qe ia non er per los autres
[celatz.
48
EN GIRAUT DE BORNEL
(= B. Gr. 242, 11)
I. A penas sai comenzar
Un vers qe voil far leugier
E si nai penssat des ier
Qel fezes del tal razon
5 Qe lentenda tota genz
E qei ^ fassa leu chantar
Qeil fai per pla doptar *.
II. (p, 72) Bes saupra plus
[cubert far
Mas non ha chantz pretz
[entier
Can tuig noi sonparzonier
Qi qes nazir. mi sap bon
5 Can aug dire per contens
Mon sonet rauqet e clar
E laug a la fon ® portar.
III. Ja pos voirai élus trobar
Non cug auer maint parier
Ab so qe ben ai mestier
A far una lieu chanzon
5 Qeu cug catretan gran senz
Es qui sap razon gardar
* c. en : e auinentz — « c. en: amies — * /.
en : Sobr, /. : Car sobr — « /. : del c. priuatz.
tap — • c. en: son
: te. — ♦ /. : Et em — » c.
— ' /. : qes — * /. : depor-
42
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Con es motz entresbrescar.
IV. Dais mauen a consirar
Qieu am tal cui non enquier
Per zo qal descossirier
Sai be qe faz meepreizon
5 Qe sarai ' qus ardimentz
Mi ven que lan razonar
E paors fai mo laissar.
V. Ben loi vorra * mandar
Sitrobaua messatgier
Mas sin fatz autrui parlier
leu tem qe men uchaizon
5 Qar non es ensegnjamentz
Com ia faza autrui parlar
Daqo qe sols vol celar.
VI. Tarn ben sap lo cors comtar
La veritat el pretz sobrier
Qe gran batallian sofîer
Qar noi vau a esperon
5 Pois men ven us espauentz
Qe men fai desacordar
E mon ardimen laissar.
VII. Ges non la puesc oblidar
Tan me fai gran dezirier
E voill piegz qa mon guerrer
Celui qe dais me somon
5 Qai ' lai es mos pensamentz
E miels non pot solassar
Sol qem lais de lei pensar.
VIII. Conssirers men es guirentz
Qanc ren tant non pot ^ ca-
Mas laui ni tener car. [mar
49
EN GIRAUTZ DE BORNEL
(= B. Gr. 242,2)
I. A semblan me fai dechazer
Amor sem ^ dona marrimen
Qar semblan mes de ici qa-
[den*
Qe tal ^ cor non esdaire
5 Qar en trop rie repaire
Bels semblanz me guida
Qem ditz qe iauzida
Naurai ses {p, 73) fallida
Mais som deschai
10 Don fort mesmai
Qar lus semblanz mabriua
[lai
E lautrem desirai ^ .
II. Ab bel semblan me fai voler
Mi donz zoqe plus mi defen
Ab art et ab fais geing me
[pren
Com sieu leni ^ trichaire
5 Per leis perd mon veiaire
Tan mes abeillida
Qar on plus moblida
Cant obs me serra *<*
Mon cors sen vai
10 Lai ou li plai
Ses corviu
Car ab me nO lai
Qil la embailia.
III. Grieu mi poirra" pron tener
De samor ia segon mon sen
PoB aman noi trop chauzi-
[men
Si con fîz amaire.
5 Doncs pois gazains noi gaire
Qe non ai ieqida
Lamor, qem couida
Damar chascun dia
Qar non puesc mai
10 Per camarai
Qe ben leu enqeras naurai
De ioi a ma guia.
1 /. : farai ^-^ c, en: voria — ^ /. : Qar — 4 c. en : poi. — * /. : Amors
em — • c. en: qaten — ' c. en :ial — ^c.en: desuai, /. : desuia — • c.
en: lera — ^^ c, en: séria — n c. ew : poiria.
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
43
IV. Pos non puesc mais a bon
[esper
Aleuiarai lo mal qeu sen
Fîz serai ses tôt iauzimen
E gais per lo mal traire
5 Entrom voilla refaire
Ma domna chauzida
Franch e issemida
De bella paria
Ab cui estai
10 Jois ab cors gai
Esseignamentz ab pretz ve-
[rai
Senz e cortesia.
V. Domnal genzer qem pot ve-
[zer
Hoimais * daninen '
Qe conoscses mon fin talen
E cous am ses cor vaire
5 Cortz e debonaire
Sim 3 pauc mes aizida
Joios a ma vida
Serai on qeu sia si non sia^
Si non ben sai
10 Tan qan viurai
Si tôt nom voretz *beus vol-
[rai
Si tôt nô valia.
VI. Segner reis daragon temer
Vos deuon vostre malvolen
Qar sais ^ lur auetz a presen
Tostemps pigs ^ lur afaire
5 Qe hom non sap retraire
Se qe nés aunida
Tota lur partida
E lur segnoria
Mor e desuai
10 Tant an desglai
Qel plue • rie son tomat sai-
[rai*
Qar lur pretz ten via.
VIL Comfortz mi pi ai
Qe tant sarrai *®
Vostre nomz vas fin pretz
[verai
Qe ren nos desuia.
VII L (p. 74) Ab ioi ten vai
Chanzos en lai
Vas mon segnor ab cui estai
Pretz e cortesia.
Fin des chanzos de giraut
de bomel ".
W. ; H . mi fossetz ^ 'i c. en : dauinen — ^ c, en: Tun, /. : un —
* supprimez : si non sia - ^ L : voletz — * /. : fais — "* c. en : pies — • /. :
plus — ^ c, en: sauai — !• c. en : satrai — ii suit la note : per la uita di
Bemart del ventador ui è lasciato lo spatio corne qui.
E. Stengel.
(/l suivre,)
I DÛDICI CANTI
ÉPOPÉE ROMANESQUE DU XVI* SIÈCLE
(Suite)
CANTO TERZO
[F 27. p°] 1 . Quand* un più cerca quel di che non deve,
Se quai che disventura gli n'adviene
Esser non le devrebbe amaro o grieve,
Ancor che poi ne gusti acerbe pêne.
Spesso a brieve placer caduco et lieve
Dietro l'eterna penitentia viene,
Dina et Sichem ne danno essempio verde
Ch*ella Thonor et ei lavita perde.
2. Chi entrar nel laberinto talhor cerca,
Se tardo n^esce o pur non n'esce mai,
Non dee dolersi, et s' Orlando hor ricerca
Il mal et truova più di quello assai
Che non vuol, impar' hor corne si merca
Tal mercè con spietati affanni et guai
Da quella ch' engannar ciaschedun suole,
Che le comincia a dir queste parole :
3. « Fontedoro sono io, del gran Senapo
Cara nipote, posta in dura sorte
Fer esser il mio regno senza capo,
Priva del dolce et caro mio consorte
Che fu per proprio nome detto Lapo,
Flavio cognominato, et posto a morte
Per man di Sarmagon Tempio assassine
Per me trar seco e il regno in suo dimino.
4. Era il mio sposo giovanetto et vago
Che non più bel di lui fu quel di Psjche,
Pareva proprio una divina imago
CANTO TERZO 45
Se mai fra le moderne o fra Tantiche
Ne furon vis te ; ond' io mai non mi appago
Ne appagarô de inumere fatiche
Che sol per far vendetta del mio sposo
Mi truovo in stato accerbo et periglioso.
5. Era huomo si degno il mio signer gentile,
Di beltà ornato et di ligiadra chioma,
Sopra ogni altro tenea del signorîle ;
SI a li costumi, si al grato idioma
Non hebbe in vitapar o simile,
Ne doppo la sua morte alcun si noma
Ne nomaranssi mai per dir il vero
Chi aguagliar possa il mio signer altiero.
[F. 27 ▼•Jô. Parte di Media et délia Armenia tenne
Sotto in suo impero et fucristian dal fuoco
Dov' aibianchi Albani Torigin venne;
Bench' ei meco regnass' insieme poco,
Che' 1 re Infidel d'Hyberia sopravenne,
Ai lassa mè ! con tanta festa et ginoco
A privarmi del mio diletto et caro
Gonsorte con modo aspro al monde rare.
7. Fingeva seco amor et fe sincera
Per me ardendogli Amor Tinfido petto,
Ne dimostrô mai da matino o sera
Portarmi alcun particular affetto,
Ma fînta continenza ogni hor seco era,
Ne altro che Flavio par ch' habia in ogetto
Ma come poi li para enganno et frodo,
Se mi ascolti, signer, dirotti il modo. »
8. Ascolta Orlando quasi stapefatto
Ciô che la donna con industria dice,
Ch' ella favella mostra, gesto et atto
Come suol dimostrar qualche infelice
Per qualch' orrendo et spaventev*l fatto ;
Guatala in faccia et tien si alhor felice
Il conte per sentir si bella donna
Parlar in chi gratia immortal s' indonna.
9. Et rompendo ella gli ochi a duri pianti
Mandava fuor del petto aiti suspiri.
46 I nODICI CANTI
Coi quai bastava romper gli adamanti
Non che solo mutar gli human desiri,
Et li spessi singhiozzi erano et tant!
Che facevan inditio di martyri,
Ne men di quella piange il fero conte
Vedendo afâitte le fatezze conte.
10. Doppo le moite lagrime colei,
Ch'era di frode un empio labyrintho,
Rivolta al conte disse : » Se tu sei
Da cotanta pietà, signer mio, vinto,
Che meco piangi i duri casi miei,
Fa che '1 nimico mio da te sia estinto,
Che se ciô fai, per Dio, tu non havrai
Di fama eterna maggior gloria mai.
[F.28p**] II. Et per non ti tener in lungo tedio
Conchiuder voglio la mia hystoria brieve
Perch'al fuggir Amor non è rimedio.
El forsenato Sarmagon di lieve
(Cosî dette era il re de Iberia) assedio
D'amor non era et pîù ch' egli non deve
Amar, per haver me spense il bel viso
Dove era il mio diletto e il paradiso.
12. In una caccia ad orsi et a leoni
Gh* a piè di monti Caspii si face va,
Infra forti cespugli entro a burroni
Armate genti Sarmagon teneva.
Segretamente et di certi vallonf
Uscl un leone et, perché Lapo haveva
Gran cor, quelle aterrô, ma quel re crudo
Diede al mio Lapo col suo brando ignudo,
13. Ch*erano stretti ambi dua e régi
Et quinci et quindi homini havean lasciati
Per portar délia caccia omati fregi,
Onde furno egli nel leon scontrati.
Et Lapo per mostrar sua fatti egregi
Fece gli effetti, ai lassa ! sventurati,
Che cosi quel fellon crudel diè morte
Al mio caro fedel divo consorte.
14. 0 simulato amor ! o amor crudele !
Simulava amar Lapo oltra misura
CANTO TERZO ^7
Re Sarmagone perfido, infidèle,
Infido traditor per sua natura.
Era, come si dice, senza fêle
11 mio sposo gentil, colomba pura ;
Perô fu facil cosa altraditore
Dar morte tal al mio gentil signore.
15. Et poich* ucciso Thebbe il neghitoso.
Le stracciô ei panni in dosso et si ferillo
Per tutto el corpo che era paventoso
Caso a vederlo, et tutto dipartillo
Come far suole un leone orgoglioso
Contra chi a lui contrasta ; e a ciô sortillo
L*invida sorte mi a che sol le increbbe
Del mio honorato ben e il mal m'acrebbe.
[F. 28 v«] 16. Comineiô quel crudel, poich' hebbe morto
Colui senza del quai non vorei [vita],
A pianger si Thorribil caso in torto
Operato da lui che quasi invita
Ogni sylvaggia fera al suo conforto.
Et diceva il fellou : « Datemi aita
In questo caso, o cieli! o voielementi!
Porgete fine ai miei tanti tormenti.
17. Deh chi m' ha occiso, omia spietata sorte !
Dinanzi agli ochi il mio caro fratello?
Chi portai'à tal nuova a sua consorte?
0 féroce leon crudele et fello,
0 dura, amara, accerba, invida morte
Ch' oggi svelt' hai il più vago, il più belle
Fior che natura havesse mai creato.
Un huom più degno che sia in terra nato !
18. Morte, come mai più senza costui
Viver potrô contento, ai lasso I al monde ?
La vita mi è un morir senza di lui
Che mai più in vita non sarô giocondo. »
Mentreche questi va incitando altrui
Con Tal ta voce, col gridar profonde.
Induce a pianger seco ciascun ch' era
Présente a sua querela accerba et fera.
19. Ognun pensava che '1 mio dolce Lapo
Pur stato fusse dal leone ucciso
4 8 I DODICI CANTI
Corne pareva linci, che il bel capo
Che pria d'oro era, è si nel sangiie intriso
Ch' era orror a vederlo, et questo capo
Prender. Il traditor sol hebbe aviso
Pianger per ben coprir sua fellonia
Ch' a coprirla non sa modo altro o via.
20. Sol questa via sa il traditor trovare
Per ricoprire il suo tanto delitto.
Et sa col pianto si ben simulare
Che par per doglia dentr' il petto afflitto.
El corpo alla città fece portare
Del mio marito esangue et derelitto
Da r anima gentile, et presentoUo
A me chi del suo maie era satoUo ;
21 . E con lagrime false et con suspiri
Mostrava il cor baver pien di ramarco,
Solo per generarmi quei martiri
Che mi havean già il petto carco ;
Maledicendo il ciel par che se adiri
Volendosi mostrar di error più scarco,
Et con quel corpo mi porto il leone
Dicendo : « Del tuo mal questo è cagione. »
[F.29r**]22. Poi fece dar al corpo sepoltura
Condegna in vero al regno et al suo merto,
Kt tutti i soi coprir di vesta oscura
Con dimostrar cordoglio a tutti aperto,
E in sul sepulcro fece una scrittura
Che dicea il caso et non com' era certo.
Il caso come fu non vuol aprire,
Ma sol dette la loda al grande ardire.
23. Quai fusse la mia pena, o cavalliero,
Vedermi inanzi a V improvise un caso
Non mai piùvisto il più spietato et fîero,
A te pensar lo lasso, ove persuaso
Era il mio cor sol pel tormento altiero
Certo scoppiar, ma fu si duro il vaso
Che 1 mio dolor teneva stretto et chiuso
Ch* io non potei morir, e il ciel ne incuso
24 . La notte che segui Thorribil morte
CANTO TERZO 49
Del dolce caro mio pregiato pegno,
Dico del divo mio e fedel consorte,
Mi apparve el spirto generoso et degno
Et racontommi sua infelice sorte
Et quanto oprô già Sarmagon d' indegno
Contra di lui, et, quando ragionava
Piangendo meco, gli ochi si asciugava.
25. Diceami il gentil spirto : « 0 mia diletta
Et cara sposa, guarda non ti fidi
Di quello che la vita m* ha intercetta,
Che a pena il credo ai stessi ochi miei fidi,
Chel mi mostraro ; in una valle stretta
Sjlvosa a caccia u^ non si odiano i gridi,
Col brando ch' egli astrinse nudo in mano,
Mi uccise il traditor crudo, inhumano;
26. Dico di Sarmagon, Sarmagon quello
Che fingea tanto caramente amarmi.
Poich* uccisi io il leon crudo et fello,
Ei sufferse cou man propria amazzarmi ;
Ne a caso il fece^ ma il mio regno bello
Forse bramando ne di quel privarmi
Sapendo ritrovar modo ne patto.
Quel traditor divenne a simil atto.
27. Non era io ancor fuor del mio corpo uscit[a],
Benchè del moto suo fusse ei privato,
Che la persona in più lati ferita
Fu dal suo brando crudo et dispietato,
Et poi gridando con voce smarita
Tutti li caccia tor s' hebbe adunati,
E inanzi a lor facea si grandi i pianti
Che inteneriti havrebbe i dur diamanti.
[F. 29v«]28. Piangendo lamentavasi il crudele
Fuor dimostrando le mentite larve,
Tal che compagne grato et più fedele
Agli ochi di chi il vidde, unqua non pai*ve
Pur di esso, et si pietose le querele
Facea ch' i' non so dirle. » Et via disparve
L'aima gentil poichè questo detto hebbe,
Onde il dolor sopra il dolor mi crebbe.
50 I DODIGI GANTI
29. Con quanto daol, con qaanto stratio et pena
lo rimanessi afflitta et sconaolata
Qaanda partie la mia lace serena
Ch^in sogno ancor vederla erami g^ta.
Dît nol potrei, o, 8*il dicessi, a pena
Creso mi fora, anzi sarei chiamata
Sempre bagiarda, che ' 1 dolor fa taie
Ch' a qael non hebbi et non havrô ma' agoale.
30. Ne doppo troppo il falso temerario
Oercô per mezzo d'ana mia nadrice
Havermi in sposa senza alcan contrario,
Sperô di me gioir quell* infelice.
lo che * 1 cor fermo havea ne ponto varie,
Mi crebbe il duolo, et cmdeltade ultrice
Me incitô vendicarmi de V inganno
Che * 1 traditor mi usa ma con suo danno.
31. Cosi ana notte da un laogo secreto
Soletto il feci entrar nella mia stanza,
Et quel cb* ardeva come mal discrète
Vi venne armato tutto di speranza
Prender la man pel dimostrato deto.
Nel laberinto entrô pien di baldanza
Nô fu la intrata a lui cosI gradita
Quanto noiosa poi la dipartita.
32. Et per darle tormento aspro et martyre
U accogliezze li feci in vista grate,
Con un vin concio per farlo dormire
Et confetion di prezzo et délicate.
Più volte la nudrice gli hebbe a dire :
« Bevete ben, signor, et confortate
Le membra che convienvi oltra sei miglia
Àndar con questa ligiedretta flglia. »
[F.30 r*] 33. Et per più colorir la cosa anch* io
Fingea di ber bagnando i labri a pena.
Et di piacermi ; havendo egli el disio.
Non conoscendo sua futura pena,
U vaso di mia man togliendo il rio
Non pensava ch* havea la zucca piena,
Che solo compiacermi ei pensa et vuole
CANTO TERZO
34. Perch' eisperava nel steccato eDtrare,
Volendo esser gagliardo a meraviglia.
Quel tutto bebbe et più ne fe portare,
Et ribevendo inarcava le ciglia.
Quella mistura un ippocrasso pare,
Perè spesseggia il ber cbe *1 cor le piglia.
Et 8u passa al cervello et ivi siede ,
Et quel bevendo adormentossi in piede.
35. Et dormendo cascè sopra del spaldo
La testa percotendo a un forziero,
Né punto si senti ; si dormia saldo,
Âncor se la rompesse il poltroniero ;
Tanto era dal disio et dal vin caldo
Che '1 sonno suo non fu molto leggiero.
Quando il viddi cader, me ne alegrai
Pel gran disio ch* io havea di darli guai.
36. Di spada et maglia et di pugnal armato
Il ribaldo era dalli piedi al collo,
Et, quand ' io il viddi in terra stramazzato
Quel che del sangue altrui era satollo,
Fu lievemente da me disarmato
Et con destrezza ; a ciô che maggior crollo
Darli potessi, i* non vuolsi amazzarlo,
Anzi a maggior dolor sempre servarlo.
37. Havrei potuto per veneno darli
La morte o con Io istesso suo pugnale
Dal crudo petto Tinfido cor trarli,
0 corne suolse ad un brutto animale
Dentro la strozza quel tutto cacciarli,
Ma perché ciô mi parea poco maie
Al merto suo malvagio, al tradimento,
Servar il vuolsi a suo maggior tormento.
38. Poichô spogliato i' Thebbi in bel farsetto,
Le mani et piedi et collo li legai
Con certe funi, et fu il legar si stretto
Che le cami non ruppi i^ m*ammirai ;
Et per provar se quel licor perfetto
Era, col fumo al naso cominciai,
Poi pungelo con Tago et col tirarle
L^orechie e il naso et mille stratii farle.
5 2 I DODIGI GÂNTI
[F. 30 v«] 39. Quand* io m*aviddi Im non risentirsi
Al fumo, al punger, al tirar, al stratio
Di naso, orechi et qaal morto dormirai,
Divotamente tatto il ciel ringratio
Et che quel vogli in mio favor seoprirai
Il prego, a ciô il mio nom da Tlndo al Latio
S' oda et di la vendetta ovnnque odisse
La fama e il perag^r del Greco Ulisse.
40. Poi con on stil di ferro gli ochi punsi
A r infelice più di volte mille,
Che la lace da quei divoUi e aginnsi
Dolor sopra dolor a sue papille,
Et dalla testa ambe gli orechi sgiansi,
Et dov' havea Tudir chiare sentille
Con un licor ch* entro vi posi i* tolsi,
Ë a crudeltà maggior il cor i* volsi.
41 . Che '1 naso li tagliai, le labra fesi
Quai di lepor fusse, i genitali
Ancisi e in su la fronte le distesi,
Et con polve incarnai, ma, perch* i mali
Mi parean pochi, assai diletto presi
Tagliarle ambe le goti e in modi tali
Io l'aconciai ch* egli huom più non parea,
Poco martir a pèrsona si rea.
42. Et quella man crudel, che fu tanto osa
Versar del mio marito il sangue giusto,
Arsi col fuoco mentre che si posa
Col licor indigesto quel re ingiusto ;
Et Talira che non fu ver lui pietosa,
Tagiiata si restô senza il suo fusto ;
Ne lasciai crudeltà ch' io non facessi
Coatra colui pur ch* io la conoscessi.
43. Porlo poi feci fuor del mio palagio
In piana terra cosl adormentato,
Lasciandolo possar a suo bel agio.
Ma digesto il licor si fu svegliato
Seconde il merto il perfido malvagio
Dalla sua crudeltade acompagnato^
Et, ritoruato il senso, il miser sente
L'aspra sua pena et il dolor cocente.
GANTO TERZO 58
[F.31 r*] 44. Per esser un tal re si maie addatto.
Quando fa giorno, fu da molti visto
Quel che del suo mal semé ha il peggior frutto ;
Non era conosciuto, perché pisto
Ëra dal capo al piè di sangue brutto
Et con la fronte il génital suo misto,
Cosa non più vedata in faccia regia
Ch* inanzi pure era tenuta egregia.
45. Pur la mattina a tardo i servitori
Suoi di lui van cercando a questo e a quello
Cbiedendo in la città dentro et di fuori,
Dei quai venendo un per sorte al mio hostello
In terra il vidde che di sua dolori
Gridando si doleva il crudo et fello.
Fu conosciuto alla favella sola,
Ghe tutto il resto crudeltà Tenvola.
4Ô. Cosi ferito riportar si fece
In suo paese meglio ch' egli puote,
Et nelle spitiarie non lasciô pece
Per medicarsi orechi, naso et gote,
Che guarito, al mio regno fa in sua veee
Guerra il fratel, che sempre mi percuote
Il cor e il regno con la sua ferezza
Nimica di virtù et di gentilezza.
47. Seffronio è detto quel ch' ha asediata
La mia città d'Albana che del regno
Capo è, et la région si mal trattata
Ch* ogni mio cittadino è d'odio pregno
Contra di [me] misera et sconsolata,
Ch' al scampo mio non ritruovo ingegno.
0 Sarmagon pigliarmi per marito
Convienmi o morte in ultimo partito.
48. Si che, signor, se mai pietà te avinse
11 gentil cor, non rifiutar Timpresa
Che se mai lauro o quercia temple cinse
Ad alcun che vinta habia alta contesa,
Non perô a te la gloria ancora estinse
Di questa, benchè me ne duole et pesa.
Duolmiy signor, di p6rte a impresa taie
Che Thonor sarà il tuo, ma mio fia il maie. »
54 I DODICI GANTI
[F.81 ▼*|49. Mentre la donna dice tai parole,
Sospir dal petto et lagrime dagli ochi
Yenava, ma perô non eran sole,
Ch' altresi piange il conte et par che fioeclii
Dalle sue lad, et hora più non vnole
El Cataio veder che pria non tochi
Albana, et cobI a qnella donna ginra
Trarla d* ogni timor, d* ogni paora.
50. Ma mi ricordo havervi già lasdato
El re Marailio che del magno Carlo
Vidde el forte nipote bene armato
Far si gran pniova, et a se rivocarlo
Ha già disposto, et sabito chiamato
Qael dalla Stella manda per trovarlo
Perch' egli lo invitô come cortese
Quando ch* Orlando gianse in quel paese,
51 . In qael paese dove fa assalito
Da Berzavaglia il valoroso conte
Et poi dai settecento, et che Tinvito
Del solde ricasô con lieta fronte.
Hora Marsilio il degno re, pentito
Di non haverlo, pria che '1 sol tramonte
Vuol che Serpentin vada ad operare
Ch* egli si degni il suo solde accettare.
52. Va Serpentin segaendo il cavalliero
Quai, poichè Berzavaglia era faggito,
Trovato ha vende il suo primier sentiero
Se n*era andato come havete odito,
Nô Serpentin ritruova quel che a nero
Se tutto et il destrier havea guemito ;
Ne va chiedendo per castelle et ville
Ben per tre dl senza chiuder pupille.
53. Ha seco quattrocento il capitano
Del re Marsilio et ovunque egli ariva
Col gran drapello ognun mena la mano,
Nô truovasi fra lor persona schiva.
Se non del poco un cavallier estrano
Di nuovo giunge, ond* un disse : « Chi viva ? »
Egli ripose : « Viva il mio signore
Et viva seco chi gli porta amore. »
CANTO TERZO 65
[F. 32 r»] 54. Serpentin Tarrogante délia Stella
Âl cavallier chi sia el signor s[u]o chiede.
Et quel, che ben si truova armato e in sella,
Rispuose : « La mia lancia farà fede
Quai sia di chi chiedi hor. » Ne più favella.
Se non ch' alquanto acortamente riede
A dietro tanto che del campo prese
Quanto pensô bastare a tali imprese.
55. Et con quella prestezza che '1 baleno
Da se il scoppio disserra et la saetta,
Quel nuovo cavallier nô più nô meno
Altresi face : coraggioso in fretta
Torcendo inverso Serpentino il freno
La lancia abbassa, et Taltro non aspetta
L' improvisa percossa, perché volta
La lancia et vàlle contra a briglia sciolta.
56. L'un r altro iaveste, et Serpentino a terra
Si ritruovô con disuguale inciampo
Che col cavallo cadde, e il mastro di guerra :
« Chi lui vuol riscattar, pigli del campo,
Gridando disse, perché se non erra
Alcun di voi a procurar suo scampo,
Ch* intendo meco di prigion menarlo
Et legato al signor mio in schiavo darlo. »
Ferdinand Castbts.
{A suivre,)
LA TRADUCTION DU NOUVEAU TESTAMENT
EN ANCIEN HAUT'ENGADINOIS
Par BIFRUN
EVANGELIUM JOHANNIS
(Suite)
CAP. XIII.
(1) Et auDS co la festa d' pasthqua sauiand lesus che fus
gnieu la sia hura da passer our da quaist muond tiers Tg bab,
& hauiand amô Ts ses chi eran îlg muond, schi ho el amô
aquels infina â la fin. (2) Et siand fatta la schaina (& che l'g
diauel hauaiua gio mis aint îlg cour da ludsB da Simonis Isca-
riota chel Tg tradis,) (3) sauiand lesus che Tgbab hauaiua dô
â si tuottes chiôses aint in maun, & chel fiis gnieu da dieu,
chel iua tiers dieu, (4) schi aluô el sii de la schaina, & mettét
giu la uesckimainta, & hauiand prais iin sthquassel, schi s'
schintô el. (5) Alhura dsieua mattét el ouua in iin baschilg, &
cumenzo [359] â lauêr Ts pes dais discipuls, & da terscher
giu cun Tg sthquassel cun quael chel era schintô. (6) Et uen
tiers Simonem Petrum. Et Petrus dis agli : Signer, Iseuas tii â
mi Ts pes ? (7) lesus arespundét & dis agli : Aqué ch'eau fatsth
huossa nu saest tii, mu aqui dsieua uainst â sauair. (8) Petrus
dis agli : Tii nu uainst â lauêr mes pes in aeterna. lesus ares-
pundét agli : Sch'eau nu uing â lauêr te, schi nun hsest cun
me part. (9) Simon Petrus dis agli: Signer, brichia sulletta-
mang Tspes, mu er Ts mauns et Tg chiô. (10) lesus dis agli :
Aquelchi es lauô, nun ho bsiing, oter co da lauêr Ts pes, dim.
perse eleszuondnet. (11) Et uusisches nets, mu brichia tuots.
Per che el sauaiua chi era aquel chi gniua alg tradir. Par
aqué dis el : uus nun isches tuots nets. (12) Et dsieua chel
hauét lauô lur pes & prais sia uesckimainta & darchiô fiit a-
schantô â maisa, schi dis el ad els : Sauais che eau hse fat â
l'évangile selon s. JEAN 57
uas ? (13) Vus clamses me maister & signer, & dschaîs bain :
per che eau sun er. (14) Dime sch'eau Isef uos pes, chi sun si*
gner & maister, scM daias er uus liûn liôter traunter pêr
lauêr Ts pes. (15) Per che eau hse dô un exschaimpel â uus,
uschia che uus, che in aqué mœd ch'eau hse fat â uus, uschia
che uus faschas er uus. (16) Par Tg uaira, par Tg uaira dich
eau â uus, che Tg famalg nun es mêr co ses patrun, ne Tg im.
baschadur mêr co aquel chi Tg ho tramis. (17) Schi uus sauais
[360] aquaistas chiôses, biôs gnis ad esser, schi uus las fa-
schais. (18) Eau nu di brichia da tu.ots uus, eau ssb quœls ch'
eau haa scharnieu. Mu per che uigna cumplieu la scritiira:
Aquel chi mangia Tgpaun cun me, aquel ho huzô incunter me
sieu chiaichian. (19) Huossa dich eau â uus auns co che
duainta, par che cura che Tg es duantô, uus craias ch'eau
sala. (20) Par Tg uaira par Tg uaira dich eau â uus : Aquel
chi arschaiua quael chi saia ch'eau uing â trammetter, arschaiua
me. Mu aquel chi arschaiua me, arschaiua aquel chi ho tramis
me. (21) Hauiand dit aqué lesus schi s' cunturblô el cun Tg
spiert, & prutestô & dis : Par Tg uaira par Vg uaira dich ean
â UUS; ch' lin d'uus uain âm tradir. (22) L's discipuls dimê s'
guardêuan liiin liôter, s* dubitand da quel chi dschses. (23) Et
era lin dais discipuls da lesu, apuzô sii sieu arauuoilg^ cun
num aquel ad aquegli lesus uulaiuabain . (24) Et Simon Petrus
schignô ad aquegli chel dumandâs chi fus aquel, da quœl chel
dschaiua. (25) Et in aquella guisa siand inclinô aquel su Vg
bruost da lesu, dis el agli : Signer, quael es é ? (26) lesus ares-
pundét: Elg es aquel^ ad aqusBli ch'eau uing â sporscher Vg
paun, intaunschieu aint Vg paun, schi Vg det el â luda da Si-
monis IscariotsB. (27) Et dsieua Vg baccun es ieu aint in aquel
satanas. [361] Et lesus dis agli: aqué che tii fês, fô taunt plii
praist. (28) Et aqué nun incligiaua iingiiin da quels chi se-
zaiuen â maisa, â che un el haués dit aqué agli. (29) Per
che alchiiins pissêuan, per che el, ludas, hauaiua la buor-
sa, che lesus haués dit agli : cumpra aqué che nus hauain
bsiing sii la festa : u chel dés iinqualchiôsa als pouuers. (30)
Hauiand dimê el arfschieuTg baccun, schi giet el oura adiin-
trat. (31) Et elg era not. Et siand ieu oura dis lesus : Huossa
es gluriûchiô Vg filg delg hum, & deus es gluriâchiô très el. (32)
Schi deus es glurifichiô très el, schi uain er deus â gluriûchiér
»_1,
58 L EVANGILE SELON S. JEAN
aquel par se sues, & bain bôd uain el â gloriâchiér aquel. (33)
Figliets, aunchia fin pô uing eau ad esser cun uus. Vus gnis
âm scherchiêr, & suainter ch'eau hç dit als lûdeaus : innua
ch'eau uing, uus nu pudais gnir: (34) & uschia dich eau er â
uus huossa. Eau dun â uus iin nuof cumandamaint, che uus *s
daias amer liiin liôter, suainter ch'eau he amô uus, uschia er
uus s' amas liûn liôter. (35) In aqué uignen tuots â cugniou-
scher, che uus saias mes discipuls, schi uus gnis ad hauair chia-
ritsed traunter pêr. (36) Simon Petrus dis agli: Signer, in-
nua usBst tii? lesus arespundét agli : innua ch'eau uing, tii nu
pous huossa gnir dsieua me, mu dsieua uainst â gnir. (37)
Petrus dis agli : Signer, per che nu puos eau ir dsieua te ?
Eau uœlg metter mia [362] uitta par te. (38) lesus arespundét
agli : Tû uainst â metter la tia uitta par me ? Par Tg uaira
par Tg uaira dich eau â ti, che Tg gial nu uain â chiantêr,
infina che tii num hsBS trais uuotes schnaiô.
CAP. XIIII.
(1) Et dis â ses discipuls : Vos cour nu s' daia conturblér.
Vus craiais in dieu^ craie er in me. (2) In la chiêsa da mes
bab Sun bgierras maschuns. Che schi fus otergin, schi haués
eau dit â uus, eau uing â parderscher â uus iin lœ. (3) Mu
sch'eau m'in uing â parderscher â uus iin lœ, schi tuorn eau
darchiô â prender uus tiers me, (4) che innua ch'eau uing, uus
sappias^ & sappias la uia. (5) Thomas dis agli : Signer, nus nu
sauain innua che tii uses, & co pudains sauair la uia? (6) lesus
dis agli : Eau sun la uia, & la uardaet, & la uitta. Vngiiin nu
uain tiers Tg bab , upœia che saia très me. (7) Schi uus
hauesses cunschieu me, schi hauesses schert cunschieu er
mes bab. Et huossa cunschais el, & hauais uis aquel. (8) Phi-
lippus dis agli : Signer, amuossa â nus Tg bab, schi hauains
auuonda. (9) lesus dis agli : Taunt tijmp sun eau stô eu uus^
& nun m'hauais cunschieu ? Philippe, chi uaia me, uaia l'g
bab. Et co dist tii, amuossa â nus l'g bab? (10) Nu [363]
craias tii ch'eau saia îlg bab, & Tg bab in me? La uerua,
quaela ch'eau fauel cun uus, nu fauel eau da me m'ues. Mu
Tg bab qu8Bl chi stô in me, fô el las heures. (11) Craie â mi
l'évangile selon s. JEAN 59
ch*eaa sun îlg bab & Tg bab es in me, uschigliœ très Ts prœ-
pis fats oraîé â mi. (12) Par i'g uaira par Tg uaira dich eau â
nus : aquel chi craia in me, las houres ch'eau fatsth, chel
uain er el â fér & plû grandas co aquaistas uain el â fôr. Par
che eaa uing tiers Tg bab. (13) Et tuot aqué che uns gnis ad
^ggTdigièv in mieu num, aqué uing eau â fêr, par che uigna
gluriôcbiô Tg bab très Tg ûlg. (14) Schi uus agragises iinqual-
ohiôsa par mieu num, sohi uœlg eau fôr. (15) Schi uus amœs
me, schi saluô mes cummandamains. (16) Et eau uœlg aruér
Tg bab, & el uain â dér â uus chi 's cuforta, par chel stetta eu
uus in seterna, (17) Tg spiert de la uardset : qusel chel'g muond
nu pô prender : per che el nu Tg uaia ne Tg cugniouscha. Mu
aus eunschais aquel, per che el stô cun uus, & uain ad esser
in uus. (18) Eau nu uœlg laschôr uus orphans, eau uœlg gnir
tiers uus. (19) Aunchia iin pô, & Tg muond nu uain am uair
plu : Mu uus gnis am uair. Per che eau uif, & er uus uiuais.
(20) In aquel di gnis â cugniouscher, ch'eau sun îlg bab, & uus
in me, & eau in uus. (21) [364] Aquel chi ho mes cumanda-
mains, & salua aquels, aquel es aquel chi ama me. Et aqué
chi amma me, uain amô da mes bab : & eau uœlg amer el, &
uœlg me m*uessa appalantêr agli. (^22) ludas dis agli, brichia
aquel Iscariotes : Signer, che uuol é dir, che tii uaînst ad
manifastér te d'uessa â nus, & brichia agli muond ? (23) lesus
arespundét & dis ad els : Sch'iinqualchiiin amma me, schi uain
el â saluœr mieu plêd, & mes bab uain alg amer, & nus gnin
ad ir tiers el, & gnir â fêr tiers el nossa habitaunza. (24) Aquel
chi nun amma me, nu salua mes plô is : & Tg plêd qusel che
uus udis, nun es mes, dimperse el es dalg bab, quael chi ho
tramis me. (25) Aqué hsB ea[u] faflô cun uus, siand tiers uus.
(26)Mu aquel chi cuforta, quael chi es Tg spiertsanc, quael spiert,
chi uain â trametter Tg bab in mieu num, aquel uain ad amus-
sôr â uus tuottes chiôse^, & â fêr adimaint â uus tuot aqué che
eau hsB dit â uus. (27) Eau lasth â uus la psesth, la mia psBSth
dun eau â uus, brichia da co che Tg muond dô dun eau â uus.
Vos cour nu s' daia conturblêr, né tmair. (28) Vus hauais
udiea che eau hse dit â uus, eau mMn uing, & tuorn tiers uus.
Schi uus amassas me, schi 's allagrasses schert, ch'eau had
dit : eau uing tiers Tg bab, per che Tg es mér co nu saia eau.
(29) Mu huossa hœ eau dit â uus, auns co che duainta, che
60 l'ÉTANGILE SEU)N 8. JEAN
cara d*elg es diian- [d66]'t5, ans eraûu. (30) Dsieoa aquaist
na aœlg brichia bgier faflér can ans. Per che ïg panura da
qaatst maond nain, & in me non hô el ûnguotta. (31) Dimperse
par che Vg mnond cagniouscha ch'eaa am Tg bab Et suain-
ter che Vg bab ho dô â mi camandamaint, aschia fatsth eau.
Stèd sa & giaiu daaend da qoL
CAP- XV.
(1) Eaa San ana aaira nid. & mes bab es Vg abiagiédar.
(2) Et inmnnchia aram, qael chi nu fô frût in me, praîn ei
nia, & inmûnchia qnel chi nu porta frut, natagial\ par chel
puorta plu bgier friit. (3) Vus isches gionets parmur da mieu
plêd, qusel ch*ean hae faflô â uns. (4) Arumagné in me, & eau
in uns. Daco che Vg aram nu po fér friit da sesues, upœia
chel arumagna in la nid, nschia ner uus, upœia che uns
arumagnas in me. (5) Eau sun la nid, & uus isches Ts arams.
Aquel chi stô in me, & eau in el, aquel puorta bgier frût,
che sainza me nu pudais fér iinguotta. (6) Sch' ùnqualchiiin
nu arumagna in me, schi el bittô oura sco Vg aram, & es
sckiô uia, & araspen aquels & Ts chiatschen in fœ, e arden.
(7) Schi uus arumagniais in me , & la mia uerna arumagnian
in uus, tuot aqué che uus uuiais schi dumandô, schi nain
é â duantér â uus. (8) In aquaist es gluriôchiô mes bab,
par che uus pu or- [366] -tas bgier friit, & duaintas mes dis-
cipulus. (9) Da co che mes bab ho amô me, uschia er eau hsB
amô uus. Arumagné in la mia bainuuglijuscha. flO) Schi
uus gnis â saluer mes cummandamains, schi gnis ad arumà-
gniar in la mia bainuuglijuscha, suainter sco er eau hœ saluô
l's cummandamains da mes bab, & arumang in sia bainu-
uglijuscha. (11) Aquaist hae eau dit â uus, par che mia al-
grezchia arumagna in uus , & uossa algrezechia uigna
cumplida. (12) Aquaist es mes cummandamaint che uus
*8 daias amer liûnliôter traunter pêr , suainter sco eau
hœ amô uus. (13) Vngiiin nun ho plii grand'amur co
aquaista^ ch'tin metta sia uitta par ses amichs. (14) Vus
isches mes amichs, schi uus faschais tuot aqué ch*eau cumand
ft uus. (15) Aqui dsieua nu uœlg eau dir uus famalgs, par Vg
l'évangile selon s. JEAN 61
famelg nu sô aqaé chi fo sieu patruo. Mu eau h» dit uus
amiohs, per ohe tuot aqué ch'eau h» udieu delg bab, hm eau
fatsauair â uus. (16) Vus nun hauais brichia scharnieu me,
mu eau hsB scharmieu (sic) uus, & hurdenô uus, par che uus
giaias & puortas frût, & uos frût arumagna : & tuot aqué che
uns dumandœs agli bab in mieu num, chel detta â uus.
(17) Aquaist cumand eau â uus, che uus 's uœglias bain
Hûnliôter. (18) Schi Tg muond uuol mœl â uus, schi sauais
uus, chel ho uulieu mêl auaunt â mi co â uus. (19) Schi uus
fîis-[367]-ses stôs delg muond, schi amas Tg muond aqué chi
es sieu. Mu perche uus nun isches delg muond, dimperse
eau hœ scharnieu uus our dalg muond, par que uuol â uus
Ig muond mêl. (20) S'algurdô delg plêd, qusel ch'eau hœ dit
â uus : Tg famalg nun es plu grand co sieu patrun. Schi Tg
haun persequittô me, schi uignen é er â persequittér uus.
Schi Tg haun saluô mieu plêd, schi uignen é â saluer er Tg
uos. (21) Mu aqué faun é tuot â uus, parmur da mieu num :
per che é nun haun cunschieu aquel chi ho tramis me. (22)
Sch'eau fiis gnieu, & num haués hagieu dit ad els, schi nun
hauessen els pchiô. Mu huossa nun haun els da pudair
sckiiisêr lur pchiô. (23) Aquel chi uuol mal â mi, uuol mêl â
mes bab. (24) Sch' eau nun haués fat houres traunter els,
quelas ch'iingiûn ôter nun ho fat, schi nun hauessen els
pchiô. Mu huossa haun els uis, & haun uulieu mêl, brichia
sullamaing â mi, muer â mes bab. (25). Mu aqué es dchiappô,
par che uigna curaplien Tg plêd qusel chi stô scrit in lalescha:
Elg haun uulieu â mi mêl sainza chiaschun. (26) Mu cura cirâ
(sic) uain â gnir aqusel chi cuforta, quael ch'eau uœlg tram-
meter â uus dalg bab, Tg spiert délia uardœd, qusel chi uain
dalg bab, aquel uain â dêr testimuniaunza da me. (27) Et
taunt plii er uus isches pardiittas, per che uus isches stôs da
priim innô eu me.
CAP. XVI.
[368] (1) Aquaist he eau dit â uus, par che uus nu 's ufen-
9
das. (2) E uignen â 's bandagier uus délias sjnagogas. Mu é
uain â gnir Tg tijmp, che scodùn quel chi uain ad amazêr
uus, paissa ad hauair fat iin seruezen â dieu. (3) Et aqué ui-
62 L*ÉYANGILE SELON S. JEAN
gnen e)s â fér â uas, per che els nu cagnioaschen mes bab,
né er me. (4) Ma eaa hae dit aquaist â uns par che, cura uaîn
aqué tijmp, che nus 's algordas da quellas chiôses, da quselas
ch^ean hse dit â uns. Mn aquaist nnn hç eau dit â uns da prum
inno, per che eau era cun uus. (5) Mu huossa uing eau tiers
aquel chi ho tramis me, & ûogiûn d^uus na demanda me, in-
nua ch'eau uing. (6) Mu par che eau hœ dit aquaistas chiôses
â uus^ schi es gnieu uos cour plain d' dœli. (7) Mu eau dich â
nus la uardœt, ch'elg es uos cour ûttel ch*eau giaia. Per che,
sch'eau nu mMnuing, schi nu uain â gnir aquel chi cuforta
tiers uus. Mu sch*eau uing amminir, schi uing eau â tram-
metter aquel tiers uus. (8) Et cura che quel uain, schi uain el
ad arprender Tg muond de l'g pchiô, & de la giûstia, & dalg
giiidici. (9) Delg pchiô per che nu craien in me. (10) De la
giûstia, par che ch^eau uing tiers Tg bab, & aqui dsieua nu
uezais me. (11) Mu dalg giûdici, par che Vg parzura da quaist
muond es gio giûdichiô. (12) Tiers aquaistas chiôses hœ eau
[369] aunchia bgierras chiôses da dir â uus, mu uus nu las
pudais huossa purtêr. (13) Mu cura che uain aquel, qu»l chi
es Vg spiert de la uardset, schi uain el & *s mnêr in tuotta
u/irdaet. Par che el nu uaîn â faflêr da se sues, dimpeise
tuot aqué chel ho udieu, uain el â faflêr, & aqué chi uain â
gnir uain el â dir uus. (14) Aquel uain am 'gluriûchiér, per
che el uain ad arschaiuer dalg mieu, & uain â dir â uus.
(15) Tuottes quantas aquellas chiôses che Vg bab ho, sunmias.
Par aqué he eau dit â uus, chel uain ad arschaiuer dal mieu,
et uain â dir â uus. (16) Vn pô & nu uezais me, & darchiô tin
pô & gnis â uair me, perche eau uing tiers Vg bab. (17) Et
qualchiiins dais discipuls dissen trauuterse : Che es aqué, che
el disth â nus : tin pâ & nu uezais me, & darchiô iin pô & gnis
â uair me, per che eau uing tiers Vg bab. (18) Et dschaiuen :
Che es aqué, chel disth iin pô? Nus nu sauain che el disth.
(19) Mu lesus sauét che Vg uulaiuen dumandêr & dis ad els :
Vus interuegnits traunter pêr, ch'eau hae dit : un pô & nu
uezais me, & darchiô iin pô & gnis â uair me. (20) Par Vg
uaira, par Vg uaira dich eau â uus, che uus gnis â cridêr & â
plaunscher, & Vg muond scunter uain â s* allegrêr. Mu uus
gnis ad esser gramezchius : Mu Vg uos dœli uain â s' mûdêr
in algre[z]chia. (21) La duonna cura chella parturescha,
l'évangile selon s. JEAN «3
schi ho ella dulur, per che [370] elg es gnieu la sia hura.
Mq cura chella hô acchîattô un mattel, schi nu s' algoard*ella
gio plu da ringuoscha, très aqué chella s^allêgra che saîa na-
schieu un hum îlg muond. (22) Et uus dimê huossa hauais
dœli : mu darchiô uing eau â uair uus : & uos cour uain â
s'allegrér : & uossa algrezchia nu pô ûngiûn prender da uus.
(23) Et in aquel di nu gnis â dumandér me ûnqualchiôsa. Par
Vg uaira, par Tg uaira dich eau â uus, tuot aqué che uus gnis
ad agragiêr dalg hab in mieu num, chel uain â dêr â uus.
(24) Inâna ad inhuossa nu hauais agragiô ûnqualchiôsa in
mieu num. Agragiô schi gnis ad arschaiuer : per che uossa
algrezchia saîa cumplida. (25) Aquaistas chiôses hae eau dit â
uus très pruuerbis, e uain â gnir i'g tijmp che aihura nu uing
eau â faâêr eu uus très pruuerbis, dimperse auertamang uing
eau â dir â uus da mes bab. (26) In aquel di gnis ad aggra-
giêr in mieu num. Et eau nu dich â uus, ch'eau uigna ad
aruêr ïg bab par uus. (27) Par che chel bab ama uus, par
che che uus hauais amô me, & hauais craieu ch'eau saia gnieu
da dieu. (28) Eau sun gnieu îlg muond, darchiô lasth eau Vg
muond, & uing tiers Y g bab. (29) Ses dîscipuls dian agli : Vhé
huossa fauellas tii auertamang, né dist iingiiin pruuerbi.
^30) Huossa sauain nus, che tii ssest tuottes chiôses, né es
bsiing â ti, ch'iinqualchiiin dumanda te. Par aqué craian nus,
che tii saias gnieu our [371] da dieu. (31) lesus arespundét :
Huossa craias uus. (32) Vhé l'g tijmp s'aprosma, & gio el es
gnieu, che uus *s arêsas scodiin îlg sieu : & abandunses me
sulléty & imperscho nu sun eau sullét, per che Vg bab es cun
me. (33) Aquaistas chiôses hae eau dit à uus, par che uus hê-
gias la psesth in me. Vus gnis îlg muond ad hauair astijnt,
mu saias da buna uœglia, eau had uit Vg muond.
CAP. XVII
(1) Aquaistes chiôses ho faflô lesus, 4 hauiand el huzô ses
œilgs in schil dis: Bab, Thura es gnida, glurifichia tes âlg,
par ch'er tes âlg uigna â glurifichiser te. (2) Suainter sco tu
haes dô agli pusaunza dascodiina chiarn, che tauns sco tii hses
dô agli, chel detta ad els la uitta aaterna. (3) Et aquaista es
la uitta aeterna che cugniuoschan te sul uair dieu, & aquel che
64 l'Évangile selon s. jean
tu hses tramis lesum Christum. (4) Eau fhsB gluriôchiô sur la
terra, eau he cumplieu la lauur, quela che tu hes dô â mi
ch'eau fatscha. (5) Et huossa tu bab gluriôchia me tiers te
d'ues cun aquella glœrgia, quœla ch'eau hse hagieu auns co
aquaist muond fus tiers te. (6) Eau hse manifesto tieu num â
la lieud, quçla che tii hps dô â mi delg muond. Els eran tes
& tii hfs dô â mi aquels, &haun saluô tieu plêd. (7) Huossa
haun els cunsthieu (éd. cûsthien) che tuot aqué che tii hçs dô â
mi, saia da te. (8) Per che la uerua quœla che tii hes dô â mi,
hsB eau dô ad els : & els Thaun arfschida, & haun uairamang
cunschieu, ch'eau sun gnieu our da te : & haun craieu che tii
hêgiast tramis me. (9) Eau arou par els. [372J Ea[u] nun arou
par Tg muond, dimperse par aquels quaels che tii hses dô â
mi, per che els sun tes. (10) Et tuot Tg mieu es tieu, & Tg tieu
es mieu: & eau sun gluriôchiô in els. (11) Et huossa nu sun
eau îlg muond, & aquaists sun îlg muond & eau uing tiers te.
Bab senc, salua aquels très tieu num, quels che tii hsBS dô â
mi, che saien iin sco er nus. (12) Cura ch'eau era cun els îlg
muond, schi saluêua eau aquels in tieu num. Aquels che tii
hdBS dô â mi, hse eau parchiiirô, & iingiûn da quels nun es
pers, ôter co aquel filg pers, par che la scritiira gnis cum-
plida. (13)Et huossa uing eau tiers te, & aquaist faueleau îlg
muond, par chels haegian iina algrezchia cumplida in els
suessa. (14) Eau hse dô ad els aint in maun tieu plêd, & ïg
muond ho uulieu mêl ad aquels ; per che chels nu sun delg
muond sco er eau nu sun delg muond. (15) Eau nun arou che
tii prendas aquels our delg muond, dimperse che tii saluas
aquels da mêl. (16) Els nu sun delg muond, sco er eau nu
sun delg muond. (17) Santiûchia aquels très la tia uardaet.
(18) Suainter sco tii hsest tramis me îlg muond, uschia er eau
hse tramis aquels îlg muond, (19) & par aquels uœlg santifi-
chiêr me mues, par che er els saien santifichiôstrêslauardp.t.
(20) Eau nun arou brichia sullettamang par aquels, mu er par
aquels, quaels chiuignen â crair très lur plêd [373] in me : (21)
che tuots saien iin (éd. un) sco er tii, bab, in me, & eau in te,&
elsin nus saien iin, par che Tg muond craia, che tii hêgias tramis
me : (22) Et la glœrgia qusela che tii haes dô â mi, hse eau dô
ad els: par che saien iin sco er nus ischen un. (23) Eau in els,
& tii in me, par che saien cumplieus in iin, & par che Tg
L*ÉVANGILE SELON S. JEAN 65
mnond cagnionscha (éd. cugnaoischa), che tu hads tramis me,
&hêgiasthagieu chiérs aquels, scotûhaes er me hagieu chiêr.
(24) Bab, aqaels che tu hSBS dô âmi: uœlg eauinnua che sun
eau, che saien er els cun me, par che uezan la mia glœrgia,
qasela che tu hsBS dô â mi, per che che tu hsBS amô me auns
CD che Tg muondsaia stô skiaffieu. (25) Bab giûst, Vg muond
nun ho cunschieu te, mu eau hse cunschieu te, & aquaîsts
haun cunschieu che tii hœs tramis me. (26) Et hae manifesté
aqaels tieu num: à uœlg manifester par che la tia amur, cun
aqaœla che tii hses amô me, sala in els^ & eau in els.
ANNOTATIUNS
[Santtfichia] fo sœnc. santifichiôs] fats sœncs.
CAP. XVIII.
(1) Hauiand lesus dit aquaistas chiôses, schi es el ieu oura
cun ses discipuls ui sur Tg âiim Cedron : innua chi era iih
hœrt, in aquel el & ses discipuls es ieu aint. (2) Et ludas
quœl chi Tg tradiua, sauaiuia er Tg lœ, per che lesus gniua
allô suenz cuu ses discipuls insemmel. (3) Et ludas cura chel
hauét prais [374] la cuort, & dais grands sacerdots, & dais
phariseers Ts seruiains cun el, schi uen el allô cun glinternas
& fasthellas & cun armas, (4) lesus uschia dimê sauiand tuot»
tas chiôses quaelas chi gniuan ad esser sur se, passô inauaunt
& dis ad aquels: Chi scherchises uus? (5) Els arespundetten
agli : lesum Nazarenum. lesus dis ad els : Eau sun. Mu er
liidas, quaal chi Tg tradiua, stêua cun els. (6) Et sco el hauét
dit ad aquels, eau sun, schi gietten é inauous & crudaun in
terra. (7) Et darchiô dumandô el aquels : Chi scherchiaes uus?
Et els dissen: lesum Nazarenum. (8) lesus arespundét: Eau
hae dit â uus^ che sun eau. Schi uus dimê scherchises me, schi
laschô tirer uia aquaists. (9) Par che gnis cumplieu aqué pléd
chel hauaiua dit : Da quels, qusBls che tii hest dô â mi, nun
hse eau pers ûngiiin. (10) Et Simon Petrus hauiand ùnaspêda,
tras aquella & plaiô Tg famalg dalg grand sacerdot, & schun-
chiô glu agli la sia uraglia dretta. Et era Tg num delg famalg
Malchus. (11) Et lesus dis â Petro : Metta aint tia spsBda in la
66 L^ÉVANGILE SELON S. JEAN
taia. Nu daia eau baiuer Tg bachiêr quael chi hà dô â mi Vg
bab ? (12) La cumpagnia dimê, & Vg chiapitauni, & Vs serui-
ains dais lûdeaus appigliaun lesum & Vg liauu, (13) & Vg
mnaun Tg prûm tiers Annam : per che el era sœr da Caiphae,
quael chi era grand sacerdot da que ao, (14) & Caïphas era
aquel qusel chi hauaiua dô cusselg als liideaus, che fus bœn
ch'iin hum sul mûris par [375] tuottelg pœuel. (15) Et dsieua le-
sum giaia Simon PetruSj&iinôterdiscipul. Et aquel discipul era
cunsc[h]ieu agli grand sacerdot, & antrô aint cun lesu in la
cuort dalg grand sacerdot. (16) Et Petrus stéuaourda doura
tiers Vg hûsth. Et giét oura aquel ôter discipul, quel chi era
cunschieu agli grand sacerdot, & dis â la purtnijra, & mnét
aint Petrum. (17) Et la fanschella purtnijra dis ad Petrum:
Nun ist er tii forza lin daels discipuls da quaisthum ? Et el dis:
Eau nu sun. (18) Et Ps seruiains & famalgs stêuan allô, qusels
chi hauaiuen mis brasthchias insemmel, perche elg era fraid,
& s'asckiudêuan. Et era er Petrus qusel chi stêua & s'asckiu-
dêua cun els. (19) Et Vg grand sacerdot dumandô lesum, da
ses discipuls, & da sia duttrina. (20) lesus arespundét agli :
Eau hse faflô auertamang agli muond, eau hae saimper amussô
in la synagoga & îig taimpel, innua tuots liideaus uignen in-
semmel, &. ad ascus nun hsB faflô ûnguotta. (21) Che dumandast
me? Dumanda aquels chi haun udieu aqué ch'eau [hae] faâô
cun els : Vhé aquaists saun aqué ch'eau hae dit. (22) Et hauiand
dit aqué, iin dais seruiains chi stêua allô, dét lina masclôda â
lesu dschant : In aquella guisa arespuondest tii agli grand
sacerdot? (23) lesus arespundét agli : Sch'eau hae dit mêl^ schi
dô pardiitta da mêl, mu sch'eau hae dit bain, par che m' bat-
tast tii? (24) Et Annas Vg tramtét liô â Gaipham grand sacer-
dot. (25) Mu Simon Petrus stêua & s'asckiudéua. Et dissen
agli : Nun ist forza er tii iin dais ses discipuls? [376] El
sthnaiô^ & dis : Eau nu sun. (26) Et iin dais famalgs dalg grand
sacerdot, paraint da quel, che Petrus hauaiua agli tagliô glu
Turaglia, dis agli : Nun hse eau forza uis te cun el îlg hœrt ?
(27) Et Petrus sthnaiô darchiô, & impestiaunt Vg gial chiantô.
(28) Et mnetten lesum da Caipha îlg palaz de la raschun : &
era sii la damaun, & els nu gietten aint îlg palaz de la ra-
schun, par che nu s' maculassen, mu che pudessen mangiêr la
pasthqua. (29) Et Pilatus dimê giét our da doura tiers els &
»_•
L EVANGILE SELON S. JEAN 67
dis : Che chiûsa mnés uus incunter aquaist hum ? (30) Els
arespundetten & dissen agli : Schi aquaist nu fus culpaunt,
schi nun Tg hauessens mia dô â ti in mauD. (31) Et Pilatus dis
ad els : L*g prandé uus, & Tg giûdichiô suainter la uossa le-
scha.Et Ts lûdeaus dissen agli : â uus nun é licit d^amazâr iin-
giiin. (32) Par che Tg plêd da lesu gnis cumplieu, qusel chel
dis^ dant ad inclijr, cun che mort el gniua â mûrir. [SS) Et
Pilatus giét darchiô îlg palaz de la raschun, & clamô lesum,
à dis agli: Ist tii araig dais ludeaus ? (34) lesus arespundét:
dist aqué da te dues, u haun dit aqué â ti ôters da me ? (35)
Pilatus arespundét : Sun eau forzaûn lûdeau? La tialieud & Ts
grands sacerdots t' haun dô te â mi aint in maun. Che haest
fat? (36) lesus arespundét: Mieu ariginam nun es d'aquaist
muond. Schi Tg mieu ariginam fiis da quaist muond, mes se-
ruians schert cumbattessen, ch'eau nu gnis dô in maun dais
[377] lûdeaus. Mu h uossa Tg mieu ariginam nun es da qui.
(37) Et dimê schi dis Pilatus agli : Schi ist tu dimô araig? lesus
arespondét : Tii disth ch'eau sun araig. Eau sun naschieu in
aqué, & par aqué gnieu îlg muond, ch'eau porta pardiitta alla
uardsBt. Scodiin qusel chi es da la uardêt, ôda la mia uusth.
(38) Pilatus dis : che chiôsa es la uardaet ? Et cura chel hauét
dit aqué schi giét el darchiô oura tiers Ts ludeaus & dis ad els:
Eau nun acchiat iingiina chiaschun in el. (39) Et elg es la
uaossa ûsaunza ch*eau lascha â uus ir iin sii la pasthqua.
Valais dimê ch*eau lascha ir â uus aquel araig dels liideaus ?
(40) Alhura clamauntuots danœf: Brichia aquaist, dimperse
Barrabam. Et Barrabam era iin saschin.
CAP. XIX .
(1) Alhura dimé Pilatus prandét lesum, & Tg agiasthlô,
(2) & Fs sudôs hauiand sturtigliô aint ûna curuna d'spinas
schi la metetten é sii sieu chiô. Et Tg metetten dintuorn iina
arassa d'purpur, (3) & dschaiuen : Ave araig dais liideaus. Et
dêuan agli masclêdas. (4) Et Pilatus giét darchiô oura, &
dis ad els: Vhe eau 's uœlg mnêr oura, par che uus cugniou-
schas ch'eau nu acchiat iingiûna chiaschun in el. (5) Et lesus
giét oura, purtand iina curuna d'spinas, & iin mantilg d'pur -
68 l'Évangile selon s. jean
pur, & dis ad aquels : Yhé Vg hum. (6) Et Tg hauiand uis Ts
grands sacerdots & Ts [378] scriuauns schi clamâuan é
dschant : Cracifîgia cruciâgia. Pilatus dis ad els : L*g prandé
uus & Tg cruciôgiô : per che eau nun acchiat ûngiiina chia-
schun ia el. (7) L's liideaus arespondetten agli : Nus
hauain ûna lescha, & suainter nossa lescha data el mûrir per
che el s'ho fat filg da dieu. (8) Et hauiand udieu Pilatus aqué
plêd schi ho el tmieu plii fick. (9) Et es darchiô ieu aint ilg
palaz de la radschun, & dis ad lesum : Innuonder ist tu ? Mu
lesus nu det agli iingiûna arisposta, (10) et Pilatus dis agli :
Nu uuost faflêr eu me ? Nu ssest tii ch^eau hse pussaunza
da crucifichiér te, et he pusaunza da alargiêr te ? (11) Jésus
arespundét : Tii nun haués iingiûna pusaunza incunter me,
upœia ch'ella nu t' fiis dêda zuraingiu. Très aqué aquel chi
m *hô dô me â ti aint in maun, ho plu grand pchiô. (12) Et da
londer in uia Pilatus scherchiêua dalg alargiêr. Mu Ts
liideaus clamêuan, dschant : Schi tii alargiast aquaist, schi
nun ist amick da Csesaris. Scodiin qusel chi s* fo araig, cun-
terdisth â Caesari. (13) Et hauiand Pilatus udieu aquaist
plêd, schi mnô el oura lesum, & sazét in haunchia da dret, &
in lin lœ, qusel chi ho nun lithostrotos, & in Hebreesth Ga-
battha. (14) Et era siilg di delg adat da pasthqua, intuorn las
sijs huras, & dis als liideaus : Yhé Vg uos araiq. (15) Et els
clamêuan : Prain el dauend, prainel dauend, & l'g cruciâgia.
Pilatus dis ad els : daia eau crucifigiêr uos araig ? Et l's
grands sacerdots [379] arespundetten : Nus nun hauain
araig, ôter co Caesarem. (16) Alhura dimê Vg dét el in maun
ad aquels chi Vg crucifigiassen. Et prandetten lesum & Vg
mnaun dauend, (17) & el purtaunt sia crusth, giét oura in
aquel lœ, qusel chi ho num Caluaria, & in Hebreest[h], Golgo-
tha, (18) inua che Vg cruciâchiaun, & duos ôters cun el, liûn
da liiin maun, & liôter da liôter, & lesum i miz. (19) Et Pi-
latus scriuét er Vg tittul & Tgmetét siila crusth, & era scrit :
lesus Nazarenus araig dais liideaus. (20) Et aquaist tittul
ligietten bgiers dais lûdeaus, par che Vg lœ era ardaint la
cittêd, innua che lesus fiit crucifichiô. Et era scrit in he-
breesth, Grec, & Latin. (21) Et Ts grands sacerdots dais
liideaus dschaiuen â Pilato : Nu scriuer araig del[s] liideaus,
dimperse chel ho dit, eau sun araig dais liideaus. (22) Pila-
l'évangile selon s. JEAN «9
Iqs arespondét : Aquô ch' eau h» scrit, hœ eau sorit. (23) Et
Ts sudôs hauiand cruoifichiô lesum prandetten la sia uescki-
mainta» & la faschetten in quater parts, â scodûni sudô ûna
part : & prandettan Tarassa quasla chi era texida da sum
infina giu ad im, sainza cusdûras. (24) Et dissen traunter els ;
Nus nu la uulain tagliêr, mu nus uulain trér la sort par
aquella, da chi ella sala. Par che la scritiira gnis cumplida,
dschant : ËIs haun partieu mia uesckimainta â si sues, et sur
mia arassa haun els [380] trat la sort. Bt Ts sudôs haun
schert fat aqué. (25) Et stéuan dspera la crusth sia mamma
da lesu, & la sour da sia mamma Maria mugliôr da CleophsBi
& Maria Magdalene. (26) Et cura che lesus uezét sia mamma
&. Vg discipul qusel chel amêua, stand sper' ella, schi dis el â
sia mamma : Duonna, uhé tes âlg. (27) Alhura zieaa dis el
agli discipul : Vhé tia mamma. Et da quella hura iuia Tg dis-
cipulprandét aquella par sia mamma. (28) Dsieua aqué, sauiand
lesus, che tuottas chiôses gio fiissen cumplidas, par che gnis
cumplieu la scritiira schi dis el : Eau hae sait. (29) Et era
allô mis un uaschilg plain d'aschaid. Et els implitten ûna
spungia plaina d*aschaid, & d'hijsop, & la spurschetten sii
dspera la siabuochia. (30) Etcura chel hauét prais Tg aschaid,
schi dis el : Elg es cumplieu : & hauiand abassô Tg chiô schi
dét sii Tg spiert. (31) Et Ts ludeaus par ch'elg era Tg di delg
adat^ par che Ts corps nun arumagnessen su la crusth îlg di
delg sabath (per che elg era Tg grand di delg sabath) schi
aruan é Pilatum che gnissen arruot lur chiammas, & gnissen
prais dauend. (32) Et uennen dimê Ts sudôs, & sfrachiaun
las chiammas dalg priim, & dalg ôter qusel chi era cruciôchiô
cun el. (33) Et cura che uennen tiers lesum, sco els uezetten
chel era gio muort, schi nu Tg sthfrachiaun els las sias
chiammas : (34) Mu iin dais sudôs cun la [381J launscha
furô sieu flaunck, & adiintrat giét oura saung & ouua. (35)
Et aquel chi ho uis dé testimuniaunza, & la sia testimu-
niaunza es uaira. Et aquel sô chel disth Tg uaira, par ch* er
nus craias. (36) Par che aquaistas chiôses sun duantêdas, par
che la scritiira gnis cumplida : iin œs nun es imminui dad el.
(37) Et darchiô ôtra scritiira, qusela chi disth : Els uignen â
uair in chi els haun punschieu. (38) Dsieua aqué Joseph de
Arimathea, quel chi era discipul da lesu, mu ad ascus par
70 l'Évangile selon s. jbân
temma dais lâdeaos, arao Pilatam chel pudés prender Tg
chiœrp da lésa, & Pilatas dét aqué tiers. (39) Et nen er Nico-
demus quaei chi era gnieu sôlg prâm tiers lesom d'not, par-
tant ûna mastâra da Mijrrhae, & alœs intuorn da schient
gliaras. (40) Et prandetten Tg chiœrp da lesu, & plaiaim aint
aquel in linzuos (sic) cun chiôses sanuridas, snainter ch' elg
es Tiisaunza als lûdeaus da sapulijr. (41) Et era in aqué lœ,
innua chel fiit crucifichiô, un hœrt, & îlg bœrt tin mulimaint
nuof, in aquael nun en aunchia ûngiûn stô mis. (42) Allô dimê
par mur dalg di delg adat dais lâdeaus, par che elg era da
tiers Tg mulimaint, matteten é lesum.
ANNOTATIUNS
Caluaria] Vg lœ innua chae's metten uia Ts méifatuors.
Ave] es iin plêd da salûdêr, sco dir : deas t*sain. Aloes] es iin'
herua chi malagia.
Jacques Ulrich.
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
Cartnlaires des abbayes d*Aniane et de Gelloné, publiés d'après les ma-
nuscrits originaux. — Cartulaire de Gellone, par Paul Alaus, Tabbé
Gassan et E. Mkynial. — Montpellier, Martel, 1898, m-4'' [511 p.
et un carton *].
La publication entière doit contenir les Cartulaires d^Aniane et de
Saint- Guilhem, ainsi qu un certain nombre de pièces justificatives, le
tout accompagné de notes ajoutées à cbacun des textes, précédé d*une
introduction générale et suivi de tables communes.
Le premier volume, seul paru, contient le texte tout nu du cartu-
laire de Saint-Guilhem. 11 est difficile de se rendre compte, à cause de
l'état tout à fait incomplet de la publication, du profit qu'en pourront
tirer les historiens. La généalogie des diverses familles féodales de
cette région, la topographie du pays au moyen âge y trouveront sans
doute à compléter les renseignements que nous fournit partiellement,
et seulement pour la région de Montpellier, le Liber inslrumentO"
rum. Peut-être pourra- 1- on en déduire encore quelques observations
plus générales sur Tétat économique de Texploitation des terres et
l'organisation des syndicats. Mais, en tous cas, ce seront sûrement
les juristes qui y trouveront la plus ample moisson pour l'histoire, si
inconnue, des origines coutumières du droit écrit, soit au point de
vue des contrats, soit même relativement au droit des personnes.
Nous signalons pourtant cette publication, parce qu'à côté de son
intérêt local, elle offrira quelque attrait aux philologues. On y ren-
contre au moins, du XII® s., huit documents écrits en langue d'oc,
dont quelques-uns, en particulier le dernier et le plus important
(no 577, p. 499), sont inédits.
Voici la liste de ces documents :
lo P. 192, no 224 ; donation, latin mêlé de provençal ;
2» P. 197, n? 234 : testament, texte assez important ;
30 P. 298, n° 365 : serment daté de 1122 2 ;
4» P. 299, n° 268 : même texte que le précédent avec quelques va-
riantes graphiques (1170) ;
* Fait partie des publications de la Société archéologique de Montpel-
lier.
2 Ne faut-il pas corriger dans ce texte desci en d'esci ?
72 BIBLIOGRAPHIE
5^ P. 407, n9 498 : donation , quelques mots provençaux semés dans
le texte latin ;
6° P. 433, no512 : courte charte;
7° P. 484, n® 559 : charte, mi-latin, mi-provençal ;
8** P. 499, n*' 577 : donation, le plus long de tous ces documents
et le plus intéressant.
En outre, on trouvera dans les autres des formes latines en pleine
voie de transformation.
Hiret y Sans (Joaquim). — Gartoral dels Templers de les comandes
de Gardeny y Barbens. — Barcelona^ Tip. « L'Avenç»^ 1899, m-8«»
[35 p.].
C'est l'analyse écrite, en catalan, d'un cartulaire des commanderies
de Templiers de Gardeny et de Barbens, qui se trouve dans les ar-
chives du Grand Prieuré de Catalogne de l'Ordre de St-Jean-de-
Jérusalem. Le manuscrit compte 111 feuillets en parchemin de
38X^5 centimètres. Suivant M. Miret y Sans, il aurait été écrit au
XIII® siècle et relié au XVII*. Il était connu jusqu'à présent sous le
nom de « Llibre vert del armari dèu ». U porte comme titre : Liber
diversarum donationum, emptionum^ venditionum, ac instrument
torum aliorum concessarum et factarum domui militie templi
Salomonis, Quand on le relia, on laissa subsister des feuillets appar-
tenant à un autre cartulaire et des feuillets blancs. Sur ces derniers,
fut dressé en 1692 un index des 264 documents contenus dans le ma-
nuscrit. Beaucoup sont inédits et inconnus.
M. Miret termine son travail en établissant la liste des comman-
deurs des deux maisons de Gardeny et de Barbens et en donnant
deux inventaires des meubles du château de Gardeny. Ces inventai-
res, datés l'un de 1289, Tautre de 1580, sont écrits en catalan et
sont fort intéressants à consulter.
Ârmana prouvençau, per lou bel an de Dieu 1899, adouba e publica de
la man di Felibre. Porto joio, soûlas e passo-tèms en tout lou pople
dôu Miejour. An quaranto-cinquen dôu felibrige. — Avignoun, Hou-
manille^ 1899, t7i-8°.
Armana dôu Ventour en prouvençau. Librihoun mita galoi, mita serious,
arrenja e bandi pèr un roudelet de troubaire emé l'a judo di mèstre
dôu Felibrige dins l'estiganço d'estrurre e d'amusa lou brave pople
miejournau. — S'atrovo à Veisoun {Vau-ciuso), 1899, inS'*,
Almanac patones de TAriejo per Tannado 1899, countenen fieiros,
coursos de la luno, tout so que cal per fe rire e acountenta las gens de
BIBLIOGRAPHIE 73
nostre tant aimable pays, coumo proberbis, cansous, countes, istorios,
farsos, etc. Gosto souloment : Très sous, quinze centimos I Aco 's per
res. Nauviemo annado. — Fouix, Imprimario de Gadrat ainat, 1899,
pet, 172-4"
Annada lemouzina (L').— Annuari pel bel an ^e Dieu M.D.GCG.XG.IX.
— Paris, chas l'autour (Lemovix), 1899, tn-8°.
Le nombre des Almanachs écrits en langue d^oc va sans cesse en
augmentant. VArmana dôu Ventour est l'un des nouveaux venus de
cette année. 11 nous a paru calqué sur son aîné et voisin, VArmana
prouvençau. Ceci, d'ailleurs, n'est pas un blâme : on ne saurait
choisir meilleur modèle.
Quant à VArmana prouvençau de 1899, il ne diffère pas sensible-
ment des volumes précédents. Ce recueil est, du reste, si universelle-
ment connu et apprécié par les provençalistes, qu'il n'y a pas lieu
d'insister.
VAlmanac patoues de £*Ar%ejo constitue, en ce genre, la tentative
la plus originale et la plus intéressante que je connaisse. C'est le vé-
ritable Almanach populaire : comme rédaction et comme prix. Acces-
sible à toutes les intelligences et à toutes les bourses (il ne coûte
que quinze centimes), le succès lui est venu rapidement. Si j'en juge
par l'exemplaire que je possède, le tirage a parfois dépassé sept mille.
Cependant les difficultés à vaincre étaient nombreuses. Le dépar-
tement de l'Ariège ne compte pas moins de trois dialectes bien tran-
chés : le parler de la Haute-Montagne, le gascon et le languedocien.
Or il n'est pas. exagéré d*affirmer qu'un Languedocien ne comprend
guère le gascon, pas plus qu'un Gascon le languedocien. L'éditeur a
obvié à cet inconvénient en faisant à chacun sa part. Les chansons,
les contes, les proverbes ont été distribués dans VAlmanac suivant
Timportance qu'ont ces dialectes dans le département. C'est ainsi
que le parler de la Haute-Montagne n'a que la « Letra de la
Baserca », le gascon une dizaine de pages, le languedocien tout
le reste. Les contes sont judicieusement choisis et l'orthographe
félibréenne ou mistralienne, si simple et si logique, qu*a adoptée l'édi-
teur, en rend la lecture aussi facile que possible.
V Annada lemousina forme la contre-partie exacte de VAlmanae
patoues. La contrée où elle paraît est des plus favorables à son
expansion. De Brive à Limoges, de Nontron à Ussel, il n'existe pas
de différences dialectales si profondes, qu'une page écrite dans
l'idiome d'une région du Limousin ne soit intelligible pour tous les
lecteurs des autres régions. En outre, le prix n'est pas très élevé (vingt
centimes). Dans ces conditions, V Annada lemouzina eût dû pénétrer
dans toutes les familles limousines ; or il nous a semblé qu*ii n'en était
■74 BIBLIOGRAPHIE
pas ainsi et que 1* A nnacf a n'avait guère obtenu qu'un succès d'estime.
C'est que les éditeurs ne se sont pas contentés de prendre ce qu'ils
avaient sous la main ; ils ont voulu faire de la science, renouveler
l'orthographe et même employer, si nous en croyons le journal
Lemouzi dont VAnnada n*est que le supplément, ce qu'ils appellent
VOrthographe des troubadours. Cela a été une erreur, car en admet-
tant que la façon dont écrivaient Bertrand de Bom et Bernard de
Ventadour nous soit connue, en admettant (ce qui n'est pas) que la
graphie provençale eût été codifiée par une académie de l'époque, il
serait fâcheux de s'en servir dans un almanach, si elle devait aug-
menter les difficultés qu'a le peuple à comprendre une langue qu i^
parle mais qu'on ne lui enseigne ni à lire ni à écrire. Et il faut bien
avouer que la graphie dont se sert VAnnada déroute le lecteur'; elle
est, en outre, suspecte au savant à qui la déformation systématique
des mots inspire naturellement de la défiance.
La vitalité de la langue d'oc est encore assez grande pour que
chaque dialecte puisse avoir son almanach, l'intérêt que portent les
habitants à leur idiome assez fort pour lui assurer le succès. Du reste,
ces almanachs ne constituent pas seulement une récréation pour le
peuple, mais aussi une source de documents très utiles aux philo-
logues. C'est à ce titre que notre Revue signalera tous ceux qui lui
parviendront. — H. T.
Il n'existait pas jusqu'à présent une étude assez simple et qui fût en
même temps au courant de la science pour donner au grand public
une idée juste de la poésie provençale. M. Jeanroy a le grand mérite
de combler cette lacune dans une série d'articles que la Revue des
Deux-Mondes ^ publie en ce moment.
Le premier, et le seul paru (15 janvier 1899), traite des Origines;
et déjà, par cette première partie, nous pouvons entrevoir ce que doit
être ce travail. 11 ne ressemble en rien aux études imprimées durant
ce dernier quart de siècle. Il faut remonter jusqu'à V Histoire de la
Poésie provençale de Fauriel pour trouver un point de comparaison.
Ce n'est pas que depuis Fauriel les philologues et les historiens litté-
> Par exemple on lit au verso de la couvertupe (p. 2); c Gn, mn se pro-
noncent nn^ sagnar {sannar)^ femma (fennaj; Ll se prononcent n/,
espalla {espanla).» Pourquoi ne pas écrire simplement sannar, fenna,
espanla ? Et plus bas : « i? ne sonne point à la fin des infinitifs en ar, er,
ir, » etc... Alors pourquoi récrire?
' JEANROy (A.). —La poésie provençale du moyen âge. — I. Les origines
IRev. des Deux-Mondes, 15 janvier 1899, p. 349^385).
BIBLIOGRAPHIE 75
raires se soient privés d'ëtadier la littérature des troubadours et, dans
la renaissance de l'érudition qui caractérise les trente dernières années,
le domaine provençal n'est point resté inexploré. Nous n'avons pas
à apprendre aux lecteurs de cette Revue combien les découvertes
ont été nombreuses et fructueuses. Mais sur ce champ où il y avait
tant à recueillir les explorateurs couraient au plus pressé, là où
les appelaient leurs préférences, là où ils espéraient rencontrer les
gites les plus abondants, les filons les plus précieux. La fièvre des
recherches était si vive que nul ne songeait à fixer dans une œuvre
de synthèse les résultats obtenus. C'est ce qu'a fait M. Jeanroy ; et il
semble bien que ce travail soit venu à son heure, au moment où, comme
il le dit lui-même, « il ne reste pas, de toute la poésie lyrique des trou-
badours, plus de cinq cents vers inédits. »
M. Jeanroy estime que « les spécialistes ne trouveront dans ces
pages aucun fait qui ne leur soit connu. » C'est assurément trop de
modestie de la part de celui qui a fourni de si importantes contribu-
tions à l'histoire de la lyrique au moyen âge, et l'on éprouve quelque
peine à le croire, si l'on songe que, depuis l'apparition de son
volume : Les origines de la poésie lyrique en France au moyen âge,
l'auteur n'a pas cessé de poursuivre ses études sur ce sujet. Mais alors
même qu'il ne nous apporterait aucun fait nouveau, tous les proven-
çalistes lui sauront gré de leur fournir l'occasion de revoir en un
tableau d'ensemble ce qu'ils peuvent connaître.
Nous reparlerons de ce travail dès que la publication en sera ter-
minée. — H. T.
Le tome IV, fasc. 1, du Kritischer Jahreshericht uber die Fortschritte
der romamschen Philologie, que dirige M. K\rl VollmÔllbr, vient de
paraître. Dans le présent volume sont traités plusieurs sujets qui
avaient été omis ou n'avaient pas trouvé place dans les précédents ;
par exemple : Histoire, Encyclopédie et Méthodologie de la philologie
romane de notre collaborateur E. Stbngbl ; les langues celtiques de
J. LoTH et L. Chr. Stbrn; l'arabe (dans le domaine roman) de C.-F.
Sbtbold.
La Nuova antologia a donné dans son numéro du 1*' janvier 1899
an article de M. Carlo Sborb sur « Cbaucer et Pétrarque », d'après
les nouvelles recherches qui ont été faites récemment. Dans celui du
16 janvier, M. Michèle Schbrillo passe en revue [Rassegna dantesca)
les livres qui ont été publiés sur Dante dans le courant de l'année
1898.
76 CHRONIQUE
Le dernier numéro des Romcmische Forschungen (X, 5) contient un
article de M. Ëlfrath sur le développement d'un groupe latin ou ro-
man de trois consonnes en ancien français *- une collation de la
« Règle des cisterciens » (publiée par M. Guignard , Dijon, Daran-
tière, 1878) par M. Foerster et un intéressant travail de M. Haag
sur la Latinité de Frédégaire.
Dans la Revue de Gascogne^ M. J. Dugamin examine le travail de
M. Adolf Zauner * sur la Conjugaison en Béarnais, Cette analyse
critique est le complément indispensable de Particle da M. Zauner.
CHRONIQUE
Le centenaire de Jasmin
Les fêtes du centenaire de Jasmin, qui avaient été d'abord fixées
au 30 et 31 mai 1898, ne furent célébrées que le 6 et 7 août. En re-
tardant la solennité, les organisateurs voulurent qu'elle coïncidât avec
le voyage des Cadets de Gascogne et qu'elle reçût, du fait de leur
venue, un plus grand éclat.
La Société pour V étude des langues romanes ayant été invitée,
se fit représenter par son secrétaire-adjoint, M. Henri Teulié.
Beaucoup d'autres Sociétés savantes, avec lesquelles la nôtre en-
tretient d'amicales relations d'échange, avaient aussi envoyé des dé-
légués.
Citons :
Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers : M. Fré-
déric Donnadieu ;
Société des sciences et belles-lettres du Tarn : MM. Laf argue et
Numa Lacroux ;
Société historique et archéologique du Périgord : M. Eugène Roux;
Société des études du Lot : M. J.-B. Rouquet ;
Société archéologique du Tarn-et- Garonne : M . le chanoine Pottier.
M. Charles Ratier, président du Comité des fêtes, et M. Chaumîé,
sénateur et maire d'Agen, firent à tous l'accueil le plus aimable. Leur
exemple fut imité des habitants ; et, malgré la foule des étrangers,
qui avait doublé la population de la ville, les hôtels et les cafés
1 Zauner (Adolf). — Die Konjugation im Bearnischen (Zeitschrift f.
roman. Philologie, 1896, XX, 433-470.)
CHRONIQUE 77
n'avaient pas augmenté lears prix, u Vous êtes chez vous », disait
M. le Maire à chacun, et, de fait, on se sentait un peu chez soi, car
jamais, dans une ville en fête, l'hospitalité ne fut pratiquée d'une façon
plus large.
Le 6 au soir, après Tarrivée du dernier train de Paris, un vin d'hon-
neur fut servi dans la salle du Conseil municipal, à THÔtel-de- Ville.
M. Ghaumié souhaita la bienvenue à tous ceux qui avaient répondu
à l'appel du Comité : savants et cigaliers, félibres et cadets, et leva
son verre à ses hôtes. Ce fut M. Albert Arnavielle qui répondit en
disant qu'il ne prendrait point la parole si le silence des Cadets de
Gascogne ne montrait qu'ils voulaient laisser ce soin à un de leurs
aînés, à un de ceux qui étaient restés dans la maison paternelle où
ils vivaient pauvres de gloire et pauvres de richesses, mais en con-
servant pieusement la tradition des aïeux. Son allocution provençale
fat très goûtée, sauf peut-être de quelques Cadets qui voulaient bien
être cadet, mais à la condition de n'avoir point d'aîné.
La principale cérémonie du lendemain, 7 août, eut lieu au pied de
la statue de Jasmin. M. Ratier y prononça un excellent discours, et
nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les belles paroles
de celui qui a su maintenir, à Agen et dans la région, la langue de
Jasmin :
Damos s Moussus,
Ero puple et Gascou ! La lengo del sans fayssous diu s'en donna,
la prumèro.
D'autres faran se resquita la lengo de la bisito, que sara coumo un
lugrejomen de pèrlos fînos. Ei amassât, jou, de bispolos sus pots des
oubriès e des paisans. E la couronne que t'anan adouba sara coumo
la cal, o Jansemin, tu qu'à banta la grande patrie metères l'entrin e
lou fran pensa garounés ; tu qu'aimères per dessus tout la pitchouno
patrie e cambières soun gipou fierlangous en mantèl estelat.
Doun nous baciu de miles altour d'une estatuio. l'a la Bile, laCoun-
trado, tout lou Mètjour. Lou brut que mounto de la foule, — m'en-
gani pas, nani, — aquel brut es lou fremissomen de gens que coumu-
nion dins une emoucioun intime. A quin prepaus, tout acô ?
L'aoutre siècle n'abio
Qu'un parel d'ans à passa sul la terro,
Quan ai recouèn d'une bièillo carrèro,
Nasquôt un droUe
un drolie que fusquèt lou filhol de la Pouesio.
Besès coumo la poulido fatchilhèro liperfumo lou lèi de la pauresso,
sa mai ; coumo sarcis per el, de bordo en borde, la biasso de soun
pairi ; coumo sous pès nuts, lou fai caressa pel sable caudet de
rilhot et pel fres gratilhou de Tèrbo âourido ; coumo, soun cap nut,
lou cofo d'aire sanitous e de sourel embeudaire. Ëscoutasdambéquin
bresilhadis de rire ounèste e de sentimens pietadous empleno l'esprit
78 CHRONIQUE
e loa co de Tefan, talèa espelits ; jutjas s*es prou gignouso, en pres-
tin souQ âmo, de nou res prene qu'à nostre biais poupulari : aîgo
Ïmro de riaspiracioun, farino sancièro de la dreto pensado, dincos al
eban d'oc qu'uflara la pasto e nous la fara mai goustouso. Besès,
escoutas, jutjas : saurés que lou perruquiè fusquèt pouèto, tout ço
de pus crâne entremièi lous pouètos, gramecés al soûl trabal de la
naturo qu'en fan boujoula ta souben l'engin chel minable rampèlo sul
sabé aue se croumpo.
Eh ! be, z'ou cal dire, nostre oumatges'arrèsto pas à Jansemin can-
taire. Dison, e parei prou, que la pouesio s'endeben gaire dambé lou
tens d'aro. Lou tindinomen de rimos escampilhados en l'aunou des
prats e de las pastouros sono faus al mitan de las cansos apauridos
e des maines jour per jour abandounats. Que la Muso gragnairo d'i-
déal s'en angue desgruna sous cabels pel mounde, un pau cadun
passo, mespresen ou tipejous, daban la dibino mentido qu'acuso de
nous afiasqui ; un pau cadun nous bol pas que lou Rèbe, coupe l'a-
marun del souci de douma. Abèn bel, lou pitchou noumbre, pensa e
afourti que l'idéal, tapla e milhou que lou minja, preparo per touto
grando causo d'omes bertadèromen forts, saquela sabèn coumo
aqueste placé sariô desèrt se lou que festejan n'èro estât qu'un
pouèto.
Sufis pas, tapau, à nostre oumatge de Jansemin quistaire, de Jan-
semin que sous efforts countro la misèro ennartèron tout soûls à la
punjirico de l'art de coumpousa e de déclama. Trento ans, — touto
uno bito bitanto ! — dins lous crambots estrets oun lou paure espe-
Ihoundrat s'agrnpis de fret e bado de talen, lou gran preste de la
Caritat fasquèt pleure un labassi de pistolos. Trento ans, lou bes-
quèron rouiia trabès las pianos, grimpa pes pèchs, pertout oun lou
cridabon. Soulomen aquiu sa partido èro gagnado d'abanço. Es que
demandabo pas en Franco oun es tan dous de douna? Es que deman-
dabo pas surtout dins lou Mètjour Gascon, qu'atchi dessus coumo
sus tan d'autres puns, merito d'èstre apelat la doublo Franco?...
Tabé prouclama, nous-aus, soun amou de la Caritat, acô semblariô de
glouriolo : tout urous d'abé balhat, nous countentan de remercia.
Mes, talèu lou proujét del Centenari anounçat, uno bufado miste-
riouso es partido de Sent-Antoni oun nous apilan anèi, estats. oupi-
niouns ou cresenços frairalomen abarrejats. Pas brai, mounde del
Grabè, de Sent-Alari, de la Porto-del-Pi, de la Porto-Nèbo, pas
brai, bous-aus, que ses benguts de dèts, trento, cincanto lègos à
Tentour; pas brai, lous que nous quitères un jour per ana pourta un
pauquet de nostre san dins la bito naciounalo, pas brai que la fèsto
de Jansemin bous es aparescudo coumo nostro fèsto, coumo la de
Tâmo Gascouno? E bous-aus aue nous arribas de toutos las countra-
dos oun, tapla qu'aciu, débat 1 or e lou blu de nostre cèl, perfumado
tant que nostros flous, foundento dins la bouco tan que nostro fruto,
roussignoulejo dumpèi nau-cents ans e sens fi roussignoulejara, la
douço lengo d'oc, pas brai qu'aquelo fèsto bous es aparescudo coumo
la de nostro raço mètjournalo ?
Mens que res, un pouèto poupulari de l'estofo d'aqucste n'es Tefèt
de l'asard; l'asard sauriô pas toumba juste per embouima la foulo e
Tentraina. Uu loun grumèl d'annados, un pilot de joios, de pèsso-
mens, de souscados, d'actes, preparon l'un per l'autre qui bai souna
e qui bai entendre. Pus fort: lou sounaire arribo à l'ouro oun sara
CHRONIQUE 79
que la taulo d'armounio rasounan darrè las cordos de la liro pu-
blico.
Las Papillotos me balbaran pas lou démentit. Cercas-i quin felhet
porto pas la marco de tout ço que sèn, boulèn, aiman ; quin felhet
porto uno autro marco. Âquel libre es lou brebiari de nostros tradi-
ciouns, coustumos ou legendos; la garbo granado de nostros qualitats
simples ou erouicos ; un tros de l'historio franceso escribudo per nos-
tres pepis, brabes trabalhaires de tèrro ou de mestiè, sabens renou-
mats, souldats sens reculado e se pausan jamai.
Âco's a tal que presan nostresrocs bestits en belou que herdejon^
nostros pianos que toutjour daurejon, A tal toutjour.
La lengo del trabal
A la bilo, pel la campa gno.
On la trobodinscado oustal;
Y'espouso l'home al brès, jusqu'al clôt Taccoumpagno.
A tal Tescai-noum de franciman marco al fèr rouge lou qui cou-
menço Taprendissatge de regenaire en aben ounto de soun brès. A tal
quan Vaunou del pats zou coumandOj tonts i sèn. Dins la grande u
coumo à la malo-ouro, nostre esprit e nostres bras boton dèts quan
lous autres boton un. Mes, lou pres-fèit acoumplit, nostre co prou-
clamo toutjour que
La pitchouno patrie es bien aban la grande I
Fa pas a dire : lous dus patrioutismes esplicats e prounats per las
Papillotos, batchiu la foun d'oun paichelèt Tinspiracioun del pouèto.
E — qui me jetara la pèiro? — batchiu sustout en de que soun canta
fusquèt Techo des soubenis e de las aspiraciouns de toute uno raço.
Z'abiô be sentit, nostre perruquiè : lou parla mairal ten lou semé
de Tidèio loucalo ; es à dire de nostro ouriginalitat e de nostro balou.
Mes se doutabo gaire, en lou lantsan de campèstre en campèstre,
qu*èro lou samenaire atendut per la Proubinço tengudo lountems en
bousigo. Marseihés, AubergnaCs, Gascons, tout serbiô as goubernai-
res d'autres cots, per lous espouti de forço, per lous despersouna
legalomen, quitomen per lous i capouna la fièrtat. Fabiô de preferats
et de filhastres, coumo se d'escarts dins la coulou des pièls, la coupo
de la bèsto, lou biais del carattèri, empatchabon d'èstre frais, lous
drolles d*uno mémo mai. Acô's plus aial dins la Franco d'anèi. La
barietat des engins proubincials, junits en bisto de la grandou cou-
muno, i amaduro déjà la plus bèlo segasou. E tout a cambiat dumpèi
que Jansemin,entounan d'aquelo segasou louprumè sègo-ligO| balhét
lou toun as miles de cigales patriouticos engarrancidos débat las
turros.
Bibo doun lou grand Agenés, Pun des plus illustres pouètos del
siècle I Bibo Tome que sa debiso, seguido sens falhi, fusquèt <e Boun-
tat ! » Bibo lou pitchounet de qui la bito restara coumo Tetsemple
e Tennoublissomen des pitchounets ! Bibo lou fil débet que plantèt
lou lugret al froun de la Gascougno ! Bibo lou prouféto del Mètjour
e la manobro de la nacioun !
Atal cridan, lous milanto que sèn aciu. E nostro aclamacioun
rencountran à trabès lous aires la de quinze milliouns de Mètjournals,
sus nostre Jansemin la bolto del Panteoun poupulari es ennartado
per rimmourtalitat. »
80 CHRONIQUE
Beaucoup d'autres discours furent lus ou récités après celui-ci. Dis-
cours très remarquables d'ailleurs, mais où il était si peu question
de Jasmin, de sa langue et de son œuvre, qu il eût suffi, comme dans
ceux des rhéteurs antiques, de changer un nom pour qu'ils se fussent
appliqués avec autant d'exactitude à n'importe quel prosateur ou
poète.
11 faut pourtant faire une exception pour l'admirable harangue de
M. Jourdanne. Dans son improvisation, il essaya de montrer comment
le réveil de la langue avait constitué la première manifestation de la
vie provinciale et comment Jasmin y avait contribué pour la plus
large part. Il marqua les étapes du mouvement provincialis te, d'abord
confus, indécis, méconnu même de ceux qui le créaient, puis se pré-
cisant peu à peu et, s'affirmant, enfin, définitivement à l'inauguration
delà statue devant laquelle il parlait, le jour où Mistral dit le fameux
sirventès que chacun connaît :
Pèr la nacioun, e pèr li fraire
Que rèston à l'oustau e que menon l'araire,
Ë parlon voulountous la lengo dou terraire.
Es un triounfie aqueste jour.
Et comme des acclamations enthousiastes avaient souligné l'évo-
cation du nom de Mistral, il s'écria: « Si Mistral était venu aujour-
d'hui, Agen n'aurait pas eu assez de fleurs, assez de couronnes pour
le grand poète, et ses hommages ne se seraient pas seulement adres-
sés au poète mais aussi à celui qui personnifie les aspirations des po-
pulations méridionales. »
Ce discours, dont nous ne donnons qu'une insuffisante analyse, fut
coupé à plusieurs reprises par les applaudissements de l'assistance.
Un banquet suivit cette cérémonie et, au lever de table, on se ren-
dit dans le parc de la préfecture où se tenait la séance des Jeux flo-
raux, présidée par M'"® Réquier, bien connue dans le monde félibréen
sous le nom de Philadelphe. La gracieuse présidente dit avec beau-
coup de talent deux pièces de vers : Ed nit et N*èm pas d'aci !
Voici deux strophes empruntées à cette dernière:
N'èm pas d'aci ! Si marmuro ra briso
En tout que puno e friso
Ero mousseto griso
Qui tapisso ed arroc;
N'èm pas d'aci ! Si dits ero rigolo,
A soun aygo qui colo
Atau coumo uo holo
A trabès flous e broc.
CHRONIQUE 81
N'èm pas d'aci ! Si penso r'abelheto
Peaden que ra houèlheto
S'esfano e cay tout dous ;
N'èin pas d'aci ! Si crido ra campano,
Quand ero mour nous pano
Eds bièlhs eds maynadous.
M. Perbosc fit le rapport sur le concours en langue d'oc et M. Ch.
Ratier proclama les lauréats, dont voici les noms:
Ode & Jasmin
1«' Prix M. le docteur Marignan (Marsillargues, Hérault).
2« — M. Auguste Advenier (Saint-Jean de CucuUes, Hé-
rault).
3« — M. Emile Barthe (Nissan).
Poésie lyrique
1*' Prix .... M. Paul Bourgue (Avignon).
2« — M. Henri Pelisson (Arette, Basses-Pyrénées).
3* — Anonyme (Casteljaloux, Lot-et-Garonne).
Sonnets
1" Prix, ... M. Henri Pellisson.
2« — M. Arthur Poydenot (Ch. de Prous, St-Sever, Lan-
des).
3« — M. J. Martin (Cournonterral, Hérault).
Mention M. Pierre Chairou (Saint-Nicolas-de-la-Grave).
— M. Joseph Gayssot (Castanet, Haute-Garonne).
Poésie de genre. — i'^ section
1er Prix... . M. Louis Bonnaud (Marseille).
2« — M. Albert Mailhe (Toulouse).
3« — M. Albert Lafosse (La Gravière, près de Montauban).
Mention.. .. M"« Gélade (Garbonne, Haute-Garonne).
— M. Léon Nadal (Paris).
Poésie de genre. — 2*> section
1er Prix., ... M. le chanoine Lacoste (Agen).
2« — M. Valéry Billou (Monclar-d'Agenais).
Mention M. Ernest Destrem (Castanet, Haute- Garonne).
— M. Pozzy (Bergerac).
Gliansons
1er Prix. ... M. Simin Palay (Vic-Bigorre).
2e — M. Paul Bourgue (Avignon).
Mention M. Louis Rouquier (Puisserguier, Hérault).
— M. François Brousse (Montpellier).
Contes en vers
1er Prix., .. M. P.-H. Bigot (Aix-en-Provence).
2® — M. Henri Pellisson.
82 CHRONIQUE
ex'€Bqi40 M. Gaston Lavergne (Aïn-Témouchdnt, prov. d*Oran).
Mention M. Anton! Berthier (Beaucaire).
Contes en proie
!•' Prix M. Gustave Thérond (Cette).
2« — M. Maurice Jorret (Mas d'Agenais).
3o — M. Louis Charasse (Vaison, Vaucluse).
Mention. ... M. Marcel Ligniôres (Saint-Chinian, Hérault).
Nous devons mentionner, en outre, le prix obtenu par M. Alexandre
Westphal pour sa traduction libre en vers de Maltro VInnoucento,
Le traducteur a su faire passer dans ses vers toute la grâce qu*une
traduction peut emprunter à son modèle.
Le soir, un banquet, organisé à la hâte par M. Sernin Santy, réu-
nit la plupart des félibres qui étaient présents aux fêtes. Parmi les
convives se trouvaient MM. Jourdanne, Arnavielle, Sernin Santy,
Banal, Pigot, Félicien Court, Tabbé Bessou, Vergnes, Palay, Marc
Varennes, etc., etc.
De là on se rendit au théâtre où avait lieu une soirée de gala. M.
Mounet-Sully obtint un grand succès en disant Les Pauvres gens de
Victor Hugo, et M. Mouliérat, de TOpéra-Comique, bissé par les féli-
bres, fut plusieurs fois rappelé et unanimement applaudi par toute la
salle.
Ainsi finirent les fêtes du centenaire de Jasmin. Le lendemain et les
jours suivants d'autres fêtes eurent lieu à Montauban, à Toulouse et
à Carcassonne, mais la Société des Langues romanes n'ayant pas été
invitée, nous n'avons pas à en rendre compte.
•
li^Université de Montpellier
La rentrée solennelle des Facultés a eu lieu à Montpellier, le
24 novembre 1898, sous la présidence du nouveau recteur, M. Antoine
Bbnoist. a cette occasion, M. Benoist a prononcé un discours du
plus haut intérêt. Nous en extrayons les passages où il a défini le
caractère et le rôle de TUniversilé de Montpellier. La Société des
langues romanes est unie par tant de liens à TUniversité que nous
sommes certains d'être agréables aux lecteurs de la Bévue en les
reproduisant. Après avoir dit, en quelques phrases, ce que sont les
Universités de Lyon, de Bordeaux, de Toulouse et de Grenoble qu'il
avait connues avant son arrivée à Montpellier, voici comment M. Be-
noist a parlé de la nôtre :
« Parmi ces Universités, la vôtre occupe une place à part. Dans ce
pays de France qui a si souvent et si follement fait litière de son
CHRONIQUE 8 S
passé, qui n'a su jalonner que par des ruines la route du progrès,
Montpellier a eu la sagesse de ne pas renier ses gloires, de ne pas
laisser prescrire ses traditions. D*abord, et fort heureusement, votre
ville n'a été qu'à moitié haussmanisée. Tout près des boulevards où
circulent les trams électriques, on trouve avec délices de ces vieilles
rues, qui ne semblent pas avoir changé depuis le temps où Félix Flat-
ter, après avoir tiré les Rois chez son maître Rondelet, revenait avec
les étudiants allemands ses compagnons, titubant quelque peu, tâ-
tant les murs, réveillant par leurs chansons les bourgeois prudem-
ment clos dans leurs logis. Montpellier, c'est un Oxford français et
méridional, non pas, comme l'autre, mollement couché parmi les
prairies de la Tamise, mais debout sur sa colline pierreuse, entre les
contreforts des Cévennes et la Méditerranée bleue et souriante, qui
lui apporte sur l'aile de la brise les parfums de l'Orient. Sans doute,
ici comme ailleurs, bien des choses ont péri. On y chercherait vaine-
ment cette église de Notre-Dame des Tables qui dominait toute la ville,
ou ces immenses couvents des Dominicains et des Carmes, des Au-
gustins et des Franciscains, qui l'enserraient comme dans une qua-
druple forteresse. Mais il subsiste assez de débris du passé pour que
les archéologues, les artistes, les poètes, puissent le reconstruire par
l'imagination. N'est-ce pas une vraie vision du moyen âge que votre
Faculté de médecine, avec son toit crénelé comme celui d'un vieux
donjon, avec ses murailles adossées à celles de la cathédrale, dont le
porche massif et puissant semble la protéger ou la menacer de son
ombre ? Tout ici nous parle des siècles évanouis ; tout nous retrace
l'histoire bien connue, mais à jamais instructive, des efforts toujours
renaissants et toujours illusoires de l'homme qui veut perpétuer le
souvenir de sa richesse, de sa grandeur, de sa gloire, et qui ne fait
quUmmortaliser le témoignage de son néant.
» Je crois, Messieurs, qu'une ville où les souvenirs du passé sem-
blent se lever sous nos pas, où chaque rue est une leçon d'histoire,
est un séjour mieux approprié à une Université qu'un Chicago quel-
conque, où Ton peut bien s'imprégner d'énergie et d'esprit pratique,
mais où l'étude désintéressée, qui est l'essence même de l'enseigne-
ment supérieur, ne trouve ni excitation ni aliment. Cependant, je n'ai
pas, je vous l'assure, la superstition des vieilles pierres, et je ne
pense pas que d'antiques murailles, découpant leurs lignes sévères
sur le ciel et rappelant un passé tragique et grandiose, soient un titre
suffisant pour revendiquer la possession d'une Université. Autrement
ce n'est pas à Montpellier, c'est dans la Cité de Carcassonne, qu'il
aurait fallu installer la vôtre. Les vrais titres de Montpellier, ce ne
sont pas ses monuments, ce sont les traditions scientifiques qui se
sont perpétuées d'âge en âge. Avant le XII® siècle, les médecins juifs,
disciples d'Avicenne et d'Averroès, vous avaient apporté d'Espagne,
avec les leçons de leurs maîtres, l'héritage de la science grecque, dès
longtemps oubliée en Occident. Depuis ces temps lointains jusqu'à
nos jours, à travers toutes les révolutions qui ont transformé la science
comme le reste, la réputation de votre ville s'est maintenue. Les
papes et les rois de France faisaient venir leurs médecins de Mont-
pellier. Au moyen âge, pendant le long sommeil des sciences de la
nature, la scolastique triomphante n'avait pas étouffé chez vous tous
les germes de la saine méthode, comme en témoigne, au XIV® siècle,
la Urande Chirurgie de votre Guy de Chauliac, justement louée par
64 CHRONIQUE
Victor Le Clerc. Âassi la Renaissance devait-elle trouver dans votre
Faculté de médecine un terrain tout préparé. C^est ici que François
Rabelais, échappé de sa prison monastique, s'enivrait de science et de
liberté intellectuelle. C'est ici qu'il concevait sans doute, qu*il es-
quissait peut-être son Pantagruel, ce livre immortel où il fonde, comme
dit Michelet, la foi profonde, la foi en la nature, notre mère et notre
éducatnce, où il poursuit de ses railleries vengeresses tous ceux qui,
quelque nom qu'ils portent, de quelque robe qu'ils s'affublent, ne
songent qu'à exploiter la crédulité humaine et k opprimer la pensée.
)) Ce grand et noble esprit, ce Rabelais dont la robe légendaire a
été revêtue chez vous par tant de générations de candidats, ça été,
Messieurs, le vrai patron de votre Université moderne, et il lui a
porté bonheur. Ces sciences de la nature, qu'il a célébrées, je dirais
presque qu'il a chantées avec tant d'enthousiasme, n'ont jamais cessé
d'être cultivées ici avec éclat. Son ami Guillaume Rondelet a été, au
témoignage de Cuvier, un des fondateurs de l'histoire naturelle. C'est
grâce à lui que, dès 1556, votre Faculté de médecine était dotée d'un
amphithéâtre d'anatomie. C'est lui qui, au Collège royal où il ensei-
gnait, groupait pour les besoins de 1 étude la plupart des plantes mé-
dicinales, inaugurant ainsi, dans des proportions modestes, ce qui
soixante ans plus tard allait se faire, non loin de là, au Jardin du
Roi. Ce jardin, vous le devez au plus grand de nos rois, à celui qui
a signé TËdit de Nantes et a chassé de France les Espagnols, et il
semble qu'Henri IV, comme un génie protecteur, ait veillé sur vous
après sa mort, comme il vous avait favorisés et enrichis de son vi-
vant. Depuis Richer de Belleval jusqu'à l'illustre de Candolle, toute
une lignée de savants a vécu, a travaillé dans ce jardin. Pierre Ma-
gnol, Tournefort, Bernard de Jussieu, que de glorieux ancêtres pour
nos professeurs actuels 1 et mon ami Maurice Croiset n'avait-il pas
raison de dire, dans son discours du Centenaire, que « l'histoire de
n ce jardin, c'était celle même de la botanique? »
Après avoir retracé le passé brillant de l'Ecole de médecine,
M. Benoist a continué en indiquant ce que furent les Universités
anciennes, ce que doivent être les Universités nouvelles, et il a mon-
tré combien la diâérence était profonde entre les unes et les autres,
quoique le titre soit le même.
« Il ne faut pas être dupe des mots, et s'imaginer que l'Université
si brillamment inaugurée en 1890 doive ressembler à celles de l'an-
cien régime. Ce nom même d'Université est une cause fréquente
d'erreurs et de malentendus, parce qu'il a eu plusieurs sens différents,
et qu'on les confond souvent les uns avec les autres. Dans la langue
du moyen âge, comme dans celle du droit romain, universitaa voulait
dire corporation; c'est à la corporation enseignante de Montpellier
que s'applique la bulle de Nicolas IV, du 26 octobre 1289, et quoique
dans cette bulle même les différentes Facultés soient désignées comme
ne faisant qu'un seul groupe, il est difficile de supposer qu'un pape
de la fin du XllI^ siècle ait eu cette conception de l'unité essentielle
de la science sur laquelle sont fondées les Universités modernes,
conception qui s'est formée il y a cent cinquante ans à peine, au temps
des encyclopédistes, conception qui, même de nos jours, n'est pas
CHRONIQUE 85
admise par tous, et que MM. de Rozière et Challemel-Lacour, dans
leurs discours de 1892 au Sénat, ont niée formellement.
» Quoi qu'il en soit, il y a une chose certaine : pour les hommes du
XIII® et du XIV® siècle, une Université c'était une corporation ensei-
gnante investie de certains privilèges, et les Universités de ce temps-
là prétendaient si peu représenter Tuniversalité de la science, que les
plus célèbres étaient celles où la spécialisation des études était la
plus marquée. L'Université de Paris était essentiellement une grande
école de théologie, l'Université de Montpellier une école de médecine,
l'Université de Bologne une école de droit. De notre temps, au con-
traire, nous entendons par Université un groupe de hautes écoles où
sont représentées toutes les parties du savoir humain dans son état
actuel.
» Voilà, résumée en deux mots, notre conception présente des
Universités. Ceux qui l'ont fait prévaloir avaient compris que le sys-
tème des écoles spéciales, improvisé par nos pères en pleine Révolu-
tion, sous le coup de nécessités pressantes, nous mettait dans un état
d'infériorité à l'égard de l'Allemagne, qui a su adapter ses antiques
Universités à l'esprit moderne et aux besoins actuels. On a donc
repris ce vieux nom d'Université qui, au moyen âge, avait fait la
gloire de Paris, de Toulouse, de Montpellier ; mais on n'a pris que
le mot, non la chose : l'enseigne est vieille, mais la construction est
entièrement neuve. Nos Universités nouvelles ne sont pas du tout,
comme Oxford et Cambridge, des corporations autonomes; ce sont,
comme les Universités allemandes, des établissements d'Etat. C'est
l'Etat qui leur fournit la plus grosse part de leur budget ; c'est l'Elat
qui nomme leurs professeurs titulaires ; c'est le Recteur, représentant
de l'Etat, qui a la présidence de leur conseil. Ces trois choses se
tiennent étroitement, et font partie intégrante d'une même conception.
On n'a pas voulu ressusciter les Universités telles que le dix-huitième
siècle les avait connues, ces Universités qui n'usaient du droit
qu'elles avaient de se recruter elles-mêmes que pour pratiquer un
népotisme éhonté; qui, pour attirer les étudiants, abaissaient à l'envi
le niveau des examens et mettaient les grades à l'encan ; qui enfin
(sauf une exception, glorieuse pour vous, celle de Montpellier),
laissaient la science se faire en dehors d'elles, et au nom d*une soi-
disant tradition qui n'était plus qu'une routine, barraient la route au
progrès. »
*
Jeax floraax
Ce n'est plus seulement dans le midi de la France et en Catalogne
que se célébreront dorénavant les Jeux floraux ; l'influence de « Clé-
mence Isaure » s'est étendue vers le Nord et, cette année, Cologne
va avoir ses fêtes de mai comme Barcelone, Agen, Toulouse ou Mont-
pellier. Voici à ce sujet les intéressants renseignements que nous
communique notre collègue M. Anglade :
« Les Jeux floraux, cette institution d'origine toulousaine, vont
être acclimatés à Cologne. Le président de la Société littéraire de
6
86 CHRONIQUE
cette ville, le docteur Fastenrath, a donné à la Société la somme de
dix mille marcs dont les intérêts serviront à fonder des prix pour
les lauréats.
Voici quelques extraits des statuts :
1. — But des Jeux floraux
1. Les Jeux floraux fondés par le docteur Fastenrath, sur le modèle
des Jochs florals catalans, ont pour but de contribuer au progrès de
la poésie et au développement des genres humoristiques et descriptifs
dans le Rheinland et la Westphalie.
2. La fête des Jeux floraux a lieu tous les ans à Cologne, le pre-
mier dimanche de mai. Les lauréats reçoivent leurs prix des mains de
la dame qui a été nommée reine de la fête.
3. Les travaux couronnés sont lus en public par leurs auteurs ou
par des artistes dramatiques.
4. Les travaux couronnés paraissent tous les ans en volume.
IL — Les Prix
1. Les prix sont ordinaires ou extraordinaires.
2. Les prix ordinaires sont les suivants : l'auteur de la meilleure
poésie patriotique obtient un bluet d'or, d'une valeur de 100 marcs ;
Fauteur de la meilleure poésie religieuse obtient une violette d'or ;
l'auteur de la meilleure poésie amoureuse reçoit un bouquet de
fleurs naturelles retenues par un nœud en or gravé ; ce dernier prix
donne le droit de nommer la reine.
Deux autres prix, une églantine et une grappe fleurie en or, sont
attribués à l'auteur de la meilleure nouvelle en prose ou en vers. Au-
cun de ces travaux ne doit contenir plus de trois mille mots.
III. — Le Jury
1. Le jury doit comprendre au moins cinq membres, sept au plus.
4. Le choix du jury appartient au bureau de la Société littéraire,
5. La fête commence par une exécution musicale ; des chœurs peu-
vent se faire entendre après la lecture de chaque pièce.
6. La fête commence à midi et ne doit pas durer plus de deux
heures.
Les premiers Jeux floraux auront lieu le 7 mai prochain. i>
* *
C'est aussi au mois de mai que se tiendront, à Toulouse, les Jeux
floraux de VEscolo moundino. Des fleurs d'or, d'argent, des médailles
seront distribuées aux lauréats.
Voici le programme des Jeux :
CHRONIQUE 87
I* Poésie lauguedocienne (dialecte de Toulouse et des régions voi-
sines). Sujets divers (chansons, contes, sonnets, etc., etc., 150 lignes
au maximum) ;
2» Prose languedocienne. Sujets divers (contes, légendes, etc.,
200 lignes au maximum) ;
3<' Traditions populaires et glossaires locaux ;
4® Pour les écoliers des écoles de Languedoc, Gascogne, Rouergue,
Quercj et pays de Foix, traduction en prose languedocienne de la
fable de La Fontaine : La Qrenouille qui veut se faire aussi grosse que
le Bœuf,
Adresser les envois, ou demander les renseignements complémen-
taires, au secrétaire de VE^oh moundïno, à Castanet, près Tou-
louse.
*
Notre collaborateur, M. Charles Mourrbt, archiviste de la ville de
Tarascon, a découvert parmi les minutes de son étude de notaire un
inventaire de pharmacie fort curieux. 11 est, en majeure partie, rédigé
en provençal et porte la date de 1529. Il comprend 1130 articles qui
énumèrent les drogues contenues dans lo contado de la botiquo, las
podres, las aygos, los olis, las pierraries, las borsas de clisten, lo pes
de la medecino de Monp illier tout garnit, los libres apellas ressatoris,
ciCr. , etc...
M. Mourret a bien voulu transcrire et annoter ce document pour la
Revue qui le publiera prochainement.
« •
M. Charles Barbibr, professeur au Lycée de Guéret, et qui a donné
kla, Revue une édition d\i Libre de memorias de Jacme Mascaro, vient
de publier une intéressante étude sur Théocrite en tète d'une excellente
traduction, composée par son frère, M. François Barbier, professeur
au Collège de Perpignan. Les deux auteurs sont des élèves de notre
Faculté des lettres.
» •
M. le prof. Ë. Levt consacrera une de ses leçons, pendant le pro-
chain semestre (Université de Fribourg-i-B.), à la poésie provençale
contemporaine (félibres et félibrige).
« «
Notre confrère, M. Bonnet, professeur de littérature latine à la
Faculté des lettres, a été nommé correspondant de Tlnstitut (Académie
des inscriptions et belles-lettres).
88 CHRONIQUE
« •
Noos avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs la promotion de
M. Lambert, directeur da Conservatoire de musique et trésorier de
la Société des langues romanes, au grade d*officier de rinstruction
publique. Tous les membres de la Société se réjooiront avec nous
d'une distinction si méritée accordée à notre excellent confrère et
ami. «i^
Deux peintres-littérateurs de Montpellier, pleins de talent et de
•
mérite, MM. E. Marsal et Ëloy Yincbkt, ont été, en même temps
que notre trésorier, nommés officiers d'Académie.
Notre confrère et ami M. Semin Santt, directeur ànLemouzi, a été
honoré de la même distinction.
C'est le 21 mai prochain que sera célébrée, à Arles, la Santo Estelle,
fête annuelle du Félibrige et qu'aura lieu l'inauguration du Museon
arlalen.
Les félibres qui désirent assister au banquet sont priés d'envoyer
leur adhésion à M. P. Maribton, chancelier du félibrige, 9, rtie Riche-
panse, Paris,
Le Gérant responsable : P. Hamklin.
NARBONENSIA
CHANGEMENT DE / PROVENÇAL EN lE.
On sait que dans divers dialectes provençaux t provenant
de % tonique latin a développé après lui un e. A ma connais-
sance, on n'avait d* exemples de cette modification de Vi que
pour des mots où cette voyelle est suivie soit des labiales b
et V vocalisées en u, soit de la linguale /; on était même porté
à attribuer le développement de cet e à Tinfluence des pho-
nèmes qui le suivaient ^ Les textes narbonnais nous prou-
vent que ce phénomène est beaucoup plus étendu. Ils nous
fournissent des exemples analogues aux exemples connus, et,
en outre^ pour t suivi de la labiale m, de la linguale r et même
des dentales n et s. Bien plus, nous trouvons cet e développé
après un t provençal provenant de i ou de e latin toniques ou
atones suivis de m, n, r, /, et même pour un i provençal
suivi de ^ ; je n'en ai pas trouvé d'exemple avec u. Cet e se
renforce en a, mais seulement lorsque le groupe te est suivi
de / ou de ti romans.
Il semble qu'en présence de ces faits nouveaux on ne peut
pas admettre l'explication qui attribue le développement de
cet e à Tinfluence des phonèmes suivants, surtout quand on
tient compte de cette particularité que tantôt les consonnes
m, n, 8y r, / appartiennent à la même syllabe que le groupe
ie précédent et tantôt appartiennent à la syllabe suivante.
Voici les mots, tous empruntés à d'anciens textes narbon-
nais ', dans lesquels j'ai constaté ce phénomène. Je les
1 P. Mbter. — Les manuscrits de B. Boysset (Romania, t. XXII, p. 124).
' Je ne donne que des mots relevés au hasard de mes lectures dans la
riche collection de textes de langue que possèdent les archives de Nar-
bonne. Un dépouillement complet fournirait certainement un contingent
plus considérable; mais je n'ai pu Tentreprendre à cause de la richesse
XLii — Mars-Avril 1899. 7
y-*
90 NARBONENSIA
range en groupes d'après le phonème qui suiti^, en donnant
d'abord ceux dans lesquels i était tonique, ensuite ceux où
il était atone; dans chaque groupe les mots sont rangés dans
Tordre alphabétique usuel et accompagnés de l'indication du
document qui le fournit. Il a paru inutile d'établir des listes
distinctes pour les mots où te provient de l latin, ceux où il
provient de t ou de ë, et pour les mots d'origine germanique
ou inconnue.
Cribm — cnmen (clavaire * de 1407, f» 63).
VifiiM — mmen (Livre de comptes de Jacme Olivier *, 1381-
1391, f 69, 3, p. 134 ; f 81 v% 1, p. 159).
Ybmpbtrar — ïmpetrare (clav. 1476, f* 141 r* et v° et pas-
sim).
N
DiBNS — de ïntus (clav. 1445, f* 110 — dedyens e defora ; le
clavaire de 1476, f* 143 v** écrit dies ; y a-t-il, ici, chute de Vn
ou simple lapsus du scribe ?).
FiEN — finem (quittance de R. Tissejre, escttdier, dans une
liasse de quittances de 1439; fiens a la payseyra, clav. 1476,
f» 142 V* ; afien que, clav. 1476, f»» 142, 143 v% 145 v*»).
SiENC — qmnque {quatorze II. syenc sos, synquanta sienc ii» ^.,
clav. 1468, f> 100 V).
ViBN » — mnum (clav. 1476, f»" 145 v% 146 v«).
Vient — mgtnti {perlo près de vient /i., clav. 1468, f* 100 v^).
même de cette collection. Je n'ai pas tenu compte des textes publiés
par Moujnès dans Tinventaire de ces archiyes. J*ai déjà eu l'occasion
de dire qu'il n'a guère donné que des copies alors qu'il arait les origi-
naux sous la main, et que ces copies elles-mêmes, il les a ordinaire-
ment données d'une manière fautive.
1 Je désigne ainsi les registres des comptes des clayaires ou trésoriers
communaux.
* Ce livre de comptes est en cours de publication dans le Bulletin de
la Commission archéologique de -Nar bonne (1895-1899). Dans le reste de
ce travail je le désignerai par les mots /. Olivier.
3 Actuellement bi. Je ne connais pas à Narbonne d'exemple ancien de
chute de Vn dans des mots de ce genre.
NARBONENSIA 91
A8TBNN4T — ossignatum (clav. 1476, f* 141 tti)'* /t. qtie lo re-
sebedor avia asyennadas; f* 141 v* una Jornada asyennada).
Pribnsypal — pnncipalem (clav. 1476, f* 144 v*).
Trienquar (clav. 1476, f» 142).
Vyensbns — Vincentem (nom de personne) (clav. 1476, f** 1).
Ybntrar — tntrare (clav. 1476, f* 145).
Les infinitifs provençaux en in
1* Provenant de verbes latins en tre :
AuKiBR — audlre (clav. 1380-81, f* 154 v* ; liasse de quit-
tances de 1444).
PuNiBR — puntre (vidimus, du 4 des nones de mai 1320,
d*uQe ordonnance de 1313).
Vknibr — vemre (ibid. ; clav. 1445, f* 121 ; clav. 1476,
f>- 141, 144 v% 145).
2o Provenant de verbes latins en ëre :
CoBfPBLUBR — compeUëre (clav. 1445, f* 121 ; clav. 1476,
f» 141 V» *).
CoMPLiBR — complère (J. Olivier, f* 110 v*, 2, p. 226 ; clav.
1445, f<> 121 ') ; et son composé acomplibr (traduction en pro-
vençalfaite en 1335 de lettres de Philippe Yl du 11 mars 1332).
Proybribr — providëre (clav. 1380, f* 159).
Tbnibr - tenêre (clav. 1380, f»« 151, 152, 155 v% 157; clav.
1433, f> 139 ; clav. 1446, f» 166 ; clav. 1476, f»* 141 V, 143 v%
144).
3^ Bandibr, verbe d'origine germanique dont la forme or-
dinaire est bandir. — Se trouve dans Tanaljse en provençal
inscrite au verso d'un acte daté du 21 mars 1326. L'analyse
n'est pas datée, mais ses caractères paléographiques per<
mettent de la faire remonter avec certitude au XIV® siècle.
SiBRVBNT — sërvientem (liasses de quittances de 1439, 1444).
On peut rattacher au second groupe Tinfinitif quesibr —
• Le clav. de 1476 donne le participe syan compelietz,
' Une seule phrase du clav. de 1445 renferme ces exemples : c £y
pagat per una letra per far compellier los talayres que yenguesson
compiler de far lo tal, que no voUan venier. »
92 NARBONENSIA
quaerère (clav. 1476, f 144 v* *). On sait que qvMerêre k ^onué
guerre^ et qae, passé à la conjugaison en ëre^ il a donné
querer, quérir. J' j rattache encore siouibr — sequi (clav. 1380,
1° 141) qui se présente ordinairement sous la forme de seguir.
Peut-on y rattacher aussi proseribr (clav. 1380, f* 131 v"")
qui se présente ordinairement sous la forme procesir ' ? Oui,
si on dérive ce verbe du latin procedêi^e, dont Ve aurait été
allongé. Je préférerais y voir un dérivé roman du mot procès.
Un autre infinitif plus difficile à expliquer est suplier (clav.
1476, f* 144 v**) avec le sens de suplicar. Faut-il voir dans
cette forme un résultat de l'influence du français? Dans ce
cas, ce verbe devrait disparaître de cette liste. Mais le cla-
vaire qui a employé cette forme n*a nullement francisé son
provençal '. Existe-t-il un provençal suplir au sens de supli-
car ? Je n'en connais pas d'exemple.
Voici encore deux formes curieuses que je relève au folio 1
du 3* thalamus, ce sont les mots podibr = poder et sabibr =
saber. Ces formes, qui datent de 1256 ^, nous ramènent aux
infinitifs podir^ sabir. L'un d*eux rappelle le podir des Ser-
ments de Strasbourg et nous amène à admettre que cette
forme a appartenu à la Gaule entière. Mais elle n'aurait
pas laissé d'autres traces dans le Midi, ce qui est peu vrai-
semblable. 11 me semble plus naturel d'admettre ici une in-
1 Voici le curieux passage du clayaire renfermant le mot quesier :
« Ey pagat a dos barbu tz de Gontestinoble losquals son deputats de
anar quesyer per tôt lo monde quy los vol donar ; e la présent vila de
Narbona los a donat so es la soma de iiij li. xyiij s. ix d. »
2 II est inutile de faire remarquer pour ce verbe le changement d'f
en r, dont aurier cité plus haut oflTre un autre exemple. J'ai montré que
le fait était fréquent à Narbonne aux XIV* et XV* siècles. On vient de
voir un exemple du changement dV en s dans quesiei\
3 Voici comme échantillon de la langue de ce clavaire la phrase qui
renferme le mot en question : « Eyso per la despensa e trebal fasedor
per anar deves lo rey nostre subijan sehior e a son grant consel e lur
suplier que la lybertat de la merchandayria sya uberta en lo présent pais
de Lengadoc. . . per venier de Monpelia a Narbona. >
^ Voici le texte du 8* thalamus : c Aquest libre fon compilatz. .. en
Tan de nostre seior Jeshu Grist que hom comtava de la carnatio.
m. ce. 1. vj., em podier del seiors consols, so es asabier del seior en
B' Mainart >, etc.
NARBONENSIA 93
flaence analogique des verbes comme tener — tenir ^ querer
— quérir^ dans lesquels ie provenait de la forme en — ir et
avait familiarisé les Narbonnais avec les infinitifs en — ier
employés concurremment avec les infinitifs en er.
Cette parenthèse close, reprenons notre liste :
AfiBiEL — aprîlem (registre de 1377-1379, compte de répa-
ration des murs, passim ; J. Olivier, passtm ; inscription du
Musée de Narbonne, datée de 1392; liasses de quittances de
1435, 1444).
Abrial (clav. 1402, f° 140 ; clav. 1430, f» 131 v«).
Angibl — angëlum (clav. 1416, f' 1 ; le même texte a aussi
arquangiel).
Angyal (clav. 1401, f» 160 v«).
AusYELS — auxiliis (?) (clav. 1476, f» 109 — fabadesa dels
ausyels) * ; quelle que soit l'origine de ce mot, il se présente
ordinairement sous la forme ausils.
Barriela = le français harril et se présente en provençal
sous la forme barila (clav. 1413, f* 14 ; clav. 1471, f» 97
r^» et V*).
Bariala (clav. 1397, f> 98 v»; clav. 1410, f>» 51 v% 65;
clav. 1471, f»» 97, 97 V»).
Datiel — dactylum (clav. 1438, f* 133 v*).
Datial (liasse de quittances de 1438 — per .j. It, dragea
perlada e per Jj, li. datials que foron per far colasi'ûn),
PiELH — ftlum (acte de 1346*; J. Olivier passim; clav.
1393, f» 1 ; clav. 1421, f> 102 V).
PiALH (clav. 1420, f» 97 v*); fiai est la seule de ces deux
formes qui ait persisté jusqu'à aujourd'hui '.
1 C'était le nom d'un monastère situé à l'est de Narbonne ; non loin
de là est encore une chapelle dédiée à Notre-Dame-des-Ausils, dans
les textes latins de auxiliis.
* Arch. de Narb., pièce non inventoriée, texte original du règlement
sur la fabrication des draps, reproduite dans les Annexes de V Inventaire
des Archives, A A, p. 321, d'après une copie. Cette copie donne viala^
liura^ et l'original a vila^ lieura.
3 Je retrouve dans d'autres régions du Languedoc, à Saint- Hippolyte-
du-Fort (Gard), fiala (fr. filer), fialousa (quenouille); cependant aujour-
d'hui on n'y connaît que la forme fiou ifilum).
94 NÂRBONENSIA
FiBL — fllfûm (liasse de quittances de 1438, compte de An-
thony Pelisso ; registre de quittances de 1444, f* 66 v*^; clav.
1446, P 68).
Gachiel, se présente ordinairement sous la forme gachil
(clav. 1462, f* 128); désignait une construction élevée sur les
remparts ; se rattache au mot gach^ gait = franc, guet.
Gentibl, jentibl — gendlem (clav. 1406, f* 1 ; clav. 1420,
f» liminaire 1 ; clav. 1433, f» 1; clav. 1445, f» 119).
jENTiAL (clav. 1398, f 107 v»; clav. 1415, f 1)-
Herbobl, nom de personne que Ton trouve ordinairement
sous la forme latine Hermiltum (clav. 1439, f» 114 v* ; clav.
1455, f* 94 ; liasses de quittances de 1439, 1455).
HuMTEL — humtlem (clav. 1430, f* liminaire — en io nom
de la humyel verges Mana; clav. 1433, f* 1 — la humyelh verges
Marya).
HuTiEL — utïlem (clav. 1475, f° 125).
Miel, mielh — mille (clav. 1416, f» 1; quittances de 1429 ;
clav. 1445, f» 141 v» ; clav. 1447, f» 158; clav. 1476, f» 150).
Dos M1EUA — mlllia (clav. 1447, f© 158).
MiAL (liasse de quittances de 1429; clav. 1430, compte-
rendu des vérificateurs ; clav. 1430, f* 131 v" ; liasses de
quittances de 1436, 1438).
PiELA, PiBLHA — fnlam (acte du 15 mai 1341, adjudication
de la construction d'un pont ; registre de 1423, f* 51, d'une
main autre que celle du rédacteur ordinaire).
PiALA, piALHA (acte du 22 juillet 1336, concernant la con-
struction d'un pont ; se rencontre aussi dans les mêmes
textes que piela, piWAa;dans le registre de 1423, c'est la
graphie du rédacteur ordinaire, f°" 31, 33 etpassim).
On trouve aussi piala de peyra {cl&v. 1402, f® 153) pour
désigner des mesures en pierre pour les grains. Ce mot est
encore usité aujourd'hui sous la forme pialo pour désigner
une auge *.
RoDiELy nom de personne qui se retrouve souvent dans les
textes latins sous la forme Rodillum^ et dans les textes pro-
> Ce mot, sous la forme pielo^ est encore usité à Saint-HippoIyte-du-
Fort (Gard) pour désigner de grands récipients en pierre dans lesquels
on conserve Thuile d'olive.
NARBONENSIA 95
vençanz sous les formes Bodil, Rodilh^ et même dans le cla-
vaire de 1438, f* 129, sous la forme RodeL (Liasses de quit-
tances de 1439, 1444; clav. 1444, f* 166 v«; clav. 1476,
f» 146).
SiBL = s{7= silo relevé par M. Chabaneau dans le poète
narbonnais G. Riquier, 179, 710 {Rev. des Lang. rom.^ t. XII,
p. 99).
ViELA, viBLLA, viBLHA — m/fam (clav. 1342, passim; clav.
1380, f 1 ; liasse de quittances de 1429, 1435, 1438; forme
très fréquente dans la période postérieure).
ViALA, viALLA, viALHA (actcs de 1299, 1337 * ; clav. de
1341, f> 13 ; copie faite en 1344 d'un acte du 19 nov. 1341 ;
clav. de 1358, f» 85 ; J. Olivier, f" 52, p. 98; clav. 1398,
passim; clav. 1402, f» 158; clav. 1410, f«» 47; registre de 1426-
1431 ; liasse de quittances de 1429 ; clav. de 1430, f> 131 v*;
liasse de quittances de 1430; clav. 1431, f^ 118; liasses de
quittances de 1431, 1435, 1438, 1444). Des quittances de
1429, 1435, 1444 nous offrent concurremment vila, viela^
viala,
ViALA — mllanum (registre de 1407, f* 197 v® : kurayes
malas).
B, V donnant U en roman.
Archieu — archwum (clav. 1476, f* 145 v").
EscRiEURE — scribere (clav. 1893, f° 1 : comensem ar es-
qrieure en aquest libre ; clav. 1416, f® 1 : escryeurem ; liasse
de quittances de 1438; clav. 1444, f° 121 v% clav. 1476,
foi44 ^fO. escrieuse; clav. 1478, f» 115).
EscRiAURE (clav. 1397, fo" 98, 102; clav. 1402, f° 134;
clav. 1405, f»» 110 v% 112).
EsTiEU — *aestwum (clav. 1417, f» 168).
LiBURA — ftôram (Copies des Coutumes de Narbonne (1232);
Tune de ces copies, dans le 6* thalamus, f* 15 v®, est de
1255 ; la seconde, dans le 10* thalamus, f° 19 v®, est de
1266; les copies des 3* et 8'' thalamus ne sont pas datées;
celle du 3* paraît remonter au XI II* siècle*. — Acte de
1 Pièces non inventoriées.
' Il est inutile de redire qu'il n'y a pas lieu de se préoccuper de la
leçon que Mouynès a donnée de ce texte dans ses Annexes à Tinventaire
96 NARBONENSIA
1346 * ; liasses de quittances de 1438, 1444 : clay. 1494,
f» 137).
LiAURA (liasse de quittances de 1429; clav. 1431, f* 118 ;
liasses de quittances de 1438, 1444).
Nadibu — naUmtm (inscription de 1358^ ; olav. 1410, f** 1,
20 T<» et passim).
OuBU — oRvum^ RiBU — rivum. Je n*ai relevé ces formes
que dans des noms propres : Montolieu , nom de lieu ',
(copie d*un leudaire de 1153, dans le 6* thalamus, î^ 43 y»,
exécutée en 1255) ; nom de personne (J. Olivier, f" 58 v*, 2 ;
62, 2 ; 72, 3 ; 87 v°, 4 ; 109, 2). — Riku, nom de lieu ; « super
recum vocatum Rieu tnerdier. » (1295) ^; nom de personne
(J. Olivier, f** 58, 1 ; 61 v% 3). Riau, nom de personne (clav.
1398, f» 98 V»).
Visu — vivum (6* thalamus, f° 15, copie datant de 1255 :
possessions entre viens donadas ; f 43 : argent vieu ; clav 1376-
1377, f> 156).
CiEUTAT — ctvitatem ^ (6« thalamus, f* 16 v*, copie faite en
1255 d'un acte de 1221 ; 10* thalamus, f^54, copie du même acte
faite en 1266; clav. 1352, f> 32 v» ; clav. 1358, f» 1 ; registre
de 1376, fMl v«; clav. 1415, f» liminaire; clav, 1431, f» limin.
1 ; liasses de quittances de 1435, 1438 ; clav. 1462, f* 128).
CiAUTAT (clav. 1397, f»» 101, 102 v% 105 et passim ; clav.
1402, fo« 128, 134 ; clav. 1405, passim).
des archives de Narbonne. Dans les mêmes Annexes il donne la copie
d'un leudaire de 1153 et publie la forme llieura. En réalité cette copie
donne le mot en abrégé.
I Voir p. 93, n. 2.
8 L'auteur de cette inscription voulant franciser son langage a assourdi
ou supprimé les finales ; il a écrit nadie pour nadieu. Voir mon Essai
sur la substitution du français au provençal à Narbonne^ p. 4, extrait
du Bulletin historique et philologique.
3 Les draps de Montolieu (canton d'Alzonne, Aude) étaient renom-
més au moyen âge.
* Arch. de Narb., pièce non inventoriée, datée du 7 des ides de (7)
janvier 1295* Au XIII* siècle, à Narbonne, ruisseau se disait ree comme
aujourd'hui ; c'est ce que prouve ce texte. Il prouve, en outre, que
la forme riu, rieu avait été usitée antérieurement puisqu'elle restait
dans le nom d'un ruisseau situé en entier sur le territoire de Narbonne.
5 Le clavaire de 1393 écrit aussi syotat (f» 1), siuotat (fo* 91 vo, 95) qui
mtT paraissent être de simples variantes graphiques de ciutat.
NARBONENSIA 97
LiBURAR — Rberare (6» thaï., f»* 16 v% 28, copie de 1255
citée ci-dessus ; 10' tbal., f* 54, copie de 1266; 9« thaï.,
f 33, copie de 1319 da môme acte). — Liburb (3* personne
du subjonctif, acte du 17 juillet 1326). ^ Libuzet (parfait,
clav. 1358, f» 85) *. Dbliburar — detiberare (clav. 1444, f> 120
T«; registre de quittances de 1444, f» 43' ; clav. 1476, f» 145).
— Libural : fît; massapas Ueurals ^ (liasse de quittances de
1429). — LiEURBiA^: la lieureya del rey (J. Olivier, f* 99 ▼*,
p. 199); la lieurehia dels escudies (clav. 1430, f* 114); lieu-
zeya (clav. 1438, f* 129). — A ajouter à ces formes lieura-
bantur dans un acte rédigé en latin le 29 juillet 1405.
LiAURAR (6* thalamus, f^l6 v®, copie de 1255 déjà citée).
Une quittance de 1439 présente le nom du viguier de Nar-
bonne à cette date sous les deux formes Viussac et Vibuzac*^.
O
Tamaribo, Tamariag (acte du 27 septembre 1344) ; nom
d'un lieu dit situé à Touest de Narbonne ; la forme usuelle est
Tamarig •.
1 Je rappelle que les exemples de z pour r sont fréquents dans les
textes narbonnais des XIV* et XV* siècles.
' La quittance à l'appui de l'article du clavaire est de la main d'un
écuyer consulaire qui écrit à l'infinitif delieura^ porta. Ur final ne- se
prononce évidemment plus.
' Lieurat^ du poids d'une livre.
* A remarquer cette finale eia où l'on attendrait plutôt ada. Cette
forme lieureia a été relevée dans la Haute-Provence et dans le roman
provençal d'Esther (Romania^ t. XXI, p. 206) ; on la retrouve aussi à
Béziers (flei;. des Lang, rom , XXX VIII, 10, 17).
' Ce vigTiier signe Aymeric de Viussac ; dans une autre quittance de
1439 son nom est donné sous la forme Aymeric de VuysaCy et il est qua-
lifié « donzel, senhor de Scalas, escudier de l'escuderia de nostre senhor
lo rey de Fransa et per el viguier de Narbona. > Il existe une commune
d'Escales dans le canton de Lézignan, à 90 kilom. à l'O. de Narbonne.
• On pourrait être tenté d'ajouter ici l'infinitif elieger (eligere) qui se
présente ordinairement sous la forme elegir, Elieger nous est donné
dans trois copies diff'érentes d'un acte de 1248 (6* thalamus, f'» 17 v», co-
pie de 1255 — le texte a eliegei^ lapsus évident du scribe — ; 3* thaï.,
f* 18, copie de 1256; 2« thaï., f» 89 v», copie de 1819); cette forme devait
donc vraisemblablement se trouver dans l'original. Elle n'a pas persisté.
Elle avait probablement été refaite sur les formes régulières comme elie-
gan (subj., 3* pers. plur.) qui, du reste, se retrouvent à diverses reprises
dans le même acte.
98 NARBONENSIA
On a pu remarquer qu'à de rares exceptions près le déve-
loppement d*un e après i s'est produit à la syllabe tonique. On
pourrait être porté à croire que Iteural, lieurar, Ueureia sont
dus à une influence analogique de lieura; que viala, adjectif
oxyton, a été amené par viela, viala, substantif paroxyton ;
que priensipal est dû à *prience\ mais certainement trienquar,
cieutat ne sont pas dus à des influences de ce genre. Il n^est
donc pas impossible que l'on ne doive pas à cette influence
lieuraly etc.
La nature du phonème qui suivait Te adventice semble
avoir exercé sur lui une influence considérable. Le dialecte
narbonnais change volontiers e en a, que cet e soit tonique
ou atone, isolé ou dans une diphtongue, entravé ou libre. Ce
changement se produit en particulier dans le suffixe — ter
( — ariu$) qui devient — iar, dans les mots où e provient de
ae tonique en hiatus, ou de ë tonique ou atone dans des posi-
tions fort diverses, comme on peut le voir par les exemples
suivants: Andrieu Andriau * (liasses de quittances de 1429,
1438, 1439), Bertomieu Bertomiau (clav. 1397, f» 99 ; liasse de
quittances de 1439), corieu coriau (clav. 1402, f* 151 : a j co-
ryau que portet ij letras)^ Dieu Diau (clav. 1397, f* 98 v® : antt
a Di'au; clav. 1402, f^ 134), Dieusajuda Diausajuda^ nom de
personne, (acte du 15 juin 1258), ieu iau (registre de quittan-
ces de 1444, f*» 50, 53, 62, 63: sapyan totz.., que tau Marty
Jaume^ laurador), Matieu Matiau (clav. 1402, f» 139 v®), ro-
mieu romf'at* (clav. 1396, f* 146\ sieu siau (clav. 1396. f* 155 :
per iiij gomals del siau rosm), des e ueg deravueg {decem et
oc/o) (clav. 1447, f° 158), Amiel Amial (compois de 1327, f»
9, clav. 1397, f» 99 ; clav. 1402, f» 157), vt'el vial (clav.
1439, f^ 113: Costa lo pont vial, et passim ; liasse de quittan-
ces de 1439: io cami vial), Barieyra à la signature, Bariara
dans le corps d'une quittance de 1438 ; Caderona Cadaronay
nom de personne (clav. 1447, f» 158} ; erwia arma {eremam)
(J. Olivier, f» 11 v% p. 19); siée siac (clav. 1402. f» 134, et
1 A la même époque, on trouve, outre ces deux formes, Andriu An-
dreUy Bertomiu Bertomeu, Matin Mateu, yu {ego\ Diu, Dans tous ces
mots la forme en iu subsiste seule aujourd'hui, sauf pour yu qui a gardé
la triphtong^e,
NARBONENSIA 9^
pa8sim)y se siegon se siagon (acte da 20 octobre 1345), mieg
miagmiaga {médium medtam) (compois de 1327, passtm ; liasse
de quittances de 1429), profieg profiag {profectum) (clav.
1402) , Denis Danis {Dionysium) (clav. 1447, f> 158), detz e set
derasset (liasse de quittances de 1429), meysonier maysonier
(messionarium) (J. Olivier, f» 28, 1, p. 51). On trouve même
cet a pour un e roman atone provenant de ï latin dans aseha
(insignat) écrit ordinairement enseha ou ensenha (J. Olivier,
f» 25 vS 1, p. 46 ; clav. 1402, f» 152). Je le trouve encore à
la place de Ye, élément de la diphtongue ue provenant de 6 ;
mais tandis qu'ailleurs ue devenait ua, à Nar bonne il devenait
ia ; on y rencontre dans les registres de clavaire le même mot
écrit fuelha^ fuela^ fiala *.
Or ce renforcement de e en a, si fréquent comme on vient
de le voir avec la diphtongue ie ou la triphtongue ieu pro-
venant de ë ou de ae, ne se retrouve que dans quelques-uns
des mots où ie répond au latin i ou ï. On a pu déjà remarquer
que les seuls qui aient subi cette modiâcation sont les mots
dans lesquels ie est suivi de / ou bien s'était combiné avec u
pour former la triphtongue ieu. Il est fort probable que dans
ces deux cas le son e avait attiré sur lui l'accent, que ce fût
Taccent principal gentiel, lieura^ ou Taccent secondaire cieu-
tat ; le passage au son plus plein a s'était trouvé ainsi faci-
lité gential, iiaura^ c'mutat. En fait, dans la prononciation
actuelle des mots fiai [filum), pialo{p%iam)y Taccent est sur a.
Dans les mots comme criem^ T accent était resté sur le pre-
mier élément de la diphtongue, et Ve prononcé plus faible-
ment n'avait pu se renforcer en a. Il a dû en être de même
pour les verbes aurier, venter^ etc., qui ne sont pas passés à
iar bien que ie suffixe nominal iar pour ier fût très usité. En
« Clav. 1397, f" 99, 102 v, 105: per ij fialas d'avet, — pev porfar las
ditas fialas. — Ce mot désigne une planche débitée à la scie. La forme
la plus ordinaire à Narbonne est fitela. Fiala suppose une forme en ie
que je n'y ai pas rencontrée, mais qui existe dans d'autres dialectes. A
Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), par exemple, la forme masculine déri-
vée de folium est fiel et la forme féminine fielho. Dans un texte toulou-
sain de 1445 (Annales du Midi, 1895, p. 499 et sqq.), on trouve le même
mot au même sens qu'à Narbonne sous les formes suivantes : fulha § 6,
12, 22 ; felua § 28, fuelha § 1, fiela § 1, 5, 12, 29.
100 NÂRBONENSIA
outre il est fort possible qu'ici la conjugaison ait fait sentir
son influence. La langue aura sans doute répugné à la for-
mation de verbes en iar dont les flexions auraient été si dif-
férentes de celles de verbes en ar déjà existant.
De ces deux formations Andrieu^ Dieus^ d*une part, lieura^
fiely de Tautre, quelle est la plus ancienne? Les dates des
textes qui nous ont conservé ces formes ne nous apprennent
rien à ce sujet. Le renforcement de Ve adventice en a ne
nous apprend pas davantage, ûiausajuda est de 1258, liaura
de 1255. Si la généralité plus grande d*un phénomène lin-
guistique est une présomption de plus haute antiquité, on est
amené à croire que ae ou e suivi de u latin, a donné la triph-
tongue plutôt que î n'a donné ie, le premier phénomène s'é-
tant produit dans tous les mots qui peuvent le présenter, ce
qui n'est pas le cas du second.
Voici comment je me représente le processus de la diph-
tongaison de i en te, La langue a possédé à une époque re-
culée la triphtongue ieu dans les mots comme Dieu, JusieUf
Andrieu ; par analogie on a introduit un e dans la diphtongue
de mots comme escriure, liura^ ciutat. La diphtongaison de Vi
s'est propagée aux mots où ce son était suivi de 1'/, pho-
nème dont on connaît Tafânité avec u ; i provenant de î
latin semble s'être plus généralement diphtongue en ie de-
vant u roman que devant 17 ^ Cet e adventice est même de«
venu dans ces deux cas l'élément essentiel de la diphtongue
1 Je laisse de côté les considérations sur l'extension géographique de
ces phénomènes qui trouveraient ici une place naturelle. Elles me pa-
raissent prématurées dans Tétat actuel de nos connaissances. M. P.
Meyer estime que cet e adventice était caractéristique de la partie orien-
tale du domaine provençal. Mais on a vu quelle extension cette diph-
tongaison avait prise à Narbonne.Je retrouve les formes cietUat^ lieura^
fial^ à Alby, dans un registre de notaire de 1544 rédigé partie en fran-
çais, partie en provençal. Ce registre m'a été communiqué par M. Ar-
mand Bories, membre de la commission archéologique de Narbonne. —
Le texte toulousain de 1445 cité plus haut (p. 99 n. 1) donne lieura
§ 13, 30, et p. 452; l'an miel cccc quaranta cinq, p. 452; escrieuta^ p. 448,
452. Un règlement pour le chapitre de Maguelone promulgué en 1331
nous donne : novem lieuralia fabarum {Rev. des Soc. sav.^ i" sem. 1873,
p. 418, s. verbo sabt'erium). Mial (mille) se trouve en 1410 à Montréal
(Aude). Voir Les coutumes de Montréal par l'abbé Sabarthès, p. 57.
NÂRBONENSIA 101
ou do la trîphtongue et a pu se renforcer en a, — Il s'est
ensuite propagé dans les mots où t roman représentait un l
latin suivi de r, m, n. Ce qui me fait croire que cette propa-
gation est postérieure, c'est qu'il n'y a pas eu d'élargissement
d'e en a. Enfin, à force de se familiariser avec des formes en
te subsistant à côté de formes en t pur * , il s'est créé dans
la langue une tendance à renforcer d'un e tout t quelle qu'en
fût rorigine '. Ainsi s'explique le fait que la liste que j'ai
dressée renferme beaucoup de mots savants ; ainsi s'explique
encore l'existence d'une forme in magna multùudiene pour
multitudine que j'ai relevée dans une pièce de procédure
rédigée en latin et qui remonte à 1323 '. Cette tendance
existait dès le XIV* siècle *. Il semble même s'être produit,
mais sporadiquement et surtout dans les mots savants, une
confusion entre i et e dont témoigne la forme curieuse uni-
viersitat que je relève dans le clavaire de 1476, f* 141 v®. Peut-
être les curieux infinitifs podier, sabier^ peuvent-ils s'expliquer
par la même confusion.
* Les textes que j'ai cités ou des textes contemporains donnent avec les
formes en ie les formes en i : crim, virriy venir, ausir, barila, gachil,
mil, vila, viu, liura, ciutat, etc., etc. Il ne serait pas impossible que
cette graphie représentât plutôt la tradition littéraire et que la graphie
ie se rapprochât davantage de la prononciation populaire.
* Remarquons que si l'on admet notre hypothèse on n'a plus besoin
pour expliquer des formes comme le prov. moderne argielo, argelo de
recourir à un hypothétique argilla (Cf. Annales du Midi, 1893, p. 515).
3 Cette forme se trouve dans une pièce non datée, mais qui doit re-
monter à 1323, d'après les faits qui y sont relatés et ses caractères paléo-
graphiques. Le scribe à qui nous la devons prononçait ie tout i quel qu'il
fût. Il avait l'habitude d'écrire à peu près correctement les textes latins,
et ce n'est qu'une fois, par inadvertance, qu'il se laisse entraîner par la
prononciation usuelle à modifier l'orthographe traditionnelle. Il est
bien vrai que les exemples d'un i quelconque se diphtonguant en ie ne
deviennent un peu nombreux qu'au XV* siècle, et qu'ils se rencontrent
surtout sous la plume du clavaire de 1476, mais le multitudiene de
1323 ne saurait être négligé. On ne serait autorisé à le considérer
comme un simple lapsus que s'il ne s'était jamais produit de phénomène
analogue dans le dialecte narbonnais. On sait que les phénomènes pho-
nétiques se produisent souvent bien longtemps avant que l'écriture
vienne manifester leur existence.
* Peut-être même existait-elle dès le XIII* siècle et a-t-elle facilité
la formation de elieget* dont il a été question p. 97, n. 6.
102 NÂRBONENSIÂ
On pourrait objecter à ce que je viens de dire sur l'anti-
quité du changement de t'en ie à Narbonne, qu'on n'en ren-
contre pas d'exemple certain avant 1255 ; mais cela peut te-
nir à l'excessive rareté des textes en dialecte narbonnais
antérieurs à cette date.
Le fait que ce changement est étranger aux autres langues
romanes semblerait devoir nous ramener à une assez basse
époque. Mais il est à remarquer qu'il se retrouve dans certains
dialectes français du Centre, de l'Ouest, de l'Est et du Nord^
et je me demande s'il ne serait pas dû à la tendance, que
Consentius signale déjà chez les Gaulois, de donner à l't
un son plus plein, intermédiaire entre i et e. « Galli pin-
guius hanc (litteram i) utuntur, ut cum dicunt ite, non ex-
presse ipsam proferentes, sed inter e et t pinguiorem sonum
nescio quem ponentes^.» M. Bonnet remarque que, dans Gré-
goire de Tours, % est souvent remplacé par e. Il est fort pro-
bable que Ton représentait ainsi tant bien que mal ce son qui
tenait de Vi et de Ve et que Consentius éprouvait quelque
peine à caractériser. Etait-ce un son simple? La diphton-
gaison était-elle déjà opérée dès le Y* siècle? Les paroles de
Consentius semblent plutôt favorables à la première hypo-
thèse ; elles n'excluent pas absolument la seconde. Dans tous
les cas, elles nous font connaître un fait qui nous permet de
comprendre que cette diphtongue se soit développée en
Gaule et qu'elle soit étrangère au reste du domaine roman.
Quoiqu'il en soit de ces diverses suppositions et pour résu-
mer les résultats assurés par les faits que nous venons de
constater, il est certain que :
1"^ La diphtongue ie répondant à t latin existe à Nar-
bonne au moins dès le milieu du XIIP siècle.
2^ Elle affecte les mots où t est suivi de m, n, r, aussi bien
que ceux où il est suivi de / ou de t/ roman provenant de b ou
1 Me TER LuBEB, Grarnm. des Lang. rom,^ trad. Rabiet, I, 64-65.
* Gramm. lat.^ éd., Keil, t. V, p. 394. 12, cité par M. Bonnet, Latin
de Grégoire de Tours^ p. 123, n. 8. Il n'est pas sans intérêt d'observer
que, selon toute apparence, Consentius était Gaulois et originaire de
N arbonne où la diphtongaison de i semble s'être produite avec plus de
force qu'ailleurs.
M;:^
r- ^
NARB0NEN8IA 103
de t; latins ; dans ces deux derniers cas, c*est-à-dire quand ie
est suivi de / ou de t« roman, Ve de la diphtongue p'^t se
renforcer eu a.
3* La langue a une tendance accusée à diphtonguer tout
t en te. Cette tendance existe peut-être dès le XIIP siècle, mais
se manifeste surtout au XV*. Elle prouve que les différences de
qualité qui pouvaient séparer anciennement les t d'origine
diverse avaient fini par disparaître.
Alphonse Blanc.
NARBONENSIA
Passaob ob g bt J a y.
Certains dialectes provençaux affaiblissent g doux etj en y.
Ce phénomène, sans être très fréquent à Narbonne, est loin d'y
être inconnu. On en trouvera réunis ici un certain nombre
d'exemples.
A^uderon-ayudegon [registre de quittances de 1444, f* 70) *.
ajustament-aytistament (clavaire 1381, f* 199 v®).
ajusteron-ay[u]stegon (registre de quittances de 1444, f* 69).
ArgellieS'Aryellias, lieu dit (registre de 1407, f* 138 v*).
argent-aryent (registre de 1376, f* 84 v* ; clavaire 1381,
f 200).
1 Je donne d'abord la forme normale et ensuite la forme avec y^ en
rangeant les mots par ordre alphabétique. J'avais d'abord songé à faire
deux listes distinctes, l'une pour les mots où y provient de j^ l'autre pour
ceux où il provient de g. Mais une seule liste suffit puisque le g et le /
qui ont subi le traitement dont nous parlons ici se prononçaient de la
même manière aux XIV' et XV* siècles. Ce qui fait présumer cette iden-
tité de prononciation, c'est que les scribes emploient tantôt g et tantôt /
pour écrire le même mot : jorn par exemple est écrit fréquemment gorn.
Ce qui achève de le prouver, c'est l'identité de traitement dont nous nous
occupons ici. Tous les textes cités sont tirés de registres ou d'actes rédi-
gés par des scribes narbonnais et conservés aux archives de Narbonne.
Us sont à peu près tous inédits.
104 NÂRBONENSIA
Bajas ou BagaS'Bayas (Bages, commune du canton de Nar-
bonne ; clavaire 1381, V* 196).
bandejar-bandeyar (analyse en provençal au verso d*un acte
en latin de 1319; l'analyse est certainement du XIV* siècle,
d'après ses caractères paléographiques).
coratage-corataye (clavaire 1381, f» 183).
dejoS'deyos (clavaire 1381, f» 187).
geis^yeisz (registre de 1407, f» 225).
gent, gens-yent^ yens (registre de 1376, f* 58; clavaire 1381,
f»* 195 v% 196 v% 199 v* ; liasse de quittances de 1438).
ges-yes (registre de 1407, f* 26 v°).
guages-guayes (clavaire 1381, f^ 185).
jaser-yarer (inscription d'avril 1392, au musée de Nar-
bonne).
Jordan- Yordan (clavaire 1381, f» 185 v»).
Jordana-Yordana, nom d'homme (clavaire 1381, f* 195 v*).
joim^ jorns^ jors-yorn^ yom$^ yors (Livre de comptes de J.
Olivier, 1381-1391, f» 130; liasses de quittances de 1438,
1439.)
jornal-yornal (registre de 1376, f** 26 v* et passim).
jove-yove (liasse de quittances de 1438).
july-yuly (registre de quittances de 1444, £* 69).
junher-yunhe (registre de 1376, f* 6).
justa-yusta (clavaire 1381, f» 198 v*»).
majer-maye (liasse de quittances de 1438).
mofada-moyada (registre de 1407, f» 151 v*»).
Mojan-Moyan, lieu dit (registre de 1407, £• 46 v«).
— Moyanum (Livre de comptes de J. Olivier, pièces
justificatives, p. 314, 315 ; acte de 1251).
Mojeyra-Moyeyraj lieu dit (registre de 1407, f*« 152 v*,
154 v<»).
obrage-obraye (registre de quittances de 1444, f* 69).
palafanguefaire-palafangueyaire (liasse de quittaoïces de
1438).
G, delPujet'G. del Puyet (clavaire 1381, f> 199 v»),
sagel^ sagelada-sayel^ sayelada (clavaire 1381, f» 191, 200).
Sejan-Seyan * (clavaire 1381, f» 193 v«).
1 Sigean, chef-lieu de canton, arrondissement de Narbonne.
NARBONENSIA 105
SejanSeyan deSeyano (acte latin du 12 janvier 1260; regis-
tre de procédure de 1321. Ce registre n'est pas folioté).
mage-huraye (registre de 1407, f<>» 195 v», 197 v»).
verge-verye (virginem) (clavaire 1420, f° liminaire 1).
On peut remarquer que le changement de g^ j en y se pro-
duit aussi bien quand ces consonnes appartiennent à une syl-
labe prétonique ou à une posttonique qu'à la tonique. 11 ne se
produit pas seulement quand elles sont entre deux voyelles,
mais encore lorsqu'elles constituent la lettre initiale d'un mot»
ou même lorsque suivant une syllabe fermée, elles forment la
lettre initiale de la syllabe suivante, argent, verye pour argent
verge» La seule condition qui ne fasse jamais défaut, c'est que
g ou y soient suivis d'une voyelle. En fait cette voyelle est a,
0, u après y; e après g dans les exemples que j'ai pu réunir.
Ce changement ne se rencontre que dans des textes du
XIV* siècle^ de la première moitié du XV®, et dans deux
documents latins du XllI^ siècle. Pour cette dernière pé-
riode nous n'avonspas de textes populaires , et un phénomène
phonétique qui paraît alors sous la plume des notaires dans
des textes latins doit être fréquent dans la langue vulgaire.
Je n'en ai point relevé d'exemples postérieurs au milieu du
XVe siècle. A cette époque cependant les textes rédigés par
des personnes peu lettrées abondent.
Ces exemples sont relativement peu nombreux et sont dus
à quelques scribes seulement ; les autres suivent la gra-
phie traditionnelle. Ceux même qui les présentent ne le font
pas d'une manière constante.
J*ai remarqué que dans certaines communes voisines de
Narbonne, à Marcorignan, par exemple, ce g^ j est aujour-
d'hui suivi d'un y ; on prononce ardgyent, le d très faible.
Je suppose que cet y s'est développé de bonne heure. La
tendance à faire disparaître l'élément dental de la spirante
qui a fini par prévaloir dans un certain nombre de mots exis-
tait sans doute déjà^ Une fois cet élément disparu Taffai-
blissement en y était facile.
1 A ma connaissance, cet élément dental ne s*est maintenu, en faisant
disparaître l'élément guttural, que dans le nom d'un lieu dit Prat duraic
Pratum judaicum que j'ai étudié ailleurs (Annales du Midi y 1896,
p. 195).
8
106 NÂRBONENSIA
Dans le patois de TEst de la Creuse le g dar s^est affaibli
en y. J'ai trouvé deux exemples qui porteraient à admettre
que ce phénomène s'est produit à Narbonne : estaya pour
estaga dans un registre de 1423, f* 46 v^, et loya pour loga
dans les comptes du clavaire de 1398, f* 99. Mais il est fort
possible que la prononciation à'estaga ait été influencée par
celle d'estage qui a même sens, et qu'au lieu du g dur on ait
fait entendre tj. Je suis aussi très porté à croire que le g de
loga se prononçait // *. Dès lors Texplication que je viens de
donner pour / et g doux vaudrait pour ces deux mots et Ton
pourrait affirmer qu'à Narbonne on n'a pas d'exemple de
l'affaiblissement du g dur en y ^
En résumé, à Narbonne, g doux ou /, à l'initiale d*une
syllabe, suivi d'une voyelle, peut devenir y. Cet affaiblisse-
ment se produit, au moins, dès le milieu du Xlll*^ siècle et per-
siste jusqu'au milieu du XV®.
11 n'est pas certain que g dur s'y affaiblisse en y.
Alphonse Blanc.
NARBONENSIA
MYSTÈRES NARBONNAIS
On sait que, malgré les découvertes faites dans ces derniers
années, il ne nous reste que peu de chose du théâtre proven-
çal du moyen âge. De la plupart des pièces écrites à cette
époque dans la langue du Midi, il ne subsiste que le titre.
1 Voir Raynourad, Lex. rom,, IV, 89, 6, s. verbo lotja.
2 Je ne connais pas dans la langue moderne d'exemple de cet affai-
blissement, en revanche elle nous présente divers exemples de la chute
du g dur roman médial (Anglade, Patois de Lézignan, dans Rev. des
Lang. rom.y t. XL, 299, 300). Je n'ai trouvé dans les anciens textes
narbonnais qu'un exemple de cette chute. Le clavaire de 1405, f«» 112, a
la forme aya {aqiuim). Partout ailleurs ce clavaire écrit ayga. Il est
donc fort possible que l'on ait affaire ici à un simple lapsus du scribe,
mais il se pourrait aussi que la langue eût hésité à un certain moment
entre aya et ayga.
NARBONENSIA l07
Les archives de Narbonne ne semblent pas devoir nous four-
nir de textes nouveaux; je n'y ai trouvé que la mention de
deux représentations données au commencement du XYl* siè-
cle *. Le clavaire de 1508 nous apprend que Ton joua, cette
année-là, la vie de saint Paul de Narbonne, et celui de 1509,
la vie de sainte Suzanne. Voici les textes :
A Johan Berra per fornir a partida de la despence faicte
aux escadafaz faictz per jogar la vida de mons'' sainct Paul de
Narbona. . . xx li. t. {Comptes du clavaire de 1508, dépenses,
f* 5 V*).
A Johan Martin per la soma donada per la dita vila per
ajudar a far los escadaphalz a jogar la vida de mons' S^* Su-
sanne ' x li. t. {Comptes du clavaire de 1509, f» 103 v°).
Aucun des deux clavaires ne nous apprend à quelle occa-
sion furent données ces représentations. Rien ne permet de
fixer la date précise de la première. Elle pourrait avoir eu
lieu lors de la réunion des Etats de Languedoc à Narbonne,
en janvier, ou lorsque le sénéchal de Carcassonne vint pren-
dre possession, au nom du roi, de la vicomte de Narbonne.
La seconde pièce fut probablement jouée avant le mois de
juin ; le paiement consigné par le clavaire est antérieur à
cette date. 11 est fait mention en mai d*un feu de joie et d'une
collation pour fêter la victoire remportée sur les Vénitiens '.
La représentation a-t-elle été donnée à cette occasion ? Rien
ne permet de Tafûrmer.
J*ai établi ailleurs* que le provençal était encore, au com-
mencement du XVI* siècle, la seule langue parlée, non seule-
* Dans les nombreux textes signalant les préparatifs faits à Toccasion
de rentrée solennelle de grands personnages au cours du XV' siècle,
il est souvent question de danses et de réjouissances; jamais, à ma con-
naissance, U n'est fait mention de représentations dramatiques.
8 Le scribe avait d'abord écrit Si Paul; il a ensuite ajouté une e à
S/, raturé Paul et écrit Susanne dans Tinterligne ; il a laissé subsister
mons^.
' « Le foc de joya et collation de la bona Victoria... contra los Ve-
nissians. » (Loc, cif.^ f" 103 v".) Cet article précède immédiatement celui
qui concerne la représentation.
* Blanc, Essai sur la substitution du français au provençal à Nar-
bonne, p. 17, extrait du Bulletin historique et philologique, 1897.
108 NàRBONENSIA
ment par la population ouraère, mais encore par la plus
grande partie de la bourgeoisie. Je crois donc pouvoir affir-
mer que nos deux pièces dramatiques doivent s'ajouter à la
liste des mystères écrits en provençal ^
Alphonse Bl^nc.
1 II m*a paru inutile de mentionner ici les pastorales et les histoires
représentées par les élèyes du Collège de Narbonne au cours du
XVII- siècle (Arch. de Narb., BB. 10, f 55 ▼•; BB. 14, f 157, r« et yo ;
BB. 20, fo 284). Elles n*étaient certainement pas écrites en proyençal.
PER LI JO FLOURAU DE COULOUGNO
(7 de Mai i899)
Pouêsio, soulèu de pas universalo,
Dôu lume de toun front, di flamo de tis alo
Esbarlugo lou mounde e caufo sis uba.
Lis amo an trefouli, soun lasso di coumbat.
Lis amo an fam d'amour, li flour an set d'eigagno,
E ié fau mai d'azur is aubre di mountagno !
Felibre d'eilamount, salut e gaieta !
Sèmpre fugues fidèu à Teterno Bèuta.
Elo es lou viati dintre lou tabernacle,
Que largo Testrambord e coumplis li miracle.
POUR LES JEUX FLORAUX DE COLOGNE
(7 mai 1899)
Poésie, soleil de la paix universelle, — de la lumière di ton froqt,
des flammes de tes ailes, — éclaire le monde et réchauffe le Septen-
trion. — Les âmes ont tressailli, elles sont lasses des combats. —
Les âmes ont faim d'amour, les fleurs ont soif de rosée — et il faut
encore de l'azur aux arbres des montagnes !
Félibres du Nord, salut et joie ! Toujours soyez fidèles à Téternelle
Beauté. — Elle est le viatique dans le tabernacle — qui donne
l^enthousiasme et accomplit les miracles. — Elle est Vénus, elle est
* Notre dernier numéro (Rev. des kmg. rom., XLII, 85) contenait le
programme des Jeux floraux de Cologne dont M. le D'. Fastenrath est le
fondateur. Nous donnons ci-dessus une poésie de M. Félix Gras, capoulié
du Félibrige, qui avait été prié par M. le D' Fastenrath d'envoyer sa
bénédiction poétique aux trouvères et félibres rhénans , et une ode de
M. Albert Arnavielle, assesseur languedocien du Félibrige, à qui la
même invitation avait été adressée.
110 PER LI JO FLOORAU
Elo es Venas emai es Laaro e Beatru.
Es fiho de TOalimpe emai dôa Paradis.
Pèr onndra soun autar, nèsti terro latino,
La Prouvènço, la Grèço e rumblo Palestino
Vous pourgiran la nerto e lou pale ôalivié
Ë la cigalo d*or sus loa brout de laasié.
Car li pouèto sian de la mémo famiho,
E sonn, 11 grandis Âap, 11 sorre dis Aupiho,
E lou Rose e lou Ren naisson dôu même flanc,
E Santo Estello lus sus nôstis auriflam.
Li raro qu'an cava 11 boulet di bataio ,
Un jour s*e8cafaran : Lou Tèms, d^un cop de daio,
Coucho touto matèri au gaudre dôu toumbèu.
Rèsto plus un caian de la Tour de Babèu!
La pôusso di cléuta superbo, couloussalo,
Se destriara pas dôu frun d'uno mouissalo !...
Zou ! Auto, li pouèto ! Au grand libre de Dieu
Es nàutri qu'escrivèn Tobro que sèmpre viéu.
Eterno n'en saran Vlliado e YOudissèio^
La Legèndo di Siècle, e Vincent e MirèiOy
La Divino Coumèdi, e Faust emai Werther
Que mounton dins la glôri au pas dôu Tanhauserf
aussi Laure et Béatrix, — elle est fille de TOlympe et aussi du
Paradis I — Pour orner son autel, nos pays latins, — la Provence,
la Grèce et Thumble Palestine — vous offriront le myrte et le pâle
olivier — et la cigale d'or sur le rameau de laurier. — Les poètes,
nous sommes de la même famille, — et les grandes Alpes sont les
sœurs des Alpilles, — et le Rhône elle Rhin naissent du même flanc,
— et Sainte Estelle brille sur nos oriflammes. — Les frontières
qu'ont creusées les boulets des batailles, — un jour s'effaceront. Le
Temps, d*un coup de faulx, — chasse toute matière au gouffre du
tombeau. — Il ne reste plus une pierre de la tour de Babel. — La
poussière des cités superbes, colossales, — ne se distinguera pas des
débris d'un moucheron... En avant, poètes ! Au grand livre de Dieu —
c'est nous qui écrivons l'œuvre toujours vivante. — Seront éternels
l'Iliade et l'Odysssée, — la Légende des Siècles et Vincent et Mireille,
— la Divine Comédie et Faust et Werther — qui montent dans la gloire
au pas du Tanhauser I — Votre aïeul Frédéric, qui avait barbe rousse,
DE COULOUGNO 111
Voste aujèa Prederi, qu'avié la barbo rousso,
Dins nosto lengo d'Oc, dins nosto lengo douço,
Faguè clantisi cant d'amour emperiau.
Coume eu reviras- vous vers lou sôu Prouvençau.
Es d'aquéu sôu latin, es d'aquéu sôu de Franco
Qu'un jour s'espandira lou rampau d'esperanço,
L'Aubre de pouësio ounte dèu s'assousta,
Dins un inmènse amour, touto TUmanita !...
MANDADIS
A SOUN AUTBSSO CARMEN SYLVA, RÂINO DI JO FLOURAU.
Rèino, siés très cop rèino e la lus t'envirouno.
Lou ferre, l'or e lou lausié
Cenchontoun front courous d'uno triplo courouno.
Mai as pèr scètre, vuel, la flour d'agoulencië ;
Dounc que t'enchau la tiaro dis Autesso !
E que t'enchau un trône, o Felibresso !
A tu Tautar e l'encensié,
Tu siés nosto Divesso I
Félix Gras.
1899.
— dans notre langue d*oc, dans notre douce langue, — fît retentir son
chant d'amour impérial. — Comme lui regardez vers le pays de Pro-
vence. — C'est de ce sollatin, c'estde ce sol de France — que surgira
un jour le rameau d'espérance, — l'arbre de poésie où viendra s'abri-
ter, — dans un immense amour, toute l'humanité !
ENVOI
A SON ALTBSSB CARMEN STLVA, REINE DES JEUX FLORAUX
Reine, tu es trois fois reine et la gloire t'environne. — Le fer, l'or
et le laurier — ceignent ton front d'une triple couronne. — Mais tu
as pour sceptre, aujourd'hui, la fleur de l'églantier. — Alors que
t'importe la tiare des Altesses ! — Et que t'importe un trône, 6 Féli-
bresse ! A toi l'autel et l'encensoir : — Tu es notre Déesse !
AS MANTENEIRES
DÂS PRBMIÉS JOCS FLOURAUS TBNOUTS A COULOUONO
LOU 7 DE MAI 1899
DINS LOU 6URZBNICH DB LA MBTROUPÔLI DAU REN
D'aut vosto catedralo,o Germans de Coulougno,
E traucant las nèblos dau Ren,
Uno voués acrida : ci Prouvenço ! Catalougno ! »
Ë nautres, leîaus e sens fongno,
A-n-aquel apèl respoundren !
Oi, pièi-que, coumo aici, restaurant un autre âge,
Souto las lèis dan Gai-Sabé,
Ënauras en béuta las Damos d*aut parage,
E lou cavaleirous courage,
E Tamo latino també ;
AUX MAINTENEURS
DES PREMIERS JEUX FLORAUX DE COLOGNE
TENUS LE 7 MAI 1899
DANS LE 6URZENICH DE LA MÉTROPOLE RHENANE
Du haut de votre cathédrale, ô Germains de Cologne, ^ et perçant
les brouillards du Rhin, — une voix a crié : « Provence I Catalogne ! »
— et nous, loyaux et sans morgue, — à cet appel nous répondrons.
Oui, puisque, comme ici, restaurant un autre âge, — sous les lois
à\i Gai -Savoir, — vous exaltez en beauté les Dames de haut parage,
— et le chevaleresque courage, — et Tâme latine aussi ;
113 PER LI JO FLOURAU DE COULOUGNO
Pièi-que de vostesjocs fiourausn*es Segnouresso
L'idealo Rèino Carmen,
La qu'un jour Mount-Peliè Taclamè felibresso,
Embé vautres nosto alegresso,
luèi, o Germans, repeto : Amen !
Amen amai sèt fes salut I La pouësio
De las raços acô 's lou nous ;
E dins lou Gûrzenîch quouro tendres sesiho,
Vous creirés, alandant la ciho,
Souto noste cèl luminous.
E, dau cop, delembrant Frederi Barbo-Rousso,
Voste emperaire d'aquel jour
Sara lou que lou vent-terrau, quand s'encourrouço,
Dins lou campas canto à la brousse:
Lou Grand Frederi dau Miejour !
Albert Arnaviblle.
Mount-Peliè, lou 21 d'Abriéu de 1899.
Puisque de vos jeux floraux. Elle en est la seigneuresse — Tidéale
Reine Carmen, — Celle qu'un jour Montpellier acclama félibresse, —
avec vous notre allégresse, — aujourd'hui, ô Germains, répète : Amen !
Amen et sept fois salut! La poésie, — des races elle est le nœud ;
— et dans le Gûrzenich quand vous tiendrez séance, — - vous vous
croirez, agitant les cils, — sous notre ciel lumineux.
Et, du coup oubliant Frédéric Barberousse, — votre empereur, ce
jour-là, sera Celui que le mistral ^ en se courrouçant, — dans la
lande, chante à la bruyère : — Le Grand Frédéric du Midi ' !
Albert Arnaviellb.
1 Vent de Provence.
* Frédéric Mistral.
CONTES POPULAIRES
DE I ANGUEDOC
(SuiU) •
Loas très Gaennets
Très pequits caeunets courrian daa long i'aiga e troubavan
de bona erba tendra per viéure, mes, couma aian por dau
loup, se boutèroun à basquir ena mejzouneta.
Quan fuguet fegnia, Paul Grand, Teinè, dguiguet aus autres
de regardar per défera si la mejzou èra segura, e lé regar-
darià deguinc.
Lous autres faguèroun lou tour e, quan tournèroun, la
porta èra sarrà.
« — leubre-nous, Paul Grand!..
)) — Nou, nou, lou loup intrarià e me mandzarià; annà
basquir ena autra meyzou. »
Lous paures caeunets aian bien por ; se boutèroun à bas-
Les trois petits Cochonnets
Trois petits cochonnets couraient le long de Teau et trouvaient de
bonne herbe tendre pour vivre, mais, comme ils avaient peur du loup,
ils se mirent à bâtir une petite maison.
Quand elle fut finie, Paul Grand, Talné, dit aux autres de regar-
der par dehors si la maison était solide, et lui, regarderait dedans.
Les autres firent le tour et, quand ils revinrent, la porte était fer-
mée.
a — Ouvre-nous, Paul Grand I
» — Non, non, le loup entrerait et me mangerait ; allez bâtir une
autre maison. »
Les pauvres cochonnets ayant bien peur, se mirent à bâtir une au-
t Voir Revue des lang. rom., XXVll, 184; XXVlll, 47,124; XXIX,
143 ; XXXI, 554 ; XXXII, 24,234 ; XL, 427.
DE LANGUEDOC 115
quir ena autra meyzou. Qaan fuguet atsabà, Paul Méantdgui-
gnet as Paul Pequit: « — Regarda defora, iéu regardarei de*
gninc si la mejzou ei bien segura. »
Paul Pequit anetregardar defora e, quand tournet, troubet
la porta sarrà.
« — leubre-mé, Paul Méant, ieubre-mé!...
» ^— Nou, nou, lou loup intrarià e me mandzarià. »
Paul Pequit, quan se veguet tout soulet, èra bien einoueà,
aià por dau loup ; se boutet à courre. Arribet arranda en gros
rouchjer e Ihi troubet ena dgenta pequita mejzouneta ; n'aguet
qu'à Ihi far la porta. Pèis Ihintret e se troubet bien à Tabric
dan loup.
Tout d'encop, Paul Grand auvigu et ena grossa vouas que
dguisià: « — leubre-mé, Paul Grand !... »
Aqueste couneiseguet qu'acô èra la vouas dau loup.
« — Te ieubre pas, que me mandzarias.
» — Tan gratarei, tan foursarei, que t'escrasarei ta mey-
zouneta. »
Lou loup Ihi escraset sa mejzouneta e lou mandzet. Peis,
anet as Paul Méant.
tre maison. Quand elle fut achevée, Paul Moyen dit à Paul Petit :
« — Regarde dehors, moi je regarderai dedans si la maison est bien
solide. »
Paul Petit alla regarder dehors et, quand il revint, il trouva la porte
fermée.
« — Ouvre-moi, Paul Moyen, ouvre-moi !
» _ Non, non, le loup entrerait et me mangerait. »
Paul Petit, lorsqu'il se vit tout seul, était bien ennuyé, il avait
peur du loup ; il se mit à courir, il arriva près d'un gros rocher et y
trouva une jolie petite maisonnette ; il n'eut qu'à y faire la porte. Puis
il y entra et se trouva bien à l'abri du loup.
Tout d'un coup, Paul Grand entendit une grosse voix qui disait :
€ — Ouvre-moi, Paul Grand ! »
Celui- ci reconnut que c'était la voix du loup.
« — Je ne t'ouvre pas, car tu me mangerais.
» — Tant je gratterai, tant je forcerai, que j'écraserai ta maison-
nette.»
Le loup lui écrasa sa maisonnette et le mangea, puis il alla à Paul
Moyen.
1 1 6 CONTES POPULAIRES
Paul Méant aiàoaTitbramar soan fraire, aià bien por; mes
loa loup Fespargnet pas mèis qoe Fantre. Péis, vengnet as
Paal Pequit.
a — leabre-mé, Paul Peqoit!...»
Paal Peqait Ihî vouguet pas abrir.
a — De pai ni mens t'anrei conma ions autres, n
Loa loap se boatet à grattar, à forsar, dzasqoa qn^ena peira
Ihi toambet sus loas rens e lou cuèt.
Paul Pequit Ion mandzet e viénpuguet bien de tems guin
sa mejrzouneta.
Gommnnicatioii de M. Anselme Gallon, insiitatear,
St-Romain-le-Désert (Haute- Ardèche).
Lou Loup e Ion Reinard
Lou loup e lou reinard èran anas pestsar. Quan fuguèroun
au mèi de Taiga en éna pequita ribèira, lou reinard dguîgaet
au loup : « — Qù sias trop mansar per attrapar las troueitas,
iéu las prendrei e qù las pourtarés. »
— (( Si voles, dguiguet lou loup. »
Paul Moyen avait entendu crier son frère, il avait bien peur, mais
le loup ne Tépargna pas pins que Tautre ; puis il vint à Paul Petit.
« — Ouvre-moi, Paul Petit ! »
Paul Petit ne voulut pas lui ouvrir.
tf — Ni plus, ni moins, je t'aurai comme les autres ! »
Le loup se mit à gratter, à forcer, jusqu'à ce qu'une pierre lui tomba
sur les reins et le tua.
Paul Petit le mangea et vécut longtemps dans sa maisonnette.
Le Loup et le Renard
Le loup et le renard étaient allés pêcher. Lorsqu'ils furent au mi-
lieu de l'eau, dans une petite rivière, le renard dit au loup : « — Tu es
trop maladroit pour attraper les truites, moi, je les prendrai, et toi,
tu les porteras.
» -^ Comme tu voudras », dit le loup.
DE LANGUEDOC 117
Lou reinard estatset à la coua dau loup lou panier qu'aian
pourtà per Ihi boutarlhus pestsa; pèis, anet pestsar.
Quant aguet attrapa ena troueita, la moustrèt au loup en
Ihi dguisent: «— Vés la bella! Atent, que la botous au panier.»
Passet dau las dau panier, mes Ihi boutet pas la troueita:
la mandzet e boutet au panier ena pèira à la plassa.
Prenguet ena autra troueita: « — Ou ! quna grossa! Té
vès?... » La mandza e pam ! ena grossa peira dguinc lou pa-
nier.
« — 0! ei bé grossa, persaqué lou panier coumensa de pe-
sar», dguiguet lou loup.
Lou reinard prenguet d'autres peissous ; toudzour lous
mandzava e, à la plassa, boutava ena pèira. Pèisses, quan
fuguet bien rassasia, sourquiguet de Taiga en sounant lou
loup.
Lou loup vouguet sourqui, mes lou panier èra bé tan tsardzà
de pèiras que lou malhirous pouguet plus sourquir de la ri-
bèira e se néet.
V. de M. Gallon, instituteur,
St-Romain-le-Désert (Haute- Ardèche).
Le renard attacha à la queue du loup le panier qu'ils avaient porté
pour y mettre leur pêche ; puis il alla pêcher.
Quand il eut attrapé une truite, il la montra au loup, en lui disant :
« — Vois la belle !... Attends, que je la mette au panier. »
Il passa du côté du panier, mais il n y mit pas la truite : il la
mangea et mit au panier une pierre à la place .
11 prit une autre truite : « — Oh ! quelle grosse ! Tiens, vois? » Il la
mange et pam ! Une grosse pierre dans le panier.
« — Oui I elle est bien grosse, parce que le panier commence à
peser », dit le loup.
Le renard prit d'autres poissons ; toujours il les mangeait et, à la
place, mettait une pierre.
Puis, quand il fut bien rassasié, il sortit de Teau en appelant le
loup.
Le loup voulut sortir, mais le panier était tellement chargé de
pierres que le malheureux ne put plus sortir de la rivière et se noya.
118 CONTES POPULAIRES
Lou Reinard e lou Loup
Un cop, lou reinard e lou loup anavou de coumpagno; lou
reinard dîguet au loup: n — Fa, pas liuén d*aici, un mas que
d'aquesto ouro, la masièiro ie fai uno grosso èumeleto per lous
segaires ; anarai acoussejà las galinos que quialaran e faran
davalà la masièiro ; intraras tan lèu din la cousino, métras
Tèumeleto din ta gorjo, estacaras lapadèlo à ta cougo e faren
coire, din la padéio, las galinos qu'agantarai.
Goumpaire loup fai so que lou reinard i'a di. En davalan
lous escaliès, la padélo fai un brut que noun-sai ; lou varlet
que lauravo, s'acousso sus lou loup, e à cops d'agulhado ie
faguè laissa Tôumeleto, amai la padèlo.
Lou loup vai au reinard e li dis : « — M'as fa sabà, fau que
te manje.
)) — Noun pas ! » fai lou reinard, « ai près très galinos, las
anan manjà. »
Quan aguèrou ploumà las galinos, mestre reinard sou-faguè:
0 — Vai querre uno piolo per coupa *no bougno, que las faren
coire. »
Le Renard et le Loup
Une fois, le renard et le loup allaient de compagnie ; le renard dit
au loup : « 11 y a, tout près d'ici, une ferme où, à cette heure, la fer-
mière fait une grosse omelette pour les moissonneurs ; j'irai poursui-
vre les poules qui crieront et feront descendre la fermière ; tu entreras
aussitôt dans la cuisine, tu prendras Tomelette dans ta gueule, tu
attacheras la poêle à ta queue et, nous ferons cuire dans la poêle les
poules que j'attraperai, d
Compère loup fait ce que lui avait dit le renard. En descendant les
escaliers, la poêle faisait beaucoup de bruit, le valet de ferme, qui
labourait, poursuit le loup et, à coups d'aiguillon, il lui fait laisser
Tomelette et la poêle.
Le loup va au renard et lui dit : » Tu m'as fait battre, il faut que je
te mange. »
<c — Non pas! » dit le renard, «j'ai pris trois poules : nous allons
les manger. »
Quand ils eurent plumé les poules, maître renard dit : « — Va chercher
une cognée pour couper une souche d'arbre, et nous les ferons cuire. »
DE LANGUEDOC 119
En asclan Ion bos, coumo n'aviè pas ges de cougnet per
tène nno fendasclo, lou reinard dis an lonp : « — Mes aqui ta
pauto, ac6 farà congnet. »
Lou loup ou fai, lou reinard tiro la piolo e vejaqui nostre
bedigas de loup près au rejltal. Soun gusas de coumpaire, de
courre et de cacalassà de Tentendre idoulà.
Enfin lou loup se desfai coumo pot, eu laissan un brave pau
de sa pauto din la fendasclo. S'acousso mai ver lou reinard
e li crido : « — Aqueste cop, ie vas passa !
» — Taiso-te, nesci, que fedo que bialo perd lou moucèl !
Yese ailai un poulit cop per faire : vène vite, e faras coumo
me voiras faire iéu. »
End* aquel moumen, un ome veniè de pescà de la ribièiro
aqui contre; soun ase pourtavo dos plénos ensarios de pois-
sons. Lou reinard s^ajasso sus lou cami e fai lou mort ; Tase-
nié lou vèi e dis: « — Tè I un reinard mort; fau Tempourtà,
que vendrai sa pèl. »
Bouto lou reinard sus soun ase, aqueste mort s^ataulo as
peissous de la banasto, e pièi, s*escapo en n^erapourtan uno
bono brassado.
En coupant le bois, comme il n'avait pas de coin pour tenir une fente
ouverte, le renard dit au loup : a — Mets là ta patte, cela fera un coin. »
Le loup le fait, le renard retire la cognée et voilà notre imbécile de
loup pris au traquenard. Son roué compère se met à courir et à rire
aux éclats en Tentendant hurler.
Enfin, le loup se débarrasse comme il peut, en laissant un bon
morceau de sa patte dans la fente. Il court de nouveau vers le renard
et lui crie: « — Cette fois, tu y passeras !
» — Tais-toi, nigaud, car brebis qui bêle perd sa bouchée^ /Je
vois, là-bas, un joli coup à faire : viens vite et fais comme tu me
verras faire. »
A ce moment passait un homme qui revenait de pêcher dans la
rivière voisine; son âne portait deux mannes pleines de poissons. Le
renard se couche sur le chemin et fait le mort ; Tânier le voit et dit :
« — Tiens I un renard mort, il faut l'emporter, je vendrai sa peau. »
Il met le renard sur son âne, notre mort se met à table avec les
poissons de la corbeille et puis, se sauve en emportant une bonne
brassée.
* Litt. le morceau.
120 CONTES POPULAIRES
A soun tour, lou loup s'alougo per lou cami e fai lou mort;
mais Tasenier te li tombo dessus e li bailo une estiblassado de
cops de barrou, malurous ! qu'encaro soun rôble ie coi.
Aqui mai lou loup sus lou reinard : a — Ai I moustre ! pas
pus de remèdiy te manje ! »
a — Pas mai! » vèn lou reinard, « de qu'anavian prène lous
peissous de Taseniè ? Es que n'en manco dins la ribièiro? N'en
fau pesca ; troubaren ben uno banasto entoucon ; te Testacarai
à toun esquino, iéu pescarai lous peissous e lous métrai din
la banasto. u
Ac6 se faguè, mes lou reinard, à logo de traire lous peis-
sous din la banasto, lous manjavo e ie metiè un codou.
a — Fasèn bono pesco, pas vrai ? » veniè au loup.
« — Segù », respoundiè aqueste, a qu'acô doun-mai vai,
doun-mai peso. »
Yenguè 'n moumen que i'aguè tant de caiaus, que lou
paure embanastà pouguè pas pus boulegà e se neguè.
V. de M. Albert Arnayiellb, Alais.
A son tour, le loup se couche dans le chemin et fait le mort, mais
rânier lui tombe dessus et lui donne une telle volée de coups de bâton,
le malheureux ! que son échine lui fait mal encore.
Voilà de nouveau le loup sur Je renard : « — Ah ! monstre! il n y a
plus de pardon, je te mange ! »
u — Pas plus ! — dit le renard, — pourquoi allions-nous prendre
les poissons de Tânier ! Est-ce qu'il en manque dans la rivière ? . . . .
Nous allons en pêcher ensemble; nous trouverons bien une corbeille
quelque part ; je rattacherai à ton échine, moi je pécherai les pois-
sons et les mettrai dans la corbeille . »
Ils firent ainsi, mais le renard, au lieu de jeter les poissons dans
la corbeille, les mangeait et mettait un caillou [à la place].
(L — Nous faisons bonne pêche, n'est-il pas vrai ? » disait-il au loup.
u — Sûrement», répondait celui-ci, « car plus ça va, plus ça pèse. »
Il vint un moment où il y eut tant de cailloux [dans la corbeille],
que le pauvre encorbeillé ne put plus remuer et se noya.
DE LANGUEDOC 121
Las Baoantados
Autris cops, i aviô d'encantados ; durèroun jusquos à la fi
de la maubèso lè. Demouravoun din toutos las caunhos, mais
loar palai èro à la de Rioufourcant. Aqui, la reino de las
encantados fasiô sa demouranso, ande sas coumpagnos.
D*autro3 s'estujavoun à la caunho de Thome mort. Aquelo
tato a pla mai d'uno lègo e mièjo de long. Se ié vei d'esta-
tuios, de peliés e dos aureihos de porc plantados à la vouto.
Almièi l'a un rec que cap d'home a pas jamai pouscut passa
avani la û de la maubèso lè e de la maichanto linèo qud i'aviô
dins aquel tems.
Despèi, an pouscut passa delà d' aquel rec e sebets, sul sol,
las penajados de las enoantados.
Toutis les cops que las noumensarets, cal faire lou sinne de
la orouts.
Les enchantées
Autrefois, il y avait des eachautées ; elles existèrent jusqu'à la fin
de la mauvaise loi ^. Elles demeuraient dans les grottes, mais leur
Palais était celle de Rieufourcant ^. Là, la reine des enchantées fai-
sait sa demeure, avec ses compagnes.
D'autres habitaient dans la grotte de VHomme mort. Cette
caverne a plus d'une lieue et demie de longueur. On y voit des statues,
des piliers et deux oreilles de porc plantées à la voûte. Au milieu, il
y a un ruisseau qu'aucun homme n'a jamais pu traverser avant la fin
de la mauvaise loi et de la méchante lignée^ qui existait en ce temps là.
Depuis, on a pu passer au-delà de ce ruisseau et l'on voit, sur le
sol, les traces du pied des enchantées.
Toutes les fois que vous les nommerez, il vous faudra faire le signe
de la croix.
* V. recueillie par M. le D' Goibaud, à Belesta (Ariège).
Dans l'Ariôge, les sorcières <»ont appelées de différents noms : encan-
tados^ doumaizélos, dounzèlos, fados, sourcieiros.
* Les campagnards entendent parla les religions étrangères au catho-
licisme.
8 Grotte prés de Belesta.
^ Mauvaise lignée : les Sarrasins, les hérétiques, etc.
9
122 CONTES POPULAIRES
Per s^empachà de marcha demest la ponlsièro e la fango,
aquelos prim-fièlos s*aviôu fait un pount qu'anavo despèi la
cimo del roc de rhome mortjunquosà lacrinco de la serro de
Piantaurel.
Sul roc de rhome mort se vêts encaro ]es foundomens
d*aqael pount: de quartiès de roc de sept on bèit quintals.
Per dessus la tnto d'ount sourtis Fountestorbes, fa uno
caunho ame un trauc al sol, que semblo un pous ; on enten
Taîgo brugne al founze. Acô's aqui que las encantados ana-
voun lava laruscado e sabounàsas fardosande un bàsseld^or.
Quan las encantados disparisquèroun tout d'un cop, àPesta-
plissimen delabouno le, daichèrounlebassel al founze d'aquel
lavadou ; Tes encaro, e digus a pas gausat Tanà cercà, per-
dequé, per poudé le préne e le troubà, i cal anà tout seul, à
mièjo-nèit, sans lum.
Pour éviter de marcher dans la poussière et dans la boue, ces
habiles fileuses avaient fait un pont qui allait depuis la cime du roc
de VHomme mort jusqu'au sommet de la montagne de Piantaurel.
Sur le roc de VHomme mort, on voit encore les fondements de ce
pont: des quartiers de rochers de sept ou huit quintaux.
Au-dessus de la grotte d'où sort Fontesùorbes^, il y a une autre
grotte avec un trou profond dans la terre, qui ressemble à un puits;
on entend Teau bruire au fond. C'est là que les enchantées allaient
laver la lessive et savonner leurs bardes avec un battoir d*or.
Quand les enchantées disparurent tout d'un coup, à l'établissement
de la bonne loi, elles laissèrent le battoir au fond de ce lavoir ; il y
est encore, et personne n'a osé Taller chercher, parce que, pour
pouvoir le saisir et le trouver, il y faut aller seul, à minuit et sans
lumière.
Fontaine intermittente, célébrée par Dn Bartas.
DE LANGUEDOC 12S
L'enoantado
A la bordo des Pierrets, procho del roc de Founfestorbes^
oant demouravo un bourdassier ande sa familho, aquel bour-
dassier aviô'n bel goujat dreit, poulit, pla decouplat.
La pas jouye de las encantados que n'aviô pas mai de
dezo-beit ans, aviô devistat aquel bel goujatas, quan lauravo
les camps en cantant, s'en èro amourachado an'un punt que
Tanèt demanda en mariage.
Per se présenta, s'èro vestido en pajsanto, mais pracô que
pourtèsse de fardo coumuno, èro poulido coumo'n anel. Tabès
le goujat Taviô guignado.
S'anèt présenta à la bordo das Pierrets al moument de la
meichou, quand les blats èroun prestis à coupa.
« — Auriots pas besounb d'uno sirvento? » diguet aumes-
tre de la bordo.
<i — Ta pla ; mais que sabets fai ? »
a — Un pauc de tout : sabi segà, sabi laurà, sabi couse,
sabi mètre untoupi ; ensajats bo. »
L'enchantée
A la métairie des Pierrets, près du roc de Fontestorbes, où demeu-
rait un fermier avec sa famille, ce fermier avait un grand garçon,
droit, beau, vigoureux.
La plus jeune des enchantées, qui n^avaitpas plus de dix-huit ans,
avait remarqué ce beau garçon, quand il labourait les champs en
chantant, elle s*en était amourachée à tel point qu'elle alla le demander
en mariage.
Pour se présenter, elle s'était vêtue en paysanne, mais malgré
qu'elle portât des vêtements communs, elle était jolie comme un
bijou. (Litt. un anneau). De son côté, le garçon l'avait remarquée.
Elle alla se présenter à la métairie des Pierrets à l'époque de la
moisson, alors que les blés sont prêts à être coupés.
« — Auriez-vous besoin d^une servante? » dit-elle au métayer.
u — Tout aussi bien, mais que savez-vous faire ?»
« — Un peu de tout : je sais moissonner, je sais labourer, je sais
» coudre, je sais mettre un pot [au feu] (faire la soupe); essayez-
» moi.»
1 y. recneillie par M. le D' Guibaud, à Belesta (Ariège).
124 CONTES POPULAIRES
« — Ë bé, dinnats e veiren demà.»
L'endemà, quan lousestajansde labordo sioguèroun levais,
troubèroun la nouvèlo sirvento qu'aviè déjà engranat, fait
soun lèit, allucat le foc, mets le farnat del porc, e que cousiô
uno causso traucado. Sioguèroun estabouzits de vèzeanoûlbo
ta valento.
(( — Mestre, que voulets que fague bèi? ».
tt — Vendrés segà ande nous autris. n
a — Voli pla anà segà, mais voli estre toute soulo, que me
» derengariots ; escoutats-mé, vou'n troubarets pla. •
(( — £ bé, Pierretou, dits le paire à soun goujat, vai mena
aquelo filbo al camp dal cerié. Acô's èro un camp de dets
juntos.
Le mestre, sa fenno e soun goujat se metèroun à segà au
camp costo la bordo, qu'èro lé que mai pressavo ande lé del
cerié.
Avion segat cinq ou sieis garbos entre toutis très, que la
— (c Eh bien ! mettez- vous à table et nous verrons demain.»
Le lendemain, quand les habitants de la métairie se furent levés,
ils trouvèrent que la nouvelle servante avait déjà balayé la maison,
fait son lit, allumé le feu, mis [à chauffer] la bouillie du porc et
qu'elle rapiéçait des chausses trouées, ils furent ébahis de voir une
fille aussi laborieuse.
« — Maître, que voulez-vous que je fasse aujourd'hui?»
c( — Vous viendrez moissonner avec nous.»
(( — Je veux bien moissonner, mais je veux être seule, vous me dé-
» rangeriez ; croyez-moi, vous vous en trouverez bien.»
(c — Hé bien I petit Pierre, — dit le père à son fils — , va conduire
» cette fille au champ du cerisier.» C'était un champ de dix join-
tées^
Le fermier, sa femme et son fils se mirent à moissonner un champ
voisin de la métairie, dont la moisson pressait le plus avec celle du
cerisier.
Ils avaient à peine coupé cinq ou six gerbes à eux trois, que la
1 Deis juntos représentent cinq journées de labour, la junto^ ou demi-
journée, Tient de jugne^ joindre les bœufs, opération qui a lieu deux
fois : le matin, en partant, puis yers dix heures, quand les bœufs ont
mangé. (Note de M. le D' Guibaud).
DE LANGUEDOC 125
sirvento arrivo e dits al bourdassié : t Mestre, ei finit, que
» youlets que fasco ? »
« — As finit I es pas poussible ! »
a — Ba veirets; poudets anà Ihigk le blat qu'ai segat,
acabarai de segà aqueste e, mentretant, vous tendrai la soupo
presto. »
Tout ac6 èro vertat e s'èro fait.
Del tems que manjavoun la soupo : « Acô's pas tout, —
diguet la sirvento, — sabets so que sabi fai ; voli me maridà
ande Pierretou, s'acô i*agrado a-n-el e à vousautris* » Toutis
la Tourguèroun.
Se maridèroun e la bordo des Pierrets venguèt la pus
richo del pais. Quan lous vézis n'avien pas brico, les camps
des Pierrets èroun plés de recoltos : vi à la cavo, salât de porc
e d*aaco, farino din les sacs, argent al cabinet àroussintoun,
vestits pla pedassats, ré nou mancavo.
Pierretou e sa fenno aguèroun de mainajous ; maugrat
acô e le trabaih de la terro, quan s*arrevelhavoun trouba-
voan la fenno levado, le pa al four, les mainages lavats e
pencbenats, Toustal pla net e pla escurat.
servante arrive et dit au métayer: «Maître, j'ai fini; que que faut-il
que Je fasse?»
<(— Tu as fini!... Ce n'est pas possible!»
«— Vous le verrez; vous pouvez aller lier le blé que j'ai moissonné,
» j'achèverai de moissonner celui-ci et, sans perdre de temps, je vous
» préparerai la soupe.»
Tout cela était vrai et le travail était fait.
Pendant qu'ils mangeaient la soupe : «i Ce n'est pas tout, — dit la
» servante, — maintenant que vous savez ce que je sais faire, je vou-
» drais me marier avec Pierretou^ si cela agrée à lui et à vous.»
Jugez si tous le voulurent !
Ils se marièrent et la métairie des Pierrets devint la plus riche du
pays. Quand les voisins ne récoltaient presque rien, les champs des
Pierrets étaient couverts de belles récoltes : vin à la cave, salaisons
de porc et d*oie, farine dans les sacs, argent dans l'armoire à profu-
sion, vêtements bien rapiécés, rien ne manquait.
Pierretou et sa femme eurent des enfants ; malgré cet accroisse-
ment de famille et le travail de la terre, chaque matin, lorsqu'ils se
réveillaient, ils trouvaient la femme levée, le pain au four, les enfants
lavés et peignés, la maison nette et reluisante.
12« CONTES POPULAIRES
Pierretou, estabousit, demandavo à sa fenno consei élopou-
diô fai? Sa fenno i respoundiè : « Jouissi de toun bonnar, te
soucites pas de ré. As idèio quesoui uno encantado? Se, per
malur, veniôâ à me dire a(^uei mot, me veiriôs pas pus ! »
Pierretou perdiô Tapetis, veniô magre cado joun. Un cop
i dîguet : u Ba vos pas dire, pracô es uno encantado ! »
Sul cop, la fenno s'esta vaniguet et jamès pus nou lavegèt.
Tabès les mainages èroun pla souegnats, les camps laurats e
segats, Toustal endressat.
Ëro Tencantado que ba fasiô, mes la veget pas pus.
Los trenta deniers *
Tharé que fo pajre d'Abraham fes XXX deniers d'argent
per Nini rey de Niniva losquals se retenc.
Pierretou abasourdi, demandait à sa femme comment elle pouvait
faire? Sa femme lui répondait : «Jouis de ton bonheur et ne t*occupe
)> de rien. Je sais ce que tu penses de moi, tu me soupçonnes d'être
» une enchantée? Si, par malheur, tu venais à me dire ce mot, tu ne
» me verrais plus.»
Pierretou en avait perdu sa tranquillité, il maigrissait tous les jours.
Enfin, une fois, il lui dit : « Tu ne veux pas en convenir, certainement
» tu es une enchantée!»
Immédiatement, la femme disparut et depuis on ne Ta plus jamais
vue. Mais les enfants continuaient à être soignés, les champs labourés
et moissonnés, la maison bien en ordre.
C'était Tenchantée qui faisait tout cela, mais on ne la revit plus.
Les trente deniers
Tharé, qui fut père d'Abraham, fit 30 deniers d'argent par ordre de
Ninus, roi de Ninive, lesquels il garda.
I Cette curieuse légende des trente deniers est empruntée au Pef «7 T/iû-
lamus^ fo ccccxxiii y* {Archives delà Ville de A/onfjoe/fe). L'édition de
la Société Archéologique (Jean Martel aîné, 1841) ne l'a pas reproduite.
Elle porte pour titre : Nota per los XXX deniei^s que Jhesus Crist fo
vendîUz,
DE LANGUEDOC 127
Quant Abraham près per molher Sarra, son pajre los li
donet.
Abraham ne compret la espelonca dopla dels jsmaelitas per
sebelir y la dicha Sarra sa molher quant fo morta.
Los jsmaelitas ne compreron Josep de sos frajres.
Aquestz frajres puojssas per fam ne compreron blat de
Pharaon.
Pharaon puojs bajiet aquestz XXX deniers a Mojsen per
anar subjugar la terra de Etiopia.
D'aqui vengron en poder de la regina de Saba vezina
d'aquela terra.
Apres la dicha regina venc per vezer la savieza del rey Sa-
lamon e entre los autres dons que li fes li offri los ditz XXX
deniers.
Salamon per lur beutat los donet al temple de Jherusalem.
Pueys lo rey Nabucodonosor près Jherusalem, raubet lo
temple e tôt o portet en Caldea.
Quand Abraham prit pour femme Sara, son père les lui donna.
Abraham en acheta la grotte double des Ismaélites pour y ensevelir
la dite Sara, sa femme, quand elle fut morte.
Les Ismaélites en achetèrent Joseph de ses frères.
Ensuite ces frères, pressés par la famine, en achetèrent du blé à
Pharaon.
Pharaon, ensuite, donna ces 30 deniers à Moyse, pour aller sub-
juguer la terre d'Ethiopie.
De là, ils vinrent en la possession de la Reine de Saba, voisine de
cette terre.
Ensuite, la dite Heine vint pour connaître la sagesse du Roi Salo-
mon et entre autres dons qu'elle lui fit, elle lui offrit les dits 30 de-
niers.
Salomon, pour leur beauté, les donna au temple de Jérusalem.
Après cela, le Roi Nabuchodonosor prit Jérusalem, vola le temple
et emporta le tout en Ghaldée.
Ce n'est, en efiet, qu'une simple note, qui se trouve parmi d'antres no-
tes de 1376 à 1386. L'écriture est la même: c'est celle du notaire Pierre
Gilles, MaUhe Peyve Gili notari del cossolai^ cierge reai; écriture qui
est parfaitement connue par d'autres écrits du temps. Il exerça, en eâet,
de 1361 à 1392.
(Note d'Achille Montel, archiviste de la ville de Montpellier de 1871 à
1879).
128 CONTES POPULAIRES
D'aquesta terra per temps pervenc a I dels III Rejsloqual
entra los autres dons ottri aquestz XXX deniers en Belleen a
Jhesu Crist e a la verges Maria.
E après la Verges Maria los donet per amor de Diu als pau-
res.
E finalment d'aqui vengron al princep de la sinagoga de
Jherusalem.
Loqual puejs los donet a Judas lo trahidor per compra de
Jhesu Crist.
E aquel puojs los li rendet.
E el ne compret I camp per far semeteri de romieus.
L. Lambert.
De ce pays, avec le temps, ils arrivèrent à un des trois Rois
[Mages], lequel, entre autres dons, offrit ces 30 deniers, dans Bethléem,
à Jésus-Christ et à la Vierge Marie.
Ensuite, la Vierge Marie les donna, pour Tamour de Dieu, aux
pauvres.
Et finalement, de là, ils parvinrent au Prince de la Synagogue de
Jérusalem.
Lequel ensuite, les donna à Judas le traître, pour Tachât de Jésus-
Christ.
Celui-ci, après, les lui rendit,
Et il en acheta un champ pour en faire un cimetière de pèlerins.
* Une autre rédaction de cette légende, plus développée qu'ici, se lit
dans l'espèce d'Histoire Sainte dont une version catalane a été publiée
en 1873, par M. Miquel Victoria Amer, sous le titre de Genesi de Scrip-
tura (voir page 20), et dont il existe aussi une version provençale et
une version gasconne. Le ms. unique de cette dernière, malheureuse-
ment incomplet du commencement^ a été publié en entier par MM. Lespy
et Raymond, avec la partie correspondante de l'un des mss. provençaux
(Cf. Hevue^ XI, 206 et XII, 108, 291). La source de la légende parait être
un évangile apocryphe attribué à Saint Barthélémy et aujourd'hui
perdu, mais que Godefroi de Viterbe, du Chvonicon ou Panthéon duquel
elle forme un chapitre, cite comme sa seule autorité. Cf. Paul Rohde
Die Quellen der romanischen Weltchronich^ dans les Dcnkmàler de
Hermann Suchier, pp. 599 et 627.
I DODICI CANTI
EPOPEE ROMANESQUE DU XVI* SIÈCLE
(Suite)
57 Un, che di Serpentino era più forte
Et più robusto, il nuovo sir affronta
Per vendicarlo délia strana sorte,
Non prevedendo il misero sua onta.
Porta una lancia da impaurir la morte
Et spronando il corsier in furia monta,
Ch' avresti detto un smisurato scoglio
Non potrà mai star fermo a tanto orgoglio.
58. Quale veduto il guerrier pellegrino
Disse fra se : « Vien pur quanto p[u]oi saldo,
Che se più che propitio il tuo destino
Non ha\ almio colpo non potrai star saldo.
Se fusti il mio fratello o il inio cugino,
r ti farô mutar Tanimo baldo. »
Et spronando il destrier, dègli nel petto
Un colpo tal che fu a cader constretto.
[F* 32 V»] 59. Vedendosi caduto vuol far scusa
Con dir che di ciô fu il caval cagione ;
Cu' el nuovo cavallier : « Questo non s'usa,
Ma per farti veder che sei pol trône
Et che la codardia di ciô t'accusa,
Contento son che rimonti a Tarcione
Et che ripruovi ancor se la tua forza
11 mio valor intepidisse o smorza.
180 I DODICI CANTl
60. Ma ben ti giuro, péril mio sigaore,
Se la seconda volta ancor t'abbatto,
Restarai privo al tutto de Thonore
Ne meco truovarai pietoso patto. »
Risponde quel : « SI, s], » et con furore
Al suo cavallo rimontô di fatto;
Et, corne di prima, a rafrontare
Quel nuovo cavallier che un Hettor pare.
61. Quel nuovo cavallier mostrar volendo
L*ardito cor et la virtù infinita
De Tanimo suo forte in se prendendo
Et più sdegnoso una crudel feiita
Fàlli nel petto, et po' via trascorrendo
Fra Taltra gente la persona ardita
Hor questo fere, quel fuggir incalza,
Hor questo uccide, hor quel di sella sbalza.
62. Perché cadendo Salimbrotto in terra
(Cosi detto era quel) ruppe la lancia»
L'incognito guerrier agli altri guerra
Col brando sol face[v]a; ai quai si lancia
Co* molto ardir et tutti insiem li serra
Dandoli quanto p[u]6 s] rustra mancia
Al primo che egli affronta et al secondo,
Al terzo, al quarto et dove gira in tondo.
63« Et vede un ch*una grossa lancia tiene
Che sta fra gli altri per callarla al basso,
Onde egli rattamente il sopra viene
Affrettar al destrier facendo il pa»so ;
Come li è appresso , il brando non ritiene
Ma giù lo cala co' molto fracasso
Sopra il cimiero et con la man sinestra
La lancia trasse a quel fuor délia destra.
[P* 33 r®]64. Poi si ritira quanto le bisogna
Adoperando il brando in sua difTesa
Fuor délia calca, et d^arestar non sogna
La tolta lancia per seguir Timpresa
Già cominciata, che vittoria agogna
Havendo Talma nel furor accesa;
Et visto Serpentine un tanto ardire
In questo cavallier le prese a dire :
CANTO TERZO 181
65. « Magnanîmo signor, s* unqua ti o£fesi
Col troppo chieder più ch* io non devea,
Farô restar questi miei suspesi
Dalla battaglia perigliosa et rea.
Se morto è Saliuibrotto che più pesi
Vole va il miser tuor che non potea,
Habisi il danno et nui facciamo triegua,
A ciô che maggior mal fra nui non aegua. »
66. Gosl dicendo il degno Serpentine
Fece ritrar sue genti et ripor Tarmi,
Oui rispondeva il guerrier pellegrino :
« Che parli come accorto et saggio parmi,
Contento son lasciarti in tuo dimino,
Ancorchè tu sii stretto a seguitarmi
Per ragion d'armi et di cavalleria,
Ch* io non poRso mancar di cortesia.
67. Con questi tuoi far triegua mi contento
Per fin dimane allô levar del sole,
Ne vorei che credesti per spavento
Me usarti, o cavallier, queste parole,
Ma per Tamor che dentro el petto io sento
Di cortesie, di gentilezze sole
Et per amor del mio signer ch' Io amo
Più che me stesso et ritrovar i^ bramo.
68. S' il truovo, poi vogliate guerra, sia
Guerra fra nui secondo il voler vostro,
Che vi promette in su la fede mia.
Se viva chi fondé il céleste chiostro,
Che poco aprezzo vostra compagnia
Ne Farmi temo ne Torgoglio vostro,
Che quando io penso al mio gentil signore
Mi si radoppia forza, animo et core. »
[F. 33 V®] 69. S ta Serpentine a tal parlar suspeso
E imaginando va quai sia el signer se
Di chi quel cavallier par tante acceso
Et sieur si che non ritrueva morse
A Tardir grande, a tuor si grave peso
Sopra se solo senza alcun soccorso.
Doppe le viene a un tratte nel pensiero
Che sia quel che cerca esse il cavalliero.
1^2 I DODICI CANTI
70. Il cavallier per chi Marsilio manda
Serpentin pensa che quest* altro aia,
Voria saperlo et pur non lel diraanda
Temendo in ciô di farle villania
Che già Toffese in chiederli, et da banda
Da ragion mosso pon sua fantasia,
Ch* altro di quello et di questo altro vede
Altro il vestir, per ciô costu* altro crede.
71. Che quel primo di ner tutt* ha la vesta
Ma questo altro è vestito tutto bianco,
Bianco veste costui dal piè alla testa,
Coperto ha il scudo d'un damasco bianco,
Bianco ha il caval, bianca ha e la sopravesta
Et porta sul cimier un pennon bianco.
Perché vuol dimostrare a chi che' 1 vede
Quai sia verso il signor sua pura fede.
72. Tant[aJ è la fe ch' al suo signor ei porta
Nel cor, che la mostra anco al vestimento,
Et Serpentin come persona acorta,
Benchè nero non vede il guarnimento,
Non di saperlo ancor si disconforta,
Anzi nel cor concepe un argomento
Per scoprir e invitol seco al dassezzo
Ad albergar, che è in regia corte avezzo.
73. Quel cavallier che è generoso accetta
Ampiamente Tinvito per mostrare
Ch' egli non ha timor et men suspetta
Di tutti lor. Poichè la notte appare
Ognun scavalca et il destrier su' assetta
Meglio che puote et pongonsi a mangiare
Chi quà, chi là, et a un hostel vicino
Col cavallier si trasse Serpentine.
[F. 34 r^] 74. Puose una mensa Thoste et le vivande,
Venero vin di poma et di prunelle
Ch' altro non si usa troppo in quelle bande.
Se assigono i guerrier : le chiome belle
Cavando Telmo a sorte il guerrier spande.
Serpentin vede Telmo et le mascelle
Che mostran più di bella donna altiera
Che di guerrier di cui pur ha maniera.
CANTO TERZO 133
75. El guerrier s'arosciô quando s'accorse
Esser per donna conosciuta alhora
Et per non so che tutto si scon torse;
De rhostaria subito uscendo fuora,
Le orate trecce al degno capo atorse,
Poi d*una scuffia quel coprendo honora
D'oro contesta et seta damaschina
Ch* in duono havuta havea da Fiordispiiia.
76. Poi dentro ritomô tutta cambiata
Di pensier tristo in un pensier giocondo
Et disse a Serpentin : « Se già turbata
Tu mi vedesti nel levarmi el pondo
Del capo et se la chioma scapigliata
Mi mostrè quai tu non credevi al mondo,
Non t'ammirar, per Dio, perché sono usa
Sempre ne Tarmi et non ne so far scusa.
77. Sempre sono usa a Tarmi et a destriero
Da picciolina e a piè tal volta in guerra.
Hor armo sempre mai da cavaliiero,
S'avvien ch'io vada o per mar o per terra,
Et hor mi sento accesa d'un Ruggiero
Ch' in tutto il mondo il più gentil non erra,
Et vo di lui cercando in ogni luogo
Tutta infiammata in Tamoroso fuogo. »
78. Una figlia de P hoste, che non era
Al primo ragionar délie parole,
Mirando in faccia alla donzella altiera.
Se accese più che la fenice al sole,
Quando vi venue a servirli in maniera
Con che gran cavallier servir si suole,
TalvoUa suspirando chetamente
Per la gran âamma che nel petto sente.
[F. 34 v^] 79. La cena fatta a rîposar ne vanno
Ma separatamente i guerrier forti,
Perché due cameretteta lor si danno
Con loro letti e i servitor acorti
A disarmarli, perché dair affanno
De Tarmi tolto oguun si riconforti,
Ma la figlia de Thoste sola smania
Perché era entrata in Tamorosa pauia.
134 I DODIGI CANTI
80. Dice sola fra se la meschioella :
« Deh coiue, Amor, m' hai preso alla tua rete t
Deh com' accesa m* hai con tua facella
Ghe mi dà tanta inestinguibil sete ! »
Et levata del letto discende ella
Ghe già le genti sente dormir chete
Et alla cameietta seoza lume
Va, che di casa sa tutto il costume,
81 . Alla caméra ove era Bradamante,
Ghe cosl nomato era il cavalliero,
Anzi a dir meglio che teoea semblante
D'un forte et ben magnanimo guerriero,
Gh* iva cercando corne vera amante
Le vestigie del suo amato Ruggiero ;
Entra donque de V hoste la figliuola
In questa cameretta scura et sola.
82. S'accosta al letto et va pian pia[n] toccando
Et Bradamante truova esser vestita
Ghe dormendo la man tien sopra il brando ;
Onde ônne la fanciulla sbigottita
Et dice : « 0 cavallier, tutta tremando,
Habii pietà di mia misera vita,
Ghe se mi sprezzi, i* son la più dolente
Ghe mai nascesse infra tutta mia gente. »
83. Bradamante da se alquanto sorride
Et ben conosce ch* egli ô la fanciulla
Gh* a mensa lei servir si pronta vide.
Et seco in stessa di lei si trastulla ;
E il cor délia fanciulla si conquide,
Et bastemia ella il latte ch' in la cuUa
Susse, poichè cosl il cavallier dorme
Quai d'esser vivo pur non mostra Tonne.
[F. 35 ro] 84. Fingeva Bradamante di dormire
Sol per veder deila fanciulla il fine,
Et sente ch* ella dice : « T vuo* morire,
Allacciandomi il col con questo chrine ;
Miseramente mia vita finire
Intendo, ch* in le genti Saracine
Più pietà si ritruova che in costui.
Et pur fiamma crudel m'arde per lui. »
CANTO TERZO 135
85. Credeva la donzella Bradamante
Homo e8<er pur, non femina corne era,
Perché alla propria effigie havea semblante
Assai più d'huomo che di donna altiera ;
Onde tutta arde la infelice amante ;
Pur se si sveglia quella truovar spera
Ciô che desia et che concepe in core
Che a un punto con la speme nasce amore.
86. Pur disse Bradamante : « In questo errora
Non pria cadesti tu, non disperarti,
Né sola sei che desiasti in core
Ci[ô] che altru* amando alfin potràincontrarti.
Questi li modi son tutti che Amore
Usa, queste le astutie, ingegni et arti
Coi quali enganna i miseri mortali,
Spesso indamo aventando i duri strali.
87. Non è minor il fuoco ch* ho nel petto
Che m' arde pel mio sir che quel che senti.
Se t*ha gabbato Amor sol col mi* aspetto,
Se t*ha causato dolorosi accenti,
Me ancora accese senza alcun rispetto
Con li saoi duri, accuti strali ardenti.
Et fammi errar in questo et in quel luoco
Piena d'incendio e inevitabil fuoco.
88. A ciô che tu più certa sapii el tutto
Et che conoschi ben ch' io non te inganni
Volendo tu del tno amor corre il fi utto,
Hor mi ti acosca quivi intro alli panni,
Pon qui la mano che laccerbo lutto
Voglio tutto hora lassi et ti disganni. »
Ciô detto sua man prende et fa toccare
El luogo ove la donna donna appare.
[F. 35 V*] 89. La donzella ch* era ita et ha truovato
Quel che non vuol et quel che vuol non truova.
Se si ritruova in petto il cuor gelato.
Se duol crudel neir aima se gli innuova,
S' il spirito infelice ha in lei turbato,
Se gli par haver fatta trista pruova,
Ouidical tu, signor, che in sensi parse
Quai quella che già in marmo si converse.
l I DODIGI CANTl
90. Gonobbe Bradamante che costei
P6r questo divenuta era angosciosa,
Onde comincia a ragionar con lei
Dicendole : « Non star più dolorosa,
Femina sono et femina tu sei ;
Esser non dei meco si vergognosa
Che Fiordispîna ancor mi tenne seco
Et diletto hebbe d*abracciarsi meco.
91 . Del mio Ruggier, un di, cercando io andava
Quai andar per la Spagna errando entesi.
Perché Testivo sol mi moles ta va,
Scavalcata in sa l'herba un dl m* istesi.
Fiordispina cacciando ivi arivava
Et gli ochi miei truovô dal sonno presi,
Che la vi siéra pel gran caldo alzai
A una dolce ombra e al fin mi adormentai.
92. Solingo è il luogo et è coperto a fronde
D'alberi spessi, a tal che '1 vivo raggio
Del chiaro sol a pena vi si asconde
Quando ô più basso, et, per fuggir Toltraggio
Del gran calor, ve entrai che le chiare onde
Col dolce mormorio che fan rivaggi
Ivi d'intorno m'invitarno, et quella
Vi capitô quai matutina Stella,
93. Forsi per ri[n]frescarsi del calore
Che ella sentiva nella caccia ; et quando
Quinci mi vidde, il pargoletto Amore
L*atroce sette in se tutta voiti^ndo
Comutô quel arcier in tanto ardore
Ch* apresso me colcata suspirando
Ardl baciarmi in bocca eti' mi destai,
Et quella in faccia subito mirai.
[F.36r*] 94. Cresimi che quel fusse il mio Ruggiero
Che guidato da Amor fusse ivi giunto ;
Ma, quando viddi vano il mio pensiero,
Tutta smarita rimasi io in quel punto,
Et tanto mi mancô Tardire altiero
Che di vergogna grande hebbi il cor punto,
Ond* ella visto forsi il perso ardire
Mi cominciô queste parole a dire :
CANTO TKRZO 137
95. « Ascolta, cayallier, le mie parole.
Del re Marsilio bodo unica figlia,
Di degna stirpe non men degna proie,
Che quivi giunta infra tue belle ciglia
Viddi Amor starsi et nella fronte il sole
Et Vener nella tua faccia vermiglia
Spargere con sua mano i bei ligostri,
Discesa a posta dai celesti chiostri,
96. Et, corne se tu '1 proprio suo Adon fusse,
Teco scherzare et di te prender gioia ;
Et per acenderme qui Amor m*adusse
Ove tu sei con disusata noia.
Pel dolce latte che tua bocca susse,
Non comportar, campion gentil, ch' io muoia,
Che, s'io ti truovo oltra la mia credenza,
Da te non farô viva dipartenza.
97. Non m*esser crudo, se in te gentiiezza
Unqua si vide o regnô cortesia,
Poichè t' ha dato il ciel tanta bellezza.
Se punto cara t*è la vita mia,
Se ti conduchi el cielo in grande altezza,
S'impetri ci6 che lo tuo cor disia.
Non [comportar che mi consumi amore
Né che mi strugghi in petto il miser core. »
98. Et io, per non mostrar quella viltade
Délia quai sempre fui crudel nimica,
Risposi a lei : « Regina di beltade.
Se v[u]oi che sempre mi ti mostri amica,
Farollo; et ho di te molta pietade,
Vedendo come Amor te involve e intrica
Nei lacci suoi per me : che quai tu sei
Ancor sono io, ti giur per gli Agnus Dei. »
[F. 36 V**] 99. Seco m'astrinse andar nella sua terra
Ivi vicina ; scompiacer non voUi,
Anzi vi andai senza contesa o guerra
Sempre cacciando per piani et per coUi
Lepori et capriuol di serra in serra
Tanto che furno homini et can satolli ;
Et cosl giunsi ad una degna mensa,
A ciascun grato il cibo si dispensa.
10
138 I DODIGI GANTI
100. Di ricca gonna poi vestir mi volse
A ciô cbe ognun pensassemi doozella,
Benchè *1 contrario nel suo^cor avolse
Errando corne te la mischinella ;
Fin tanto che nel letto suo mi toise
Seco, et poi vide ch' io non havea quella
Cosa che si pensô, restô smarita
Et più che prima dentro al cor ferita.
101 . Fecemi star poi seco a suo diletto
Più giorni,ond' io non voisi scontentarla
Et sempre mai li fui compagna al letto.
Al fin délibérai pur di lasciarla,
Perch' altra fiamma mi scaldava il petto
Et scalda ancor ne posso ben celarla.
Da lei partita son qui capitata
Come te ancor d*amore inviluppata. »
102. Alla donzella cosi Bradamante
Diceva et rimandolla alla sua stanza.
Poco le crede la misera amante,
Ma lagrimando priva di speranza
Torna al suo letto alfin tutta tremante
Quai chi sa délia casa ben Tusanza,
Ne perô dorme, perché il suo pensiero
Fermo ha che quella pur sia un cavalliero.
103. Parle la notte lunga oltra misura
Et ha disio che presto il di ritorni
Per ritentar se mai per sua ventura
Far possa ch' ivi ilcavallier soggiorni,
Et meglio riveder se la natura
Mutass' il sesso; cosa ai nostri giorni
Vis ta non mai fa desiar amore,
Che una speme amorosa unqua non muore.
[F® 37 p°] 104. La notte volge a Serpentin la mente
Et sopra Bradamante fa disegno
Di disonesto amor, che già si sente
Infiamar tutto ; et la forza et Tingegno
Non ha, che sa quanto in armi è valente
Quella, che n' ha veduto chiaro segno ;
Onde se aresta, et non ne vuol far pruova
Perô ch* a dubio di battaglia nuova.
CANTO TERZO 139
105. Ne vien Tâurora con l'aperto grembo
Pieno di fiori di color divers!
Del quai ne sparge et quinci et quindi un nembo,
Bianchi, crocei, sanguigni, oscuri et persi,
E poi aprendo a poco a poco il lembo
Lascia quasi da ognun tutta vedersi ;
Entra per porte et per fenestp* ov' ella
Gosa non truova che le sia ribella.
106. Bradamante del die vedendo Torme
Dimanda Phoste che li porti il lume.
Et la fanciulla ardente che non dorme,
Anzi le par il letto hispido duoie,
Presto si lieva et imprime le forme
Del fuoco in la bombace et fa che alume,
Et va sicura co' Taccesa lampa
Al cavallier di cui tutt' ella avampa.
107. Con quel timor de un cagnolin battuto
Che ritorna al patron poi richiamato,
Ne va costei col cor quasi perduto,
Anzi ferito, anzi pur lacerato,
Et humilmente a Bradamante aiuto
Chiede et mercè del suo infelice stato.
Bradamante gentil si lagna et duole
Che far non puô ci6 che quelF altra vuole.
108. Col lume poi quel ch' in la notte oscura
Le fe sentir, le mostra apertamente,
Ma la donzella che ha del suo ardor cura
Et cerca estinguer la âamma revente,
Onde altri pr[o]cacciarsi ella procura
Per isfogar il suo animo ardente,
Da questa parte, et va dove Taltro era
Et co* lui spinse la sua fiamma altiera.
[Po 37 v«] 109. Ch' in la caméra entrando il lume porta
Et dice ella : « Su, su, che è chiaro il giorno »,
E ciô dicendo richiude la porta
Et poi se accosta a Serpentino intorno.
Costui troppo molestia non supporta
Che haveva la donzella il viso adorno :
Quel che con Bradamante hebbe pensato
Ad effetto con questo hebbe mandate.
no I DODICI CANTl
110. ParteM «Ik da poi contenta et lieta
Et Bodisfatto aurge Serpeatino.
GU Bradamante b' è levata et cheta
Era andata a gueniir il suo ronziao
Di sella et brigliacoperCate a seta,
E, quando quincî giuase il Saracioo,
La aalutâ con rivereoza, et quella
Qratamente rispose a Biia favella.
111- Seppe si Serpentin col suo beldire
Oprar con quesla ch' ella fu contenta
Far eeco pace, et cosl ognun partire
Disponsi eeaza guerra, et ai contenta
Di cib la turba cbe provâ l'ardire
Et sa ch' in lei la forza non à spentu.
Pai'tita, Serpentin narrà ai soi cb'ella
Era una valorosa damigella.
112, Vasaene Bradamante a Montalbano
Non ritruovando il suo gentil consorte.
Fa sonar a cavallo ilcapitano
Et ritruovar da l'hoste alcune acorte,
Poi cavaleando va par monte et piano
Per ntrovar il buona Oi-lan<io e, a sorte
Scontrato un passaggier, hebero inditio
Da quel dal degno conte a un certo hoapitio.
1 13. Del cavallo et di lui il contrasegno
Et cbe passato ha il periglioso stretto
Di Zibiltarro aopra un picciol legno,
Le raconta lo passaggier predetto.
Et che non vi era raodo nâ dissegno
Che fusse giuQto quel eaval pej'fetto
Pecù ch' egli passato in Barberia
Esser deveva et già per lunga via.
"F'-SS r°] 114. Perù si toma Serpentine a dietro
Con quel cbe lasciô viïi Bradamante
Che quindioi ne ucoise et quai di vetro
Spezzô lorl'armi k donzella errante,
Ma, perché denlro el mar turbato et tetro
Convienmi ch' io soccorra il air de Anglante,
Vi kaeio Serpentin, fo fin al oanto
Etnel mar entro da fortuna affranto.
CANTO QUARTO )41
CANTO QUARTO
I. Con la facondia un orator sovente
Ottien ciô che disia, ciô che egli chiede
Benchè fusse Solon grato et prudente,
Athene pur a Pysistiato cède.
Quel Romano orator taato eccellente
Libéra se dalla superba cède
Di Mario et la sua patria Pericle anco
Riduce in servitù col suo dir franco.
2. El dotto Hegesia col suo dir ornato
SI ben biasmava la miseria humana
Ë in dimostrar ciô fu si accomodato
Et quauto fusse in lei speranza insana
Et che si ritruovava immortal stato
Per una mortal vita al tutto vana,
Tal che si davan volontaria morte
Molti per ritruovar più lieta sorte.
3. Perô imparate vui, sir, che reggete
Ville, città, castri, provincie et regni^
Prender le Muse con la ferma rete
Di vostri rari et pretiosi cngegni,
Che, se lor tutte o almeno in parte havrete.
Placar potrete V ire humane, i sdegni,
Firmar i vostri stati, i vostri imperi
Dai vostri fin' agli estremi emisperi.
4. Ponno le Muse et inclite Chamene
Per lor virtù dar gratie e imensi honori,
Et mal usate ancor diverse pêne,
Stenti, supplitii, stratii et dishonori,
Che virtute han tal hora di Syrene
Ordir inganni sotto al tri colori,
Come fe Fontedor che gabb' il conte
Con le parole et con le astutie pronte.
[P.38v®] 5. Lettor, se vi ramenta, i vi lasciai
Che '1 conte Orlando délia Francia honore,
Di poco uscito fuor de' accerbi lai,
Intrar s*aparechiava in un maggiore
142 I DODICI CANTI
Error di prima, a[ii]zi peggior aasai,
Che sana non havea mente ne il core
Per le parole et per quegli atti che usa
Questa donna crudel più che Lanfusa.
6. Dico di Fontedor,lafalsa maga,
Che col 8U0 falso nome inganna altrui ;
Enganna il conte et fàlle nuova piaga
Nelcor, ne pietà prendelidi lui,
Ghe per quella regina non s^appaga
Ne vuol Amor donar triegua a costui.
Sa questa strega ch' egli si affatica
Di cercar chi ella tiene per nimica.
7. Per nimica coste' Angelica tiene
Ne per error che Angelica habia fatto
Contra di lei, ma, per levarli spene
D'ogni salute et perché sia disfatto
Suo regno, sconosciuta cosiviene,
Che d'ogni incanto et di malia ogni atto
Ha si infisso in la mente et segni et carmi
Come scultura che si faccia in marmi.
8. Ne sape va Acheloo tante figure
Pigliar quanto ella, ne mutar altrui
In fiere, in pesci, in herbe, in scorze dure
D'alberi, et piètre in color chiari obui
Far in V harene, et in Tacque sculture,
Quai Fidia in marmi coi scolpelli sui,
Che facea di piètre homini et cavalli
Armati andar per tutto di met[a]lli.
9. Le frondi d'herbe sol gittando in mare
Mutava in navi, in fuste et in galee.
Spesso coi carmi il sol fece fermare
Dal ciel tirando le celesti Idée ;
Gli huomini in sassi facea ritornare.
Cosa che a pena le celesti Dee
Non osavan di far, facea costei
Con li suoi incanti dispietati et rei.
[F. 39poJ 10. Correr ancor a dietro gli erti fiumi,
L'onde del mar firmar, firmar i venti,
I monti caminar, i chiaa lumi
Nel suo maggior splendor in cielo spenti
CANTO QUARTO 143
Facea agli oehi parer né i sacri nami
Uguali a lei tener da vane genti,
Perché faeea al veder oitra misura
Cose che non paô far Talma natara.
11. Di costei Orilo nacquero et Gorante
Et d*an alpestro satiro inhumano ;
A Orilo il chrin fatô con forze tante
Che non potea morii* unqua il pagano
Ancor chè tronch* avesse tutte quante
Le membra, e ognun s'affaticava in vano
Di darle morte non svellendo al fino
L^incognito immortal fatato chrine.
12. Sovra lapoccia mancahaveva un pelo
Fatato questa a Taltro suo figliuolo,
Gui non poteva fulgore dal cielo
Morte prestar nô ferro mortal duolo.
Far da picin nudriti al caldo e al gelo
Fra coccodrilli che da Timo suolo
Rscon del Nilo, et membra di gigante.
Hebbero et nere dal teschio aile piante.
13. Sa la riva del Nilo una al ta torre
Oltra el Cajro havea fatta per incanto
La mala strega et dentro vi fe porre
Un coccodrillo che da ciascun canto
Horrendo era a veder^ ne cibo abhorre
D*humane carni ; et nudricollo, in tanto
Ch' i âgli grandi fur, di fanciulletti
Ch* ella occideva ne* matemi letti.
14. In quella torre Alfegra i suoi figliuoli
Pose, che Alfegra per suo nom fu detta,
Non Fontedor, la fata, a ciô che duoli
Dessero al padre (o che crudel vendetta!) ;
Qaindi asava passar già coq li stuoli
De* satyri, compagno di tal setta,
El padre, che in quei piani le capanne
Havean di palme et zuccarine canne.
[F.SSt*^] 15. Perch' ogni donna è mobii per natura,
Per altro amor il lor padre Brione
Lasciô la strega fuor d'ogni misura,
Et fuor di modo ardendo ; ne cagione
144 I DODICI GANTI
Havea lasciarlo, ond* ha grave paura
Di lui, ch' ogni sua cura et studio pone
In sol farlo morir ; cosi ha disposto
Ch' ai figli paghi il fio di grave costo.
16. Tal ordin dato, la malvagia strega,
Che fa ta fu chiamata, si ridusse,
Ne risole Perdute, ne si piega
Se no a Medoro et quel seco condusse
Con Tarte maga et si in suo amer il lega
Stretto a ciô che marito unqua non fusse
D'Angelica gentil, che conobbe ella
Che a questo il favoriva la sua stella.
17. In queir isula havea pur per incanto.
Fatto un pallazzo bello a maraviglia
Ch' a ogni altro di beltà toglieva il vanto,
Sol per privar la generosa figlia,
Di Gallafron d'un giovinetto tanto
Bello che di beltà nuUo il somiglia ;
Anzi di beltà seco perde il sole
Che sceso pare da divina proie.
18. De diciotto anni il giovinetto a pena
Era formate d'una bella forma
Con un a faccia lucida et serena
Et Tor d'Arabbia i bei capei l'informa.
D'un grato et bel parlar dolce ha la vena
Et i costumi alla beltà conforma,
Tal che bel si pu6 dir dentro et di fuore
Et degno quasi del divine Amore.
19. Tutti i piacer, tutti i diletti insieme
Ch' un corpo human pu6 haver, havea Medoro,
Ma il giovinetto pur si lagna et geme,
[P]erchè la libertà, dolce thesoro,
Ei non si vede haver ; perô che terne
La strega perder si degno lavoro,
Lo tien in quel pallazzo con diletto
Et Bola gode di quel divo aspetto ;
20. Et, perché men le incresca il soggiornarve,
Con arte a meraviglia bella fassi
Et po' vestiti di mentite larve
Hupmini fa parer gli alberi e i sassi
CANTO QUARTO 145
Et finte damigelle ancor menarve
Fa dagli angeli ner dai luoghi bassi,
Et suoni et balli vi si fanno sempre
Con armonie et con soavi tempre.
[P.40p*]21. Pur tutto questo da Medor non toile
El desjderio délia libertade.
Ne per questi placer il cor si estolle
0 per veder d'Alfegra la beltade ;
S'impalidisce, ha Tochio sempre molle.
Alfegra non sa il cor de altrui, che rade
Volte li maghi san gli alti segreti
Dei nostri cor se son turbati o lieti.
22. Che finge il garzonetto lieto starsi
Et contento esser di si bella donna
Et per letitia sol Tochio immoUarsi
Con la lingua chiamando lei « madonna »,
Ma il desiderio ch* a di lontanarsi
Di indi et che sempre nel suo cor se indonna
Non scuopre mai con gesti o con parole
Sol per venir a quel che brama et vuole.
23. Questa fu la cagion ch' Alfegra fece
Il gra[n] pallazzo , e immortal odio porta
Al suo marito et procurô sua nece
Coi proprii figli quai sempre conforta
A questo oprar, et pruova che non lece
Loro disdir a lei, che cosa torta
E di non ubidir la madré chara
Ch* a darle il latte non fu punto avaia.
24. Quei, ch* eran già d*un animo malegno,
Concorser presto alla sfrenata voglia
De Tempia madré e adempiro il disegno,
Occidendo il lor padre con gran doglia ;
Doppoi surse fra lor grave disdegno
Pe* furti lor di questa et quella spoglia,
Ne per lor mala fama ormai più ariva
Persona alcuna alla famosa riva.
25. Onde Gorante per parti to prese
Lasciando Orilo andar verso la Tana.
CosT partendo giunse nel paese
Ch* era soggetto alla fata Sjlvana,
146 I DODICI GANTI
Ne tanto Âlfegra ingrata et discortese
Era quanto costei benigna e humana,
Che non vuol che si fermi in sua regione
Ne crassator ne publico latrone ;
26. Dove capitô il duca d'Inghilterra
Che cercandoiva il suo cugino Orlando,
Ne lasciava città, villa ne terra
Adietro che non gisse adimandando
Oi questo cavallier che in mar o in terra
Rendea famoso e ovunque andava il brando ;
Onde Sylvana al duca fece honore
Di quanto stimô degno il suo valore.
[F.40v«] 27. Questa fata era figlia alla Sybilla
Che di Troia prédisse il grave danno
Et hebbe del predir qualche scintilla
Come la madré et il gravoso affanno
Prédisse ad Alexandro et corne stilla
L'ira sua il cielo nel superbo scanno
Di Xerse il grande, et che Phyliippo padre
Non le era et che gabbata fu la madré.
28. Fu dalla madré essendo ancor fantina
Fatata questa veneranda fata
Che per nome era detta Soffrosina
Pria che fusse in l'Egitto trasportata
Dacerte Idée, che diléi rapina
Fecer ne Tisola ove ella era nata
Ch* era detta Eritrea, et poi Sylvana .
La gente s^appellô da gente estrana.
29. Presso la Tana in una selva umbrosa
Da certi spiritei lasciata sola
Rimase con la faccia lachrimosa
Che del tornarsi adietro se le invola
Ogni speranza, et cosl dolorosa
Fa dentro il petto di sospir gran mola,
Ma pur se adorme poichè *1 sol fra Tonde
Havea tufTate le sue chiome bionde;
30 . Et dormi infine che dal balcon d'oro
Mostrô la faccia rubiconda et lieta
Chi solo a se sacrô lo verde aloro,
La donna sola con la mente cheta ;
CANTO QUARTO 147
Et svegliata il sylvestro territoi o
Gominciô a rimirar tutta inquiéta
Et fra certi alber vede non lontana
Una opéra céleste più ch' humana.
31. L'opra è un palazzo lavorato a emalto,
A oro, a gemme, con molta adornezza,
Sopr' un poggetto lu quadro posto et alto
D^una assai bella et compétente altezza;
Onde passô la diva a un tratto il salto
Quai tygre isnella con molta prestezza ;
Giunta alla porta nulla sente o scorge
Se no il bel sito ch* ivi altiero sorge.
[F. 41 r°] 32. Non vi entra la fanciulla, anzi va intomo
Con speme di truovar chi entiar la inviti,
Et cosi andando quasi mezzo giorno
Vi consumé mirando a quei poiiti
Et belli intagli et quel palazzo adorno
Come era solo in quegli alpestri siti.
Tutta suspesa cominciô a pensare
Et se pur deve o non vi deve entrare.
33. Era il palazzo a forma d'un castello
Fatto in fortezza senza calce o harene.
Ma più ch' un spechio luminoso et bello.
Le porte ha di smiraldi et le cathene
Dei ponti son di bianco argento, et quello
Dove si sale di diamanti, et tiene
La donna oppenione et elle aviso
Ghe dentro a quel sia proprio il parndiso.
34. Sotto del quai un rusceletto vede
Uscir d'una acqua limpida et si pura
Ch'invita a ber o almen ôrmando il piede
A mirar sua chiarezza, per ventura
Chiunque vi passa : et quel mormora et chiede
Ch* ognun si posa alla fresca verdura,
Al dolce mormorio, a la opaca ombra
Gh* ogni pensier col sonno svelie et sgombra.
35. El vago fi umicel che quivi scende
Non men che l'oppio gênera il dormire
Per sua natura, et chi di quel s'accende
Troppo nel ber mai non si pud partire
148 I DODIGI CANTI
Più da quel luogo, imperô ch' egli rende
Un di meraoria piivo et di pentire
Non men che Lethe. Bebbe la Donzella,
Po' adormentoss^ in su Therba novella.
36. Né guari stette poi che fuor di quello
Palagio usci di donne una gran schiera,
Ë in su la riva al vago fîumicello
Venne dove la diva adormita era,
Et presa lei con modo honesto et bello
La portaro entro délia stanza altiera,
Poi la svegliaron con certi strumenti
Sonori et pieni di soavi accenti.
[P. 41 vo]37. Gome chi a l'improviso si risveglia
Si guarda in torno la donzella et vede
Quegli angelici volti, et, se è ancor veglia
0 pur se dorme, ella non sa, et si crede
Quasi sognar piena di meraveglia ;
Hor quinci hor quindi col bel ochio fîede,
Non si ricorda o sa come ivi venne
Et quai sentier a intrar, quai modo tenue.
38. Oro, smeraldi, zafiri et rubini,
Perle, diamanti et limpidi berilli,
Chrisoliti, balassi et dei più fini
Amatisti, iacinti et se lapilli
Più pretiosi son di quei confini
0 1 Ebro o '1 Gange ne produchi o stilli,
Vede ne' pavimenti et nelle mura
Postevi con grand' arte et con misura.
39. Vede una quercia di smeraldi finta
Che di purissimo oro ha le sue ghiande
In un aer di zafiri distinta
Che gli alti rami in fin al ciel ispande :
Dui gran pastor in mezzo Thanno avinta
Un col saver, l'altro col poter grande,
Et i bei rami soi tanto alto inalza
Che ambi i pastori soi sopra il ciel balza.
40. Vede dui altri col porpureo manto
Vestiti ch* alla quercia fanno honore.
Et un che fra gli armati et nome et vanto
Riporta di virtude et di valore.
CANTO QUARTO 149
Ghe dui chiari figliuol si tiene a canto,
Mostrando lor con filiale amore
Quanti trophei sul beir alber di Giove
Sono per le vettorie antiche et nuove.
41 . Attenta stava la gentil donzella
A mirar le figure che pur vive
Parevano et Thistoria a lei novella
Desiava saper da Taltre dive,
Onde proroppe pur nella favella
L'ornata lingua et disse : « Non si schive
Chi di voi sa questa legiadra hystoria
Far ch'io ne possi haver chiara memoria. »
[F.42p°] 42. Una rispose: « Quando il tempo fia,
Tu per te stessa altrui la farai chiara ;
Di ella convien ch' interprète ne sia,
Perô chesarà cosa al mondo rara.
Ancor non è suo bel principio in via,
Ma tosto fia con sua^virtù preclara. »
Et cobI detto fu la mensa posta
Et Sylvana con l'altre ivi preposta.
43. I varii cibi, i delettevol vini,
Le grate servitù, li suoni, i canti
Non vi potrei narrar, se li divini
Spirti nol concedessero ; i presta[n]ti
Et ben legiadri aspetti et pellegrini
Ch^ ivi eran proprio dai celesti et santi
Regni parean discesi, se Tauthore
Turpin chel scrisse non comise errore.
44. Et, finita la cena, la fanciulla
Fu da quatro matrone iacoronata.
Tutte eran donne et infra lor fu nulla
Ghe non Thavesse in regina accettata,
Benedicendo il latte et quella culla
Ghe da bambina Thaveva alevata,
Et fu resa da loro ella capace
Esser mandata li per la lor pace ;
45 Et ch* ella viverebbe in fin a tanto
Ghel re del ciel giudicarà la terra ;
Ma essendo nostra carne un fragil manto
Gonverrà poi che'l corpo torni in terra,
15Ô I DODIGI CANTl
Che non è alcun mortal che si dia vanto
Di vivere in eterno sovra terra ;
Et che per lei il palazzo era fondato
Dal primo dl che '1 mondo fu creato ;
46. Erafundato in la divina idea
Dal principio del mondo, et che la notte
Ch'ella cavata fu fuor di Erithrea
Et quinci posta, da Tinferne grotte
Trasse la madré sua detta Erithrea
Orrendi spirti, a ciô più non si arotte
Ella ne' boschi, et fu fatto il palagio
Aciô ch* ella vi stesse a suo bel agio.
[F 42 v**] 47. Dinanzi donque la crudel ruina
Di Troia in fin a 1' apparir del duca
Astolpho governô questa regina
Quel regno in pace, et hor se lo manduca
L'empio Gorante con crudel rapina,
Et, perché par che ardir et forza luca
In questo cavallier, hebbe assai caro
La venuta d'un huom degno et preclaro ;
48. Ch' erali pervenuto già alF orechi
Esser capitato ivi il rio Gorante,
Onde di affanni par si strughi e invechi.
Ne di beltà più mostra haver sembiante;
Perô : « Fa, disse al duca, ti apparechi
A battaglia, signor, con quel gigante,
Con quel gigante che ne V ampio cielo
Fa ritardar il corso al sir di Delo.
49. Sono circa otto giorni ch' al mio regno
Arivato è il gigante, anzi il latrone
Ch* al mal far sol' ha pronto il mal ingegno
Et sopra il Nilo occise ha più persone
Col suo fratello di crudel ta pregno,
Con chi egli havendo certa quistione
Da lui partito il perfido assassine
Contra mia voglia offende il mio dimino.
50. Tutte sian donne nui ciascuna imbelle,
A lancia inette et inimiche a l'armi,
Et ciascuna di nui cangia la pelle
Ogni di ottavo et non per via di carmi
CANTO QUARTO 151
Magichi, oo ; ma perché dalle stelle
Questo ci è dato, onde se tu v[u]oi farmi
Degna di tanta gratia che tu scacci
Costui, mi legarai teco in più lacci ;
51 . Et tal duon ti farô ch' unqua il simile
Non ricevesti mai da altra persona,
11 più belle, il più vago, il più genlile
Ghe dalla Tana al ôume di Garona
Fusse mai vistOi et ha questo monile
Yirtù tal che di rado assai si dona ;
Se a dosso il porti, il tuo nimico mai
Indarno coi tuoi colpi ferrirai.
[F.43r*] 52. Et aciochè costui non sia impunito
Délia sua tanta gran sceleratezza,
Ëssendo egli venuto nel mi' sito
Senza saputa mia per sua sciochezza,
Piglia il présente, o mio signor gradito,
Et, quando tempo fia di tua prudezza
Mostrar, la mostrarai. » Et questo detto,
Le pose al collo il bel gioiello eletto.
53. Per sua sorte et ventura havea la lancia
D'oro Astolpho che fu de l'Argalia ;
L*Argalia mischinel portolla in Francia
Sol per mostrar che ancor in pagania
D'armi era esperienza et non da ciancia,
Ma da gloria, da honor, da ligiadria
Accompagnata \ et contra il suo concetto
Ivi lasciarla il giovine fu astretto.
54. Haveva ancor il duca il bon Baiardo
Che Rinaldo lasciô dentro Parigi ;
Benchè altra opinion tenga il Boiardo,
Del ver mi accoste io sempre più ai vestigi.
Hor Astolpho al frappar qui non ô tarde
Et promette a Sylvana ch' i letigi
Aquetarà di quel gigante altiero
Et che farà sicuro ogni seutiero.
55. Erasi disarmato il paladino
Per riposarsi alquanto con diletto,
Havendo fatto assai lungo camino ;
Senza Tuabergo va, senza Telmetto
152 î DÔDICI CANTI
Passegg^ando pel vago et bel giardino
Fra donne, non havendo alcun suspetto
Di cavallier ch' or al giostrar lo inviti,
Pur di Sjlvana tien tutti gli inviti.
56 £t, mentre a ragionar di questo stanno,
A la fata un guerrier si rapresenta
Chel cor dimostra baver colmo d'affanno,
Onde Sylvana alquanto sisgomenta,
Nô poco di timor Taltre donne hanno
Ch* in la regina lor veggono spenta
Ogni baldanza, ogni supremo ardire,
Oui cosl prese il cavallier a dire :
[F.43vo] 57^ „ Egli è pur ver che dalle donne un regno
Et da un fanciuUo è malamante retto,
Che l'una [è] poco et l'altro me' ritegno
Non questo havendo et men qaella intelletto ;
Priva d'ogni discorso et buono ingegno
La donna sol nel mal nudrisce il petto ;
Perô dimostri chiar che donna sei
Accettando e' nimici delli Dei.
58. Non era a te dal volgo un simil nome
Ancora dato infin a questo giorno,
Ma poichè di ragion il chiaro lome,
Madonna, hai perso, quasi ad ogni intomo
Di grave infamia ti porti le some,
Ne so quando il tuo honor farà htorno
Dove era prima, che chi el perde tardo
L'aquista, ond' io me n' avampo et ardo.
59. Et più mi duol ch* al fonte del verziero
A te suggetto un perfido assassine
A donna, a pellegrino, a cavalliero
La vita toile in questo tuo dimino,
Ne paesan vi passa ne straniero
Ch' andar non faccia il crudo a morte chino,
Et gîunto a pena un mi' frateir ha ucciso
Che disceso parea dal paradiso. »
60. Astolpho il duca generoso e ardito,
Ënteso ciô che ha il cavallier parlato,
Non mutato di cor, non sbigotito
D'animo, disse : c< 11 ciel t'ha qui mandate
CANTO QUARTO 153
A ciô che tu mi mostri il camin trito
Et sia da me quel ladro castigato ;
Secondo Topra sua, secondo il merto
Del tutto purgarollo, te ne acerto.
61 . Ma tu da quel viltà sei tanto offeso
Che mostri pur buona presentia in Tarme
A non haver il tuo fratel diffeso.
Pur, poichè non l'hai fato, là menarme
Non ti rî[n]cresca, che da me fia preso
Quel fellon , se tu il luo<^o v[u]oi mostrarme.
r ti farô veder coaa che mai
Con gii ochi forsi ancor vista non hai. »
[F*44r p»] 62. Al duca disse il cavallier errante :
« Tu debbi haver qualche peccato antico-,
Tu non hai visto in faccia anco il gigante
Ne debbi di vittorie esser amico,
0 non ha' enteso nominar Gorante,
Ne sai la forza del suo braccio oblico :
A qualunque egli mira fiso in faccia,
Intorno al cor il sangue se le aghiaccia.
63. Se tu fusti colui che già il quartiero
Toise ad Almonte o quel che di Mambrino
Porta il degno elmo, lo tuo cor altiero
Non suffriiia mirar il Saracino
In faccia, non tremase di legiero,
Come al vento un virgulto tenerino:
Di lui visto non fu più altiero unquanco
Che fa mirando altru' il cor venir manco. »
64. Il duca Astolpho a lui: <( Hora conosco
Che sei nudrito di damme et cognigli ;
Se Tintelletto al tutto non ho losco,
A me noii si convengon toi consigli.
Ben forsi il tuo veder è tanto fosco
Ch' al ver giuditio punto non ti apigli.
Rinaldo stimo poco et meno Orlando
Finchè non manca la mia lancia e il brando.
65. Mi son trovato in ver con ambi loro,
Lor ambi ad una et io ad un altra parte ;
Solo sudar gli ho fatti ove Taloro
Si pon per gloria allir scrittor di carte.
Il
154 I DODIGI GANTI
Se quivi fusser ambi dui coloro,
La sperientia ti farei con arte
Ch' oggi nel mondo non è cavalliero
Simile a me, se ben non ho il quartiero.
66. Ho già vinto Gradasso et lire Carlo
Con li Boi palladini ho liberato
Di prigionia, che già volea menarlo
Seco in trionfo al carro incatenato ;
Né mai altro il possette liberarlo,
Se non io sol, ch' in Francia era egli andato
Per haver il destrier ch' io cavalco hora ;
Fu di Kiualdo et guadagnailo alhora.
[F<'44 v^] 67. Si che ensegnami il luogo et poi ti torna,
Se tu non v| u]oi veder Faspra contesa ;
Ma, se brami veder persona adorna
Unqua di gloria per famosa impresa.
Tu meco restarai, che chi soggiorna
Attendendo virtù mai non le pesa,
Che benchè sia la sua radice amara,
Ë dolce il frutto et cosa al mondo cara. »
68. Aleramo rispose, che fu detto
Cosi quel cavallier, al sir Ënglese :
Se, com' al dir, ne Tarmi si perfetto
Sarai, dubio non ho che le mie imprese
Di certo havranno generoso effetto
£t vettoria otterrai di tai contese.
Perô, se teco dovess'io morire,
Ad insegnarti il luogo i' vuo' venire.
69. Benchè mi duolga un cavallier
Debbia morir per man d'un ladron taie. >»
Gui disse Astolfo dimostrando sdegno :
u So che di te più che di me ti cale,
Ma non guastar, ti priego, il mio dissegno,
Che so che tu vedrai un opra quale
Forsi non speri di veder giamai.
Andian, se star non vuoi, tornar potrai.
70. Non ti pensar ch* io cercbi per paura
In tal impresa la tua compagnia.
Perché la lancia mia tanto è sicura,
Tanto è sicura questa spada mia
CANTO QUARTO 155
Ghe d'altro ainto che del mio non cura
Quella ne questa, et non ti fo bugia,
Che, 8* io potessi andar giù ne Tinferno,
Cerbero ne trarei con onta et scherno. »
71 . Et volto a una donzella, alla oui diede
Questi in governo Tarmi, surridendo
Disse : « Dama gentil, per vostra fede
Arechatemi Tarmi, ch*io comprendo
Gh'io venni quà sol di celui mercede
Che *1 tutto regge, a ciô che *1 monstro orrendo
Per mia man pera et libeii lo regno
Vostro con la mia forza et col mio ingegno. »
[F**45r*] 72. Venute l'armi, quelle il sir si veste
Con tanta ligiadria che dir nol posso.
Le donne, che per pria parevan meste,
Hor liete stanno et da lor petti scosso
Hanno il timor et tutte fansi preste
A speme et a baldanza. Astolpho un grosso
Non stima il monde ch* ha destrier et lancia
De la qnal non è par de' Indi alla Francia.
73. Se vi rameuta ben, signer mio caro,
In la selva d'Ardenna il pro Rinaldo
Lasciai col mostro [con] pensiero amaro,
Da Parigi partito havendo caldo
Il petto di suspir et senza paro
Ardendo, et, benchè fusse in araor saldo,
Fu pur mutato il suo sfrenato amore
AI fonte del famoso incantatore.
74. Baiardo era rimaso entro a Parigi;
Hor perso ha Rabican stando in prigione ;
Astolfo, che d'Orlando li vestigi
Cerca,ha il caval delfigliuol[o d'Amone],
Che con Gradasso quietà i letigi
Ch' eran già nati sopra quel ronzone.
Gosi lo cavalcava a tutto passe
Chiper quelle havea vente il re Gradasso.
75. Ma diverse dal Conte il camin tenue
Costui, per6 ch' Orlando per la Spagna
Andô verso il Cataio et questi venue
Di Francia in TUngaria per TAlemagna,
156 I DODICI CANTl
PassÔ il Danabbîo e ad Alexandria senne
Andô seoza firmarsi per campagna ;
LhscIô la Thracia et Ponto et alla Thana
Giunse alfin nel bel regno di Svlvana.
76. Quella li diè il monil) corne di sopra
Intendesti, signor, con molto amore,
Ne forsi mai più vista simil opra
Fu, o tanto egregia o di tanto valore.
Argia a Eriphyl el diè perch' ella scuopra
L'ascoso 8U0 consorte, o grande errore!
In man poi venne, et non so corne dire,
Di questa che lo diede al nobil sire.
[F®45v®]77. Ha quel caval ch* ognivil cavalliero
Per sua bontà sol rende coragioso ;
Ha la lancia cb' abatte ogni homo altiero,
Et cbi la porta vien per lei faraoso ;
Ha quel monil che fa ogoi colpo fiero,
E chi il porta divien vittorioso
In ogni impresa fatta coq ragione
Contra ogni ferro e ogni incantagiooe.
78. Fecelo già Volcano et servô il tempo
Nel quai effetto taie il ciel produce,
Bene ogni cosa fa chi la fa in tempo
Che *1 tempo è d'ogni cosa mastro et duce.
Già Tydeo il tenue in gran prezzo gran tempo,
Onde fra i forti già fu spechio et luce.
Ma tornar mi conviene a dir d'Orlando
Ch' io lasciai con la strega suspirando.
79. Se vi ricorda, dissivi ch' Âlphegra
Sotto il bel falso nom di Fontedoro
Era comparsa con la vêla negra
Nel bel lito Affricaao, etcome fuoro
A ragionar il conte et essa, ch' egra
La mente haveva sol pel suo Medoro,
Et con Orlando l'amicitia finge.
Et Taltrui caso per lo suo depinge.
80. Et, mentre ad ascoltarla intente è il conte,
Camina il palischermo et ei nol vede,
Ha tanto gli ochi agli ochi et alla fronte
Costu' di lei ch' ogn' altra cosa cède,
CANTO QUARTO 157
Et di lei guata si le beltà conte
Che pîû quelle di Angelica non crede.
Le navi, che di fronde erano nate,
Non vede ei più ch' in fronde son tomate.
81 . 0 grande forza delli incantaraenti !
Unhuon si saggio, un huon si valoroso,
Tu, di consigli privi et d'argumenti
Et di fortezza un almo coraggioso!
Muovonsi in mar a furia quatro venti
Che '1 chiaro cielo rendon tenebroso
Et del mar alzan si le turbate onde
Ch' ambo del palischermo empion le sponde.
[F® 46 r^] 82. Da un grave sonno quasi risvegliato
Parendo Orlando si rivolge al lito,
Ma già da qu'ello è tanto lontanato
Che délia terra non discerne il sito.
El vechio Egeo muggiar tutto turbato
Con roca voce fu dal sir odito,
Ne puô negar con le sue forze pronte
Ch' ora timor non habia il fiero conte.
83. Et, rivolto a colei che quinci el trasse,
Turbato in faccia et bieca guardatura
Facendo, disse con parole basse:
« Dama, che di tua vita non bai cura,
L'armata ove è? dove tua nave stasse ?
Quivi corne possian vita sicura
Haver? » Mentre ciô dice, il mar se inalza
Et quinci et quindi il picciol legno isbalza.
84. Chiama sant' Herme, invoca san Dionigi
11 conte et tien la guancia laghrimosa ;
Hor si augura le porte di Parigi
Et tutta via la faccia ha rugiadosa.
La mala donna, arnica di letigi,
Di lui si ride et lieta si riposa.
S'adira il conte et scagliasele adosso
Per pestarle la carne et franger Fosso.
85. Poi si ri tien quel animo gentile
Da quel pensier, da quella frenesia,
Dicendo in se : « Gli è cosa troppo vile
Cometter tal errer, far tal foUia ;
158 I DODICI GANTI
Bruttar le mani in sangue feminile
Vi[e]n da viltade, vien da scortesia. »
Ma lascian loro et torniamo a Rinaldo
Che di crudel disdegno il petto ha caldo.
86. Che, poich' egli hebbe occisa la chimiera,
Intrô in la seiva inhospita et raen colta,
Ëssendo giunto il giorno a Tatra sera
Gui già sua luce il sol havea ritolta ;
Et, perché il destrier anche truovar spera,
Dove sente un rumore, il sir si volta,
El, livoltato, vede un gran leon[e]
Difiendersi a fatica da un griffone.
[F«46v°]87. Là se tirando il paladino mira
Tenendo ancor la spada in man sanguigna.
Et d'intorno al leone il griffon gira,
E quel si volge et i denti digrigna
Et talhor con la zampa a l'augel tira
Per pettinarlo a guisa di matrigna,
Ch' ora si lieva a vuolo un gran pezzo alto
Et hor calando in giù fa nuovo asalto.
88. Quando atteso hebbe un pezzo il sir Rinaldo
Delle due bestie ardite il lungo schermo,
Havendo il petto d^ ira et sdegno caido
Ne possendo per rabia star più fermo
Da quelle fiere Rabican di saldo,
Occiso esser pensossi come infermo
Che per acuta febre e infrenesito
Vuol che sia il grifo pria da lui punito.
89. Et pensa, poichè quello haverà morto,
Occider con sua mano ancho il leone.
Onde si mette in su l'aviso accorto
Che s'alzi prima et poi cali il griffone,
E vendicar il bon destrier a torto
0 che sia, o che non sia pur di ragione,
Nel cor per quel cavallo ha tanto sdegno
Che r ira sua non truova alcun ritegno.
90. Et nel calar che fa il grifibne a terra
Vibra la spada il generoso sire,
E in mezzo il petto con furror Tafferra
In modo che non puô più al ciel salire
CANTO QUARTO 159
Che '1 gozzo passa et Tanimal atterra,
Ne coi gran vanni le giovô il schermire.
Kl leon, che si vedde da quel sciolto.
Subito al cavallier si f u rivolto,
91 . 0 per riogratiarlo, ancora o forse
Per meraviglia, o pur sdegno et ira
Che '1 cavallier non chiesto lo soccorse.
Oade Rinaldo a quel tanto s*adira
Che con la spada furibonda torse
Verso il leoae et sovra el capo tira
D*un gran fendente a quel veloce et ratto,
Ma per la furia colseli di piatto.
[F® 47 1*] 92. Pur fu il colpo si crudo et si scortese
Che venue da Taltiero et forte braccio,
Che come morto in terra si distese
Il misero leone, et fuor d' impaccio
Il sir di Moutalbano esser si crese
Di queste bestie uscito. Hor di lui taccio
Perô ch' Astolpho vuol dichi di lui
Ne più lo lasci per seguir altrui.
93. lo Thaveva lasciato nel giardino
Arinarsi et col monil che quella fata
Dato gli haveva a ciô di suo dimino
Egli scacciasse la bestia incantata.
Armato chp fu il vago palladino,
Sahe al destrier et fe una maneggiata
Con quel cavallo ch* era unico al monde,
Se si pu6 dir, et dal ciel al profonde.
94. Ad Astolpho Aleramo tai parole
Disse : « 0 signer, andian fin alla fonte.
Ti condurô pria che tramonti il sole,
£t, se vedrai Gérante nella fronte,
Se che ti scordaran le ciancie et foie
Et Telmo di Mambrino et quel d'Almonte,
Nô ti trarà di mano di Gorante
S'anco in te fusse il spirto d'Agelante. »
95. Ces! dicendo Aleramo fu mosso
Inanzi et lui seguiva il duca Astolpho,
Quai in la faccia diventô più rosse
Che non fu mai cotai di fuece un golfe
160 I DODIOT GANTl
Per ira a che parlando Tha commos[s]o.
Coluiy che è acceso più che Etna il zolfo,
Se le invia dietio, cui cosi Aleramo
Diceva laghrimoso in vista et gramo :
96. < Signor, quel huom crudel una cappanna
Ha fatta presso al fonte fresco et chiaro,
Ove ciascun che quindi ariva inganna
Col dar ricetto et col dormir amaro.
Un letto ha di dua braccia et d'una spanna
El traditor (o caso crudo et raro !),
Stende in sul letto délia trista stanza
Et taglia tutto quel che fuori avanza ;
[F*47v®]97. Et, se per sorte alcun fusse più corto
Del letticiuol, li lega il capo a un legno,
Pei piedi il tira fin tanto che morto
Vi resti poi o che pur gionghi al segno ;
Et se uno fusse in su quel letto sorto
Lungo quanto esser bas ta a tal disc^no.
Sel trangugia il giganle cosl vivo,
Tal ch' ivi alcun non è di morte privo. »
98. Stava amirato il gentil duca Englese
Di tan ta crudeltà d'un corpo humano,
Et cavalcando il petto se le accese
Contra il gigante d*animo inhumano,
Ma desioso in queste crude imprese
Seco ratto trovarsi a mano a mano
Priega il compagno che cavalchi in fretta
Nanzi che 1 sol ne TOccean si metta.
99. Era il gigante, quando i cavallieri
Giunsero, dentro la crudel cappanna
Forsi a dormir o, pur, sovra pensieri
Di riempersi la bramosa canna ;
Or, giunti donque i nobili guerrier!,
Astolfo il corno suo sonar si affanna.
Gorante quello enteso uscî di fuore
Con gli ochi accesi di superbo orrore.
Ferdinand Castbts.
{A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
Anberiin (Ch.). — La versification française et ses nouyeaux théoriciens.
Les règles classiques et les libertés modernes. — Paris^ Belin, 1898,
in-12o, [328 p.]
« Depuis vingt ans on a publié, sur la versification française, un assez
grand nombre d'excellents travaux, qui ont singulièrement renouvelé,
agrandi et relevé une matière si souvent traitée. La plupart, il est
vrai, se sont limités à quelques points particuliers du sujet ; mais en
renonçant à s'étendre, ils se sont assuré le mérite d'un savoir plus
original et plus précis. La science nouvelle a produit un double résul-
tat : elle a mis en évidence les lacunes des anciens traités, tout en
fournissant le moyen de réparer cette insuffisance. »
Ainsi s'exprime M. Aubertln au début de son livre, et ce qu'il dit
est parfaitement exact : on a beaucoup écrit sur le vers français
depuis l'ouvrage de Quicherat et presque toutes les publications
parues contiennent de bonnes ou d'excellentes parties, mais aussi
presque chacune d'elles renferme un nombre plus ou moins considé-
rable d'erreurs. Le moment pouvait paraître venu de donner un traité
complet de versification française où Ton réunirait tout ce qu'il i a de
bon dans les travaux antérieurs, en leur laissant pour compte ce qu'ils
présentent de mauvais. Un triage, puis une sintè^e: tel était le pro-
gramme. C'est bien ce qu'a compris et tenté M. Aubertin ; mais on ne
saurait dire qu'il ait entièrement réussi : il a un peu noyé l'essentiel
dans des détails trop nombreux et il a parfois accueilli des idées
fausses ou des téories erronées. Néanmoins son ^)etit volume, écrit
dans une langue élégante et claire, est ton lecommandable, à peu
près complet et bien au courant. Quelques retouches, la refonte d'un
chapitre ou deux, en feront dans une seconde édition un excellent
manuel qui pourra dispenser, sauf pour les recherches spéciales, de
tous autres livres sur la question.
Nous donnerons ici quelques-unes des remarques que cette publica-
tion nous a suggérées sur trois points principaux, la rime, l'armonie,
les moyens d'expression*.
Le chapitre de la rime, avec quelques idées un peu plus précises,
* P. 47, 1. 2, lire « consonne d'appui »> ; — p. 200, 1. 17, lire « Ariane,
hélas I » et note 2, lire «Ariane, ma sœur, . . . > ; — p. 281, 1. 11 du
bas, lire « coulent >.
162 BIBLIOGRAPHIE
aurait pa être exposé plas brièvement. Il i a toajonrs avantage à être
court quand ce n*est pas au préjudice de la clarté et de Texactitnde.
Tout ce qui concerne la rime peut se ramener à quelques points : 1® il
fiint rimer pour l'oreille et non pour Toeil ; Voltaire le proclamait déjà
et personne ne saurait plus le contester aujonrdui; 2* la première
condition pour que deux mots puissent rimer ensemble, c*est que leurs
▼oyelles toniques soient omofones, soient la même voyelle : trône
ne rime pas avec couronne ; Texemple des grands poètes auquel
M. Ânbertin est toujours tenté de se ranger en dernière analise dans
les cas qui lui paraissent douteux, n>st souvent qn*un exemple
d*erreur et ne saurait faire autorité. Il n'i a pas de gens peut-être qui
soient plus moutonniers que les poètes, sans en exclure les décadents
qui se targuent des audaces les plus scandaleuses ; 3* cette condition
ne suffit pas : verre (Teau ne rime pas avec tombeau, ni pain avec
main ; ce ne sont là que des assonances, qui ne doivent être tolérées
dans les poèmes rimes que lorsque les vers riment deux à deux ;
4* deux mots ne riment ensemble, à proprement parler, que slls
présentent Tomofonie non seulement de la vojelle tonique mais
encore de toutes les consonnes prononcées qui suivent cette voyelle,
on, si cette voyelle est finale, de la consonne qui la précède. Ainsi
tenir rime avec partir, banni avec fini, moi avec loi (la rime est
constituée par la sillabe toa], et même Danaê avec Cloé; dans ce
dernier exemple la consonne qui précède la voyelle tonique ne s*écrit
pas, mais elle existe : c^est une sorte de souflle analogue à Tesprit
doux des Grecs ; 5^ qu'est-ce maintenant qu'une rime riche ? c*est toute
rime qui présente Tomofonie d'un élément de plus que ceux que nous
avons signalés comme indispensables dans les exemples précédents. On
lit partout qœla rime riche est constituée parromofonie de la consonne
d*appui, c'est-à-dire de la consonne qui précède la voyelle tonique ; c*est
une erreur: 6anni et fini ne riment pas richement, car on ne peut s*ap-
peler riche si Ton ne possède que rindispensable. Bannir et finir,
parti et sorti, voir et soir 'c'est-à-dire-ir(ir% Danaê et Pasifaé sont
des rimes riches ; 6* parmi les consonnes venant après la voyelle toni-
que nous n'avons parlé que de celles qui se prononcent ; il faut dire un
mot de celles qui s'écrivent sans se prononcer. Doit^on tenir compte de
cesdemières en quelque façon? En principe, non. C'est Clair Tisseur, »i
nous ne nous trompons, qui le premier l'a dit bien nettement ; étranger
rime parfaitement avec chani;é, changés, remords avec mort, cor^ lord,
etc. Voici une raison qui le montrera avec toute l'évidence déârable: il
suffirait que l'on simplifiât un peu notre ortografe (ce qui sans donte
ne tardera g»é.^, car Tortografe française s*est toujours modifiée deux
ou trois fois par siècle) pour que toutes les proîbitions ineptes fondées
snr I«:^ j3nsonnes finales qui ne se prononcent pas, aillent en bloc
BIBLIOGRAPHIE 168
rejoindre leurs inventeurs. Il i a pourtant lieu de disr.iigiier entre les
consonnes finales qui ne se prononcent jamais, quelle que soit la
position et le rôle sintaxique du mot, et celles qui peuvent se faire
entendre, si le mot qui les possède est étroitement uni à ce qui suit,
comme il arrive fréquemment dans les petits vers et dans certains cas
d'enjambement que M. Becq de Fouquières a signalés. En considé-
ration de ces cas, le même auteur pense qu^on ne doit pas faire rimer
un mot qui se termine par une consonne susceptible de se prononcer
avec un mot terminé par une voyelle ou par une consonne ne se pro-
nonçant pas. La conclusion dépasse les prémisses ; le téoricien aurait
gSLrdé la juste mesure s'il avait dit que lorsqu'un mot terminé par une
consonne qui ne se prononce pas à la pause est lié de telle sorte avec
le mot suivant qu'elle doive se prononcer, il ne peut rimer qu'avec un
mot terminé par la môme consonne se prononçant. Cette règle est
évidemment justifiée : faute d'i obéir le versificateur tomberait dans le
cas de Brutus qui ne rime pas avec vertus, de Palmos qui ne rime
pas avec mois, malgré Tautorité de nos plus grands poètes ; 7® enfin
il i a la question de Talternance des rimes masculines et féminines.
Elle est encore aujourdui absolument neuve et nous la réservons, faute
de place, pour d'autres circonstances.
Dans son introduction M. Aubertin signale les principaux ouvrages
parus sur le vers français depuis celui de Quicberat. L'appréciation
dont il les accompagne est généralement juste. Il donne aux deux
excellents livres de MM. Tobler et Becq de Fouquières la place
qu'ils méritent ; mais il ne mentionne pas les « Modestes observations
sur l'art de versifier » de Clair Tisseur ^ livre dont nous ferons suffi-
samment l'éloge en disant qu'après les deux précédents il se laisse
encore lire avec profit. M. Aubertin n'en a certainement pas eu con-
naissance, et il amis à sa place dans son istorique latèse deM. Com-
barieu. Les rapports de la musique et de In poésie, qui ne devrait
pas figurer là. C'est peut-être un travail fort intéressant pour ce qui
concerne la musique, mais la partie qui touche à la poésie n'est qu'une
œuvre de polémique sans valeur. Vouloir montrer que la poésie et la
musique sont deux arts difierents est une entreprise de la même utilité
que celle qui consisterait à établir à grand renfort d'arguments que la
peinture et la sculpture ne sont pas le même art, que la fisique et la
chimie ne sont pas la même science ; qui le conteste ? D'ailleurs les
arguments employés par M. Combarieu n'ont démontré qu'une chose,
c'est que l'auteur ne comprend ni les vers ni la poésie française.
M. Aubertin a subi l'influence du livre de M. Combarieu pour son
avant-dernier chapitre « Les qualités mélodiques du vers français.
La question de l'assonance et de l'allitération )>, et il en résulte que
cette partie est à refaire.
164 BIBLIOGRAPHIE
Pour rarmonie da vers français il faut, parait-il^ en reveoir à la règle
de Boîlean:
Fajez des manvais sons le concours odieux.
Le précepte n*est pas compromettant ; mais d*après le commentaire
qn'on en fait, il signifie qa*il faut éviter la répétition trop marquée des
mêmes sons (consonnes ou voyelles). Voici pourtant des vers qui sont
universellement reconnus pour très armonieux et qui dérogent abso-
lument à ce principe :
Un frais parfum sortait des touffes d^asphodèle.
(V. Hugo).
Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire
Vol tige- t-il encore sur tes os décharnés ?
(A. OK Mussbt).
Sur la plage sonore où la mer de Sorrente
Déroule ses flots bleus au pied de l'oranger.
(A. DB Lamartinb.)
Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire.
(Racine, Phèdre.)
Mes baisers sont légers comme des éphémères
Qui caressent le soir les grands lacs transparents
(C. Baudelaire.)
Les fontaines chantaient : Que disaient les fontaines?
Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ?
(V. Hugo, Contemplations).
Ariane, ma sœur, de quel amour blessée.
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.
(Raoinb).
(Dans ce dernier les quatre premières voyelles du premier émistiche
sont reproduites par les quatre premières voyelles du second). Il résulte
de ces exemples qu'il est parfaitement inutile d'éviter la répétition des
mêmes sons pour faire des vers armonieux.
Ce n'est pas non plus le ritme qui rend les vers armonieux, puisque
parmi les vers ritmés de la même manière, les uns le sont et les autres
point ; inutile de citer des exemples.
Ce n'est pas non plus l'idée exprimée, puisque des vers qui
n'en expriment aucune peuvent être délicieusement armonieux ; tel
celui-ci d'A. de Musset qui ne contient guère que des noms propres
avec leurs épitètes :
Yoiçi la verte EçQsse et la brime Italie,
BIBLIOGRAPHIE 165
G*est donc autre chose que tout cela qui constitue Tarmonie du vers
français.
Autre question : que faut-il penser des répétitions de sons (asso-
nances, allitérations) destinées à peindre l'idée exprimée ? M. Gom-
barieu déclare qu'elles appartiennent en propre aux langues primi-
tives, qu'elles sont une marque de barbarie et que dans une langue
et une littérature comme les nôtres elles ne peuvent être considérées
que comme des cacofonies maleureuses et des puérilités. Sans doute
les allitérations d'Ënnius sont en général peu artistiques et quelques-
unes seraient peut-être déplacées ailleurs que dans une littérature qui
débute. Celles-ci de Verlaine décrivant une belle femme ne produisent
qo^une orrible cacofonie :
Ton cher corps rare, harmonieux...
Cet autre vers de Técole décadente :
Une suprême opale f opaline et pâlie,,,.
n*est que puéril. Mais là n'est pas la question ; il s'agit des répétitions
et rappels de sons dont nos plus grands poètes, nos artistes les plus
raffinés ont discrètement émaillé leurs meilleures pièces. On ne peut
pas juger une téorie sur quelques exemples détestables choisis arbi-
trairement; il faut avant de se prononcer prendre les plus belles
pages de nos poètes et les passer au crible pour voir si elles laisseront
quelque chose en faveur de telle ou telle opinion.
Nous citerons quelques exemples, pris entre mille, sur deux points
seulement.
Voici tout d'abord trois passages empruntés à trois de ceux de nos
poètes du XVII^ siècle que Ton considère généralement comme les
plus grands ; les situations sont analogues : ce sont des personnages
en proie à la douleur qui parlent avec des larmes dans la voix. On i
remarquera, sans entrer dans le détail, de nombreuses répétitions
de j9, de ô, de t?, d/et d'm, c'est-à-dire de consonnes pour la pronon-
ciation desquelles les lèvres jouent le principal rôle :
. . . . Et lui dit en pleurant :
Dispensez-moi, je vous supplie ;
Tous plaisirs pour moi sont perdus.
* J'aimais un fils plus que ma vie :
Je n*ai que lui : que dis je, hélas ! je ne l'ai plus !
On me l'a dérobé, plaignez mon infortune .
(La. Fontaine, IX, I).
Hélas ! il mourra donc. Il n'a pour sa défense
Que les pleurs de sa mère et que son innocence.
166 BIBLIOGRAPHIE
Et peut-être, après tout, en Pétat où je sois,
Sa mort avancera la fin de mes ennuis.
Je prolongeais ponr lai ma vie et ma misère ;
Mais enfin sur ses pas j*irai revoir son père.
(Racikb, a nérùmaque).
Mon père, au nom du ciel qui connaît ma douleur ;
Et par tout ce qui peut émouvoir votre cœur,
Relâchez-vous un peu des droits de la naissance
Et dispensez mes vœux de cette obéissance.
Ne me réduisez point, par cette dure loi,
Jusqu'à me plaindre au ciel de ce que je vous doij
Et cette vie, hélas I que vous m^avez donnée.
Ne me la rendez pas, mon père, infortunée.
Si, contre un doux espoir que j'avais pu former.
Vous me défendez d*étre à ce que j'ose aimer.
Au moins, par vos bontés qu'à vos genoux j*impIore,
Sauvez-moi du tourment d'être à ce que j*abhorre ;
Et ne me portez point à quelque désespoir.
En vous servant sur moi de tout votre pouvoir.
(Molière, Tartuffe),
Après les consonnes, passons aux voyelles ; nous emprunterons
aux poètes de ce siècle trois morceaux où il est question d'êtres légers,
petits, mignons et où la voyelle de toute? les rimes est e (ouvert oa
fermé, oral Ou nasal), avec de nombreux rappels dans Tintérieur des
vers. Ces morceaux sont d'autant plus caractéristiques que les poètes
soigneux cherchent en général à varier le plus possible les rimes qui
se suivent :
Je suis Penfant de l'air, un sylphe, moins qu'un rôve,
Fils du printemps qui naît, du matin qui se lève,
L'hôte du clair foyer durant les nuits d'hiver.
L'esprit que la lumière à la rosée enlève,
Diaphane habitant de l'invisible éther.
(Hugo, Le Sylphe).
Ici gtt, étranger, la verte sauterelle ,
Que durant deux saisons nourrit la jeune Hellé,
Et dont l'aile vibrant sous le pied dentelé
Bruissait dans le pin, le cytise ou l'airelle.
Elle s'est tue, hélas ! la lyre naturelle,
La muse des guérets, des sillons et du blé ;
BIBLIOGRAPHIE 167
De pear que son léger sommeil ne soit troablé.
Ah I passe vite, ami, ne pèse point sur elle.
(Herbdia, Épigramme funéraire).
Quand la demoiselle dorée
S'envole au départ des hivers,
Souvent sa robe diaprée»
Souvent son aile est déchirée
Aux mille dards des buissons verts.
Ainsi, jeunesse vive et frêle,
Qui t*égarant de tous côtés,
Voles où ton instinct t'appelle,
Souvent tu déchires ton aile
Aux épines des voluptés.
(Hugo, La demoiselle).
Ces exemples, par leur étendue, écartent Tipotèse d'un asard et
sont démonstratifs ; ils prouvent au moins que la question existe.
C'est d'ailleurs Topinion des gens compétents ; Théophile Gautier,
qui s'i connaissait, pour ne pas rappeler d'autre autorité, a dit dans
son étude sur Baudelaire, en parlant des répétitions de sons destinées
à produire un certain effet : « Ce sont ces détails qui rendent les vers
bons ou mauvais et font qu'on est ou qu'on n^est pas poète ».
M. Becq de Fouqiiières, dans son Traité général ^ a consacré deux
chapitres à ces questions; il les a remplis d'observations extrêmement
judicieuses, mais maleureusement elles sont entremêlées d'erreurs
et de subtilités, et le tout est mal présenté ; en sorte que pour com-
prendre, il est nécessaire d'en savoir plus long que l'auteur n'en dit
et de voir au delà. Ce sont des remarques isolées, qu'aucun principe
général ne réunit et qui parfois semblent se contredire. Il aurait fallu
entrer dans de plus longs développements et partir de notions sur la
nature et la valeur des sons que M. Becq de Fouquières ignorait sans
doute.
Aussi, à part MM. Le Goffic et Thieulin, à qui les dimensions de
leur Traité interdisaient de s'étendre sur la question, s'est-on géné-
ralement élevé contre les idées que l'auteur a exprimées a ce sujet.
M, Combarieu l'a fait avec violence. Voici sa manière d'argumenter;
il cite des vers « où l'allitération de Vm est associée à l'expression de
1 énergie, de la terreur, de la vengeance, de la souffrance », d'autres
où c( les sifflantes sont associées à l'expression des idées les plus
opposées : honte, fierté, menace, prière, estime, mépris, chaleur, froi-
deur, colère, pitié, bruit, silence, mouvement, repos ». Il en conclut
168 BIBLIOGRAPHIE
que si un même fonème peut exprimer des idées si différentes les unes
des autres, c*est qu'en réalité il n*expnme rien du tout, et que c'est
nous qui lui attribuons un pouvoir qu'il n'a pas, 11 oublie qu'il a dit lui-
même, p. 51 : i< Le même cri peut exprimer la peur, la colère, la sur-
prise, le désespoir, la haine... Le même soupir peut être celui d'un
malheureux vaincu parla douleur, d'un épicurien abîmé dans la volupté,
d'un saint en extase, d'un fou, d'un malade qui renaît à l'espérance,
d'un agonisant... » Ne serait-ce pas que lenombre des nuances d'idées
à exprimer est illimité, tandis que celui des moyens d'expression est
extrêmement restreint? Est-ce qu'un peintre qui aura peint la Médi-
terranée en bleu n'aura plus le droit de se servir de la même couleur
pour un ciel ? « L'or est jaune, disait Diderot, la soie est jaune, le
souci est jaune, la bile est jaune, la lumière est jaune, la paille est
jaane... ». M. Combarieu nous répondrait certainement que la peinture
n'est pas la poésie, ce que nous ne saurions contester, et il ajouterait
avec M. Aubertin : u Se figure-t-on un génie inspiré, une âme saisie
d'émotion et d'enthousiasme, débordant de passion et d'éloquence, qui
se consumerait, dans ce labeur philologiqiie, à peser la valeur propre
ou combinée des dentales, des gutturales et des sifflantes, à concerter,
aux endroits sublimes ou pathétiques, des échos de voyelles et des
rappels de sonorités? » ; ce qui signifie en définitive que le poète ne
soigne la forme que lorsqu'il n'a rien à dire, et l'on ne voit pas pour-
quoi, lorsqu'il déborde d'idées, il prend la peine de rimer, de césurer,
de versifier, au lieu d'écrire tout bonnement en prose.
Avec une telle téorie on est obligé de proclamer que ce vers de
Racine :
Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes
est le plus mauvais que ce poète ait jamais fait (Clair Tisseur, p. 268),
et l'on concentre toute son admiration sur celui-ci de La Fontaine :
L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours.
(Combarieu, p. 372). Nous ne pensons pas que quelqu'un puisse
admirer plus que nous et placer plus aut le génie de La Fontaine ;
mais il faut bien reconnaître que dans ce vers « d'un art merveilleux »>,
en laissant de côté le premier émistiche qui est très discutable, le
second n'est qu'une cheville banale et mal venue, appelée par la rime
du vers suivant :
Ma commère la carpe y faisait mille tours.
Cela me remet en mémoire telle page où M. Brune tière, après avoir
étalé tout son mépris sur le Don Juan de Musset, rassemble toute
son admiration sur la strofe suivante de Lamartine :
BIBLIOGRAPHIE 169
Ton cou, penché sur l'épaule.
Tombe sous son doux fardeau.
Gomme les branches du saule.
Sous le poids d'un passereau.
Or, en toute impartialité, on ne peut guère trouver de remarquable
dans cette strofe que le second vers, qui est mal pensé, mal écrit, mal
ritmé, saccadé,8ifflant, disgracieux, désagréable, l'un des pires en un
mot qu'ait commis Lamartine. Que Ton en rapproche pour l'expression
d'une idée analogue, moins la comparaison, différents passages dans
«Une soirée perdue» d'A. de Musset.
M. Combarieu reconnaît pourtant Texistence d'un moyen d'expres-
sion, le ritme, et il cite un vers latin bien connu :
Qadrupedante putrem sonitu quatit ungula campum.
où « cinq dactyles qui précipitent le mouvement du vers peignent le
galop d'une troupe de cavaliers ». Pourquoi prendre son exemple,
alors qu'il n'en manque pas en français, dans une langue morte, dont
« nous ne connaissons pas avec exactitude, dit-il^ la prononciation »,
et dont nous ignorons, pourrait-il ajouter,comment se lisaient les vers?
Quoi qu'il en soit, nous lui répondrons par le genre d'arguments qu'il
préfère : est-ce que le trentième vers des Géorgiques, qui est ritmé
de la même manière, peint le galop d'une troupe de cavaliers :
Numina sola colant, tibi seruiat ultimaThule?
En réalité le ritme joue un rôle considérable dans la valeur expressive
de ce vers, mais celui des allitérations, que M. Combarieu n'i a pas
vu, n'est pas moindre.
Ailleurs, p. 263, M. Combarieu,toujour8 à propos du ritme, signale
des effets dus à la suppression du temps marqué à la 6* syllabe dans
les vers de 12. Ses observations n'ont rien d'entousiasmant, mais ce
qui est remarquable c'est qu'elles sont bien danslamétode qu'il critique
chez les autres; elles vont même au-delà. Ainsi cette suppression donne
l'impression l^de la grandeur; 2° de coups de hache taillant un rocher
à pic; 3^ de la continuité ; 4**de la force triomfante ; 5<* d'une adérence
étroite ; &* de l'abandon, de la nonchalance; ?<> d'un ensemble qui se
détend et se disloque.
Voilà quelques points sur lesquels nous avons cru devoir attirer
l'attention de M. Aubertin; nous n'avons plus qu'à souaiter que son
livre s'épuise vite, comme il le mérite, pour qu'il nous en donne
promptement une autre édition, plus condensée et meilleure encore.
Maurice Grammont.
12
170 BIBLIOGRAPHIE
Guy (H.)' — Essai sur la vie et les œuvres littéraires du trouvère Adan
de le Haie.- Paris, Hachette, 1898, m-8% [LVIlI-GCIb p.].
Ce travail, très approfondi, renouvelle complètement un sujet qui,
maintes fois effleuré, n'avait jamais été traité dans son ensemble. Non
point que M. Guy ait eu la chance de mettre la main sur des docu-
ments d*archives lui permettant de fixer d'une manière indiscutable
les principaux points de la vie de son héros. Mais il y a suppléé par
d'ingénieuses déductions appuyées sur une érudition très sûre, et Ton
peut considérer comme définitivement acquises les dates suivantes :
pour le Jeu de la Feuillée, 1262 ; pour l'exil du poète, 1269 ; pour
son retour à Arras, 1271-72 ; pour son voyage en Italie, 1283 ; pour
sa mort, 1285-88. Mais le principal mérite de M. Guy n'est pas d'avoir
fixé avec plus de rigueur les principales étapes de la vie du poète ;
c'est surtout d'avoir fait revivre, grâce à une multiplicité de détails
qu'ont seules pu lui fournir des recherches aussi étendues que variées,
les divers milieux où sa vie s'est écoulée: la confrérie littéraire du
Puy, alors dans tout son éclat, la société bourgeoise, opulente et
âpre au gain, dont la rapacité s'alliait pourtant k des goûts artisti-
ques qui faisaient de quelques-uns de ses membres de véritables
Mécènes; la cour de Robert d'Artois, où nous voyons le ménestrel
(c'est évidemment le rôle qui y fut tenu par Adan) placé sur le même
pied, au point de vue des émoluments, que le « trompeur », le «valet
des nacaires », le jurisconsulte et le « physicien j>; celle de Charles
d'Anjou enfin, où le poète devait trouver, mais pour bien peu de
temps, une place proportionnée à son talent. La seconde partie du
livre de M. Guy, moins riche en renseignements nouveaux que la pre-
mière, n'est pas moins intéressante : l'auteur y caractérise, avec une
rare finesse de touche, les œuvres de son héros ; très sévère pour
les oeuvres lyriques, notamment pour les jeux-partis, M. Guy a étu-
dié avec amour les œuvres dramatiques ; nous signalons comme par-
ticulièrement originaux les trois chapitres sur la Feuillée, où M. Guy
montre que la célèbre pièce d'Adan est essentiellement une « revue »,
où l'élément satirique tient la plus grande place et dans laquelle il
n*est aucun détail — si on en excepte le merveilleux — qui ne s'expli-
que par des allusions à la réalité la plus actuelle et la plus positive,
M. Guy nous a déjà tant donné que nous serions mal venu à lui
reprocher de n'avoir rien dit de la versification et de la musique chez
Adan ; cette étude, il nous en avertit lui-même, est « exclusivement
biographique et littéraire » ; l'auteur y a déployé des qualités d'éru-
dit et de lettré rarement associées, et qui permettent d'attendre de lui
des travaux de la plus haute valeur.
BIBLIOGRAPHIE 171
Legré ^Ladovic). — La botanique en Provence au XVI* siècle. Pierre
Pena et Mathias de Lobel. — Marseille, Imp. Barlatier, 1899, in-8».
[VIII-263 p.].
Legré ( Ladovic). — La botaniqu e en Proyence au XVI* siècle. Hu-
gues de Solier. — Marseille, Imp, Barlatier, 1899, i>i-8*, [45 p.].
M. Legré nous a donné, il y a quelques années, une biographie de
Théodore Aubanel qui a été le premier essai d*une histoire du Féli-
brige. Bien écrit, attrayant comme un roman, disant des personnages
cités tout ce que Ton peut dire de personnes, pour la plupart, encore
vivantes, son volume a obtenu le plus grand succès auprès des pro-
vençalistes. D'autres ouvrages ont paru depuis, plus spéciaux et plus
documentés, il n'en est point qui aient fait oublier celui de M. L. ou
même qui puissent dispenser de le lir e celui qui s'intéresse aux débuts
de la renaissance provençale.
En écrivant cette biographie, M. L. rendait un pieux hommage à
la mémoire d'un ami. Durant sa vie, il avait été son confident journa-
lier. Soit dans leurs rencontres, soit par lettres, Aubanel avait tenu
M. L. au courant de ses projets, de ses travaux. Il ne lui laissa rien
ignorer de ces aventures pleines de charme et d'imprévu qui semblent
tirées de la vie d'un troubadour du XII* siècle plutôt que de celle
d*un poète du XIX*. Aussi, pour faire revivre cette figure si originale
et si grande, M. L. n'a eu qu'à puiser dans sa corre spondance et à il-
lustrer les lettres d'Aubanel par les vers, les strophes ou les pièces
qui se rapportaient aux passages importants.
M. L. ne s'est pas borné à nous fournir une excellente biographie
de Théodore Aubanel, il a réimprimé Li Fiho tTAvignoun, ^ qui, pri-
mitivement, n'avaient été distribuées qu'à quelques amis privilégiés ;
de plus, il promet de nous donner sans tarder un volume d'œuvres
inédites du môme poète. Tous ceux qui aiment la langue provençale
la lisent, Tétudientou l'écrivent, lui en seront reconnaissants.
Mais M. L. ne s'intéresse pas qu'à la Provence littéraire ; on peut
dire que rien de ce qui touche à Vempire du soleil ne le laisse indif-
férent, et c'est à son amour profond de la terre nataleque nous devons
les deux livres annoncés en tôte de ce compte rendu.
Pierre Pena et Mathias de Lobel ont écrit en collaboration le Stir'
pium adversaria l'un des plus renommés parmi les ouvrages de bota-
^ Lboré (Ludovic). — Le poète Théodore Aubanel. Récit d'un témoin
de sa vie. ^ Paris, Victor Lecoffre, 1894, in-8», [ II- 423 p.].
• AuBANBL (Théodore). — Li Fiho d'Avignoun. — Paris, Savine, 1891,
in-lS, [IV- 375 p.].
m BIBLIOGRAPHIE
nique da XVI* siècle. Par suite d'une étrange destinée, Pena qui
semble avoir rédigé à lui seul Tœuvre commune et fourni les apports
les plus nombreux et les plus importants, a été, dans la suite, dépos-
sédé peu à peu et son collaborateur considéré comme Tunique auteur.
Avant d'étudier les herborisations des deux botanistes en Provence et
en Languedoc, M. L. a voulu rendre justice à Pena en lui restituant
ce qui lai appartenait. Et c'est avec un tel luxe d'arguments qu'il a
plaidé sa cause que la question n'est plus douteuse.
Comme les deux botanistes fréquentèrent l'Université de Montpel-
lier, le livre de M. L. forme, en même temps qu'une contribution à l'é-
tude de la botanique en Provence, un intéressant chapitre de l'histoire
de Tancienne université montpelliéraine.
Pena et de Lobel n'étaient pas des Provençaux : le premier naquit à
Narbonne, le second en Flandre ; Hugues de Solier, Hugo SoleriuSt
au contraire, vint au monde en pleine Provence, à Saignon, près d^Apt;
il est sans aucun doute le doyen des « botanistes provençaux du XVI*
siècle. »
M. L. relève chez Hugues de Solier un point très caractéristique :
» l'intensité de son patriotisme provençal. Il a eu beau faire ses études
» à Paris, voyager longtemps en France et en Italie, séjourner à
» Lyon, s'établir à Grenoble, jamais il n^oublie et ne cesse de dire
» qu'il est provençal. >>
C'est probablement à ce culte pour sa province que nous devons de
trouver dans les Scolies le nom provençal des plantes qui y sont énu-
mérées à côté des noms grecs, latins, italiens et dauphinois. La plu-
part des termes provençaux se sont conservés tels quels, la forme de
quelques autres a changé légèrement ; une comparaison entre ceux
du XVI* siècle et ceux qui sont employés aujourd'hui donnerait cer-
tainement lieu à quelques remarques intéressantes.
Souhaitons» en terminant, que M. Legré ajoute prochainement de
nouveaux volumes à ceux dont nous venons de parler. Ses études
sur la Botanique en Provence seront aussi précieuses et aussi utiles
aux historiens et aux philologues qu'aux botanographes. — H. T.
Lanchetat (D. Roflno). — Explicaciôn del verbo castellano actual segùn
los prindpios y el método de la gramàtica comparada e histôrica. ~
Madrid, Bailly-BaiUih^e, 1897, in-8% [XXK///-212 p.].
Tel est le titre de l'ouvrage qui nous est un de ces jours tombé
entre les mains, titre alléchant s'il en fut. Nous avons bien vite on-
vert ce livre pour voir si nous avions enfin une bonne exposition de
la conjugaison espagnole, faite par un Espagnol, conformément aux
BIBLIOGRAPHIE 178
bonnes méthodes. Hélas I dès le prologue notre déception a été grande.
M. L. a, dans sa carrière déjà longue de professeur, mis en pratique
tour à tour, c'est lui qui nous le dit, le système empirique en usage
depuis saint Isidore et le système historique deDiez. Il a reconnu la
supériorité de ce dernier, même au point de vue pratique, et il s*y est
rallié. Mais on ne se défait pas sans doute facilement du vieil homme.
En tons cas M. L., tel un néophyte, plein d'enthousiasme mais insuf-
fisamment instruit^ qui se mettrait trop tôt à prêcher sa foi nouvelle
fait un sacrilège mélange des anciennes erreurs et des vérités au-
jourd'hui reconnues.
C*est ce que montrent surabondamment les vingt-huit pages de son
prologue où, entr'autres choses, il expose la méthode de la grammaire
comparée en général et formule les lois de la phonétique castillane.
NouB lui reprocherons d'ahord de perdre son temps et son papier à
nous répéter des vérités connues depuis Horace, pour ne pas remonter
plus haut. Tout le monde sait, même les illettrés, que les langues se
transforment. De plus les lecteurs d'un travail comme le sien doi-
vent connaître déjà les principes généraux de la philologie romane.
Il suffisait^ en tous cas, de nous renvoyer à la grammaire de M. Meyer-
Lûbke. On ne doit pas nous les exposer de nouveau dans chaque étude
particulière où on les applique. Tout ce qu'en dit notre auteur est d'ail-
leurs confus et erroné.
En second lieu, il écrit d'un style qui ne saurait convenir à un vrai
disciple de Diez. La philologie romane a la prétention d'être une science
et réclame une langue scientifique : simple, concise et exacte. Les
grandes phrases sont bannies de ses dissertations ; les images^ même
justes, n'y sont guère à leur place : ici moins qu'ailleurs les compa-
raisons sont des raisons. Or M. L. écrit p. I et II : ce La lengua casteU
lana no es como eî volapuk o la taquigrafia, obra de la convetwiôn
humanay ni tampoco es imposiciôn producida por la conquista ; la Un-
gvM castellana, lo mismo que sus congénères las demds Unguas neolati-
nas, es continuadora directa y nunea interrumpida de su progenitora la
latina ; pero no es de ella una conHnuaciôn servil, mecànica, rutinaria
y êstadonada, sino una conHnuaciôn tal cual requieren las condtcûmes
delverdadero progreso humano. t> Toutes les épithètes inutilement en-
tassées dans cette phrase et les grands mots qu'elle renferme ne nous
laissent dans l'esprit aucune idée bien nette. Que veut-dire le début? la
langue castillane n'a pas été imposée par la conquête : elle est le dé-
veloppement ininterrompu de la langue latine? La langue latine est
donc la langue primitive de l'Espagne ? Que nous apprend la fin ?
Quelles sont ces ce conditions du vrai progrès humain 2> ? Nous lisons
encore p. VII : « pretender en la historia evolutiva de una lengua lU
nea» de demarcadàn tan précisas como exisien entre el mar y las ro'
174 BIBLIOGRAPHIE
cas en que se estreUan sus ondas, es lo mismo que pretender alcanzar el
cielo con la mano. d Ces images seraient fausses et incohérentes où
qu'elles se trouvent ; dans une étude philologique elles sont en plus
déplacées. Nous pourrions prodiguer les exemples de ce genre, mais
nous croyons ceux-ci suffisants. Nous avons d'ailleur? des reproches
plus graves à faire à M. L. à propos de ses lois phonétiques.
Elles sont au nombre de trente et une, formulées sans distinction
de voyelles ou de consonnes, d'atones ou de toniques, d'initiales, d'in-
térieures ou de finales. Elles sont bizarrement réparties en : 1® lois
qui obéissent au principe du moindre effort, 2^ lois qui obéissent au
principe c de concordance phonétique et graphique, parce que le cas-
tillan montre une grande tendance à écrire comme il prononce d, 3^
lois de l'accent énergique ou lois de l'emphase. » M. L. s'est vague-
ment rappelé ici que l'accent jouait un rôle dans les transformations
phonétiques.
Ces lois n'ont, d'ailleurs, rien de scientifique dans leur rédaction.
Voici le texte de quelques-unes d'entre elles : p. XIX « 3*. Los sonidos
representados por 11, n, ch, son compuestos de\j n, c s=s z y de la vocal
ï par segundo factor; v, gr. : mirabilia y maravilla, lievar y llevar,
Hispania y Espana, anio y afio, Sancio y Sancho, rancioy rancho. }»
Ibid. c 7* La vocal àtona e, ante las vocales fuertes a, o, se perâiô
con especialidad en los verhos : asi debeo y debeas se convirtieron en debo
y debas, persuadeo y persuadeas en persuado y persuadas, moveo y
raoveas en muevo y muevas. » Voici une règle de phonétique uni-
quement fondée sur des formes verbales. M. L. ne sait donc pas que
celles-ci doivent toujours être corroborées par des formes nominales,
parce qu'elles peuvent être analogiques, comme c'est le cas pour ses
exemples.
Ibid. d 8*. La vocal àtona i, ante las vocales fuertes a, o, se perdiô
en muchos nombres y verhos ; v. gr, : * malitia y malezia en maleza,
pigritia en pereza, partio y partias en parto y partas, dormio y dormias
en duermo y duennas. ]»
Et dire que M. L. se vante d'avoir rompu avec la méthode tradition-
nelle et empirique de saint Isidore ! Que pouvait-il donc faire de
mieux lorsqu'il la pratiquait ? Et comment a-t-il pu lire Diez et Meyer-
Liibke sans savoir ce que c'est que le jod et sans se douter que c'est
au jod et toujours au jod qu'il a affaire dans ces trois lois 3, 7 et 8 !
Mais que dire des numéros 30 et 31, p. XXI :
€ 30. Ley de la altemativa fonética entre las vocales média ey la
extrema i, re/orzando à debilitando la vocal de la raiz, segûn el mayor
6 menor peso de la vocal 6 vocales de la silaba siguiente. Esta ley es
infaUble en los verbos à que se aplica, Yo la llamo de equilibrio foné-
tîco. Si la vocal de la raiz es la ^^ y en la silaba siguiente se encueniran
BIBLIOGRAPHIE 175
la SLy la e, la 0 y lo» diptongos ie, io, entoncea en la raiz la e m cou"
vierie en\\ v. gr.: pedir, pido, pidamos, pido, pidiera, piden ; si en la
silaba sîguiente hay una simple i, entoncM la ^ delà raiz se conserva :
pedimos, pedfa. »
<r 31. Ley de la altemativa fonética entre las vocales média o y la
extrema correspondienie u en las mismas condiciones que en la régla 30,
V. gr, : morimoS| muramos ; muriô, morirâ ; muriendo, morla. Los
fonetistas Uaman à la & vocal de equilibrio entre la i que es la nuis
aguda de las vocales, y la Uj la màs grave, >
Nous savions qu'il y avait des voyelles longues ou brèves, fermées
ou ouvertes, mais nous ignorions qu'il y en eût de lourdes ou de légè-
res, et que la grammaire historique dût prendre des balances et faire
des équilibres. Voilà pourtant où conduit en philologie Tabus des mé-
taphores.
Que peut être Tétude du verbe faite avec de pareils procédés pho-
nétiques? Il ne nous restait que juste l'envie de nous en rendre compte.
Mais le premier paragraphe ne nous a pas laissé le courage d'aller plus
loin. Il est intitulé : EUmologia de la palabra verbo, M. L. remonte
jusqu'à la racine arienne var et au suffixe également arien dha et suit
racine et suffixe à travers toutes les langues : latine, grecque, gothi*
ques, slaves, germaniques, sans oublier l'ombrien et le lithuanien. Il
termine en nous apprenant que les Allemands appellent le verbe Zeii^
wort. M. L. n'a oublié que la question de l'origine du langage.
Mais il est vrai que la présente étude n'est qu'un extrait, un échan-
tillon d'une grammaire complète, où ce problème est sans doute résolu.
Nous lisons en effet p. XVI : €. . . hace ya algunos meses tengo termi^
nada una gramàtica compléta de la lengua casteUana y arreglada al
mismo método y doctrina que esta monografià, la cual oeuparà cuatro
volùmenes de regulares dimensiones,,, el éœito de esta obrita decidirà
tal vez si algùn dia se ha depublicar en su iotalidad 6 fraccianada, 6
si para siempre ha de quedar sepultada en el olvido, 9
Je crois que ce dernier sort lui est réservé. Mais M. L. aura néan-
moins à se louer de sa mésaventure, si grâce à elle, il se pénètre
bien de cette idée qu'avec la meilleure volonté du monde et le travail
le plus assidn on n'arrive à rien sans une bonne méthode.
J. DUCAMIN.
CHRONIQUE
LE OOHGSiS DES SOCIÉTÉS SAVANTES A TOULOUSE
Le 37* Congrès des Sociétés savantes s'est tenu cette année à Tou-
louse du mardi 4 avril au samedi 8. C'est la première fois que ce Con-
grès a eu lieu en province. Le choix de Toulouse était des plus
heureux et le succès obtenu Ta complètement justifié.
L'installation ne laissait rien à désirer. L'Hôtel d'Assezat ^ , où sont
I Cet hôtel doit son nom au riche marchand qui le fit construire.
« Pierre Assezat, dont le père était venu d'Espalion, en Rouergue, aug-
menta rapidement sa fortune. Gapitoul une première fois en 1552, puis
bientôt seigneur de Dussède, il s'empressa de manifester sa richesse et
son rang élevé par l'érection de cette demeure, qui devait dépasser tou-
tes celles de la belle et féconde renaissance toulousaine.
II traite le 26 mars 1555, avec Jean Castanié dit Nycot, maître-maçon
de Toulouse, pour la construction suivante, « les articles écrits et or-
donnés par M* Nycolas Bachelier. »
Ces mots veulent dire sans doute que l'illustre architecte toulousain,
auteur des plans, laissa la charge de l'entreprise à Jean Castagne. En
trente mois, deux ailes et le portique furent construits. Mais sur ces
entrefaites avait eu lieu le grand mouvement de la Réforme. Pierre
Assézat avait pris parti pour elle avec une grande partie de la popula-
tion. La guerre civile fut déchaînée partout. Finalement, le roi et les
catholiques l'emportèrent. Assézat fut banni à perpétuité, privé de sa
noblesse, et ses biens furent confisqués. Le 30 septembre 1572, il abjura
et rentra en grâce après une série d'humiliations.
N'ayant plus sa grosse fortune, il ne put terminer son beau logis ; lui
ou ses fils se bornèrent à établir un étage sur le portique, la porte d'en-
trée et le beau balcon qui court le long du mur de la maison voisine.
L'hôtel fut vendu, en 1661, au baron de Puymaurin, qui transforma
l'intérieur au goût de son temps et détruisit les meneaux en croix des
fenêtres. L'édifice s'est ainsi maintenu jusqu'à notre siècle. Les derniers
propriétaires se virent obligés, à leur tour, d'en modifier les dispositions
pour les nécessités d'une destination utilitaire et commerciale.
Des parties de l'œuvre de la Renaissance furent voilées, mais non dé-
truites, très heureusement. Nos vieux hôtels, hélas 1 n'ont pas eu géné-
ralement cette chance.
M. Ozenne en fit l'acquisition avec l'intention d'y loger l'Académie
des Jeux Floraux, dont il était l'un des mainteneurs, la Société de géo-
graphie qui l'intéressait tout particulièrement, et les autres compagnies
savantes de Toulouse. Il l'a légué à cet effet à la ville, chargeant son
légataire universel de veiller à l'exécution de ses volontés. >
CHRONIQUE 177
logées la plupart des Sociétés savantes * de Toulouse, offrait aux
congressistes ses salles spacieuses et presque toutes les sections j
trouvèrent place.
1 Voici la liste des Sociétés savantes de Toulouse dont les membres
firent à leurs confrères étrangers Taccueil le plus affable et le plus cha-
leureux.
Toulouse possède une quinzaine d'Académies fermées et de Sociétés à
nombre de membres illimités. Six, reconnues d'utilité publique par dé-
cret, sont logées à Thôtel d'Assézat et de Clémence Isaure : en voici la
liste:
Académie des Jeux Floraux, — Pas de président, mais un modérateur
par trimestre. — Secrétaire perpétuel, M. le comte Fernand de Ressé-
guier.
Académie des sciences^ inscriptions et belles-lettres. — Autorisée en
1729, lettres patentes de 1746, décret de 1807. — Président, M. le D'
Basset; — secrétaire perpétuel, M. Ernest Roschach.
Socidté archéologique du Midi. — Fondée le 2 juin 1831, décret du 10
novembre 1850. Ses membres ont créé les musées de Toulouse. — Pré-
sident, M. Jules de Lahondès ; — secrétaire général, M. Emile Cartailhac.
Société de médecine. — Fondée en 1801, décret de 1853. — Président,
M. Frébault; — secrétaire général, M. Saint- Ange.
Académie de législation. - Unique en Europe, fondée en 1851, dé-
cret de 1871; distribue les prix du ministre. — Président, M. Bauby; —
secrétaire perpétuel, M. Antonin Deloume.
Société de géographie. — Fondée en 1884, décret de 1896. — Président,
M. Legoux; — secrétaire général, M. Guenot.
En outre, les principales Sociétés sont :
Société d'agriculture de la Haute-Garonne, rue Saint- An toine-du-T, 20.
— Président, M. le D' Audiguier; — secrétaire général, M. Héron.
Société d'horticulture. — Fondée en 1853. — Président, M. le D' Clos,
correspondant de l'Institut ; — Secrétaire général, M. Neumann.
Société d'histoire naturelle, dont les membres ont créé le Musée d'his-
r
toire naturelle. — Président, M. Emile Cartailhac; — Secrétaire général,
le D' Lamic. — Rue de Rémusat, 17.
Société photographique. — La première de province. — Président, M.
l'ingénieur Jullian ; secrétaire général, M. Ch. Fabre. — Rue de la Co-
lombette, 11.
Club Alpin français, section des Pyrénées centrsdes. —Président, M.
Trutat; — secrétaire, M. Alyre Martin.
Association pyrénéenne. — Fondée en 1888. — Publie la Revue des
Pyrénées; les dix premiers volumes sous la direction de M. le D' Garri-
gou, fondateur de l'œuvre avec feu Julien Sacaze, aujourd'hui, sous la
direction de M. le baron Desazars de Montgaillard.
Société régionale des architectes du Midi. Elle tient un Congrès annuel,
— Président, M. B. Guitard; — secrétaire principal, M. Curvale.
17$ CHBOXIQUK
l^es eongreuutes étaient Tenus fort nombreox et dans les £fenes
salles on publie très attentif se pressait pour entendre les eommimi-
eations.
Parmi les personnes qai slctèreêsent aax langues romanes nous
remarq-iiroes : M\f. Gaston Paus, de TAcadémie firançaîse ; Omo^st,
bibliothécaire à la Biblîothêqae Nationale; C. Chaba!Ckac, secrétaire
général de la Société des langues romtuus ; Alfred Jeaxbot,
professenrà la Faculté des lettres de Toaloose, directeordes Annales
du Midi ; Antoine Bexoist, rectear de P Académie de Montpellier ;
PcRRocD, recteor de l'Académie de Toaloase : Maurice Grammont,
président de la Société des langues romanes; Paal Mktkr, directeur
de r Ecole des Chartes ; E. Roschach, P. Dognos, professeur à la
Faculté des lettres de Toulouse ; Vigie, doyen de la Faculté de droit
de Montpellier, membre de la Société des langues romanes ; Henri
DcMÉRn^ professeur à la Faculté des lettres de Toulouse ; Salvbboa
DK Gratb, professeur à T Université de Leyde ; L. Vkrgnks» de V Es-
cale moundino ; baron Desazars, directeur de la Revue des Pyré^
nées ; Emile Boxxet, membre de la Société des langues romanes ;
Chanoine Douais, vicaire général à Montpellier ; Pasquikr, archiviste
de la Haute-Garonne ; Sabatikr, doyen de la Faculté des sciences de
Montpellier ; Jos. Berthelé, archiviste de T Hérault, membre de la
Société des langues romanes ; Malavialle, professeur à la Faculté
des lettres de Montpellier; A. Crouzkl, bibliothécaire de TUniversité
de Toulouse ; Rudolpb Béer, bibliothécaire à la bibliothèque impériale
de Vienne ; Auguste Vidal, chef de division à la Préfecture du Tarn ;
JoDLiN, rheureux fouilleur de Martres-Tolosane ; Baquié-Fonadb,
de VEscolo moundino ; Emile Carthailag, Léon-G. Péussibr, vice-
président de la Société des langues romaines ; André Sourelh, de
VEscolo moundino ; D* Gracibttb et L. Vie, bibliothécaires à TUni-
versité de Toulouse ; Angladb, membre de la Société des langues
romanes; Villepelbt, archiviste de la Dordogne ; Antonin Gazelles,
professeur au Lycée de Rodez ; Labande, bibliothécaire de la ville
d*AvigD0D; Leite deVASCoNCELLos, professeur à TUniversité de Coim-
bre ; Vionaux, archiviste de la ville de Toulouse, membre de la Société
Escolo moundino^ relevant de la maintenance de Languedoc. — M. L.
Vergnc, capiscol; — M. Bacquié-Fonade, secpétaire.
Union artistique de Toulouse. — Président, M. Louis Gazai. — Orga-
nise des expositions annuelles.
Cette énumération et les renseignements qui précèdent sur l'hôtel
d'Assézat sont empruntés au petit volume préparé à Toccasion du Con-
grès, par M. Emile Cartailhac, sous le titre de Notes sur Toulouse et
qui fut remis à chaque congressiste.
CHRONIQUE 17»
des langues romanes; j.-f. Court, de VEscolo moundino ; Axel Wal-
LENSKôLD,professeur à TUniversité d'Helsingfors, membre de la Société
des langues romanes ; Edouard Privât, archiviste paléographe ;
J. DucAMiN, secrétaire de rédaction des Annales du Midi, membre
de la Société des langues romanes ; Alphonse Blanc, professeur au
collège de Cette, membre de la Société des langues romanes ; L.
CoNSTANS, professeur à l'Université d'Aix, membre de la Société des
langues romanes ; Henri Tkulié, secrétaire- adjoint delà Société des
langues romanes ^ etc., etc..
Nous ne pouvons rendre compte des fêtes, banquets, réceptions,
vins d'honneur qui remplirent le programme de ce Congrès, nous
devons nous contenter de reproduire le résumé des communications
qui entrent dans le cadre de cette Revue,
SECTION d'histoire ET DE PHILOLOGIE
Séance du mardi 4 avril, après - midi.
Présidence de M. Gaston Paris; assesseurs : MM. Chabaneau,
chanoine Douais, Jeanroy, Léon-G. Péltssieb.
M. Anglade, agrégé de l'Université, membre de la Société des
langues romanes, lit un mémoire sur la substitution du français au
languedocien dans un manuscrit de l'église de Fournes (Aude).
M. Anglade donne une description du manuscrit dont il s'occupe.
Il contient des redditions de comptes qui vont de 1502 à 1842. Les
redditions de comptes sont écrites en languedocien pendant la plus
grande partie du seizième siècle. Le français commence à faire sentir
son influence en 1572. Plusieurs finales sont en e et non en a ou o
comme en languedocien. Le languedocien se maintient longtemps
encore, malgré l'influence française. (Les comptes de 1577, 1578,
1579,1581). En 1585, on a trois comptes rendus r les deux premiers
sont en languedocien mêlé de français ; le dernier est en français. Le
languedocien apparaît pour la dernière fois dans les comptes de 1594,
1595. Ce dernier document est écrit en mauvais français, sans doute,
mais c'est du français. A partir de ce document, le français est
seul employé ; mais il reste pendant longtemps encore fortement
imprégné de languedocien. La vieille langue résiste pendant quelque
temps et un compte de 1620 débute par une formule languedo-
cienne.
Le maintien du languedocien jusqu'à la fin du seizième siècle
s'explique par ce fait que le village de Fournes est situé en dehors de
tout centre littéraire. Les comptes rendus des années 1841-1842, qui
se trouvent à la fln du manuscrit, sont écrits dans un français très
mélangé de patois. Les marguilliers modernes n'écrivent pas parfois
une langue plus pure que leurs confrères, les jurés du seizième siècle
et du commencement du dix-septième.
180 CHRONIQUE
M. Maurice Grammont, président de la Société pour Tétude des
langues romanes, professeur à l'Université de Montpellier, fait une
communication sur Tharmonie du vers français.
' 11 pose d'abord la question :
Qu'est-ce qui fait qu'un vers français, indépendamment da rythme
et de ridée exprimée, est ou n'est pas harmonieux ?
L'harmonie d'un vers, dit-il, est produite par le jeu des voyelles
qui, groupées d'une certaine manière, font une sorte de musique.
A la simple audition et inconsciemment, l'oreille, pour percevoir
l'harmonie d'un vers, groupe ces voyelles et compare entre eux les
groupes obtenus.
Détermination et correspondance des groupes de voyelles. Classi-
fication des voyelles au point de vue de l'harmonie.
Les voyelles se groupent au point de vue de Tharmonie en triades
et en dyades.
De la modulation des triades et des dyades.
L'auteur examine ensuite les différents types devers classés d'après
le groupement des voyelles au point de vue de l'harmonie.
I. — Vers parfaitement harmonieux. Ce sont ceux dans lesquels le
rythme et l'harmonie gioiipent les voyelles de la même manière.
10 Vers en triades (Triades se correspondant deux à deux, — de
deux en deux, — en chiasme) .
2^ Vers en dyades (Les différents types de correspondance des
dyades) ;
3° Vers en dyades et triades combinées (Un seul type).
II. — Vers peu harmonieux, rangés en catégorie, par ordre d'har-
monie décroissante. (Ce sont ceux dans lesquels il y a discordance
entre les divisions du rvthme et de l'harmonie et ceux dont les élé-
ments se correspondent sans symétrie).
III. — Vers dépourvus d'harmonie (Aucun groupement de voyelles
qui fournisse une correspondance n'est possible).
M. Grammont conclut qu'il est possible de calculer exactement le
degré d'harmonie d'un vers ou d'une série de vers. On peut dès lors
classer les poètes au point de vue de l'harmonie. D'une statistique
que nous avons faite sur quelques-unes des pièces les plus célèbres
de cinq de nos poètes les plus grands ou les plus connus, il résulte
qu'ils apparaissent dans l'ordre suivant : le plus harmonieux est
Racine, puis Musset, puis Hugo ; notableinent plus bas et tous deux
à peu près au même plan : Lamartine et en dernier lieu Boileau.
M. le baron de Rivièrks lit un mémoire en réponse à la dixième
question du programme.
u Etudier quels ont été les noms de baptême usités dans une loca-
lité ou dans une région. »
11 étudie les registres de deux paroisses du diocèse d*Albi, archi-
diaconé de Gaillac.
Ce sont celles de Sûnt-Blaise, de la Bastide de Montfort et de
Saint-Pierre de Sénouillac ou Sénolhac, au dix-septième siècle et au
commencement du dix-huitième, de 1606 à 1726.
Les dénominations les plus usitées étaient celles des apôtres et
surtout celle de saint Jean -Baptiste. Le nom de Joseph ne se voit
qu'après 1650. On remarque aussi le nom de Salvy, évéque d'Albi, puis
celui de liaymond, porté par les comtes de Toulouse* Dans les noms
CHRONIQUE 181
de femmes on remarque surtout celui <\e là Sainte-Vierge, de Jeanne
et de Cécile. Ce dernier a sa raison d'être en Albigeois, à cause de la
grande martyre romaine, patronne du diocèse d'Albi.Puis quelques-uns
ont disparu tels que Salvie, Anthonie. On remarque aussi quelques
noms tirés de noms d'hommes : Anastase pour Anastasie; Bertrande
pour Bertrand ; puis Carême, synonyme de Carissime, vierge albi-
geoise au sixième siècle. L'usage habituel était de ne donner qu'un
seul nom.
De nos jours, dans la classe élevée, on a abandonné les noms de
fantaisie usités sous la Révolution, sous le premier Empire et sous la
Restauration, et on est revenu aux noms de saints. Mais dans la
classe populaire les noms de fantaisie et de romans sont usités d'une
façon presque universelle et souvent grotesque.
M. G. Paris remercie M. de Rivières de son intéressante commu-
nication et demande s'il ne serait pas possible de trouver un document
officiel établissant que l'église impose aux nouveaux-nés le nom d'un
saint. Les réponses à cette question auraient un véritable intérêt,
c'est même une des raisons qui l'ont fait maintenir au programme du
congrès.
M. l'abbé Duffaut, curé-doyen de Montgiscard, a donné lecture
d'un mémoire sur les prénoms usités dans la localité de Montgiscard
en 1245 et de 1588 à 1792, et il dégage successivement de son travail
les conclusions suivantes :
1» Au treizième siècle, les prénoms d'origine médiévale possèdent
les trois quarts des attributions ;
2° A cette époque les variétés de prénoms sont beaucoup plus
nombreuses pour les femmes que pour les hommes ;
3^ II est six prénoms d'homme qui jouissent alors d'une grande
vogue : Arnaud, Bernard, Pierre, Raymond, Guillaume et Pons,
surtout les cinq premiers ;
4? Dans les temps modernes, l'usage a été à Montgiscard de ne
donner en général aux enfants qu'un seul prénom. L'usage de multi-
plier les prénoms s'est graduellement accru, surtout dans la seconde
moitié du treizième siècle ;
5^ Pour les garçons, la variété des prénoms a été plus grande
dans les temps modernes qu'au treizième siècle. Pour les filles, cette
variété est plus grande au treizième siècle ;
6^ Du treizième à la fin du seizième siècle, une sorte de révolution
s'est accomplie dans la vogue des prénoms tant des filles que des
garçons. L'origine médiévale ne possède plus dans les temps moder-
nes qu'un quart des attributions ; l'origme romaine en possède les
trois quarts. C'est exactement l'inverse de ce qui existait au treizième
siècle ;
7° Au moment de la conquête, les, Francs remplissent la Gaule de
la multitude de leurs noms ou prénoms profanes. Quelques-uns
illustrés par des saints se sont maintenus en vogue ; les autres ont
été insensiblement délaissés par suite du désir de l'Eglise qu'on
n'impose aux enfants, autant que possible, que des noms de saints ;
8» Deux causes générales ont fait prévaloir les prénoms de l'anti-
quité sur ceux que le moyen âge avait glorifiés : les croisades et la
Renaissance ;
ISS CHRONIQUE
9* Jeaa est le prénom masculin qui a en le plos de vogue dans le
midi de la France, aux temps modernes, tandis qu*il était presque dé-
laissé an treizième siècle. Après lui, les prénoms Pierre, Joseph,
François, Antoine et Jacques ont été les plus répandus. Les prénoms
Marie, Jeanne, Anne, Françoise, Marguerite, Catherine, Elisabeth et
Antoinette, sont, du côté des filles, les plus populaires ;
10(> La cause qui a le plus efficacement agi, du moins dans le
fiajs toulousain, pour la vogue et la transmission des prénoms, c'est
'usage constant d'imposer au garçon les prénoms du parrain et à
la fille, celui de la marraine ;
11* Aux seizième et dix-septième siècles, le peuple ne donne qu*un
seul prénom aux enfants. C est dans les familles nobles qu'on rencon-
tre les premiers prénoms multiples ;
12* Le patron de la localité ou de l'église paroissiale, dont la fête
à la fois religieuse et profane a été toujours et partout si populaire,
n*a assuré à peu près aucune vogue à son nom ;
13* De même, les saints du diocèse ou du pays ont très peu contri-
bué, de 1588 à 1792, à la vogue de leur nom.
M. Henri Trulié, de la Société pour Tétude des langues romanes,
fait une communication sur Torigine montpelliéraine du manuscrit de
Bâle D. II. 11. Les manuscrits médicaux d'origine montpelliéraine
disséminés dans les diverses bibliothèques de France ou de l'étranger
sont fort nombreux, il est souvent fait mention de cette origine dans
les catalogues de manuscrits. Mais il y en a bien d'autres qui pro-
viennent aussi de Montpellier et dont la provenance n*a pas été dé-
montrée.
Le manuscrit de l'Université de Bâle D. II. 11, est de ce nombre.
Une description du manuscrit montre quUl y a une dissemblance
profonde entre ses deux parties.
Le seul fait d'une rédaction languedocienne nous autorise-t-il à
conclure à son origine montpelliéraine?
M. Teulié signale les passages où il est question de Montpellier et
discute leur valeur.
Il croit pouvoir conclure que s'il n'y a que de grandes présomp-
tions pour que la partie en parchemin de D. II. 11, ait été composée
à Montpellier, il paraît du moins certain qu'au quatorzième siècle le
manuscrit était encore à Montpellier et qu'il n'a dû en sortir qu'au
quinzième ou au commencement du seizième siècle.
M. ViONAUX, archiviste de la ville de Toulouse, lit un travail en
réponse à la 9® question du programme : « Rechercher à quelle
époque, selon les lieux, les idiomes vulgaires se sont substitués au
latin dans la rédaction des actes administratifs. »
Le 21 décembre 1352, le roi Jean décida, sur les plaintes reçues
de Toulouse dont beaucoup d'habitants et même d'officiers muni-
cipaux ne pouvaient connaître les ordonnances royales ni celles
du sénéchal, et des capitouls, que ces ordonnances seraient traduites
en langue maternelle (in lingua materna), que lecture en serait faite
à l'ouverture de chaque assise de la sénéchaussée, qu'il en serait
dressé un placard mis en évidence dans le consistoire capitulaire.
Ce n'était d'ailleurs que la réglementation d'un usage dont la pre-
mière mention est faite par Guilhaume Félicien, le plus ancien hia-
CHRONIQUE 183
torien de Tlnquisition , qui rapporte que le bourreau précédant les
cadavres des hérétiques condamnés, après leur mort, criait à chaque
carrefour : « Qui aytal fara, ajtal périra. » Les inquisiteurs inter-
rogeaient en roman et faisaient proclamer, dans la même langue, les
fautes de ceux qu'ils avaient condamnés.
Cependant le latin resta la langue officielle. Les registres des déli-
bérations, les lettres de provision signées par les officiers munici-
{)aux, les livres des notaires créés par les capitouls sont écrits en
atin, sauf la formule du serment, écrite en roman en exécution du
mandement du roi Jean.
Les livres de maîtrise écrits par des notaires sont en latin, avec
quelques listes en roman écrites pai* les baïles. Ces derniers pré-
paraient les règlements et les rédigeaient en roman pendant une partie
des quinzième et seizième siècles. Les capitouls leur donnaient force
de loi et leur sanction était constatée par un protocole, toujours ré-
digé en latin.
Les comptes émanés des trésoriers simples marchands ou chan-
geurs nommés pour un an, sont rédigés en roman, mais cela ne peut
infirmer en rien les conclusions du travail qui constate que le latin
resta la langue officielle et ne fut remplacé que par le français, anté-
rieurement d'ailleurs à l'édit de Villers-Cotterets.
Cette persistance du latin peut être attribuée à Pinfiuence du droit
écrit et surtout de l'Université fondée au lendemain de la guerre des
Albigeois.
Le Parlement, dont les registres, dès 1444, sont écrits en français,
substitua cette langue à la langue maternelle.
La séance est levée à cinq heures.
Séance du mercredi, 5 avril, matin.
Présidence de M. Omont; assesseurs: MM. Dumas, Plassard,
AsTiER, Axel Wallknskôld et Henri Teulié.
M. Alphonse Blanc, membre de la Société pour l'étude des langues
romanes, fait une communication sur le rappel du duc d'Anjou et
l'ordonnance du 25 avril 1380: il montre que la province de Lan-
guedoc envoya à Paris une ambassade en janvier 1380*. que cette
ambassade resta à Paris jusqu'en mai. Le pouvoir royal traita avec
cette députation comme avec une véritable assemblée d'Etats ; ceux
qui Pavaient déléguée l'ont aussi considérée comme telle. Cette dé-
putation a obtenu le rappel du duc d'Anjou, des réductions d'impôts
considérables et la reconnaissance de droits importants tant pour la
perception des impôts que pour le contrôle des finances publiques.
Pour répondre en partie à la première question du programme
d'histoire et de philologie, M. l'abbé Esparbks montre d'abord com-
ment l'ordonnance de Charles IX, du l*' janvier 1563 (1564), fut re-
nouvelée au château de Roussillon, le 9 août 1564, et enfin exécutée,
par le Parlement de Toulouse, le 10 janvier 1564 (1565). Quelques
jours après cette date l'uniformité fut établie, et toutes les chancel-
leries de Toulouse, parlement, maison commune, chapitres, notaires,
etc., firent commencer Tannée le premier jour de janvier.
IS4 CHROXIQUE
Les systèmes soirisà Tooloose de 1400 à 1565 étaient divers. L*an-
née commençait :
1* Le 25 décembre, comme on le Toit dans plosienrs registres du
chapitre de Saine- Etienne ;
2* Le 25 mars, c'était l'asage suivi à la maison commune (voir
registres des délibérations, des conseils, de la ronde da gaet, etc.,
etc., un très grand nombre de notaires);
3* Le jour de Pâques, c'était Tusage suivi au parlement depuis
son institution. C'euit aussi Tusage observé par la chancellerie
royale. — Pas d*exemple3 chez les notaires.
4<* Le premier j Dur d'avril. Le registre 1 18 du fonds de Saint-Etienne
aux archives départementales, n^us présente la particularité sui>
vante : au foîio 92 nous trouvons un acte du 31 mars 14(^. L*acte
suivant porte ia date du l**" avril i4*)6. Nous trouvons d'autres exem-
ples aussi concluants, non seulement dans ce même registre, mais
des notaires, comme Louis du Bovs, Clavelli. Mandinelli, etc.
De 1400 à 1450, on peut citer quinze notaires qui commencent
l'année le l*' avril; de 1450 à 150«\ nous en trouvons d>uze ; de 1500
à 1520, il n'y en a plus que quatre ; en 1555 un seul.
Quant à l'usage du 25 mars, n^us l'avons trouvé de 1500 à 1565
chez plus de trente notaires, tandis que nous n'en trouvons que six
de 1400 à 1500.
D'après cela, on pourrait dire que la date du l«^ avril pour le chan-
gement d'année a été en faveur au quinzième siècle, et celle du 25
mars au seizième.
M. Tabbé Dubois, membre de la Société des sciences, lettres et
arts d'A<;en, présente le texte des coutumes de Galapian. La localité
jadis gratifiée de ces coutumes est située dans Lot-et-Garonne, can-
ton de Port-Sainte-Marie. Elle avait pour seigneurs : l* aux treizième
et quatorzième siècles, les seigneurs de la puissante famille de Ro-
vinha lou Rovinhan); 2<> au quinzième siècle, Pothon de Xaintrailles
et les Stuei de Caussade. Enfin, cette seigneurie entra dans la famille
de Lusignan et, par ceux-ci, le texte de nos coutumes fut transporté
aux archivps de Xaintrailles, où il se trouve aujourd'hui. L'original
en est perdu, mais une copie authentique, du 24 août 1487, nous
donne la date de concession, 13 février 1287 ^8;. Cette copie qui nous
reste est en français, mais quelques formes romanes montrent que le
texte primitif était dans la langue du pays en usage au treizième
siècle.
Ce qui fait Tintérêt de ce texte, c'est la parenté qu'il a avec deux
autres coutumes de la même époque, reproduites dans la Revue du
droit historique français : celles de Clermont- Dessus (Lot-et-Ga-
ronne), données en 1262, et celles de Laroque-Timbant (Lot-et Ga-
ronne), accordées en 1270. M. Rébouis a publié ce premier texte et
M. Mouillé a cité le deuxième avec de nombreuses notes. Les trois
textes ont été rédigés par un même notaire agenais, Pons Ménard.
L'influence du rédacteur est facile à constater et le rapprochement
des trois coutumes ne peut que contribuer à éclaircir chacune d'elles.
M. Galabbrt, de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne.
Les coutumes de Galembrun (14 mai 1290). — Le village de Ga-
lembrun, à la limite des grands bois, en la commune de Launac, est
CHRONIQUE 185
resté une section de cette commune ; il n'a point prospéré parce que,
dans un péiimôtre de 3 lieues, il fut accordé huit chartes de liberté
plus complètes. Les articles de nos coutumes offrent des ressem-
blances considérables, moins dans la forme que pour le fond.
Du reste, ce sont les mêmes barons de Launac qui ont accordé la
flupai't de ces coutumes; aussi ont-ils accordé à tous leurs vassaux
exemption des droits de leude dans la châtellenie.
En somme, la charte de Galembrun paraît être la charte de bons
paysans que ne préoccupaient guère les questions débattues ailleurs
entre seigneurs et paysans, pas môme celles qui avaient été agi-
tées trois ans auparavant avec les habitants du chef-lieu communal.
M. Tabbé Taillefbr, de la Société archéologique de Tarn-et-Ga-
ronne, fait une communication intitulée Complément des coutumes
de Sauveterre, — 11 existe aux archives du château de Lauture, dit
M. Taillefer, un vidimus d*accord entre les chevaliers et les consuls
du lieu de Sauveterre en Quercy. Cet acte qui n'est qu'une copie de
Toriginal dressé à Cahors le l**" avril 1407, par permission de Gui-
chard d'Ulphe, sénéchal de Quercy, peut être considéré comme un
complément des coutumes locales.
Cet accord est en date du mois de novembre 1289. Il y avait alors
f procès, entre les consuls de Sauveterre et les nobles chevaliers dudit
ieu, au sujet du payement de la taille et autres contributions. Le
seigneur, Bertrand de Gourdon, chargé de terminer le différent, étant
mort avant d'avoir prononcé la sentence, les parties en vinrent à un
accord.
Lors de sa fondation, Sauveterre avait eu sa charte de coutumes .
Mais là, comme ailleurs, tout ne fut pas prévu. De là les réclamations
des intéressés pour le remaniement de certains articles concernant
plus particulièrement les impositions ordinaires qui dépendaient de
l'administration consulaire.
D'une manière générale, il fut décidé que lesdits seigneurs ne paye-
raient jamais ni tailles ni contributions pour les biens qu'ils possé-
daient dans la juridiction de Sauveterre. Mais pour ceux qu'ils pou-
vaient acquérir à Tavenir, à moins qu'il ne s'agit de cens, rentes,
acaptes ou droits seigneuriaux, ils seraient tenus de contribuer après
estimation des consuls ; comme aussi ils restaient, avec tous les au-
tres habitants, soumis au texte des coutumes pour les amendes et ré-
parations des dommages cachés. Ils étaient même dispensés de la
contribution en cas de guerre, par la raison sans doute qu'en leur
qualité de chevaliers ils contribuaient alors de leurs personnes.
Parmi les autres contiibutions énumérées dans l'acte, il en est une
qu'il faut noter particulièrement. Il s'agit de l'épierrement des che-
mins, peradas, qui paraît ainsi avoir été une des corvées du Quercy
au treizième siècle.
Les coutumes de Castelnau de Montratier (août 1291), article 38,
et celles de Gramat (février 1324), article 16, établissent pour les con-
suls le droit de faire contribuer les habitants à la réparation des
ponts et chemins, mais ne mentionnent point d'une façon spéciale
l'épierrement susdit. En le notant, nous aurons ainsi fourni un détail
important à ceux qui s'occupent des coutumes du Quercy au moyen
âge.
M. L. CoNSTANS, professeur à la faculté des lettres d'Aix, membre
13
186 CHRONIQUE
de la Société pour Tétude des langues romanes, fait observer, à pro-
pos de rhypothèse que le mot perada pourrait être une altération de
pesaday que le rhotacisme (c'est-à-dire le changement de « en r entre
deux voyelles), phénomène très répandu en Languedoc eten Provence
ne semble pas avoir été connu dans le Quercy et dans le Rouergue,
non plus que dans les autres régions du plateau central. D'ailleurs
Tétymologie empêche de comprendre le mot pesada parmi ceux qui
sont soumis au rhotacisme.
M. ViGiÉ, membre de la Société archéologique de Montpellier
et doven de la faculté de droit de Montpellier, membre de la Société
pour l'étude des langues romanes, présente le texte des coutumes
inédites de Belvès (Dordogne).
Belvès est une localité peu importante du département de la Dor-
dogne, dont elle est un canton; au moyen âge, à partir du treizième
siècle, cette localité devint une seigneurie des archevêques de Bor-
deaux ; elle obtint des privilèges importants de ses seigneurs, privi-
lèges qui sont rapportés dans les transactions faites entre la commu-
nauté des habitants et manants de Belvès et les archevêques. Ceux-ci
devaient, en prenant possession de la seigneurie, promettre de main-
tenir les coutumes de Belvès.
Le texte de ces coutumes était resté inédit jusqu'à ces derniers
temps ; il est contenu dans un cahier de parchemin appartenant aux
archives de la Gironde (Sect. G, n® 178.)
La date à laquelle il faut rattacher ces coutumes ne peut pas être
déterminée exactement : leur caractère, la comparaison avec des docu-
ments analogues, permettent d'affirmer qne ces coutumes sont du
treizième siècle, comme les textes de la même famille. Ces coutumes
fixent les privilèges des habitants du consulat de Belvès, les restric-
tions apportées par elles aux pouvoirs illimités des seigneurs ; elles
contiennent des règles intéressant le droit civil, le droit pénal, le droit
public du treizième siècle. Le rédacteur a aussi ûj.é avec soin les
droits perçus par les seigneurs à ^occasion des procès et de la pro-
cédure.
Sans contenir rien de nouveau, ces coutumes augmentent le nom-
bre des documents du treizième siècle, au moyen desquels on pourra
établir les véritables caractères du droit méridional pendant les trei-
zième et quatorzième siècles.
M. Jkanroy communique, au nom de M. V. Mortet, bibliothécaire
de l'université, le texte, en langue vulgaire, d'un marché passé en
1381 (18 avril) entre les fabriciens de la Dalbade à Toulouse et deux
frères maçons, Arnaut et Raymond Capitelh, pour la reconstruction
du campanile de l'église. M. Mortet complète ou rectifie Panalyse
sommaire que M. Tabbé Jullien avait donné de ce texte ; il recons-
titue, grâce à lui, les dimensions et la forme du clocher de la Dalbade,
qu'il compare à diverses autres constructions de même nature élevées
dans la même région à la fin du quatorzième siècle ; il commente
enfin quelques termes techniques rares ou curieux dont il réussit à
donner le sens exact.
Séance du mercredi, 5 avrils après-midi.
Présidence de M. Pbrroud ; assesseurs : MM. Séris, Richard,
Adher, abbé Ricauo.
CHRONIQUE 187
M. Louis Yrronb, président honoraire de VEscolo moundino^ donne
lecture d'une communication sur Théroïne languedocienne Françoise
de Céselly, dont il s'est attaché à faire revivre la physionomie, d'ail-
leurs peu connue. C'est à peine si lés historiens, notamment Jacques
Gâches, Pierre Le Moyne, d'Aigrefeuille, les bénédictins et le pasteur
Corbière en ont fait mention, ignorant les dates et rapportant inexac-
tement les faits. L'étude d'une série de documents inédits qu*il a ré-
cemment découverts, en révélant de nouveaux détails, lui permet d'é-
tablir : 1<* que c*est en 1589 et non en 1590 que son mari prisonnier
ayant été assassiné, à Narbonne, par les ligueurs, elle fut appelée à
le suppléer d'abord, à lui succéder ensuite dans le gouvernement de
Leucate ; 2^ que le gouverneur de Leucate. improprement appelé
Barri ou du Barry, ou de Barri de Saint-Aunès appartenait à la fa-
mille Bourcier, était Jean de Bourcier, deuxième du nom, seigneur
de Pontaut et de Barre ; il avait épousé, le 4 avril 1577, Françoise de
Céselly, fille du président de la cour des comptes de Montpellier ; 3°
que la famille Céselly était alliée dès 1476 avec la famille de la Croix
de Castries, par le mariage de Françoise de Céselly, arrière grand'
tante de Théroïne, avec Guillaume de la Croix, de Castries, gouver-
neur de Montpellier ; 4° que l'héroïne était la cousine germaine du
premier président Durant!, assassiné à Toulouse pendant les troubles
de la Ligue ;5o que les armes de Céselly étaient des armes parlantes:
un pied de Séselli meublait leur écu ; b* que Françoise de Céselly
— son testament en fait foi — appartenait au culte catholique ; 7»
qu'elle mourut à Montpellier le 14 octobre 1615 et fut inhumée, sui-
vant sa volonté, dans la chapelle Sainte-Anne, fondée par elle, en
Téglise Saint-Paul de Narbonne.
Séance du jeudi 6 avril, matin.
Présidence de M. Sbrvois; assesseurs : MM. Vigie, Pasquibr,
Brutails.
M. Brutails, archiviste de la Gironde, cite une note qu'ont signée
avec lui MM. Dezeimeris, Barckhausen, Jullian et l'abbé Allain, et
qui conclut aiu double vœu suivant :
1® Que les sociétés d'archives historiques s'occupent de mettre en
œuvre les grandes collections de l'étranger qui renferment des titres
de premier ordre pour notre histoire, et que les Sociétés du Sud-
Ouest notamment, s'associent en vue de faire effectuer des recher-
ches méthodiques au Record Office ;
2® Que les autorités ecclésiastiques, au lieu de faire procéder à des
travaux isolés et sans cohésion dans les archives du Vatican, élabo-
rent un programme commun pour la publication d'un corpus de
bullaires homogènes.
M. ViLLKPELET, de la Société historique et archéologique du Péri-
gord, donne communication d'une petite charte d'un réel intérêt
typographique, comme spécimen d'une impression exécutée dans un
atelier espagnol peu connu en France. Suivant le témoignage de
M. Conrad Haebler, bibliothécaire de la bibliothèque royale de
Dresde, à l'examen de qui elle a été soumise, elle daterait de 1485 et
18« CHRONIQUE
sortirait de Tatelier d'Antonio de Centenera, imprimeur à Zamora.
C'est une lettre d'indulgence accordée par Tévéque Alonzo de Païen-
suela en faveur de sa cathédrale, San Salvador d'Oviedo. Après
une longue énumération des nombreuses reliques conservées en
cette église, Tévêque indique dans quelles épreuves les indulgences
peuvent être invoquées et à quelles conditions elles sont obtenues.
M. Villepelet présume que ce billet d'indulgence a été ou adressé
directement à l'abbaye de Brantôme (Dordogne), dont les revenus
n'étaient cependant pas fort élevés, ou rapporté par le spirituel
chroniqueur Pierre de Bourdeille, abbé de Brantôme, lui-même, lors
de son voyage en Espagne et en Portugal (1564-1565). Dans Tune
et l'autre hypothèse, la charte avait le même objet : procurer des
ressources aux grands travaux de construction, de restauration, qui se
faisaient à l'immense édifice de San Salvador d'Oviedo, au quin-
zième et seizième siècles.
Séance du jeudi 6 avril, après-midi.
Présidence de M. Paul Mrtkr; assesseurs : MM. Laurent,
Macary, Labande.
M. Bourdbau, de la Société archéologique de Montauban, pré-
sente un rapport sur les archives de l'ancienne généralité de Mon-
tauban. Ces archives se trouvent actuellement à Cahors, chef-lieu
du département du Lot, dont Montauban ne fut, pendant quelques
années, qu'une simple sous-préfecture. Il y aurait un grand intérêt à
réunir au chef-lieu de l'ancienne généralité les archives qui se trou-
vent encore à Cahors.
Quelques documents sont aussi épars à Bordeaux, Auch, Tou-
louse et à la Bibliothèque nationale. Les conclusions du rapport
tendent à la réunion de ces pièces dans les archives départementales
de Tarn-et- Garonne, où elles auraient beaucoup plus de chances
d'être étudiées.
M. le De Graciette. bibliothécaire universitaire à Toulouse, fait
connaître au Congrès une Société littéraire oubliée de la fin du dix-
huitième siècle :
« Le Musée de Toulouse :
» Assemblée publique du samedi 29 juillet 1786 :
» La séance commencera par une symphonie de la composition de
M..., muséen.
» M. de Puymaurin , syndic général de la province, président du
» Musée, lira des réflexions v sur l'application de la philosophie à
» l'administration. »
» On lira des fragments d'un discours en vers sur les protecteurs
des arts, par M. Grignon, du Musée de Paris, correspondant de celui
de Toulouse, et une description de la grotte de Marcillac, en Quercy,
par M. Bordes-Bailot, avocat, muséen ».
« Ces lectures seront suivies de la « romance de Marie-Stuart »,
chantée par M. l'abbé Prax, muséen.
« On lira ensuite l'extrait d'un discours de M. Jouvent, muséen,
sur « l'Amitié» et la traduction d'un morceau du Dante, par M. Flo-
ret, avocat, muséen.
CHRONIQUE 1S9
« M. Tabbé Caire, muséen, chantera une scène traduite de Topera
de Bérénice^ musique del signor Troëtti.
a M. de Lavedan, secrétaire perpétuel du Musée, lira une épître
adressée à un ami.
« Et M. labbé Carré {sic)^ professeur d'éloquence, muséen, des
vers « sur la mort du prince de Brunswick ».
ti La séance sera terminée par un poème lyrique, intitulé : « Ray-
mond VI ». paroles de M. Castilhon, vice* président du Musée, mu-
sique de M. Âzaïs,,muséen. »
M. Labande présente un inventaire des livres de l^Université d'A-
vignon (commencement du seizième siècle). Cette bibliothèque,
fondée par le cardinal de Saluces et installée dans le clocher de
Téglise de St- Martial, ne resta pas longtemps dans son intégrité,
malgré tous les règlements des docteurs de T Université.
L'inventaire en question indique dans quelle décadence elle était
tombée un siècle après sa création.
M. Degap, de la Société de Comminges, présente au congrès une
nomenclature des chartes de coutumes communales du département
de la Haute- Garonne.
L'auteur dit quelques mots, à titre d'avant-propos, sur l'origine,
la date, l'objet, les éléments, la rédaction, les confirmations et la
déchéance des coutumes dans le département.
Il indique Tutilité de cette sorte de documents au triple point de
vue de l'histoire des institutions communales dans le Midi, de l'his-
toire du droit et de Thistoire locale.
L'énumération des coutumes est faite par ordre alphabétique de
localités, elle comprend 154 coutumes dont 78 remontent au treizième
siècle, 28 au quatorzième, et 26 au quinzième et seizième ; 22 sont
sans date connue.
Séance du vendredi, 7 avril, matin.
Présidence de M. Baguenault de Puchbsse ; assesseurs : MM.
ViLLEPELBT, GaKNAULT, RuMEAU, MoREL.
Séance du vendredi, 7 avril, après-midi.
Présidence de M. Roschach ; assesseurs : MM. Vigie, Vidal, de
Castbran, Aukiol.
Résistance à la domination anglaise dans le Quercy à la fin de
la guerre de Cent ans. Episodes racontés d'après un document de
la chancellerie de Louis XI, \idLV M, Pasquibr, archiviste de la Haute-
Garonne. — Les faits dont il est question dans ce mémoire ont eu
pour théâtre un coin reculé du Quercy, près de Gramat, sur les con-
fins du Périgordj à Lunegarde et à Puicalvet Ces fiefs appartenaient
à Guillaume de Gaulejac et à son fils Raymond-Bernard. Tous deux,
sans se laisser décourager, opposèrent une vive résistance aux An-
glais. Dans une seule année, Raymond-Bernard fut fait prisonnier
jusqu'à cinq fois ; pour sortir de captivité, où, suivant sa déclaration
u il avoit esté traict piteusement» il avait dû payer de fortes rançons.
Le château de Puicalvet fut presque entièrement démoli ; il n'en
restait qu'une tour où la famille fut obligée de se retirer. La tranquil-
190 CHRONIQUE
lité publique n'était pas assurée ; la région était presque inhabitée
« pour cause desdits Anglois qui conversoient souvent le dict pays de
Quercy et y faisoient de grans courses et y prenoient prisonniers. »
Eur soutenant la lutte pour la cause française, la famille de Gaule-
jac s'était ruinée; pour se'procurer des ressources, elle avait dû arren-
ter la terre de Lunegarde moyennant un revenu annuel de 25 livres ;
auparavant, elle en tirait une centaine. Les preneurs ne tinrent aucune
des conditions, notamment ils n'installèrent pas sur le sol, pour le
mettre en culture, quatre familles de laboureurs. .
Raymond-Bernard de Gaulejac, qui redoutait la puissance de ses
adversaires, s'adressa directement au roi pour lui représenter sa situa-
tion. Louis XI, par mandement signé à Orléans en 1465, et résu-
mant les faits exposés dans la requête, donna ordre au sénéchal de
Quercy d'annuler le contrat et de faire rendre justice au suppliant.
C'est à ce document, gracieusement mis à notre disposition par M.
de Gaulejac, que nous avons emprunté les éléments de ce mémoire.
Additions et corrections à l'histoire du Languedoc (\3b9-\ 360) —
M. Auguste Vidal, de la Société du Tarn, essaye de compléter et de
corriger l'histoire du Languedoc pour les années 1359-1360 au moyen
des comptes consulaires d'Albi. Les communes se réunirent à Car-
cassonne les 9-10 juillet 1359, pour ouïr le compte rendu du voyage
en Angleterre des députés des Etats envoyés auprès du roi Jean le
Bon, prisonnier. Dans cette réunion, on agite, pour la première fois, la
question de la levée d'un subside pour la guerre. Nouveau subside de
6 sous 9 deniers par feu sur la sénéchaussée de Carcassonne, en vue
du projet de descente en Angleterre du roi de Danemark. Les comptes
consulaires d'Albi, où M. Vidal puise ses renseignements, complètent
heureusement les détails révélés par Ménard sur ce fait historique
peu connu.
Dom Vaissette ne mentionne pas la tenue des Etats à Grenade, tes
10-20 septembre 1359. Les députés des communes faillirent y être ar-
rêtés par Jean de Poitiers, le lieutenant général, parce qu'ils ne vou-
laient pas s'incliner devant ses volontés. Les Etats n'ont donc pu se
réunir à Caicassonne à la mi-septembre, ainsi que l'avance VHistoire
de Languedoc,
Mais Terreur capitale commise par dom Vaissette porte sur la
guerre entre le comte de Poitiers et le comte de Foix. Les hostilités
sont placées en 1359 ; il faut les reporter en 1360. Les comptes con-
sulaires permettent de suivre pas à pas la marche des Anglais et des
Béarnais vers Toulouse.
Il est exact, ainsi que le dit M . Auguste Molinier, que les consuls
d'Albi furent chargés par le lieutenant général de provoquer l'inter-
vention du pape ; mais c'est en mars 1360et non en mars 1359.
On voit donc l'intérêt qu'offrent les comptes consulaires au point de
vue historique.
Séance de clôture, 8 avril, après-midi.
Discours de M. Gaston Paris sur le Roman du comte de Toulouse,
Le moyen âge romantique n'est pas, comme on l'a quelquefois dit
par réaction contre le genre « troubadour », une invention de quelques
rêveurs naïfs, épris, sur des malentendus, d'une époque qu'ils ne
CHRONIQUE 1 9 1
conoaissaient pas. La haute société française de Tâge féodal a bien
réellement conçu un idéal d'héroïsme, de générosité, d'amour pur et
de ferveur religieuse, et cet idéal a trouvé dans la poésie du temps son
expression plus ou moins paifaite QuMl différât beaucoup de la réa-
lité, c'est ce que nous prouve Tétude de l'histoire ; mais c'est déjà
pour la France d'autrefois un honneur de Tavoir conçu, de Tavoir
aimé, de Tavoir exprimé, et de Tavoir inculqué aux autres nations.
Si Ton doit surtout juger une société par ce qu'elle est, il faut aussi
lui tenir compte de ce qu'elle voudrait être : la poésie quVlle produit
spontanément est un élément qu'on ne saurait négliger pour l'appré-
cier dans ce qu'elle a de plus intime, puisque la poésie, comme l'a dit
un poète sincère entre tous, n'est après tout « qu'un rêve où la vie est
plus conforme à l'âme ».
Je veux vous entretenir aujourd'hui d'une histoire qui est, surtout
dans ses dernières formes, une des plus nobles, des plus touchantes
et des plus poétiques que nous ait laissées le moyen âge, une de cel-
les où cet idéal un peu factice s'est le mieux traduit. On pourrait
presque trouver qu'elle est trop « moyen âge » ; on la croirait au pre-
mier abord inventée par quelque romancier moderne, voyant l'époque
de la chevalerie sous un jour purement conventionuel. Rien n'y man-
que des ingrédients ordinaires : ni le chevalier sans reproche autant
que sans peur, ni la dame injustement persécutée, ni l'amour chaste
efc discret, ni le bon moine, ni le traître à Pâme aussi noire que celle
de sa victime est immaculée. Tout cela est cependant parfaitement
authentique, autant du moins que peut l'être un roman. C'est un roman,
mais c'est un roman du moyen âge, et même, dans sa première forme»
un roman du haut moyen âge. L'origine semble bien en être toulou-
saine ou au moins méridionale, et c'est à cause de cela que je l'ai
choisi pour en faire l'objet d'une communication au congrès qui tient
aujourd'hui sa dernière séance dans la vieille et glorieuse capitale de
l'Aquitaine.
Il existe toute une série de récits, de poèmes, d'œuvres dramati-
ques et de romans en prose qui, sous des noms et dans des cadres
divers, nous racontent essentiellement la même histoire. D'habiles
critiques en ont reconnu la parenté et les ont divisés en groupes dis-
tincts. C'est d'abord le groupe catalan, — récit des chroniqueurs Ber-
nât Desclot (fin du treizième siècle), Carbonnel (fin du quinzième siè-
cle), et Beuter (seizième siècle), auxquels se rattachent une romance
espagnole (quinzième siècle) et, quoique avec l'immixtion d'éléments
étrangers, la source inconnue où ont puisé deux chroniques éditées
en Provence au dix-septième siècle, celle de César de Notre-Dame et
la Chronique des rois d'Arles^ — puis un poème anglais du quator-
zième siècle, tiré d'un poème français perdu ; — un « miracle » fran-
çais du quatorzième siècle ; — enfin, un groupe de quatre versions
intimement apparentées : un poème danois du quinzième siècle, deux
romans, l'un français et l'autre allemand, du seizième siècle, et une
nouvelle italienne de Bandello. Laissant de côté les deux chroniques
provençales et le miracle français, dont les rapports avec les autres
versions sont trop vagues ou trop compHqués, je résumerai l'histoire
dans les trois formes, de plus en plus riches, où elle se présente à
nous d'après le groupe catalan, le poème anglais et le troisième groupe.
Le rapport de plus ou moins grand développement qui se remarque
entre ces trois formes correspond à leur antiquité relative : ce sont
trois phases successives de 1 évolution du thème.
192 CHRONIQUE
Je commence parla plus simple etla plus ancienne, celle du groupe
catalan. Le héros du roman, — disons « le comte », sans essayer encore
de lui donner un nom — entend raconter par un jongleur le péril où se
trouve, là bas, en Allemagne, l'impératrice sa suzeraine. Deuxbaronsde
la courTontinjustementaccusée d'adultère, et elle sera brûlée si à. un
terme fixé, il ne se trouve personne pour combattre ses accusateurs. Le
comte part secrètement pour Aix-la-Chapelle et ariive au moment où
l'exécution vaavoir lieu. Revêtu d'une robe de moine que lui a procurée un
vrai moine dévoué à l'impératrice, il est introduit auprès d'elle, Tentend
en confession, et, sûr dès lors de son innocence, lui révèle son nom
et son dessein. H se présente en armes sur le lieu du supplice et
provoque seul les deux calomniateurs ; il tue le premier, sur quoi
l'autre avoue le crime qu'ils ont commis « par haine et envie », et
implore le pardon de l'impératrice, pardon qu'elle lui accorde géné-
reusement. Elle est ramenée en triomphe au palais, et on cherche
partout le vainqueur, mais il a disparu. Au bout d'un certain temps,
l'impératrice fait connaître le nom qu'il lui avait été interdit de révé-
ler plus tôt, et l'empereur veut qu'elle aille elle-même, en pompeux
appareil, trouver son libérateur dans le lointain comté où il est re-
tourné. Elle est accueillie par le comte avec magnificence, et le ra-
mène en Allemagne, où l'empereur le remercie à son tour et lui
accorde un notable.
On le voit, dans cette histoire il n'y a pas trace d'amour ; la géné-
rosité, le souci de la justice, le dévouement féodal sont les seuls
mobiles qui fassent agir le héros. On ne comprend pas bien pourquoi
il cache son nom, et l'ayant révélé à l'impératrice, exige qu'elle
attende un certain temps pour le faire connaître. Aussi a-t-on conjec-
turé que le couple catalan avait ici perdu un des éléments du récit
originaire, élément conservé dans le poème anglais, qui représente,
comme je l'ai dit, un poème français perdu, sensiblement plus ancien.
Ici, en effet, le comte, au moment de l'aventure, est en guerre
avec Tempereur, et dès lors sa conduite est naturelle. 11 craint, s'il
est reconnu, d'être arrêté ; même après son exploit, il n'est pas sûr
que la reconnaissance efface chez l'empereur l'ancienne inimitié, et
il ne veut qu'on sache son nom que quand il se sera mis en sûreté.
Il est donc probable que le poème anglais a conservé ici la version
primitive.
D'ailleurs, en beaucoup d'autres traits il se rapproche du groupe
catalan et, par conséquent, de l'original. 11 est seul avec ce groupe
à donner à l'héroïne le titre d'impératrice, à faire parvenir fortuite-
ment au comte la nouvelle du péril qu'elle court, à attribuer à deux
barons ligués contre elle la calomnie dont elle est victime, et à faire
combattre le héros contre tous deux, l'un étant de même renversé du
premier coup, l'autre implorant (mais ici vainement) sa grâce. Dans
la description du combat, il y a même des passages où l'accord
entre le poèn^e anglais et la romance castillane est littéral, et ne
peut s'expliquer que par une source commune.
Toutefois, si en beaucoup de traits le poème anglais reproduit
fidèlement le thème prinnitif, il s'en écarte par l'introduction d'un
élément inconnu à ce thème et qui change, à vrai dire, tout l'esprit
du récit, mais pour lui donner un charme qui lui manquait. L'impé-
ratrice et ie comte ne sont plus des inconnus l'un pour l'autre; ils
se sont déjà vus, ils se sont aimés, ils ont échangé des aveux, et elle
CHRONIQUE 193
lui a fait présent d*un anneau ; quand le prenant pour un moine, elle
se confesse à lui, elle ne trouve à se reprocher que cette faute com-
mise pour lui-même, ce qui naturellement le remplit de tendresse et
d'émotion. Au reste Tamour n*a pas été entre eux plu$« loin que
l'expression d'une sympathie mutuelle. Le poème français était
sans doute sur ce point plus réservé encore que ne Test Timita-
tioQ anglaise. Dans les romans de Palanus et de Galmi, qui en
dérivent, comme le poème anglais, il n'existe entre les deux héros
qu'un amour idéal et pur, qui porte seulement chacun d'eux à se
rendre de plus en plus digne de l'honneur que lui fait l'autre en
l'aimant.
Le dénouement de Palanus est de tous le plus conforme à cette
donnée : tandis que dans les autres versions du troisième groupe
et dans le poème anglais la dame finit, son mari étant mort, par
épouser son libérateur ; ici, nos deux héros, après leur terrible aventure,
restent l'un pour l'autre ce qu'ils étaient auparavant : ils éprouvent
seulement, elle, de la reconnaissance et de la joie d'avoir si bien
placé son estime, lui, de la fierté d'avoir si bien répondu à la con-
fiance de celle qui a purifié le culte qu'il garde pour elle. C'est pnr
de tels sentiments, à la fois exaltés et purs, que notre récit prend
vraiment une place à part entre tant de récits analogues et mérite
d'être regardé comme l'incarnation du plus noble idéal chevale-
resque.
L amour entre Timpératrice et le comte n'est pas le seul trait que
le poème français inconnu ait ajouté au simple récit primitif. La
calomnie contre l'impératrice, présentée dans celui-ci sous une
forme vague, y est racontée avec des circonstances précises. Et
d*abord le motif de la conduite des traîtres est différent : ils n'agis-
sent plus par « haine et envie » ; chargés, pendant une absence de
l'empereur, de la garde de leur souveraine, ils conçoivent pour elle
une passion d'autant plus odieuse qu'ils se l'avouent l'un à l'autre
et rêvent de l'assouvir tous deux, et c'est quand elle les a repoussés
avec indignation, qu'ils jurent de la perdre. A cet effet ils réussis-
sent à introduire dans sa chambre, pendant qu'elle dort, un jouven-
ceau qu'ils ont abusé ; puis ils font irruption avec de nombreux té-
moins, et, comme pris d indignation, ils mettent & mort le malheureux
page avant qu^il ait pu parler. Au retour de l'empereur, ils lui racon-
tent le prétendu crime de sa femme, qu'ils ont emprisonnée, et
celui-ci croit à une évidence qui paraît manifeste.
Nous retrouvons les deux éléments dont se compose cet épisode
dans des traditions qui ressemblent à la nôtre. Dans la légende si
répandue que l'on désigne généralement par le nom de Crescenlia,
nous voyons, comme ici, un personnage chargé, en l'absence de
l'époux, de la garde de sa souveraine, s'en éprendre, lui faire des
propositions qu'elle repousse et s'en venger en l'accusant à son tour
auprès de son trop crédule mari. Le roman français du Comte de Tou-
louse a sans doute puisé à cette source le cadre de l'épisode qu'il a
ajouté au thème primitif. Quant au stratagème, à la fois infâme et
naïf, qui constitue la forme même de la machination employée contre
l'impératrice, il se retrouve dans plus d'une de nos chansons de
geste, — ainsi dans la Reine Sebille et Dcon de la Roche, — et
c'est là sans doute que l'a prise l'auteur du poème français perdu.
De ce poème dérivent, nous l'avons vu, parallèlement au poèinç
194 CHRONIQUE
anglais, les antres versions de notre récit; mais elles n'en dérivent
pas directement : il faut admettre un intermédiaire par lequel s'expli-
quent les traits communs qu'elles présentent en regard du groupe
catalan et du poème anglais. Le plus important de ces traits est
qu'il n y a plus qu'un accusateur, ce qui d'ailleurs est plus naturel, du
moment qu'un amour coupable est devenu le mobile de la calomnie.
Un autre est tout gracieux et romanesque. Ce n'est point le hasard
qui apprend au héros le péril où se trouve sa dame : c'est elle-même
qui l'appelle à son secours par un message, auquel il ne fait qu'une
réponse évasive, ce qui enlève à l'infortunée son dernier espoir. Quand
vêtu en moine, il l'a confessée, il lui demande en aumône l'anneau
qu'elle porte au doigt, seule richesse qu'elle ait conservée. Après le
combat il disparait, et nul ne sait qui était le généreux libérateur
(tandis que dans le poème anglais il s'était fait connaître, non plus
à l'impératrice elle-même, mais à l'abbé qui lui avait procuré son
déguisement). Plus tard il revient à la cour, et celle qui jadis l'avait
si doucement traité le reçoit avec une froideur dont elle finit par lui
dire la cause : il accepte ces reproches sans protester, mais fait
en sorte qu'elle voie à son doigt l'anneau qu'elle a donné au moine
inconnu qui l'a confessée dans la prison. Klle le reconnaît, tombe à
ses pieds et lui demande pardon. Cette scène est bien dans l'esprit
qui devenait de plus en plus celui de la légende : elle fait honneur au
remanieur qui l'a conçue.
Ce remanieur travaillait évidemment sur le poème français, qui
est aussi la source du poème anglais du quatorzième siècle. Son œuvre
a en commun avec ce poème la plupart des traits qui le distinguent du
groupe catalan, donc du thème primitif. Le remaniement ne doit pas
être ancien, car aucun de ses dérivés n'est antérieur à la fin du quinzième
siècle. 11 laissait sans doute dans le vague le pays et le rang des
personnages : dans aucun des dérivés, l'héroïne n'est impératrice ;
elle est reine d'Angleterre ou de Pologne, duchesse de Bretagne ou
de Savoie ; le héros est un comte de Lyon, un roi de Bohème, un che-
valier breton ou un seigneur espagnol. J'imagine que ce remaniement
était écrit en latin, et qu'il appelait simplement son héros cornes
quidam palatinus; c'est ainsi que je m'explique ce singulier nom de
Palanus donné par le roman français au comte, qu'il fait comte de
Lyon simplement parce que l'auteur écrivait dans cette ville.
Telle est, sous ses formes successives, cette belle et naïve histoire,
où les sentiments les plus délicats et les plus élevés de la chevalerie
apparaissent mêlés aux traits les plus sombres de la férocité et de la
justice dérisoire des temps barbares. Peut-on biendécouvrir une base
historique et déterminer l'époque et le pays où elle a pris naissance ?
Uu savant allemand, M. Gustave Lûdtke, l'a essayé dans un livre
où l'érudition la plus exacte est mise au service de la plus pénétrante
ingéniosité, et, bien que sa démonstration ne puisse pas être regar-
dée comme tibsolument certaine, elle paraît au moins très plausible;
elle est en tous cas des plus attrayantes, et elle offre pour les Tou-
lousains un intérêt tout particulier.
Les versions de notre récit qui dérivent du remaniement du poème
fi ançais donnent au héros et à l'héroïne, on vient de le voir, les
noms et les titres les plus divers. Mais le groupe catalan s'accorde
avec le poème anglais, représentant le poème français antérieur, pour
CHRONIQUE 105
faire de la souveraine injustement persécutée une impératrice ; quant
au héros, Taccord du groupe catalan et du poème anglais est d'au-
tant plus frappant qu'il n'apparaît pas d'abord et ne se révèle qu'à
un examen attentif; il s'agit dans le premier d'un comte (anonyme)
de Barcelone, dans le second, d'un comte Bernard de Toulouse; or,
il a existé un comte de Barcelone qui a été en même temps comte de
Toulouse, et ce comte s'appelait Bernard : c'est le célèbre fils du
plus célèbre et plus glorieusement célèbre Guillaume de Toulouse
(OU saint Guillaume de Gellone), Bernard, que nous appelons ordi-
nairement duc de Septimanie, mais qui fut également à la tête des
deux grands comtés séparés par cette province. Une telle coïnci-
dence peut difficilement être fortuite. Si maintenant nous trouvons
dans l'histoire de ce personnage quelque chose qui puisse être
considéré comme ayant servi de base à la tradition poétique qui
met en scène ici le comte de Barcelone, là le comte Bernard de
Toulouse, nous aurons bien des chances d'être dans le vrai en croyant
que le héros de la tradition est le personnage historique.
Qr précisément il y eut, tout le monde le sait, entre Bernard et
celle qui, de son temps, était assise sur le trône impérial, des rapports
qui ressemblent singulièrement ou qui, du moins, ont pu être considé-
rés comme ressemblant à ceux qu'établit la poésie entre le comte de
Toulouse et de Barcelone et l'impératrice. Judith, la seconde femme
de Louis le Pieux, fut accusée en 830, par un parti en tête duquel
figuraient deux puissants seigneurs, Hugon et Madfrid, d'adultère
avec Bernard, camerarius du palais depuis 824 et fut de ce fait
maltraitée, reléguée et emprisonnée. En février 831, le parti qui lui
était favorable ayant repris le dessus, elle se justifia, dans une
assemblée tenue à Aix-la-Chapelle, par un serment solennel. Bernard,
qui, devant l'hostilité déchaînée contre lui, s'était retiré à Barcelone,
n'assistait pas à cette assemblée; mais il parut à celle qui eut lieu en
automne, àThionville, et il offrit de soutenir par un combat judiciaire
l'innocence de ses relations avec Judith; pas plus qu'à Aix contre
l'impératrice , aucun accusateur ne se présenta ; quant aux deux
comtes Hugon et Matfrid, ils avaient, du chef de haute trahison,
été condamnés à mort à Aix-la-Chapelle, et n'avaient dû la vie
qu'à la clémence de l'empereur. Bernard ne fut pas toutefois réinté-
gré dans ses fonctions de camerarius; il retourna dans ses comtés
de France et d'Espagne.
L'histoire, après tant de siècles, se déclare hors d'état de porter
un jugement certain sur la nature des liens qui existèrent entre le
duc de Septimanie et l'impératrice Judith. Furent-ils seulement unis
par des intérêts politiques, Bernard aspirant à prendre sous le nom
du faible Louis la direction effective de l'empire, Judith ne songeant
qu'à assurer au profit de son fils Charles un remaniement du par-
tage imprudemment fait par l'empereur, avant son second mariage,
entre ses trois fils du premier lit ? Furent-ils coupables comme leurs
ennemis, surtout Hugon et Matfrid, les en accusèrent avec passion?
Entre les assertions contradictoires des contemporains, il nous est
impossible de le décider, et d'ailleurs, vous le savez, il est bien diffi-
cile, pour rappeler un mot célèbre, d'être sûr de ces choses-là. Mais
il est évident que les partisans de Bernard et surtout les populations
qui, des deux côtés des Pyrénées, vivaient sous son autorité et lui
étaient toutes dévouées, proclamèrent bien haut l'innocence de l'im-
196 CHRONIQUE
pératrice et traitèrent de vils calomniateurs les deux comtes Hugon et
Matfrid.Le triomphe de Timpératrice à Aix-la-Chapelle, la confusion
de ses accusateurs condamnés à mort^puis graciés, Toffre de Bernard,
à Thionville de combattre en champ clos ceux qui soutiendraient la
calomnie, devaient bien facilement, dans l'imagination de ses fidèles,
éloignés du théâtre des événements et n'en recevant que des échos
altérés, se transformer en un drame autrement simple et pathétique,
où le comte Bernard, cachant son nom à cause de Tinimitié de l'em-
pereur, se présentait comme champion de Timpératrice accusée
d'adultère, non avec lui mais avec un autre, recevait d'elle-même,
sous le sceau sacré de la confession, l'attestation de son innocence,
combattait seul les deux infâmes persécuteurs, les forçait à deman-
der grâce, et disparaissait aussitôt pour se retirer dans son comté,
où la reconnaissance de l'impératrice et de l'empereur enfin éclairé
venait, plus tard, lui apporter l'hommage dû à son héro'ïsme et à son
dévouement.
La légende ainsi formée avait — on en comprend sans peine le
motif — écarté des relations entre Bernard et l'impératrice tout
soupçon d'amour, même platonique ; plus tard seulement, quand elle
fut devenue pour ceux qui la racontaient un simple roman, s'y in-
troduisit le délicat et pur élément d'un amour qui n'a rien que d'enno-
blissant pour les deux âmes qui le ressentent ; toutefois, même dans
cette version nouvelle, conformément à la légende originale, ce n^est
pas avec le héros, comme il eut été naturel, c'est avec un autre per-
sonnage que l'impératrice est accusée d'avoir failli à ses devoirs
d'épouse. Tout semble donc indiquer que c'est dans les comtés sou-
mis à Bernard que fut mise par écrit, après un temps que nous ne
pouvons préciser, la légende à laquelle avaient donné lieu les événe-
ments, par eux-mêmes singuliers et romanesques, de 830 et de 831.
Elle ne revêtit pas la forme des chansons de geste : l'épopée, qui a
tant célébré Guillaume de Toulouse, ignore complètement son fils, et
d'ailleurs l'épopée, à cette époque, n'admettait guère de thèmes aussi
purement personnels.Ce fut très probablement un récit latin qui trans-
mit àla postérité la belle histoire née, au moment même, de la connais-
sance imparfaite et de l'impression exagérée des faits. Bernard y était
sans doute appelé — comme dans un autre document légendaire qui
le concerne — cornes Tolosanus et Barcinonensis ; de là le double
nom de « comte Bernard de Toulouse » qui est conservé dans le
poème anglais, et de « comte de Barcelone», qu'ont préféré, comme
il était naturel, les récits catalans.
L'histoire de Bernard dut de bonne heure passer de la Catalogne
dans l'Espagne plus occidentale: car il semble bien qu'on en ait
une adaptation, d ailleurs bizarre, dans une aventure attribuée par la
Chronica gênerai d'Alfonse X à la femme et aux deux fils du roi de
Navarre, Sanche-le- Grand (-i-lOOlJ, et qui ne doit pas être postérieure
au douzième siècle. Si ce rapprochement est fondé, c'est la plus an-
cienne trace de notre légende qui nous ait été conservée, et elle se
présente en Espagne, c^est-à-dire là où nous la trouvons plus tard
sous la forme la plus voisine de sa forme définitive.
Le récit latin se répandit aussi dans le nord de la France et four-
nit au douzième ou au treizième siècle la matière d'un poème dont la
perte est des plus regrettables et auquel remonte directement le
CHRONlOUfi 1^7
poème anglais et indirectement les imitations faites en France, en
Allemagne, en Danemarck et en Italie. La dernière, celle de Bandello,
est la plus altérée et peut-être la moins bonne ; elle a toutefois un
certain intérêt pour l'histoire littéraire. Adaptée en 1713, au goût du
temps par Nf^* de Fontaines, elle ravit le jeune Voltaire, et il en
tira plus tard l'inspiration de sa tragédie de Tancrède, qui fut un de
ses plus brillants succès, se maintint longtemps au répertoire et
peut être regardée comme un des prototypes du drame romantique.
Ainsi la ramification légendaire qui s'était jadis étendue sur toute
TEurope a poussé une dernière branche jusque dans la littérature
presque contemporaine.
La souche qui a produit cette végétation riche et vivace parait
bien avoir ses racines dans la terre méridionale où Bernard donna le
spectacle de son existence tumultueuse et féconde en péripéties. Le
grand duc de Toulouse Guillaume est devenu le centre d*un des
cycles les plus nationaux de notre vieille épopée ; autour de son fils
Bernard, par l'interprétation idéalisée d*un épisode de sa vie, s*est
formée une légende d'un caractère plus individuel, qui peu à peu,
transporté hors de sa patrie , s'accroissant d'éléments emprun-
tés ailleurs et s'enrichisaant d'heureuses innovations, est devenue
une des incarnations les plus complètes et les plus typiques de la
poésie romantique et chevaleresque. Il m'a semblé intéressant de rap-
peler ce souvenir dans une réunion tenue à Toulouse. Les vents et
tes oiseaux ont dispersé par le monde une semence de poésie qui
avait germé dans une terre féconde entre toutes : j'ai voulu rassem-
bler les fleurs qui en sont nées et, sous les cieux les plus divers, se
sont richement épanouies, et en faire hommage au sol dont elles
sont originaires.
SECTION d'archéologie
Séance du mercredi, 5 avril, après-midi,
M. CoNSTANS, délégué de la Société des lettres, sciences et arts de
TAveyron , lit une note sur un curieux monument conservé à Milhau
(Aveyron) et qui porte une inscription dont Tinterprétation n'a pu être
donnée jusqu'ici. Il s'agit de 1 ancien pilori. L'inscription qui y est
gravée ne saurait être postérieure au début du quatorzième siècle,
elle est en langue vulgaire. On peut la lire ainsi : Quara que faras
enant que comedes vostra (vianda). Selon toute apparence c'est une
colonne provenant de quelque château ou de quelque réfectoire con-
ventuel invitant les convives à prier le Seigneur avant de prendre
leur repas. On suppose qu'elle a pu être enlevée de quelque maison
religieuse pillée par les protestants dans les guerres du seizième siè-
cle. On s'est demandé si vraiment cette colonne avait pu servir de
pilori. M. Gonstans énumére les raisons qui permettent de le croire.
Séance du vendredi, 7 avril, après-midi.
M. Emile Bonnet, membre de la Société pour l'étude des langues
romanes, lit un mémoire sur les jetons émis par les États généraux
198 GfiRONIQCE
de Languedoc. Ces jetons n*ont jamais eu qu'un rôle rémunérateur
et honoiifique. Ils constituaient une sorte de récompense officielle
exclusivement destinée, à Torigine, aux membres du, bureau des
comptes, c'est-à-dire de la commission chargée par les Etats de pro-
céder à l'audition et d la clôture des comptes des officiers de la pro-
vince. Cette récompense fut accordée .plus tard aux membres du bu-
reau des recrues (1678), puis aux premiers opinants des trois ordres,
enfin à plusieurs autres personnages et fonctionnaires de la province.
Le plus ancien des jetons connus porte la date de 1634, le plus récent,
celle de 1790. Le nombre des types de jetons retrouvés s^élève au-
jourd'hui à plus de 110. \h étaient frappés à THôtel des Monnaies de
Paris par les soins de la députation que les États généraux envoyaient
tous les ans à la cour pour présenter au roi le cahier de leurs do-
léances.
Les sujets et légendes étaient d'ordinaire fournis par les membres
de l'Académie des inscriptions, ayant des attaches languedociennes.
Ces jetons offrent la signature des meilleurs artistes des dix-septième
et dix-huitième siècles: Rottiers, Duvivier, Drez. Gatteaux, etc.
Les types du revers consacrent le souvenir d'événements d'un in-
térêt général ou exclusivement provincial; cependant quelques-uns
consistent uniquement dans l'écu à la croix de Languedoc, et c*est
même là le type qui prévalut à partir de 1755 ; mais, grâce à l'habileté
des graveurs, cette donnée très simple fournit une série artistique qui
comprend de véritables petits chefs-d'œuvre d élégance et de bon
goût.
M. LE Président fait ressortir toute l'importance du travail de
M. Emile Bonnet, qui mérite d*être proposé comme un véritable mo-
dèle d'étude numismatique.
« «
Durant le Congrès des Sociétés savantes, tenu à Toulouse, VEscolo
moundinOf société félibréenne qui relève de la Maintenance de Lan-
guedoc, eut l'heureuse idée d'offrir, avec le concours des romanisants
toulousains, un banquet à MM. Gaston Paris et Camille Chabaneau.
M. Paul Meyer, qui arriva sur ces entrefaites, y fut aussi convié.
Nous donnerons dans le prochain numéro de la Revue le compte-
rendu détaillé de ce banquet avec le texte des discours qui y furent
prononcés.
Nous devons toutefois dès maintenant remercier les initiateurs et
les organisateurs du banquet: MM. L. Vergues, A. Jeanroy, Baquié-
Fonade, P. Dognon, J.-Félicien Court, J. Ducamin, A. Sourelh et
A. Vignaux, qui accueillirent de la façon la plus aimable leurs confrè-
res de la Société des langues romanes^ et plus particulièrement le
secrétaire général de la Société, M. C. Chabaneau.
GHHONlQUt: 109
*
« *
Goncoars
La Société des Sciences, Arts et Belles- Lettres du Tarn a décidé
de reprendre, à partir de cette année, ses Concours annuels.
Le Concours de 1899 comprendra trois catégories : Histoire et
archéologie. — Littérature — Sciences et arts, avec les sujets suivants:
I . — HISTOIRE ET ARCHEOLOGIE
1® Les poteries de Giroussens. — Résumer ce que Ton sait sur
ce sujet ; fournir quelques photographies de pièces ordinaires et, s'il
en est, d*œuvres remarquables : donner une bibliographie des tra-
vaux publiés isolément ou dans des ouvrages généraux et revues.
2^ Les noms de lieux d'un arrondissement ou d'un canton du
Tarn, — Grouper ces noms suivant leur radical (particularité topo-
graphique, genre de culture, noms de propriétaires, etc.) — suivant
leur désinence. — Justifier les hypothèses que suggère cet examen
aux points de vue des dialectes locaux, de la géographie ancienne
de la région, de son exploitation agricole d'autrefois, etc.
II. — LITTÉRATURE
1° Poésie patoise du Tarn ou française,
2^ Prose française, — Conte ou nouvelle se rapportant à une
légende spéciale au pays albigeois.
III. — SCIENCES ET ARTS
1® Le Sidobre, — Etude géologique, avec carte à grande échelle.
2? Diplôme de la Société, pouvant être affecté soit aux Sociétai-
res, soit aux lauréats. Dessin à réduire pour une planche typogra-
phique de 29 sur 22 centimètres environ. — Ce dessin devra être
exécuté a la plume ou au crayon Conté sur bristol. 11 devra contenir
le titre de la SOCIÉTÉ DES SCIENCES , ARTS ET BELLES-
LETTRES DU TARN et la devise servare, augerk ; — un dessin
allégorique ayant rapport au caractère de la société , avec croquis de
vues ou monuments du département du Tarn.
Observations. — Toute étude ou dessin soumis au Concours
sera la propriété de la Société qui reste juge de Tutilité de son in-
sertion dans la Revue du Tarn.
Ces travaux devront être adressés au Secrétaire perpétuel de la
Société (M. Jules Jolibois, 42, avenue Villeneuve, à Albi) avant
le 1*' octobre.
èÔÔ CHRONIOUE
Une médaille au moias (argeat ou bronze) sera décernée pour
chacun des sujets au Concours avec le nom gravé du lauréat. — Si
plusieurs concurrents ont présenté un mémoire ou dessin digne de
récompense, des mentions pourront être accordées à ceux qui auront
été classés après les titulaires de la ou des médailles.
Une récompense de vingt-cinq francs est promise, en outre de la
médaille, au lauréat du Concours pour le diplôme de la Société.
Il pourra aussi être offert en hommage une médaille à la personne
qui aura fait don à la Société d'un ou plusieurs objets d*une valeur
réelle archéologique ou à toute autre personne, originaire du Tarn,
qui aurait présenté une œuvre remarquable.
Le Gérant responsable : P. Hamelin.
LES STATUTS ET LES COUTUMES
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRÉ-DE-GAILLAC
(Tarn)
La commanderie de St-André«de-Gaillac est certainement
rétablissement charitable le plus antique de TAlbigeois. Sa
fondation est due aux comtes de Toulouse K Des documents
de la seconde moitié du XP siècle le montrent en pleine pros-
périté. Il eut pour bienfaiteurs, outre les comtes de Toulouse,
les rois de France, les comtes d'Armagnac et les évêques
d^Albi. Les archives départementales du Tarn possèdent les
nombreuses copies des donations qui lui furent faites au cours
des siècles.
Mais ce n^est pas la monographie de cet hôpital que nous
voalons écrire ; nous ne pourrions que rééditer l'œuvre de
M. Elle Rossignol, Térudit tarnais bien connu; qu'il nous
suffise de dire que Thôpital de St-André ouvrait ses portes à
toutes les misères de la vie *. Ce que nous voudrions surtout
faire connaître, c'est Torganisation intime de la commanderie
sur laquelle Fauteur des Monographies communales de Carron-
dissement de Gaillac n'a pas eu le loisir de s'étendre. Nous
nous appuierons sur des documents inédits conservés aux
archives départementales du Tarn, mais non encore inven-
* C'est ce qui résulte d'un placet du précepteur de la commanderie,
Pierre Donat (1667-1700) ; il s'appuie sur une charte de Philippe le Bel
de 1311. Cf. Monographies communales de M. Ëlie Rossignol, vol. II,
p. 284.
' In receptionem pauperum tam sanorum quam infirmorum, mulierum
pregnantium, educationem languidorum, sanguinolentorum, orphanorum
expositionem, et aliarum miserabilium personnarum, sive fratrum ordi-
Dum mendicorum ad dictum hospitale undique de diversis mundi partibus
apportatorom etconfluentium, et aliorum multiplicium operuni charitatis
que ibidem laudabilius adimplentur. — Requeste présentée à l'evesque
d'Alby, aux fins de confirmer la concession de Téglise de S. Hiérosme du
Tescou, au d. hospital. (Extrait des donations faites à la commanderie.)
xLii — Mai-Juin 1899. 14
202 LES STATUTS ET LES COUTUMES
tories : les Statuts de la commanderie et Las costumas et orde-
nansas dels senkors fraires cappellas, diagues, clergues et donats
del hospital. Coutumes et statuts sont des dernières années du
XIV siècle.
Les statuts, datés du 24 février 1390 (1391, nouv. sty.), sont
une réédition revue, corrigée et augmentée de ceux de 1271.
On lit, en effet, dans le préambule : Inprimis namque statuimus,
sic ut a sex vingiti annis dira fuisse observatum declaramus ut in
predicto hospitali.., est unus preceptor, etc. Ils sont rédigés en
latin ; nous nous contenterons de donner une scrupuleuse
analyse des articles qui les composent.
L'an de la nativité du Christ, 1390 et le 24 février, la deu-
xième année du Pontificat de Clément VII, dans la ville d'Albi,
en présence de M'*' Helias de Borno, clerc du diocèse de
Limoges, notaire public apostolique d'Albi, fut passé Tacte
suivant: Étaient présents, d'une part; G., par la grâce de
de Dieu, évêque d'Albi ^ et Bertrand de Foucaud, docteur en
décrets, précepteur de Thôpital, faisant, au nom de rétablis-
sement, tant pour lui que pour ses successeurs ; d'autre part,
Pierre Raymond Ascerii *, bachelier en décrets, et Pierre du
Mas, prêtres, représentant les frères hospitaliers, Pierre
Abelhonii, consul de Gailiac, tant pour lui que pour les autres
consuls, ainsi que pour ses successeurs, en leur qualité de
patrons de Thôpital, M" Pierre Pelrous, bachelier es lois,
syndic et conseiller des consuls.
Guilhaume déclare qu'il veut réformer les antiques statuts
de rhôpital et y ajouter de nouveaux articles. Nous passons
le préambule de Tacte, trop long et sans grand intérêt.
Le précepteur doit être pris parmi les frères hospitaliers,
* D'après le catalogue des évéques d'Albi, pubhé par la Revw du
Tarn (vol. I, pp. 69-72), ce serait un Pierre II de la Voûte qui aurait
occupé le siège épiscopal à cette époque. La Revue ajoute que ce Pierre
n'a jamais été évéque d'Albi et que plusieurs actes prouvent que Guil-
haume VIII de la Voûte a siégé de 1383 à 1397. Le document que nous
analysons confirme cette opinion. Cet évéque fit continuer la bisbia, ou
palais épiscopal, ainsi que le château de Gombefa, résidence ordinaire
des évéques d'Albi.
* C'est le successeur immédiat de Bertrand de Foucaud.
DE LA COMMâNDERIE DE SÂlNT-ÂNDRE 203
si ibidem idoneus reperitur. Il doit être élu et son élection est
conârmée par Tévêque. Il est en quelque sorte la tête d'un
corps dont les frères sont les membres. Il régit en père de
famille le spirituel et le temporel de Thôpital.
Les consuls sont les vrais patrons de Thôpital ; à ce titre ils
ont la garde des clefs de rétablissement. A la mort du pré-
cepteur, de concert avec les frères, ils procèdent à l'élection
de son successeur. A cet effet, on convoque tous les frères qui
se trouvent dans Gaillac ; on les attend un jour entier, et,
après une invocation au St-Esprit par le chant du Fient', creator
Spiritvs^ et la récitation du verset Congruentibus, Télection
se fait soit dans le chœur de St- Pierre, soit dans la sacristie
de l'église, soit dans un autre lieu honnête et convenable.
On devra choisir parmi les frères un homme d'une vie hono-
rable et d'une conversation honnête, et dont on puisse attendre
honneur et avantage pour l'établissement. L'élection doit être
à Tabri de tout soupçon de simonie.
Dans l'élection, les consuls de Gaillac ou leur majorité au-
ront une voix, à titre de patrons, et les frères seu major pars
eorum une autre voix.
Il en sera de même dans le cas où le précepteur mourrait
hors de la ville de Gaillac ; tous les frères présents devront
être convoqués et ils seront attendus un jour.
Après l'élection, les consuls et les frères présenteront l'élu
à Tagrément de l'évêque et lui soumettront le procès-verbal
de l'opération, et l'évêque la confirmera, si elle lui paraît
idonea.
Si, par suite de discorde^ il était élu plusieurs précepteurs,
l'évêque ferait choix de celui qui lui paraîtrait doué de plus
de mérites et plus utile à l'établissement.
Aussitôt après rélection,il sera fait choix, par les consuls
et les frères, de deux hommes probes, pris parmi les frères,
pour la rédaction de l'inventaire. Ils sont constitués procureurs
pour là garde et l'administration des biens et des affaires de
la communauté.
Ces procureurs rendront compte de leur administration.
Leur nomination sera conârmée par l'évêque avant toute prise
de possession. Usprêteront serment, sur les quatre saints évan-
giles, de leur main droite touchés, d'exécuter toutes les clauses
204 LES STATUTS ET LES COUTUMES
des statuts les concernant, de procarer tout ce qui poarrait
être utile à Thôpital et à Téglise, d*éviter autant que possible
tout ce qui leur serait nuisible.
Des frères, prêtres et clercs, seront perpétuellement daos
rétablissement pour la célébration des messes, des heures tant
diurnes que nocturnes, dans Téglise de St-Pierre. Leur nombre
sera déterminé par le précepteur et les frères , suivant les
facultés de Thôpital, son honneur, ses avantages, son utilité
et suivant les besoins du service du culte.
La réception des frères, prêtres, clercs ou laïcs, et même
des femmes chargées du service des pauvres et qui portent le
nom de sœurs, se fait par les soins du précepteur, après
mûre délibération, mais de la volonté et du consentement de
tous les frères, prêtres et clercs, présents à Gaillac, ou de la
majorité d'entre eux. Si une réception se fait autrement, elle
doit être considérée comme nulle et non avenue.
On ne recevra en qualité de frères que des personnes d^ane
vie honorable, d*une honnête considération et telles qu^elles
puissent procurer à Thôpital honneur et profit.
Dès leur réception, les frères promettront par serment
d'obéir au précepteur, de le garder de tout dommage, selon
leur pouvoir, de défendre de toutes leurs forces les biens et
les droits de Thôpital, sauf en cas de maladie.
Les frères et les sœurs infirmes recevront par jour une
miche de pain de majoribus^ un demi-pega * de vin pur, et la
moitié d'une pièce de mouton, ou leur valeur en argent.
Si un frère prêtre est négligent aux matines, ou dans la
célébration de la messe, il sera privé de sa pitance au dîner ;
et s'il commet une faute aux vêpres, la pitance du souper lui
sera supprimée.
Les autres frères inférieurs, clercs et serviteurs, seront,
selon leur faute et au jugement du précepteur, mis au régime
du pain et de Teau, suivant Tantique coutume.
1 Nous traduisons par pega le mot pegarius. Le pega était une mesure
de capacité en usage à Gaillac ; elle équiralait à deux pintes euTiron ;
la pinte correspondait à 1 litre 70 et le pega à 3 litres 30. Cf. Louis de
Santi et Auguste Vidal, Deux Livres de raison (1517-1550) (Introduction,
p. 288).
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 205
Tous ]e8 frères mangeront à la table commune du réfectoire,
où il leur sera fait la distribution quotidienne des mets, dans
la manière et la forme marquée dans le livre de leurs pitances.
Chaque jour, au commencement du repas, un frère lira la
Bible ou un autre livre. A la fin du repas, au moment où les
fières quitteront la table, une hymne sera chantée, surtout
chacun des jours de TAvent, de la Quadragésime et tous les
dimanches et joars de fête.
A table, le silence doit être gardé, ou si Ton parle ce ne
sera qu*à voix basse, et Ton ne s'entretiendra que de choses
honnêtes.
Si quelque frère se conduit mal au réfectoire ou au chœur
et se répand en paroles injurieuses, il sera puni: le prêtre de
la privation companagii^ au dîner ou au souper, et les autres,
de toute nourriture, sauf le pain et Teau, suivant la coutume.
Les frères-prêtres sont. Tan après l'autre, hebdomadiers
pour la célébration des grand'messes. S*il arrive quMl y ait
plusieurs messes chantées, comme aux vigiles de quelques
fêtes, à Quadragésime, à TAvent, aux Quatre-Temps, c'est le
prêtre de semaine immédiatement après qui devient hebdo-
madier et le sacristain est chargé d'aviser.
Il sera nommé un vicaire perpétue), pris parmi les frères
de l'hôpital ; il aura charge des âmes, non seulement de la
paroisse de St-Pierre, mais encore de toutes ses annexes ^.
La vacance du poste de vicaire doit être, dans les six mois,
dénoncée à l'évêque.
Il sera choisi un antre frère-prétre pour la célébration des
messes anniversaires ; il sera rétribué, selon son travail, aux
frais de l'hôpital.
• Ce mot est intraduisible en français ; il faut prendre une périphrase
et dire : ce qui se mange avec le pain (cum pané). La langue vulgaire
le traduit par coumpanaje.
* Ces annexes étaient : St-Jérôme-du-Tescou, donnée par G., évêque
d'Albi (sans date), St-Pierre et St-André-de-Gaillac, données au mois
de mai 1172 par Guilhem Peyre, évéque d'Albi; les églises de Sénouillac,
de Boissel et de Gandastre, données par le même en 1182, St-Pierre-de-
Vors, donnée par le même évéque en juin 1195 (donation confirmée le 15
des Kalen. de septembre 1259 par l'évêque Bernard de Gombret) ; l'église
de Sl-Jean-de-Celles échangée, le 3 des Kalen. de juin 1271, contre
celle de St-Sernin-de-Salettes, sous l'épiscopat de Bernard de Gombret.
206 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Denx autres frères, choisis parmi les derniers venns, ponrvu
qu'ils soient diacres, seront tenus, une semaine après Tautre,
de faire Toffice de diacre à toutes les messes célébrées au
grand autel. S'il n'y a qu'un diacre, ou s'il n'y en a aucun, un
ou deux prêtres, suivant le cas, pris parmi les plus jeunes, en
rempliront l'office^ sur Tordre du précepteur.
Le vicaire perpétuel, le prêtre chargé du service des anni-
versaires et les deux diacres seront exempts de tout service
hebdomadaire des grand^messes.
Les autres frères-prêtres, pour la célébration des messes
chantées, suivant leur tour de semaine, auront une tenue
honnête et dévote ; leur tonsure et leur barbe seront rasées ;
ils ne pourront manquer à ce devoir que pour cause de néces-
sité ou d'infirmité ; un long voyage hors du diocèse d'Albi
est encore une excuse suffisante. Dans ces cas, ils seront rem-
placés par un autre frère-prêtre.
Le précepteur seul a le droit de célébrer la messe au maître
autel de St- Pierre * ; il peut cependant, pour les jours de
fêtes solennelles, autoriser tels prêtres qu'il lui conviendra,
pourvu qu'ils appartiennent à Thôpital, ou que ce soit un
prélat, un grand personnage, un docteur, un maître, un licencié
ou un prêtre pour sa première messe. Le vicaire perpétuel
peut donner la même autorisation.
Si quelque frère-prêtre ne célèbre pas la messe qui lui
incombe, il sera puni de la privation de toute nourriture ad
arbùrium preceptoris.
Aucun frère n'entrera dans le chœur où il sera de service,
soit pour les messes, soit pour les heures canoniques, s'il n'est
revêtu de son surplis.
1 L'abbé de Gaillac paraît avoir joui d'un droit sur les offrandes re-
cueillies dans l'église de St-Pierre. Le i" janvier 1384 (1385 nouv. sty.)»
le révérendissime Roger Turre, célébrait la messe dans cette église ; le
vicaire perpétuel, Jean Desorgia réclama le produit de l'offrande à Jean
Tonnac, vicaire de l'abbé. Tonnac lui répondit que l'offrande lui appar-
tenait in signum juris quod habehat in dicta ecclesia.
Un différend de même nature surgit le 14 mai suivant, entre Roger
Turre et les procureurs de l'hôpital, Jean Molinas et Jean Gausser.
L'abbé invoqua le même droit pour lui et le sacriste de son monastère.
Cf. Extrait des donations concernant Vhdpital.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 207
Dans leurs actes, les frères se conduiront honnêtement ; ils
auront la tonsure ; leur chaussure et leurs habits seront con-
venables et de couleur qui convienne àTétat ecclésiastique ^
Il est interdit aux frères de jouer, d'entrer dans les taver-
nes pour y boire, de vivre malhonnêtement avec les personnes
malhonnêtes ; ceux qui, charitablement prévenus, seraient un
objet de scandale public, seraient privés des aliments servis
à Thôpital jusqu'à parfait amendement, sous réserve des droits
de révêque.
La place du précepteur et du vicaire perpétuel, à Téglise,
sera au chœur, au lieu désigné de toute ancienneté. Les frères
se placeront suivant Tordre de préséance, leurs grades et
leurs ordres.
Les frères seront assis ou debout pendant les cérémonies
religieuses, suivant la nature de celles-ci ; leur tenue sera
honnête et dévotieuse ; ils n'y devront ni parler ni dormir ;
les propos vains et déshonnêtes y sont interdits. Ce n'est que
dans des cas rares et à voix basse qu'ils pourront s'entretenir
pour des choses urgentes. Le tumulte n'y sera pas toléré,
parce qu'il est une offense à Dieu et un objet de scandale pour
le peuple. Les délinquants seront punis de la privation de
toute pitance, toute autre punition étant réservée à Tévêque.
En l'absence du vicaire perpétuel, ou sur son ordre, les
hebdomadiers seront tenus d'assurer le service divin à
St-Pierre, sous peine de privation du companatgium au dîner
ou au souper.
Les recommandations faites aux frères pour leur tenue au
chœur, l'interdiction d'y parier à haute voix, s'appliquent
également aux assemblées.
Aux processions dos dimanches et des fêtes, ils marchent
en chantant et en récitant leurs prières, s'abstenant de toute
parole inutile.
Le vicaire perpétuel et le sacriste auront sous leur garde
les reliques, les vases sacrés et tous les objets du culte que le
précepteur ou les frères leur confieront.
* La couleur noire n*était pas de rigueur pour la robe des ecclésias-
tiques. Dans Deux Livres de raison au XVI* siècle^ nous avons fait con-
stater que Fabre Eutrope, prêtre à Mauriac, avait, dans sa garde-robe,
une soutane violette. Voir p. 65 de l'Introd. et 31 du Texte.
208 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Ils entretiendront la lampe des paroissiens, orneront les
aatels, sonneront les cloches poar les heares canoniques et les
divers services de Thôpitai. Ils devront mettre tout leur soin
à leur charge.
Il a été traité quelque peu de ce qui concerne spécialement
le service divin ; il convient maintenant de régler les condi-
tions de la bonne administration et de la conservation des
biens, des droits de Thôpital ou ce qui concerne les précep-
teurs, les frères et les pauvres à qui ils sont communs.
L'appartement appelé la garda-rauàa, placé dans la sacris-
tie de l'église St-Pierre, est expressément et spécialement
affecté aux archives qui renferment tous les documents, in-
struments, titres de Thôpital et quecumque jocalia dicte Eccle-
sie. Cet appartement aura une porte fermant à deux clefs dis-
semblables, de sorte que, pour Touvrir, les deux clefs seront
nécessaires. De ces deux clefs, Tune sera entre les mains du
précepteur, Tautre entre les mains d'un frère élu à cet effet.
Celui-ci jurera par serment corporel de la bien garder.
Les lettres de fraternité seront scellées d'un sceau de cire
verte et mention y sera faite de Tapposition du sceau.
La réception des frères doit être constatée par un acte
public.
Il sera fait attention que, dans les instruments publics de
réception, il ne se glisse des mots qui pourraient faire naître
un soupçon d'avarice ou de simonie. Si, pour Tamour de Dieut
de l'église on de l'hôpital, le frère à recevoir veut faire un
don, il devra être passé un acte public et séparé de cette dona-
tion.
Le précepteur, de la volonté et du consentement de tous
les frères ou de leur majorité, nommera un notaire, homme
honnête et probe, qui recevra tous les actes intéressant l'hôpi-
tal, après serment de fidélité et de bonne gestion de sa charge.
Il sera créé, en outre, un ou des procureurs, un ou des syn-
dics pour la défense des intérêts matériels de l'hôpital (liteset
negotia).
Un dispensateur (économe) et un sacriste seront pris parmi
les frères ; ils seront choisis surtout parmi ceux qui sont étran-
gers à la ville ; ils aideront le précepteur et les procureurs
DE LA COMMANDERIE DE SAINT- ANDRE 20^
dans Tadministration des biens forains {extraneis). Ils seront
rétribnés suivant leur travail.
Si les dispensateurs et le sacriste s'acquittent mal de leur
charge, ils seront remplacés dans leur office par les soins du
procureur et des frères.
Sont maintenus dans toute leur vigueur les antiques statuts
en ce qui concerne les pauvres.
Le précepteur sera tenu d'éoiairer Thôpital pendant la nuit
et d'avoir un nombre de lits suffisant.
Siy par suite de leur faiblesse ou de quelque infirmité, des
malades ne peuvent venir chercher leur uourriture à Thôpi-
tal, le précepteur ou son procureur sera tenu de leur fournir
à domicile le pain, le vin et le companatgium, deux fois par
jonr, à dîner et à souper.
Si leur faiblesse était telle qu'ils n^; puissent se nourrir de
ces aliments, le précepteur devra, aux frais de Thôpital, leur
envoyer un chirurgien pensionné par rétablissement pour les
visiter et les soigner, et il leur servira les remèdes suivant les
ordonnances du chirurgien et suivant les facultés de Thôpital-
L'hôpital sera tenu de recevoir les femmes pauvres prêtes
à s*accoucher, et il sera satisfait à tous leurs besoins pendant
sept semaines seulement.
Il recevra aussi les enfants pauvres et les orphelins expo-
sés ; le précepteur assurera leur nourriture en lait * tant qu'ils
ne pourront se nourrir d'autres aliments, de manière à pro-
curer la gloire de Dieu.
Et comme Thôpital a été fondé pour les pauvres, par les
aumônes des fidèles, les précepteurs, dans leur admission et
leur entretien, ne pourront faire valoir pour excuse l'insuffi-
sance des revenus de l'hôpital ni quod faculiatem non suppe-
tunt ad substantationem fratrum et pauperum. Dans ce cas, il
faudrait diminuer le nombre des frères plutôt que celui des
pauvres *.
Les blés, les vins et tous les autres revenus seront placés.
1 Ëxistait-il un biberon à cette époque ? On remarquera qu'il n'est
nulle part question de nourrice.
« Une note marginale résume, de façon très juste et très concise, cette
clause des statuts: Bona hospitalis potius sunt paupet'um quam fratrum.
210 LES STATUTS ET LES COUTUMES
poar y être gardés, dans des greniers ou autres dépendances
de Thôpital; il ne sera dérogé à cette clause que de Texprès
consentement des frères.
Tous les ans, plus souvent même, à la volonté du précep-
teur et des frères, les procureurs devront, devant le précep-
teur et deux délégués des frères, rendre compte de leur
gestion. Le précepteur a seul qualité pour leur délivrer
quittance. Toute autre quittance serait de nulle valeur.
Le livre des cens en blé, avoine, gélines et argent ou le livre
qui les contiendra tous, seront conservés dans les archives et
laissés à la seule disposition du précepteur ou de ses procu-
reurs chargés de la perception des cens ^
Les livres de cens seront renouvelés de dix en dix ans, ou
suivant qu'il paraîtra convenable au précepteur et aux frères.
Les vieux livres seront conservés aux archives.
Le précepteur nomme, chaque année, des frères qui sont
chargés du service des chapellenies fondées et qui sont ré-
tribuées selon la coutume.
Les aliénations d'immeubles appartenant à Thôpital ne
pourront avoir lieu que de Texprés consentement des frères
ou de la majorité d'entre eux. Il en sera de même de toute
cession, échange, donation, transaction, etc., etc., sous peine
de nullité de Pacte.
Si Tun des frères voulait acquérir quelques-unes des posses-
sions de rhôpital, il devrait être, à prix égal, préféré à tout
autre, pourvu qu'il n'en résulte aucun dommage pour réta-
blissement, ni aucune jalousie ou discussion parmi les frères.
Si, à l'occasion de ventes, échanges, etc., il s'élevait un
désaccord entre le précepteur et les frères, ou entre les frères,
onaurarecours aux voies pacifiques avant de saisir la justice*
Le précepteur doit faire sa principale occupation des soins
à donner aux pauvres par l'intermédiaire des sœurs de
l'hôpital et des autres serviteurs, soit en cas de maladie, soit
dans toute autre circonstance, et ce, suivant les ressources
que le Seigneur procurera à Thôpital.
1 La Gommanderie possédait d'innombrables fiefs dans le Gaillacois.
Le livre terrier établi en 1564, sous le commandeur Philibert de la Gui-
che, nous en a révélé 2366.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT- ANDRE 211
L^hebdomadîer et les gardiatores, élus par les consuls,
patrons de l'hôpital, sont tenus de visiter une fois par semaine,
avec charité, les pauvres infirmes, et s'ils prévoient quelques
défectuosités de service, ou des plaintes, ils en référeront au
précepteur ou au procureur pour y porter remède.
Le précepteur et les frères doivent s'appliquer de tout
leur pouvoir à procurer le bien de Fhôpital de manière à en
être récompensés en ce monde et à obtenir une gloire éternelle
au Paradis.
Défense est faite aux précepteurs de considérer les revenus
de rhôpital comme les leurs propres ; ils sont la propriété
des pauvres. Les excédents seuls seront affectés à son usage
et à celui de deux serviteurs seulement, lorsque les précep-
teurs résideront à Gaillac ou ailleurs pour le bien de l'hôpi-
tal ou par nécessité, ou bien pour les frères et les autres
besoins de l'établissement.
Ces mêmes excédents devront parer aux nécessités créées
par une disette ou un manque de récolte. Chaque année, le
jeudi de la mi-Carême, il sera célébré un service solennel
pour les précepteurs, les frères et les bienfaiteurs de l'hôpital
décédés, cela suivant la coutume ^
Le même jour, après la célébration de la messe des morts,
le précepteur ou, en son absence, le procureur tiendra un
3onseil général où seront traitées toutes les affaires intéres-
sant l'hôpital et l'église ; les présents statuts et les ordonnances
y seront lus pour que nul ne puisse prétexter d'ignorance.
Suivant une louable coutume, observée depuis longtemps,
les frères qui s'adonneront au service divin et aux affaires
matérielles de l'hôpital, continueront à recevoir, après leur
réception, une chape processionnale, d'une valeur de huit
livres tournois petites, pour le service de l'église.
La chape du nouveau précepteur sera d'une valeur de douze
livres tournois.
Le précepteur, les frères et le consul, tant en son nom qu'au
nom de ses successeurs, jurent de tenir et observer les pré-
1 Nous verrons, dans les costumas^ que ce service solennel portait le
nom de revit.
212 LES STATUTS ET LES COUTUMES
sents statuts, en touchant de la main droite les quatre saints
Evangiles.
Tout aussitôt le précepteur, les frères et le consul supplient
Tévêque quatkenus in predtctis statutis et ordinationibus superius
dictis suam.,. autkoritatem judiciariam interponeret. L'évêque,
s' asseyant sur son tribunal suam authoritatem tnterponit pariter
et decretum^ salvo jure suo et quolibet alieno. Il se réserve
cependant la faculté de corriger et d'interpréter les statuts
suivant qu'il lui paraîtra opportun. Précepteur, frères et con-
sul demandent qu'il soit passé acte public et que l'instrument
soit scellé du sceau épiscopal. Voici la formule finale de l'acte :
Actaet publicata fuerunt hec, anno, die, loco, indictione et ponti-
ficatu quibus supra ^ presentibus venerabilibus et discrefis viris
dominis Bernardo Celarerii, canonico Albtensif Bernardo Viga-
ru, licentiato in decretis^ religioso viro Johanne Amaldi, priore
Predicatorum conventus A Ibie, domino Guilhermo Martelli, rectore
ecclesie de Tersiis, magistris Guilhermo Chamberti^, Albie,
Petro Barravi, Tholose notario, et Sicardo Nicolaii^, burgense
Albie, testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatts, et me
Helia de Bomo, clerico lemovicensis diocesis^ publico apostolica
etepiscopali albiensi authoritate notario, qui inpremissis omnibus
et singulis dum, sic ut premittuntur, agerentur et fièrent, una
cum prenominatis testibus, presens fui ; indeque requisitus hoc
presens publicum instrumentum^ quod per alium substitutum
meum, aliis occupatus negossiis, scribi et grossari feci^ recipi
hicque mea manu propria subscripsi et signo meo solito signavi,
una cum appensione sigilli magni et autkentici dicti domini nostrt
albiensis episcopi, in fidem et testimonium premissorum.
Ces statuts ne satisfont pas entièrement notre curiosité.
Nous avons vu qu'il y avait deux catégories de frères, les
prêtres et les laïcs ; mais quelles conditions fallait-il rem-
plir pour obtenir les lettres de fraternité ? Elles étaient cer-
tainement fort ambitionnées, puisqu'elles constituaient une
grasse prébende et qu'elles n'exigeaient qu'une besogne à peu
près insignifiante. A cette prébende étaient attachés, outre
1 Les Ghambert ont fourni des consuls aux XVI« et XVII" siècles.
' Guilhaume Nicolay, probablement le père de Sicard, était consul
d'Albi en 1367.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT- ANDRE 213
les avantages matériels que nous allons faire connaître, des
avantages moraux importants qui rejaillissaient même sur les
fermiers des biens de la commanderie ^
Le document que nous venons d' analyser est muet sur cette
question ; il ne répond pas davantage à celle-ci : quel était
le nombre des frères ? Il est dit dans un article qu'en cas de
déficit dans les revenus le nombre des frères peut être réduit^
jamais celui des pauvres. Dans une requête adressée par la
commanderie àTEvêqued^Albi, pour en obtenir la confirmation
de la donation de Téglise de St- Jérôme, on lit que les serviteurs,
tant prêtres que clercs, sont au nombre de trente environ
(jguasi triginta) 2. Cette expression, par son manque de pré-
cision, tendrait à démontrer que le nombre des frères était
indéterminé. Mazenx, dans ces comptes, n'en nomme qu'une
douzaine ^. A Tépoque où se déroulent les péripéties de l'in-
terminable procès intenté au commandeur Pelrous par les
consuls de Gaillac,ils ne sont plus que dix, dont huit prêtres ^.
Tout permet donc de supposer que le nombre des frères hospi-
taliers variait avec les revenus de l'hôpital.
1 Pour ne citer qu'un exemple de ces avantages moraux, notons que
les établissements religieux, comme la commanderie de St- André, étaient
considéFés comme privilégiés par la loi ; ils pouvaient par suite obtenir,
dans les procès, des lettres royales sur requête appellées lettres de com-
mittimus après la création, dans les Parlements, d'une Chambre des
requêtes. Au Parlement de Toulouse, disons-le en passant, cette création
eut lieu en 1543 ; mais la nouvelle chambre ne fonctionna guère qu'à
partir du 22 novembre 1574. Les lettres de requête et de committimus
contenaient deux clauses essentielles : la maintenue du requérant dans
tous ses droits prétendus pendant une année, la contrainte envers ses
débiteurs. Cf. Deux Livies de raison, Introd., p. 257-258.
* Pro cujus [hospitalis] servitio sunt continui quasi triginta servitores
tam presbyteri quam clerici. (Extrait des donations.) La requête n'est
pas datée ; elle semble être de la fin du XIV® ou du commencement du
XV* siècle.
3 Cf. Deux Livres de raison^ Introduction, p. 263, et Texte 202 à 212.
* On lit au verso du 2e folio de VExtratt de donations : Frères de
Sainct- André qui estoient pendant les poursuittes contre Pelrous : M
Anthoine Ëstellot, vicayre perpétuel. M'* Françoys Gastanier, pbre, M
Ambroise La Tour, pbre. M" Jean Maurel, pbre. M" Jean Méault,
pbre, M" Pierre Essé, pbre. M" Marc-Anthoine Bonafoy, pbre, M'*
Pierre Estienne, pbre, Pierre Bonac, M" chirurgien des pauvres. M"
Jean Beteihe, notaire royal.
214 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Mais quel était le genre de vie de ces frères dont la charge
était une vraie sinécure, puisque le soin des malades était
confié à des serviteurs et à des femmes ? Les statuts qu*on
vient de lire sont en quelque sorte le code de Tadministration
générale de Thôpital ; ils ne nous font pas pénétrer dans Tin-
timité de la vie quotidienne des frères. Les archives de la
commanderie possèdent un document de premier ordre à ce
point de vue spécial. Il porte pour titre : Costumas et ordC'
nensas delsfrayres del hospital de S^-Andrieu-de-Gualhac.
Les ordonnances qu*on va lire sont contemporaines des
statuts ; elles sont datées du 12 janvier 1391 (1392 en nouv.
sty.). C'est au moment où vénérable et circonspect homme
Pierre de Raymond Astier, nouvellement élu précepteur, va
pénétrer dans Thôpital pour prendre possession de sa charge,
que les frères hospitaliers, ayant à leur tête Jean de Fagia^
vicaire perpétuel, lui firent prêter le serment supra sancta
quatuor Dei evangilia tenere et invtollabiliter observare omnia
statuta et omnes observationes et consuetu dines antiquas etnovas
ejusdem hospitalis et pauperum ac fratrum.
Le préambule constate que las Costumas et Ordenansas éidÀeni
écrites dans un livre de papier à couverture rouge ; les frères
le présentent au commandeur et réclament leur insertion dans
Tacte de prise de possession *. En voici la teneur :
Ayso son las costumas et ordenansas dels senhors frajres
capelas, diagues, clergues et donatz del hospital de mos-
senhor Sanct Andrieu de la villa de Galhiac * vielhas et novel-
las autregadas per totz los senhors comandayres passats tro
lo jorn de huey ; en lasqualas los senhors frayres so en veraya
et tranquilla pocession tro lo dia presen.
1 La prise de possession avait lieu par Tintroduction du nouveau per-
cepteur dans r hôpital.
2 Une autre copie porte GttaMac; c'est ainsi que s'orthographie géné-
ralement ce nom de ville dans les comptes consulaires d'Albi de 1359-
1360.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 215
Article 1.
Del pa
Permyeyramen que lo dit senhor comandayre o lo procu-
pajre, costituit[z] • per el et per nos, nos deu donar una micha
per lot lo jorn, sy no voliam mangiar al reffector, o mieja
per lo dignar o autra mieja al sopar, al cas que no vol g u es-
son dignar o sopar al dit reffector ; la quala micha deu esser
del nombre de sayssanta michas al sestier ^ moult al bordoles
et passât al cédas megaussier ^ nj trop prim nj trop gros.
Art. 2.
Del vy
Item, lo vj, de Sant Miquel ♦ tro a Pasquas, tôt pur ses
ajgua, et de Pascas tro Sant Miquel, asagat competemen.
Art. 3.
Dbl gompanatgb de matt
Item, deu nos donar mieja pessa de moto bo et sufficien,
de dos en dos capellas, de maty, ho de autra carn valen mieja
pessa de moto, segon lo temps en que seriam ; et a diages et
clergues de très en très la porcion de dos capellas.
Art. 4.
Dbl gompanatgb del sbr
Item, al sopar devem aver una pessa de moto devesida ^
entre très talhadas ^ am lo potatge acostnmat, segon lo temps
en que hon sera.
* Autre copie : costetuit,
* Le sétier de Gaillac égale 138 litres ; il se divise en émine, quartière,
demi-quartière, et boisseau. L'unité supérieure vaut deux fois l'unité
inférieure. — Faut-il traduire moult al bordoles par moulu à la façon de
Bordeaux? La ville de Gaillac était, à l'occasion de son commerce des
Tins qu'elle y transportait par eau, en communication fréquente avec ce
port de mer.
s Mejatùssier, moyen ; le sens de ce mot est expliqué par les mots qui
suivent.
* 29 septembre.
^ Autre leçon : divisada,
* Morceaux, portions.
216 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Art. 5.
Dbls jorns om no manja carn *■
Item,los jorns hom no manja carn, comavendres, sapdes e
temporas^ ho de juns,^ devem aver miech carto de formatge
dematj^cascun capella, etmay très huous crus o cu6tz, segon
que los volram, et dos a cada clergue.
Db las PITANSAS '
Item, la pitansa del vy clar, ajssi coma so acostumadas ny
80 escryptas * de jotz.
Art. 6.
Dbls jorns quant hom vb db foras
Item, se se endevenia que negun frayre capella o diague o
cierge vengues de foras vila, o de far las besonhas necessa-
rias, quely sia baillada lamicha acostumada cal que horaque
vengues, se no volia manjar al reffector.
Art. 7.
Dbl pbrmier dia db CARBMA BT DBL SBapN
Tôt permyeyramen es acostumat que lo permier dia de
Carema, so es assaber lo mecres et pueys may lo jous après,
per cascun de aquels dos dias, devo aver a taula pors "^ et ung
arenc de dos en dos, et peys fresc et ris et figuas meladas am
avelanas et rasins melats et vy de pitansa> los dos dias desus.
Art. 8.
Dbl lus bt mars gras *
Item, lo lus et lo mars gras de Carmantrans era acostumat
autramen* que totas las causas desus dichas donava hom a' n
* Autre leçon ; Dels joims caremals,
* Quatre-Temps.
* Jours de jeûne,
* Autre leçon: et may. Elle est mauvaise.
* Pitansa a pour étymologie pita^ quart du denier, parce que, à l'ori-
gine, la pension quotidienne fut d'une pite.
^ Autre leçon : Et escriptas dejots.
' Nous trouverons à l'art. 12 et à d'autres ; potres, poireaux.
* Autre leçon ; Dels dos jorns de Caramanlrans .
* Autre leçon qui nous paraît la bonne : anciennement.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT- ANDRE 217
aquel que la manjava ^ aquels dos dias; mas aras no sj dyna
hom, sy no d'alscans, per que es transportât al mecres et al
jous ; ampero sj negun n'avia que manjar la volges, los ditz
dos dias de Carmantrans, donaria lor hom coma los autres
dias per semmana es acostumat ; o sj n'y avia que volguesso
de junar, dara lor hom et arenx et spinarts ; et las autras cau-
sas coma se apart de aquels que de juno.
Art. 9.
Del fermier vendres de gariïima
Item, lo venres après, als senhors capelas, dos arenx de
dos en dos am spinartz, et après favas et puejs très noses; et
en ajssi per totz los vendres de carema; et als cierges am
los diagues et los autres adordenatz, de dos en dos ung arenc.
Art. 10.
Del fermier sapde de carema
Item, lo sapde après, pureja et merlus de dos en dos très
pessas del cartier ; et no devo far mas très pessas del cartier ;
et après pezes et noses ; et en ayssi per totz los autres [sap-
des]^ de Carema, am salsa de alhiada'.
Art. 11.
Del fermier dimbrge de carema
Item, lo dimerge après, al dignar, pors am merlus et am
salsa ; et al sopar arenx, de dos en dos ung arenc, et fresas ^,
a las vegadas bonhietas ^; en ayssi per totz los dimerges del
Carema.
1 Autre leçon: Mangiavo,
^ Au lieu de sapdes qui manque sur la leçon qui nous a paru la
moins fautive, nous trouvons dans une autre : dias,
3 Sauce à l'ail.
* Il faut probablement entendre par fresas, non le fruit du fraisier —
les fraises ne sont pas si précoces — mais une pâtisserie.
• Le mot n'est pas encore disparu, pas plus que la chose au reste.
Dans les montagnes de Lacaune, on fabrique des bougnetos avec de la
viande de porc hachée menue, de la mie de pain , du lait et des œufs
pétris ensemble.
'5
218 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Art. 12.
De la fbsta de St-Peyre de la Cadieyra
Se se endevenia que la festa de la Cadieyra de sanct-Pejre
fos en Carema et cases ad vendres, o en aultre dia que di-
merge no fos, devo aver porres et merlus et arenx, et pueys
rjs et noses ; se ad dimerge venia, devo aver coma desas, et
al sopar frezas am merlus et noses et vy de pitansa.
Art. 13.
Item^ se casia la ditta festa en temps de carn manjar devo
aver porres am carn salada et carn de moto o de buou ; et al
sopar raust de porc o de moto ; vy de pitansa.
Art. 14.
Del jous de mibja carbma
Item, lo jous de la mitât de la Carema, es acostumat de far
un revit gênerai * per totz los frayres que so mortz ; et devo
aver porres et arenx et peys fresc am ris et ûgas et avelanas
am raisins melatz et pitansa de vy bo.
Art. 16.
Dbl dia de nostra dona de mars
Item, lo dia de la Mayre de Dieu, pors et arenx am merlus,
ris et noses et vy de pitansa.
Art. 16.
Dbl dia de rams
Item, lo dimerge * de Rams % al dignar, porres, arenx, peys
fresc ; al sopar, ris am arenx et noses. Devo far fogassa* als
senhors et devesir aquela a taula al dignar, et pitança de vy.
Art. 17.
Del jous sanct
Item, lo jous sanct, porres, arenx, peys fresc et avelanas et
ris, figas am las ditas avelanas ' et vy de pitansa.
1 Service funèbre d'anniversaire.
« Dans les comptes consulaires d'Albi 1359-1360, on trouve Dimengue
et Dimergue pour a dimanche ».
* Rameaux.
* Gâteau.
> Autre leçon : meladas, avelanas.
DE LÀ GOMMÂNDERIE DE ÔÀINT -ANDRE 219
Art. 18.
Del SAPDfl SANCT
Item^ ]o sapde sanct, en ayssi meteys coma lo jous sanct.
Art. 19.
Del dia db pasgas
Item, lo dia de Pasquas, broet o janat^ am carn de porc o
de moto, am carn salada, am lo raust del anhiel pasqual et
pitansa de formatge fresc ho salât; al sopar, raust de porc ho
de moto et pitansa de vj et de formatge ; et maj los dos dias
après del ser et de matj.
Art. 20.
Del lbndbma
Item, lo endema, sabrie simple am carn salada et de fresqua,
coma desus ; al sopar, raust de porc o de moto ; formatge, ut
aliis diebus.
Art. 21.
Del tbrs jorn
Item, lo ters dia, spinartz am carn salada et de fresqua,
coma desus ; al sopar, raust, de dos endos mieja pesa vaJen ;
ajtan metejs al sopar he de fromatge.
Art. 22.
Del fermier megres de Pascor ^
Item, del premyer mercres de Pascor entre a Sanct Mi-
chel, devo donar, de dau ser ^ a cada capela, del broet en
que sera cuecha la carn, a'n aquels que ne volran.
1 Faut-il rattacher, comme le suppose M. H. Teulié, janat à bajanat
qui, dans la langue d'aujourd'hui, se dit d'un pain incomplètement cuit
et, dans Mistral, a le sens de décoction ? Doit-on au contraire, suivant
ITiypo thèse de M. Louis Rouanet, le rattacher à janado^ feu de joie ?
Quoi qu'il en soit, janat paraît bien désigner une grillade. ^ Broet oja?iat
am carn de porc o de moto> semblent devoir se traduire par : c Viande
de porc ou de mouton en sauce ou grillée » .
* Temps pascal.
3 C'est-à-dire al se7% le soir. En effet l'intitulé de cet article, dans
une autre copie, est : DA potatgie d'au sser.
T20 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Art. 23.
Del MECRB8 DB Pasquor
Item, devo aver, de Pasquas tro a Pentecosta, fresas am
cam salada et am carn ficesqaa de moto ; al sopar, carn bol-
hida de moto o de autra carn. Se casia festa dobla, raust, al
sopar, de porc o de moto.
Art. 24.
Del jous de Pasquor
Item, lo jous, spinartz am carn salada et am carn fresqna ;
al sopar^ raust. Et en ajssi entre a Pentecosta. Et tôt autre
dia de carn manjar, qae sia vespra de temperas o de Tigillia,
devo aver raust per tôt Tan compllt, et dimerges et festas
doblas ; al sopar, raust.
Art. 25.
En GENERAL DEL DIVSNDRBS ET SAPDB
Item, lo divendres et lo disapde, la ung dia legums, et
Tautre pureja o broet am una pessa de fromatge a cada ca-
pela, del pes des us, et may très huous o cueg [s] ho crus de Pas-
quas entre a Pentecosta, la hun dia batuts et Tautre jssilats * ;
et de Pentecosta entro a las autras Pasquas, la ung dia
bolhitsa Tajga, et L'autre, batuts ho jssillats, am la salsa que
se apertendra, segon lo temps '.
Art. 26.
Dbl[s] luges PER SEMMANA
Item, per semmana, lo lus, sabrie simple entro a Sanct
Michel am carn salada entro a Pentecosta, et am fresqua de
carn de porc ho de moto ho de buou, segon lo temps. Et ayssi
per tôt Tan ; al sopar, carn bolhida. Als autres dias spinarti
ho fresas, segon lo temps.
1 C'est-à-dire une fois en omelette, une autre fois faits à la poêle.
* Nous avons trouvé, dans les comptes consulaires d'Albi, une autre
façon de préparer les œufs : c'était la fromafjada. On râpait du fro-
mage dans des œufs, on battait ensemble comme pour Tomelette. On
saupoudrait ensuite de sucre.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRÉ 221
Art. 27
DbLS DOS DIAS DE ROOASOS
Item, a las Rogasos, al dignar, legurus novels ho vîels am
formatge, et am huoas et nozes, o merlus o autre peys fresc.
Art. 28.
Item, no devo ges sopar, mas tant solamen dono una
micha am pitansa del vj ; et meto la sas lo dressado ; et
manga que mangar vol ; quar d'al res no so tenguts.
Art. 29.
Del ters bia
Item, lo ters dia de Rozas S que es la vespra de la Assen-
sion, legums novels, quy no pot trovar, sy no de viels, et
formatge et huous, et pueys flans * am sucre et nozes ; lo
ser beure tant solamen de bon vy.
Art. 30
Del dia de la assbnsion
Item, lo dia de la Assension, al dignar, janat am carn
salada et am carn de moto ho de porc et pytansa de vy bo.
Art. 31.
La vbspra de Pentecosta
Item, la vespra de Pentecosta, favas novellas o pesés am
formatge ; après flans am sucre ; al ser, beure de bon vy
am frucha.
Art. 32.
Del dia
Item, lo dia de Pentecosta, al dignar, janat am carn sa-
lada et am carn fresca de porc ho de moto; après vyvayrol ^,
ï A remarquer cette forme de Hozas^ Rogations.
* Autre leçon : flars.
3 Nous avions d'abord écrit vi/ vayrol en deux mots. Mais l'article 44
prouve surabondamment qu'il ne s'agit pas d'une variété quelconque de
vin à opposer, par exemple, à vy de pitansa. M. Louis Rouanet serait
tenté de faire de vyvayrol un substantif verbal, comme viande [vivenda).
222 LES STATUTS ET LES COUTUMES
et pueys pitansa de bon yj, et de maty et de ser. Al sopar,
raust de porc ho de moto et formatge, los dos dias après.
Art. 33.
Los LUSSES ^
Item, lo las après, sabrie simple am carn salada et am
carn fresca. Et en ayssi per totz los lusses de carn manjar,
se no que fos festenal, entro a Sanct Michel. Al sopar, raust
de porc ho de moto et vj de pitansa ; matj et ser de for-
matge.
Art. 34.
Lo BIARS
Item, lo mars après, cauls^ blancs, se on ne trova, o spi-
nartz am carn salada et carn fresqua ; al sopar , coma desus
de formatge.
Art. 35.
Las temporas de pentecosta
Item, las temporas, al dignar, favas novellas , ho aultres
legumsam formatge am huous ho pejs fresc, ho de salât et
nozes ; al ser heure.
Art. 36.
General
Item, lo jous apres^ coma es script entro Pasquas et Pan-
thacosta ; al ser raust, et en ajssi per tôt lo an.
Art. 37.
Lo VENDRAS ET LO SAPDE
Item, lo vendres et lo sapde, en ajssi coma es script entro
Pasquas et Panthacosta.
dont il faudrait chercher Têtymologie dans vivere ou bien un dérivé de
varioluSy varius^ d'où le mot français «bariole». Dans tous les cas l'ar-
ticle 44 permet de traduire ce mot par omelette. On lit en eflet dans les
comptes consulaires d'Albi de 1359, f» II v : Item per huous et per fro-
matges per far fromatjadas : Dans les deux articles il s'agit, sans conteste
possible, d'un même mets, c'est-à-dire d'une omelette au fromage qu'on
saupoudrait de sucre, ainsi qu'on le constate au fo suivant des mêmes
comptes Cf. dans Mistral : vivaràu, bibaroUy s. m. Espèce de bouillie
en Béam (1674).
1 Forme pluriel de «lus », lundi.
^ Choux, aujourd'hui caulet.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 223
Art. 38.
LO DIMERGE
Item, lo dimerge après, coma es script entre Pasquas et
Pantacosta, tant dels dimerges que quant dels autres dîas
per sempmana.
Art. 39.
La F£STA db nostrb senhor
Item, lo dia de la festa de Nostre Senhor, al dignar, ginas *
senso janat am carn salada, am moto, ho porc ; al sopar,
raust de moto o de porc et pitansa de bon vy, maty et ser, et
formatge, ut supra.
Art. 40.
La vespra de sanct johan batista
Item, la vespra de sanct Johan Batista guinas, al dignar,
et legums novels ho viels am formatge. Item, flans. Item, lo
ser heure al reffector.Et en ajssi per totas las autras vigillias
de tôt l'an ; exeptat que las guinas et las autras fruchias devo
donar segon lo temps; vy de pitansa.
Art. 41.
Del dia
Item, lo dia de Sanct Johan Batista, al dignar, coma los
dimerges ; al sopar, raust de porc ho de moto ; vy de pi-
tansa.
Art. 42.
La vespra de sanct peyre
Item, la vespra de sanct Peyre et de sanct Paul, al dignar,
porres am fromatge ; après peys fresc et pueys fruchia de
maty et de ser ; a la collation, vy de pitansa.
Art. 43.
Lo DIA
Item, lo dia, al dignar, petyt oya am menusas^ d*auquas
ara lo raust am moto ho porc et carn salada. Item, vyvayrol.
^ G. a le son dur ; nous allons trouver à Tart. 40, guinas^ sorte de
cerise.
' Abatis.
224 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Item, pitansa de vj et de fruchia. Item^ la ser, raust de las
auquas o de autra carn.
Art. 44.
Nota bkne
Item, sy la festa de sanct Peyre et de sanct Paul venia a
divendres ho a disapde, devo donnar porres am formatge et
peys fresc de bolhit et de rostit am merlus , et pueys vy-
«
vayrol de formatge et de huous, et sy qualqua autra festenal
fos, devem adver aquo meteys am pitansa de vy,maty et ser,
coma dis es.
Art. 45.
Del potatge del dimerge après sanct peyre
Item, devo donar cogas * per cascun dimerge james que
comenso de esser ; et eysso a luench que duro.
Art. 46.
La « AD VINCULA » DE SANCT PEYRE ^
Item, en la ad vincula de sanct Peyre, coma una autra
festa dobla, am pitansa de vy et de formatgie ; et de ser
raust.
Art. 47.
Item, la vespra de sanct Laurens, fruchia.
Art. 48.
La vespra de la mayrb dieu
Item, la vespra de la Mayre de Dieu de Aost, al dignar,
broet am huous fach, et après formatge et pueys peys fresc.
Item, lo ser, heure ; de vy bo maty et ser. Item, frucha. Et
ayssi coma dis [esj la vespra de sanct Johan.
Art. 49.
Del DiA
Item, lo dia de la dicha festa, al dignar, porres o janatara
moto et porc, et pueys vy vayrol et fruchia am formatge.
Item, lo ser, raust, am pitansa de vy, maty et ser ^.
1 Gâteaux.
2 Fête le 1" août.
'^ En marge ou en interligne, dans cette page, on lit : La vespra de
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 225
Art. 50.
De la Nativitat db Nostra dona *
Item, la festa de la Nativitat de la mayre de Dieu, al dignar,
porres am moto et porc et carn salada et pitansa de vy,
maty et ser; al sopar raust. Item, vyvayrol, coma dis es lo
ser de Sanct Peyre.
Art. 51.
La Vespra de Martbro'
Item, la vespra de Martero, porres am formatge et peys
fresc 0 de salât, bo>hit o rostit; lo ser heure de bon vy.
Art. 52.
Lo DIA DB LA FESTA
Item, lo dla de la festa, porres am carn salada et am carn
grossa am vyvayrol ; et al sopar, raust de porc ho de moto,
et pitansa de vy, maty et ser, am formatge.
Art. 53.
Del DIA DE Sanct Marti'
Item, lo dia de Sanct Marti, devo aver coma las autras
festas dohlas et pitansa de vy novel d'au ser et de maty, et
formatge.
Art. 54.
La Vbspra DE Sanct Andrieu *
Item, la vespra de Sanct Andrieu devo aver peys am mer-
lus am arencz, et pueys peys fresc et ris se em als Avens, et,
se em en carnal ^, formatge et figas, advelanas et rasins
melats; et devo heure de hon vy, al ser, a la collation.
St Betihomieu, la vespra de St Mathieu, la vespra de St Symon et Jude,
fnichia segon lo temps.
ï Fête, 8 septembre.
2 Fête de la Toussaint. On dit encore Martror pour désigner la fête
des morts, 2 novembre.
^ Fête, 11 novembre.
* Fête, 30 novembre.
* Jour où il est permis de manger de la viande.
226 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Art. 55.
Del dia
Item, lo dia de la festa, porres am carn salada et carn de
porc et de moto am vyvayrol ; al sopar raust de tessonas '.
Sj la festa casia en advens devo ad ver porres am arenx, de
dos en dos ung arenc, et peys fresc de bolhit et de rostit am
merlus et ris am sucre, figas, avelanas am rasins melatz am
pitansa de vy bo tôt lo dia.
Art. 56.
Item, lo jous d'avan los advens dono om broet am galinas,
am squinas de porc saladas, a dos capelas mieja galina, am
carn grossa; al sopar^ pitansa de bon vy et de formatge. Et
en ayssi los jous d*avan carema.
Art. 57.
Del Dimergb de Avbnx
Item, lo permier dimerge de Avens, donaprechan Carman-
trans ^ et dono am galinas am squinas de porc saladas et por-
res a dos capellas ; al dignar, mieja galina et carn grossa am
vyvayrol ; al sopar, als capelas de dos en dos nna galina et
pitansa de formatge, et de vy maty et ser.
Art. 58.
Del premier dia et segon di/v.
Item, lo permier dia et lo segon d*avenx dona om dos potat-
ges, la ung de ris et Tautre a la volontat dels ministres, am
arenx et merlus et huous, nozes et ôgas et salsa aquela que
apertendra. Et en ayssi per totz los autres dias de avenz,
exceptât que totz ges, tôt dia no devem aver ris ny arenz ;
cada ser beure.
Art. 59.
Dels dimergbs d'âvenx
Item, los dimerges d'Avenx, al dignar, porres et merlus;
al sopar, ôgas, arenx et merlus.
1 Truies.
* Nous avouons ne pas saisir le sens exact de ce membre de phrase.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 287
Art. 60.
Dels bivbndres d'Avbnx
Item, totz los divendres d'Avenz, arenz et merlus et nozes,
etnng aultre potatge tant solamen.
Art. 61
Item, la vespra de Sanct Thomas *, fruchia.
Art. 62.
De la Vespra de Nadal
Item, la vespra de Nadal, ris et pejs fresc, ûgas et avelanas
et pjmen *, neullas ' et bon vy de pitansa, maty et ser.
Art. 63.
Del dia
Item, lo dia de Nadal, caulx am carn salada et carn grossa
de doas am vyvayrol, am pymen et neulas. Al sopar, coma
al dignar, et vy de pitansa et formatge, maty et ser.
Art. 64.
L'bndema de Nadal
Item, pymen et neulas per totas las octavas, cada dia dos
vestz, et a quatre neulas cada capela, et als cierges dos ; et
vy de pitansa los très jorns, maty et ser et formatge.
Art. 65.
De la octava de S. Estephe*
Item, tota la octava de Sanct Stephe, Sanct Jolian et dels
Ignocens, pymen et neulas, cada dia, dos vestz, et vy de
pitansa los très dias.
» Fête, 21 décembre.
* Le piment paraît avoir été considéré à cette époque comme un con-
diment recherché. Les consuls d'Albi en faisaient cadeau aux personna-
ges importants qui visitaient leur ville. On lit dans les comptes consu-
laires de 1359-1360 ; a VI de dezembre^ tramezen al jutge majer de Car-
cassona... IIII lbr.de cofimens en /a mola de muscadel etautra de pimen.
* Gâteaux faits de fleur de farine. Voir Du Gange, verb. nebula. Peut-
être des oublies ou des gaufres.
* Fête, 26 décembre.
228 LES STATUTS ET LES COUTUMES
Art. 66.
Dël dia db s. Johàn APRES Nabal^
Item, lo dia de San et Johan, que es lo ters dia de Nadal,
pebrada S se es dia de carn manjar, am carn fresqua de buoo
ho porc.
Art. 67.
Del dia de an nou
Item, lo dia de an nou ^ porres am carn salada et carn
grossa ; après pymen et neulas ; al sopar, raust. Et en ayssi
per las autras octavas, et vy de pytansa.
Art. 68.
Epiffania, de la vespra de la Tosania
Item, la vespra de la Tosania, dos vestz pymen et neulas
et vy de pitansa et potatge et conpanatge, segon lo dia. Item,
formatge.
Art. 69.
Del dia de Tosania* Epiffania
Item, lo dia de la Tosania, porres am carn salada et carn
grossa et pueys vyvayrol; al sopar, raust de moto ho de
porc, formatge. Item, pymen et neulas, dos vegadas, et per
totas las octavas dos vegadas per chascun dia.
1 Fête, 27 décembre.
2 Probablement sauce où entrait le poivre comme condiment.
3 II s'agit évidemment ici du 1" janvier, jour de l'an neuf ou nouveau.
Or, dans l'Albigeois, à cette époque et pendant longtemps encore, l'an-
née commençait le 25 mars. Il faut donc admettre que, si pour les actes
publics, si dans la langue officielle, l'année s'ouvrait le lendemain de la
fête de l'Annonciation, dans le populaire, dans les actes courants de la
vie, le véritable premier jour de l'an était resté le !•' janvier. De ce fait,
qui ne manque pas d'importance, nous avons trouvé une autre preuve
dans les comptes consulaires d'Albi de 1368-1369: La nuech (Tan nou
casec un tros de mur davan Vosdal de R. Terssac e rompec lo pal que era
davan. Or, c'est le 2 janvier qu'est faite cette constatation et que les
consuls mettent des ouvriers à la réparation de cette fortification en
bois (pa/, palenc) entraînée dans la chute du mur de Raymond Terssac.
* Tosania^ synonyme de Epifania.
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 229
Art. 70.
De la vespra de St-Ylari et del dya
Item, la vespra de Sanct-Alari ^ et lo dia, que ne devem
aver aytambe, ^ doas vestz ' per cada dia, et vy de pitansa,
lo dia et la octava. Item formatge.
Art. 71.
De la vespra de St-Vincbns et del dia
Item, la vespra de Sanct-Vincens^ et lo dia^ pjmen et neu-
las dos vestz et vy de pitansa. Item formatge.
Art. 72.
Item, lo dia d*avan la vespra de la Purifûcation, al sopar,
raost. Et en ajssi per totz los de juns et vigillas de tôt Tan.
Art. 73.
Item, la vespra^ très huons crus o cuetz chascun, am pezes
et formatge am nozes et vj de pitansa.
Art. 74.
Del dia de la Puriffication ^
Item, lo dia de la Puriffication de lamajre de Dieu, porres
am carn salada et carn grossa et vjvayrol. Item, al sopar,
raust de porc o de moto et pymen, se n'y a, et vy de pitansa
et formatge^ maty et ser.
Art. 75.
Del dioaus-gras
Item, lo jous d'avan lo dimerge de Carmantrans, al dignar,
broet et myeja galina, de dos en dos, am carn grossa, am
squinas de porcs saladas ; al sopar, raust de porc et pytansa
de bon vy et formatge maty et ser.
ni y a donc équivalence entre Ylari et Atari; la fête de St-Hilaire
est le 14 janvier.
* Aussi.
^ Vetz^ écrit également vêts dans les documents de l'époque, est syno-
nime de vegadas, fois; doas vetz^ deux fois, c'est-à-dire à chaque repas.
* La fête de St-Vincent est le 22 janvier.
5 2 février.
230 LES STATOTS ET LES COUTUMES
Art. 76.
Del DIMBR6UB GRAS
Item, lo dimerge de Carmantrans, al dignar, broet o janat
am galinas, de dos en dos mjeja galina, am squinas de porc
saladas, am carn grossa ; et paejs vjvajrol et formatge. Al
sopar, raust, de dos en dos una galina, am salsa et pitansa
de vy et formatge, matj et ser.
Le nouveau Commandeur, Pierre de Raymond Âstier, po-
sant les mains sur le Te igitur du livre missel, jura sur les
saints évangiles de fidèlement observer les statuts, coutumes
et ordonnances de l'hôpital, spécialement ceUes qui concer-
naient la nourriture et la table des frères. L*act6 se termine
ainsi : Acta fuerunt hec apud dictum locum de Galhiaco, annoet
die et régnante predictis^ in presentia et testimonio discretorum
virorum magistrorum Bemardi de Cadalonio^^ Pétri de Fonte^
baccallariorum in legibus, nobilium Guilhermi de Almonano,
Yzami Ebralhy ' domicellorum^ dominorum Pétri Raymundy,
Benedicti Atmaldi Roquas, Raymundi Arquerii^ presbiterorum,
Guilhermi Artolij VitaUis Campanesii^Petin Abel/ionis^Johannis
Julianij Pétri Ravalini, Raymundi Farsati^ etplurium aliorum
testium adpremissa vocatorum et requisitorum^ et mey Pétri
Pelros habitatoris dicti loci, notaini Tholose publicij qui^ re-
quisitus de premissis^ hoc publicum presens instrumentum recepi^
scripsi fideliter et grossavi et in fidem et testimonium premis-
sorum signo meo sequenti signavi.
Certes, au point de vue historique et philologique, les pa-
ges qui précèdent n'ont pas grand intérêt. Cependant l'orga-
nisation intérieure de l'hôpital de St-André est absolument
inconnue ; on a, jusqu'ici, recueilli peu de renseignements
sur les établissements charitables au mojen âge. Les statuts
' 1 Cadalen, chef-lieu de canton de rarrondissement de Gaillac.
* Les Elbrail avaient, au XVI* siècle, les seigneuries de Tonnac, de
Dalon, de Lacourtade, de Rouyre, la baronnie de Rivières. Un Guil-
laume Ëbrail, écuyer, figure dans les archives communales d'Albi,
au XIV* siècle : il paie 110 francs d'or pour avoir tenu garnison dans
l'église du prieuré de St-Michel de Lescure. (G. G. 432).
DE LA COMMANDERIE DE SAINT-ANDRE 231
que nous venons d'anal jser, sans combler une lacune, nous
font pénétrer plus avant dans la connaissance de Torganisa-
tion de la charité, dans une petite ville, au XIV siècle.
D'autre part, las costumas des frères hospitaliers, si elles
ne sont pas un document philologique de premier ordre, don-
nent un important spécimen du dialecte albigeois peu connu
des romanisants» On y trouve quelques mots nouveaux ; sans
doute la récolte n'est pas abondante ; mais les gerbes sont
composées d'épis et nous sommes de ceux qui n'hésitent pas
à ramasser même un épi.
AuG. Vidal.
OH! POUSQUÉ
Oh ! pousqué desfueia li roso,
Li roso blanquinello e roso
Que mirgaion lis ort,
E souto vôsti pas, à pleni man li traire,
Perqué vosto bèuta, e sis oulour, dins Taire
Mesclèsson sis acord !
Oh ! pousqué *nfada cardelino,
Roussigaoulet e calandrino,
Auceloun cantadis,
E li faire à plesi bresiha soun aubado
Pèrtoat ount vous plairié de pourta vôsti piado,
Rèino de Paradis !
Pousqué sempre coumandaTauro,
Pèr fins que flour, espigo sauro,
Li prado e li meissoun,
Quand vous espaçariés, davans vous se clinèsson,
Que piboulo e canèu, ensèn, vous murmurèsson
Sis ôumage bessoun !
OH! POUVOIR.
Oh I pouvoir effeuiller les roses, les roses blanches et les roses roses
qui émaillent les jardins, et sous vos pas à pleines mains les répandre,
afin que votre beauté et leurs odeurs, dans Tair, pussent mêler leurs
accords I
Ohl pouvoir enféer chardonnerets, rossignols el fauvettes, tous
oiseaux chanteurs, et les faire à plaisir gazouiller leur aubade, partout
où il vous plairait de laisser une trace de votre passage, reine de
Paradis I
Pouvoir toujours commander au vent, afin que fleurs, blonds épis,
les prairies et les moissons, lorsque vous vous promèneriez devant
vous s'inclinassent, que peupliers et roseaux murmurassent ensemble
leurs hommages géminés !
233 oh! POUSQUÉ...
*
Oh ! pousqué dis escandîhado
D'avoust amaisa li raiado
Em'eigagno e blasin,
Pèr madura 'perpaus frucho d'aubre e de souco,
Rendre dous, perfuma, proun fresc pèr vosto bouco,
E pessègue^ e rasin I
Oh I pousqué faire uno culido
D'estello palo, margarido
Di pradoun de la ni ae ;
Dins vôsti peu sedous li ramena 'bel-èime,
E vous courouna 'nsin de Taubenc diadèime
Qu*an pantaîa mis lue !
» ♦
Mai pecaire, ai ges d'ort, ni de roso nacrado,
Lis auceloun dôu bosc canton que se ié plais,
L'auro clino quand vôu lis espigo daurade
E li fueio dî frais ;
De Testiéu lis ardeur assecon li reviero,
E noun pode empacha Tescaudage di fru ;
Lis estello, toustèms, se clucon matîniero
Dins lou âermamen blu ;
Oh ! pouvoir des incendiées d'août apaiser les rayonnements avec
la rosée et la fine pluie, pour mûrir à propos les fruits des arbres et
de la vigne, pour rendre doux, parfumés, suffisamment frais pour
vôtre bouche, et pêches, et raisins I
Oh 1 pouvoir faire une cueillette d'étoiles pâles, pâquerettes des
prairies de la nuit ; dans votre chevelure soyeuse les semer à tout
hasard, et vous couronner aiusi du diadème d'aube que pour vous ont
rêvé mes yeux î
*
Mais hélas! je n'ai aucun jardin, ni aucune rose nacrée ; les oiselets
du bois ne chantent que lorsqu'il leur plaît ; le vent incline lorsqu'il
le veut les épis dorés et les feuilles des frênes ;
De Tété les ardeurs mettent à sec les rivières, et je ne puis empêcher
les fruits de se griller; les étoiles toujours se couchent matinales dans
le firmament bleu ;
16
234 oh! POUSQUÉ...
Mai n'en cabusso ges sus li como sedoaso
Di chato s'aliscant à Touro dôu leva
Bello, adouDc D*aurés pas lî causo miraclouso
Qu'aviéù pèr vous raival...
*
— Eque m'enchaute enfant, que vrai o noun m*avèngue
Ço que dins toun pantai me vouliés destina ;
Ai ma part de bonur quand counsèntes que tèngue
Moun front sus toun espalo un moumenet clina !
Ës-ti besoun de roso, e d'eigagno, e d'aubado ?
N'ai-ti pas toun sourire, e ti plour, e ti cant ?
Mai que lou dous rasin ta bouco es perfumado,
Ti labro moun te i'a béure mai refrescant !
Tis iue leva sus iéu, vese de farfantello ;
Se caresses moun peu, n'en gisclo de raioun ;
Yai^ leisso au ôermamen lis astre e lis estello,
Que, pèr me couronna, rèn noun vau ti poutoun !
Mais il n'en tombe aucune sur les chevelures soyeuses des jeunes
fîlles à leur toilette au moment du lever Belle, vous n'aurez donc
pas les choses miraculeuses que j'avais rêvées pour vous !...
*
— Et que m'importe, enfant, que réellement ou non m 'arrivent les
choses que ton rêve m'avait destinées ; j'ai ma part de bonheur lorsque
tu consens à ce que je tienne mon front sur ton épaule un moment
incliné !
Ai-je besoin de roses, et de rosée, et d'aubades ? N'ai-je pas ton
sourire, et tes pleurs, et tes chants ? Plus que le raisin sucré ta bouche
est parfumée, tes lèvres où trouver boisson plus rafraîchissante?
Tes yeux levés sur moi, et je suis éblouie ; si tu caresses mes
cheveux, ils deviennent rayonnants ; va^ laisse au firmament les astres
et les étoiles, car pour me couronner rien ne vaut tes baisers !
oh! POUSQUÉ... 235
Apren pèr toun gonvèr, enfant à Tamo cando,
Que m^encanto e me plais ta bello voulounta ;
S'aviés senti pèr iéa qu'uno passioun mens grande,
Bèn segur que jamai n'auriés pas regreta
De n'èstre pas mié-diéu pèr mestreja la terro,
E pèr mètre à mi pèd sa f ruche e si trésor
En place, prene adounc, pèr coumbla toun espère,
Ço que m'as pas oufri : e toun amo, et toun cor.
P. Chassary.
Mount-Pelié, 8 de jun 1899.
Apprends pour ton expérience, enfant à Tâme candide, que ta belle
volonté m*enchante et me ravit ; si tu n'avais éprouvé pour moi qu'une
passion mesquine, sûrement que jamais tu n'eusses regretté
De n'être pas un demi-dieu pour commander à la terre, et pour
mettre à mes pieds son fruit et ses trésors... A leur place, je prends
donc, pour combler ton espérance, ce que tu ne m'as point offert : et
ton âme, et ton cœur.
P. Chassary.
8 juin 1899.
NOTICE
SUR UN LIVRE DE COMPTES
DE l'Église de fournes (aude) *
Le manuscrit dont nous allons nous occuper appartient à
réglise de Fournes (département de TAude, arrondissement de
Carcassonne, canton de Mas-Cabardés). Il nous a été signalé
par un passage de Mahul, qui en donne quelques extraits.
Voici la transcription qu'il donne des premières lignes du
folio I.
« Sen siée se lo einventary dels juels et paramens de la gleisa de
Nostra-Donna de Fornas, baylhat per Bernard Turc, jurât del an
passât, à Arnaut Gros, jurât del an présent, et ly es estât baylhat,
dimendgé xj"*'del mes davost. Tan mil V« €• quatre, presens : Guiraud
Blanc, Johan Turc, Bernard Turc, Guilhem Teyssier, etc. »
« Et premieramen, un libre missal, complet, de pargam.
Item ung autre libre missal de pnsa.
Item ung autre libre missal, petit, vieilh.
Item lo ordenary per batasar.
Item ung cazous vieilh. notât.
Item may las letras de la licencia dels sous ?
Item lo testamen et très ypras (?) de messes mdts (?),
(suivent les vases et ornements d'église, etc.). ^
(Cartulaire et Archives de V ancien diocèse et de V arrondissement
administratif de Carcassonne^ par Mahul, vol. III, p. 17.)
* La première partie du présent travail (Introd. et Textes) a fait l'objet
d'une communication au Congrès des Sociétés Sav. tenuàTouiouse(1899),
et a été acceptée par le Comité des Travaux historiques pour le Bulletin
des travaux historiques et philologiques. Mais comme les remarques
grammaticales et le vocabulaire qui accompagnent les textes ne rentrent
pas dans le cadre du Bulletin des tr. hist. et phil,^ j'ai préféré confier
le présent travail à la Revue des L. Rom, où il sera mieux à sa place.
Je n'en remercie pas moins vivement le Comité des travaux historiques
])Our sa bienveillante décision.
^ Si on veut bien comparer cette transcription à celle que nous
donnons plus loin, on verra que Mahul n'a guère eu la main heureuse.
DE l'Église de fournes 237
Le manuscrit forme un gros volume de 27 centimètres de
hauteur sur 19 centimètres de largeur. Il est en papier très
fort avec vergeures. Il est formé de la réunion de dix cahiers
de dix feuilles doubles chacun : il a donc exactement200 feuilles.
II est protégé par une forte couverture en parchemin. La
première feuille de la couverture ne contient rien d'intéres-
sant ; le recto de la deuxième partie est occupé par un acte
de baptême de 1674, en français.
La première et la deuxième feuille du manuscrit ne sont pas
foliotées. La foliotation commence — en même temps que le
texte — à la feuille trois avec le chiffre i et se continue j usqu*au
chiffre xxiu inclusivement. Nous avons suivi dans nos extraits
la foliotation déjà commencée, ne voyant pas quel intérêt
nous aurions eu à la changer.
Je n'ai pas besoin d'ajouter que l'écriture est cursive,
qu'elle est quelquefois difficile à déchiffrer et que j'ai noté à
Toccasion les mots que je n'ai pas pu réussir à identifier.
Le recto de la première feuille (non foliotée dans le manu-
scrit) contient en haut de la page la suite d'un compte en écri-
ture du XVI® siècle dont le commencement est perdu. En
voici le texte :
[1« feuille] largen degut et baylat par Bernât Blanc p*^
Johan Turc ij scutz sôlel
Darde Teyssie xxj dobla *
les consols per paga
M0S8 G" Baduel ij L v ss
B. Steve xx ss
Art. Gros iiij L
Au-dessous: Pagua Ramon da silla* de...^ pariva per uferta vjd
près Peyre Coffant virât lan vc xvij.
Enôn la seconde moitié de la première feuille est occupée
par un reçu de 1642.
Le verso de cette première feuille est rempli en partie par
le texte suivant :
1 Le ms. semble porter dolla avec un trait traversant les deux /. Il
faut sans doute lire dobla (s) monnaie connue dans le Narbonnais. Cf.
A. BLANC, Substitution du fr. au prov. à Narbonne. Bull, hist. et phil.
(1897), p. 26 du tirage à part.
' Les Ilhes
3 Mot peu lisible : Candelurta? Candolurtaf
238 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
Jhon Perj resta a deure a la glejsa de Nostra Dama de Fomas la
Boma de (de) xv ss iiiij d. per causa de hun sestie de blat he de una
pipa.
[Au-dessous et barré :]
Resta a deure Amaut Bonnet plus viel a la gleyza de nostra dama de
Fornas la soma de j^ lieura js xd contât totas caussas coma es lano
ho lemeta qe avio mes e contât an les [présents barré] obries de la
gleyza coma es Arnaut Bonet Jhove de las Femadas he Jhon Blanc.
Au recto de la deuxième feuille se trouve le titre suivant,
en écriture capitale :
ATSSO ES LO. LIBRE. DE LA GLBYSA DE NOSTRA. DON A. DE. FOR-
NAS. EN LO. QUAL. ES SCRIPT LO. INVENTARI. DELS. JUBLHS. DE LA.
DICTA. GLEYSA. ET LOS CONPTES. DELS. JURATZ. DAQUBLHA ET.
AUTRAS CAUSAS. APARTENENS A LA DICTA GLEYSA COMBNSAT LAN.
SINCCENS ET DOS COMMA SEN SIEC QUIBUS.
Ce manuscrit est une sorte de registre où sont inscrites tous
les ans les redditions de comptes des deux jurés de l'Eglise.
Elles commencent en 1504 et se continuent d'année en an-
née, presque sans interruption, jusqu'en 1842. Le manuscrit
renferme ainsi des documents suffisants pour une histoire de
la modeste église de Fournes, pendant trois siècles et demi.
Nous laissons à d'autres le soin de récrire et nous nous con-
tenterons d'étudier la substitution du français à la langue
vulgaire dans ces documents.
II
Deux jurés sont nommés tous les ans pour administrer les
biens de l'église de Fournes. Quand leur administration est
terminée, ils sont Ai^i^elés juratz viels et les jurés auxquels ils
transmettent leur charge s'appellent /tira^z novels. Ils rendent
compte des dépenses qu'ils ont faites et énumèrent les j'uels
et ornamens qui appartiennent à l'église : calices, chapes, mis-
sels, etc. Ils rendent compte également de l'argent qu'ils ont
reçu et aussi de celui qu'ils ont prêté. Car ils prêtent, quoi-
que Téglise ne soit pas très riche. Quelquefois ils empruntent
eux-mêmes. Chaque emprunteur d'ailleurs s'engage à rendre
l'argent « à sa bonne foi » et a de jour en jour ». Quittance
DE l'Église de fournes 239
des dettes est transcrite à côté ou au bas de la reddition de
comptes le jour du paiement.
Les jurés étaient évidemment de petite condition, si on en
juge par les deux traits suivants: ils empruntent souvent de
petites sommes à la caisse de Téglise. De plus, la plupart
d'entre eux ne savent pas signer; exception faite pour quel-
ques-uns, les autres se contentent de faire inscrire leurs
noms au-dessous de leurs « marques et signes ». Ces marques,
il est vrai, ne se rencontrent qu'à la fin du siècle (1581) ; mais
on peut croire que les jurés du commencement du siècle n'é-
taient guère plus lettrés que leurs successeurs.
Les jurés rendent leurs comptes devant un groupe de per-
sonnes qui constitue une sorte de Conseil de fabrique. Nous
avons peu de renseignements sur ces auditeurs; le scribe se
conteute souvent de dire « et autres habitants du dit lieu ».
Quand ils sont nommés, ils ne sont pas plus capables que la
plupart des jurés de signer leurs noms et ils placent eux-
aussi leurs « signes et marques ».
Le rédacteur du compte est, il est vrai, ou doit être un
homme plus instruit. Nous trouvons parmi les principales si-
gnatures des comptes celle de Johan Perri capella (1520), De
Podio not(arius) (1522), Parency vic(ary) (1526), J, Gros
capp(ela) (1530 et plusieurs années suivantes ; il a encore si-
gné un compte de 1566), Boye cappela (1531), Mas, cappela et
secundary de las llhas per lan presen (1555-56-58-59, etc.).
Mais qui nous dit que tous ces signataires étaient capables
d'écrire leurs comptes en français ? Et s'ils en avaient été ca-
pables, auraient-ils été compris des jurés dont ils écrivaient
les comptes et du conseil qui les écoutait?
Il ne faut pas oublier que Fournes est un tout petit village,
au pied de la Montagne-Noire, loin de toute ville importante,
et que par conséquent le français y a difficilement chassé la
langue vulgaire. M. A. Blanc a montré, dans une intéressante
communication au Congrès des Sociétés savantes (1897. Cf.
Bulletin historique et philologique, 1897) que le français s'é-
tait substitué difficilement au provençal, même à Narbonne,
où pourtant s'est toujours maintenue une certaine culture lit-
téraire. Il a constaté que pour les Comptes de Clavaire « à
partir de 1540 tout est en français ». Pour les Compoisk par-
240 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
tir de 1561 le français est seul employé. Si la langue vulgaire
s'est maintenue si longtemps à Narbonne, nous pouvons pen-
ser à priori qu'elle s'est maintenue plus longtemps encore
dans lapetite localité deFournes et l'examen des textes ne fera
que confirmer nos prévisions.
III
Les textes du commencement du XYP siècle sont écrits
dans une langue assez pure. On remarquera dans le premier
de ceux que nous donnons des mots de la vieille langue comme
cazem, lumenaria, jueis, batejar; les termes ecclésiastiques
n'ont encore subi aucune influence française : mi'ssal, man-
dial, sobrepelhis, amit, manipol. Nous remarquons peu de tra-
ces de cette influence dans les comptes qui suivent jusqu'en
1572. Les comptes de 1566 sont d'une langue presque aussi
pure que ceux de 1504. Mais le compte de 1572 est écrit dans
une langue déjà fortement imprégnée de français. L'ensemble
est encore nettement languedocien, mais quelques mots im-
portants n'appartiennent plus à la langue vulgaire. Ainsi la
formule du début est française : le XXIll jours du moys de
novembre ; on trouve les formes dux et lur qui représentent
les formes françaises deux et leur. Plusieurs finales sont déjà
en e et non plus en a ou en o : cause véritable — Nostre Dame
— some — diche eglyse.
Dans le compte de l'année suivante (1573), les traces d'in-
fluence française sont moins nombreuses. On y trouve la
même formule française que nous avons vue plus haut :
le xxij jour du mois de may ; on trouve aussi quelques
finales en e à la place des finales languedociennes en o, mais
les formes languedociennes l'emportent de beaucoup sur les
autres.
Les deux comptes rendus de 1574 et 1575 dont nous
donnons les débuts sont aussi imprégnés de français. Par
contre, les comptes suivants — 1576, 1577, 1578, 1579 —
sont en languedocien assez pur, quoiqu'ils soient rédigés par
le même Rojres, qui a rédigé les premiers comptes où se
montre l'infiuence française.
Le languedocien est la langue dominante pour les années
DK l'Église de fournes 241
1581 (1580 manque) (sauf dans le compte de cette année la
formule du début qui est française : le 6 jour du moys d'aou&t)
et 1586 (les années intermédiaires manquent). Pour cette
année 1585 nous avons trois redditions de comptes. Les jurés
réparent ainsi la négligence dont ils ont fait preuve de 1581
à 1585. Les deux premières redditions de comptes se font le
même jour et sont rédigées par Royre. Mais avec la troi-
sième, qui a lieu un peu plus tard, nous retrouvons le nom de
Royre, et cette fois le français supplante le languedocien.
Le languedocien reparaît toutefois dans un compte de 1588
(ceux de 1586-87 manquent). Ce document est signé Royre,
mais la signature de Rojre est accompagnée cette fois de
six marques (jurés, consuls et habitants de Fournes). Pour-
quoi s'est-il servi de nouveau du languedocien, après avoir
déjà employé le français dans un compte précédent ? Les
comptes ont-ils été rédigés cette fois-ci en assemblée publi-
que, devant un plus nombreux auditoire, et a-t-il cru se faire
mieux entendre du public ?
Nous retrouvons le français dans les comptes rendus des
années suivantes : 1589, sous la signature de Cabanes phre^
1590-91-92, signés également Cabanes (un reçu de la même
année est pourtant encore en languedocien, cf. XXII), 1593,
avec la signature de Teissier^ recteur.
Le languedocien reparaît enfin, mais pour la dernière fois,
dans les comptes rendus de 1594 et 1595. Nous sommes, on
le voit, à la fin du XVP siècle. Mais dans le premier de ces
documents la langue a bien encore tous les caractères du
languedocien. Les mots suivants, par exemple, n'ont subi au-
cune influence française : jung — dins — gleyso — nostra
damo — loc — lour annado - toutos autros causas — reliquos
— largen quels an levât ~ que son estados donados — commo
son marquados^ etc.
I/inûuence française est au contraire très sensible dans le
document de 1596. Voici des mots qui ont encore les carac-
tères du languedocien : agost — presos que mesos — al basi
des percatori^ capo — agoust — confesse a deure. Mais en voici
d'autres qui sont français : somme — piese — monoie — sai-
sante — la dite glise — comme fête la présente — an resu —
oun randu — an presance, etc.
242 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
A partir de ce document, le français est seul employé ;
mais il reste pendant longtemps encore fortement imprégné
de languedocien. Les jurés continuent à être appelés juratz
vieil Qi juratz novek; la vieille langue résiste encore avec
des formes comme : candelye — cappes — blanques (compte
de 1609, f» 67, r*) et un compte de 1620 débute ainsi :
« Le dier jorn de may dans Tesglize de Nre Dame de Fourne
» Jacque Blanc et Jacque Sornin juratz viels de ladicte esglize hont
» fait le conte de leur anade a Anthoene Sablairoles et Pierres Cler-
» gue juratz no velz de lad. esclise..., »
IV
Nous pouvons nous arrêter à ce document : avec le compte
de 1621 récriture change et la langue est plus correcte. Les
textes que nous avons étudiés nous suffisent d'ailleurs ; ils
montrent que le languedocien n'a cédé que lentement la place
au français. La première trace d'influence française se re-
marque en 1572.
Les deux langues sont employées simultanément pendant
quelque temps, mais Tinfluence française est de plus en plus
forte et le languedocien reparaît en 1595 pour la dernière
fois.
Nous avons vu qu'il n'avait pa3 disparu tout à fait et que
le français se ressentait beaucoup de son voisinage. Rien
d'étonnant à cela : les jurés qui rendaient les comptes et les
personnes qui les écoutaient avaient peu d'occasions de par-
ler et d'écrire le français, partant de le comprendre. Quand
ils veulent rédiger leurs comptes en français, le dialecte
dont ils se servent encore tous les jours leur impose ses for-
mes et ses désinences. Les dernières pages de notre manu-
scrit que nous publions en appendice nous montrent que les
rédacteurs de comptes presque contemporains (1842) n'ont
pas échappé à cette influence. Il sufflra de lire ces derniers
textes pour voir que les marguilliers modernes n'écrivent pas
parfois une langue plus pure que leurs anciens confrères, les
jurés du XVI* siècle et du commencement du XVII*.
J. Angladb.
DE l'Église de fournes 243
TEXTES
I
[F® 1, r®] Siec se lo enventary dels juels et gamimens de la
gleysa de Nostra-Dama de Fornas baylhat per Bernad Turc jurât
de l'an passât a Arnaud Gros jurât de Tan présent; et Ij es estât
baylhat dimenge xj« del mes d'avost Tan mil v« et quatre, presens
Gniraud Blanc, Johan Turc, Bernât Turc, Guilhem Teyssie, Bernât
Ramelhieyra, Johan Coffand, Guyraud Veyres, P. Steve Perrj, Ber-
nât Blanc et Domenge ; et am lo conte dejotz escript led. Bernât
Turc demora quiet.
Premieyrament :
Ung libre missal cumplit de pargam.
Item ung autre libre missal de penitensa.
Item ung autre libre missal petit vielh.
Item lo ordenarj per batejar.
Item unh cazern vielh notât ^
Item may las letras de la licencia de la fons.
Item lo testament et très compras de moss. Vint (?).
Item una capa de seda blanqua am son garnimen.
Item una capa verda de seda am son garnimen.
Item una capa mesclada am son garnimen.
Item una capa vielha sens stola ny manipol.
Item très albas am lors amitz [et ung autre amit nou barré].
Item ung sobrepelhis.
Item ung calissi d'argen peza am la padelha.
Item ung calisse d*argen am sa padelha peza.
Item cinq toalhas et una panna trincada et viehl.
Item una capa de saty blanc que moss. Litur de Salsinhan Tavia
donada e no i a poy de manipol.
[F® I, V®] Item ungs perdos de XII cardenals.
Item una crotz granda de lato.
Item una lanterna.
Item ungs mandials prims [en marge trincatz et vielh.]
Item ung payrolet de l'aygua senhada.
Item ungna gazalha de fedas que te Johan CofFand qe y a coma apar
per instrument rendut (restât? ms, : R^) per conte (?) Bernât Turc.
^ En note : trincatz.
24 4 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
Item a baylhat lod. Bernât Turc ald. Gros quatorze liuras dos soutz
cinq d. xiiij L n s v d
Item a baylhat que deu Peire Steve la soma de très liuras treize
soutz onze d. iij L xiij s xj d
Item a baylhat que deu Bernart Steve conte fait ambelh metejs très
liuras. III L
Item a baylhat que deu Guiraud Blanc cinq soutz dets d. et dos
liuras cera. L. v s x d
(II L cera)
Item a baylhat que deu lod. Amaut Gros per dos motos que man-
jeren las gendarmas trenta et ung sout veit d. ^ j L xj s viij d
Item plus deu lod. Gros unaliura cera, j L cera
Item ly es estât baylhat que deu Peire Steve mage dedus vingt non
soutz et non demas tornas son. j L ix s ix
Pagat B. Steve en deduxio de Titem dessus ha nos B. Blanc et
Johan Turc. xv s
Pagat Pe Steve viel en deduxio de Titem dessus ha nos dessus d.
xij s vj
Pagat Guyraud Blanc en deduxio de Titem dessus a nos dessus d.
XV s
Pagat Peire Steve jove en deduxio de l'item dessus a Guyraud
Veyres en j cest. blat xv s
Plus per las mas de Johan Keyre a nos dessus d. xx s
II
[P<» S, p°J. A viij de septembre mial [Vo et cinq au-dessus de la
ligne] Arnaut Gros jurât de Tan passât a rendut conte a Johan Turc
et Bernât Blanc juratz de l'an présent et rendut totz los juelhs que
son contengutz al enventery davant escript.
Item lura baylhat et rendut una capa processional, una capamissal
am diague et sudiague et lur garnimens tôt de drap de damas fegurat
blanc la ont lod. Gros a mes l'argent que ly era estât baylhat per
Bernât Blanc Turc jurât davant et tôt l'argent que es estât amassât a
ladita gleysa compresa la lumenaria que a faita per sa annado.
Item lur a rendu tz dos minhes de seda roja que y a donatz mestre
Bernât Turc.
Item lur a rendutz totz los doutes que son escriptz a la pagena
davant escriptz.
Presens eran aldit conte Peire Steve jove consol, Darde Teyssie,
1 En note : Guiraud Blanc deu losd. xxx s.
DE l'Église de fournes 245
Peire vielh, Gairaud Blanc, Peire Perij jove, Ramon Turc, Bernât
Ramelhieyra, Bertran Gros de Fomas et jeu Johan Turc Notz que
ej eschpt lo présent conte et senhat de ma propria ma lez an et jom
dessus.
Turc Not.
Au-dessous :
Item plus a bajrlhat lod. Gros al susdit Johan Turc et Bemat Blanc
dos toalhas de tela de peret et unas autras toalhas enseradas que
foren ^ agudas per la saera de lad. gleysa. Fait Tan et jor dessus et
presens losd. testimonis et my.
Turc Not.
III
[F^ 2, V®] Dimendge a cinq de juUet mial v^' et sieys, Johan Turc
et Bernât Blanc, juratz de Tan passât de la gleysa de nostra dama
de Fomas, an rendutz los comptes de lur juratayria a Ramon Turc
et Guilhem Teyssie jove, juratz de Tan prezent; et an baylhat los d.
juratz vielhs als juratz novelhs toutz los juelhs et bes contengutz al
enventeri del présent libre ; et an pagat al marchant de las capas,
coma apar per bilheta, la somma de XXX It ; et deven losd. Johan
Tui'cet B. Blanc a la gleysa una liura dotze soutz et nondemas tor-
nas que deven pagar de jom en jom. Ëteran presens ald. conte Gui-
lhem Teyssie, Bertran Gros consol, Guiraud Blanc, Ârnaut Gros,
Peire Perrj vielh, Peire Steve vielh, Johan Blanc et jeu.
Turc Nots.
Item an baylhat losd. juratz vielhs en deute très liuras toraesas
que deven los hereties de Johan Teyssie jore dessus per la padelha
que avia perduda lod. Johan Teyssie, acord fait, et deven pagar a
nostra dama de septembre après en seguen XX soutz.
Item deven losd. hereties cinq canos de cera.
Item an baylhat losd. juratz en deute que son escriptz al présent
libre a tras.
D'une écriture plus grosse :
An pagat losd. heretz tant a B. Turc jurât de l'an v° et jx fenyt v*
etx XXX s.
Plus a B. Blanc jurât per Tan w^ et x fenyt v et xi.XXX s.et quitz.
* On lirait plutôt fonen ou foven.
246 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
IV
[F* 3, T^ ] A dos de novembre mial v^ et veit, ayem rendat conte
nos Johan Tare Notz et Bemat Steve, joratz de la gleysa de Fornas
per Tan derer passât, de qae, fayta la lamenaria de la gleysa et
pagatz nou escutz que eran degutz per argent qae la gleysa avia
amalhevat dels juratz de las Ilhas et per las canpanas et très florig
qae avem pagatz per bestial lanut comprat a la gazalha de la gleysa,
avem rendat a Bernât Tare et Bertran Gros, juratz de Tan présent, la
soma de XI soutz VIll dt; et lur avem baylhaten deates, coma apar
per ang rolle, la somma de ving veit liuras XII soatz XI d et lur
avem rendatz totz los juelhs a Tenventary davant contengatz. Et eran
presens aldit conte Guiraud Blanc, Gailhem Teyssie, Père Steve et
Jacme Steve [Père Bonet, Arnaat Bonet de lasFemadas ajouté à la fin
avec un renvoi] et per so jeu dit Johan Turc Notz ey script et senbat
lad. redda de contes lez an et jom dessus. Turc Notz.
[F* 6, ro] Le XX VIII dejulhet M. V« et XVI , avem rendut nostre
conte nos Bernât Blanc et Johan Turc, juratz de Tan M. C^ et XII
fenyt V<^et XIII, que avem rendut nostre conte ha Darde Teysie etR.
Steve, juratz de Tan M. V« et XIII fenyt V« et XIIII, que, rendutz
totz los juels davan sc(r) iptz, avem rendut tant en argen contan que
en deute la somo de quaranta et set liuras dos soutz et cieys d. ; en
los quais doutes son degutz ensi que hapar al rolhe aysi estaqat*.
Presen eran S« Johan Turc et Johan Rufec consolhs, Bemat Turc,
Bertran Gros, Arnaut Bonet, Bernât Hamelieyra, Darde Turc (écrit
au-dessus de Teysie rayé). Jonan Turc ita est,
VI
RBGONNAISSANCB d'uNB DBTTB PAR J. TURC
[po 8, r«] leu, Johan Turc Notz de Fornas, confessi a deure als
juratz et consols de Fornas la soma de sieys scutz de solelh que me
an prestada ; la quala somma de vj .V. solelh lur prometi rendre de
jorn en jorn en ma bona fe a Fornas. Testimoni la présent cedula,
fayta et scripta de ma propria ma, lo xiij jorn de mars mil v<^ xviij, a
Fornas.
[Cette cédule se trouve sur un morceau de papier rattaché
1 Quelque chose a été oublié ici par le copiste.
DE l'Église de fournes 247
tout récemment au folio viii** r^ par une bande de papier
gommé.]
VII
[F® 9, p®] L'an M. v« e xx, e lo xx"*« jorn de may, an redut lor
conte Ramon Turc e Arnaut Blanc, juratz de la gleysa de Nostra-
Dama de Fornas, a Bertran Gros e Arnaut Bonet, juratz de la dita
gleysa, jurât de l'an pressen ; e an redut los juelhs davan escrit e
1 quintal e x 11. metalh iiij 11. de sera e xxvj ss. Item an redudas las
causas sobreditas al dit Bertran Gros e Arnaut Bonet Juratz presens,
en presensia de Bernât Turc, Darde de Série e Jamme Esteve, Guilhem
Teysie, sen. Jehan Blanc, Bemat Esteve jove, Arnaut Bonet, Darde
Turc e me * Guiraut Veyres e de mj .
JoHAN Péri, capela.
[F^ 9, r°]. Au-dessous d'une reddition de comptes de 1519 se
trouve la mention suivante : Item an ressaubut los ditz juratz per
Vostal que es estât vendut de las Zilas la soma de xooviij Ll. t,,
[F° 10, r^*] Item avem prestatz a Darde de Séries de Targen de
Nostra-Dama de Fornas per lo loguie de las Ilhas la soma de très
liaras t. Présent Bernad Turc.
Pagat les hereties del susdit Darde la soma de trenta ss, t.
Pagat les ereties dessus dit v ss.
Paga Darde Turc per les dessus dit VI ss. VIII d.
VIII
[F° 12, po] L'an mil vc xxiiij et le denier del mes de julh, Johan
Blanc et Johan GofiTant, juratz de Fan passât, an rendut Ihos contes
dels juhels de la gleisa de Nostra-Dama de Fornas a sen. Bertran
Gros e Ramon Teychie de Séries, juratz novels de Tan présent de la
dita glesa de Fornas, a. s. que se conte hen le enventari susdit dels
ditz juhels ; et les ditz juratz novels de lasditas causas contengudas
en le dit enventari et de las ditas capas contengudas en le conte der-
rier passât tenen per presas et ressaubudas. Item les ditz juratz novels
tenen per ressaubutz xj s. t. de la borsa de Tobra de ladita gleisa.
Présent sen. Bemat Turc, mestre Guiraud Veires, Johan Goffant
jove, Johan Ruffec, Peire Perri, Anthoni Teychie et autres plusors
del dit loc habitans et jeu, dejost signât ; et de voluntat dels susditz
hej scrita et signada la présent bilheta.
Parbnci.
* Erreur pour de.
24 « NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
[F^ 12, v^] 1. 10... les quais tenen per prezes et ressaubutz, ansi
que apar aFenventari aisi derrier passât. Item les ditz juratz novels
tenen per prezes dos. Lt xv sz del bassi de la obra
IX
[F<* 13, p®] Le jorn de sancta Marta M. Vo xxvj, Johan Blanc jove
del loc de Fornas et Arnaut Bonet jove del mas de la Femadas, juratz
de l'an passât, an rendut compte de Ihor annada a sen Arnaut Blanc
del dit Ihoc de Fornas et Bernât Teichie del mas de Ceries, juratz de
Tan présent. Et Ihor an bailhatz totz les juels [conte barré] et les^
contengutz en le enventari al présent libre davant escrit. Et an rendut
compte de l'argent et deutes que lor era estât bailhat, que tôt comptât
so que an ressaubut et paguat losditz Johan Blanc jove et Arnaut
Bonet jove, lor an bailhat argent comptan très L. xj ss vij d. Et en
deutes una 1. ix ss vi) d. ; les quais deutes prometen de pagar lesd.
juratz viels als susditz juratz novels de jorn en jorn a Ihor bona fe.
Présents mestre Guiraud Veires, Bringuie Turc, consols del dit loc
de Fornas, Bernât Turc bailhe, Arnaut Bonet viel de las Femadas,
Philip Turc, mestre Johan Veires, Johan Blanc vielh, Johan Ruffec
et Perri Raimon Steve et Coffant de Fornas, Mfquel Teichie, Anthony
Teichie de Geries, et plusors autres habitans del dit loc et jeu dejost
signât que de yoluntat dels susditz hei scritz et signatz les ditz
contes.
Parenci, vie.
[En marge] :
Resta a deure lo susdit Johan Blanc iiij s. y d. per le con te de sus
escrit.
[Au-dessous et barré] :
Paga Jhon Blanc jhove la soma de x s. en deductiu de majhor
sema ; escrit a xxij de ginie Tan m^ yc xxx.
[D'une écriture plus pâle] :
Item plus paga xij s. ij d.
Item paga mai iiij s.
[F®13,vo]L'anm^ vc xxvij et lo xx jhorn del mes de julet, Arnaut
Blanc de Fornas e Bertran Teysie de Séries, juratz de Pan passât,
an rendut lor conte de lor annado a sen Arnaut Bonet de las Fema-
1 Sic; faut-il lire 6es?
DE i/EGLISË de FOURNES 249
das e Giraut Gros, jurats de l'an pressent ; he lor an baylatz totz
les juels con^engus en le enventari al pressent libre davant escrit ;
et an rendut conte de la argent (barré : he deutes) que lor era estât
bailat, que, tôt conta so que an ressaubut e pagat los ditz Arnaut
Blanc e Bernât Teytie,que lor an bajlat la argen contan très liuras;
en pressentia de sen (Jho barré) Bernât Turc bajle he Jhoan Blanc
cossol, Miquel Teytie cossol, mestre Giraut Veyres, Peyre Teysie de
las Fumados, Brengie Turc, Peyre Coffant, Jhoan Péri, Peyre Péri,
Bertran Blanc, Antonj Teysie, he de mj jhos escrit que ey eicrit le
pressent conte
JoHAN Blanc.
(Au-dessous, d'une écriture plus pâle) :
Restan a deure les ditz jhuratz viels la soma de très liuras x ss xd
coma es Arnaut Blanc he B. Teytie a cauza de uffertas que so
estados vendudas de lor annado.
Paga Arnaut Blanc xxxvij ss v. d.
Paga Arnaut Blanc .U Ll. a mj Jon Blanc jurât e Peyre Coffant
l'an M* Vc XXXV.
XI
[Po 14, r«] Jeu jotz signât confecy a deure a lagleisode Nostro
Damo de Fornos la somo de II L. III ss. e VI d. la qualo somo
aprometi de paga de jorn en jorn sus ma bona fe. Testimony mon
signet aisi de joz mes e ei faito la presen bileto l'an M^ V<: XXX e lo
très de abrial (non signé,)
XII
[F® 17, V*»] L'an mil v« xxxv et le xiii* jorn del mes de jun,
Johan Blanc jove, Peire Coffant de Fornas, juratz de Tan passât, an
rendut los contes dels juels e de Targen dels bassis de la gleiza de
Nostra Dama de Fornas als juratz novels que son Arnaut Bonet vielh
de las Femadas et Guiraut Cros del dit loc de Fornas ; et primo dels
juels et capas de la dita gleisa,las cals tenon per prezes et ressaubutz
aisi que apar a Tenventari aissy darre scrit.
Item an rendut conte del argen dels bassis et soma en tôt xiij ss
mj d. dels cals juels de sus escritz e lo (lai) argen lo [s] ditz juratz
Arnaut Bonet viel e Guiraut Cros tenen per prezis e ressaubutz.
Pressens Arnaut Blanc consol, Bertran Cros, Miquel Teysie de Ceries
e autres, Johan Blanc vielh, Arnaut [Blanc rayé] Bonet jove, et de
mi jotz signât etey faits los presens contes l'an e lo jorn sus.
Johan Cros, vicary de lazillas.
17
250 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
[Au-dessous et rayé] :
Resta a deore Guiraut Gros a la gleyza la soma de xviij s. de la
qualo soma desus dita apromet de pagar de jon en jon. Près, les
juratz Ârnaut Blanc et Peyre Esteve.
XIII
[F» 18, V*] L'an m. vc xxxij et xvij jon del mes de jhun, Arnaut
Blanc et Peyre Esteve, juratz de Tan passât, an rendut conte as juratz
novels, coma es Bertran Gros et (et) s. Brengie Turc, et an rendut
conte dels guels contengus^ en le enventary de tras escrit, les cals
juels tenen per ressaubutz; et an contât Targen que lor ero estât
baylat, que, tôt contât et so que an ressaubut et pagat, los ditz
iuratz viels an baylat as iuratz novels la soma de xv s. En presentia
de Ârnaut Bonet et Guiraud Gros, cossols, et de Arnaut Bonetjove
et de Arnaut Turc et de Guilhem Péri et de s. Peyre Gofifant et de Jon
Goffant et de mj que ey escrit le présent conte et de (my efifacé)
Guilhem Teysie.
John Blanc, bayle.
Restan a deure los juratz viels, coma es Arnaut Blanc et Peyre
Esteve, per derayracges de lor annado la soma de xiiij s. i. d.
Pago Peire Steve vii per sa part.
(Au-dessus : p (pago?) Peire Steve iiij. s. ii. d.)
XIV
[F® 19, r°]. L'an que hom conta m* v« xxxviij et lo xiiii® jorn del
mes de julh, Bertran Gros, Brenguie Turc, juratz de Tan passât, an
rendut los contes dels juelhs de la gleiza de nostra dama de Fornas
a sen Arnaut Bonet, Arnaut Turc, del dit loc, juratz novels de l'an
présent de ladita gleiza de Fornas, ansi que se conta en lo enventari
davanscrit. Item an rendut lo conte de Targen delsbassis que soma
en tôt veit L. xviij ss contàn presa e mesa.
Item los juratz susd. Arnaut Bonet, Arnaut Turc, tenen per res-
saubutz los juels de ladita gleiza e lo argen desus scrit.
[En marge : Peire Cofant]
Pressent Arnaut Diane, Johan Blanc bailhe e autres deldit loc
habitans e jeu jotz signât que ei scripta la pressent bilheta.
J. Gros vicari.
* On avait écrit d'abord contengùt.
DE l'Église de fournes 251
[po 28, v^. En marge] Resta a deure Bertran Blanc a la dita gleisa
jaL xvj s.viij d. faita son propi deate.
[po 20, r^]. Sapiant totzs presens [e] endeve[ni]dors coma sen
Johan Blanc jove confessa a deare a la gleysa de nra Dama de For-
nas 80 es la soma de viij L ix sz, laqiiala Boma de viij L ix sz promet
de paga de jom en jorn, en presensia des testimonis de sus scritz he
de me dejost signât. Fait Tan he le jorn coma dessus [1549].
P. LaGrosa *.
XV
[po 24, ro]. Sapian tottz pressens que Fan que hom conta mil v^
xliij e le xiij" jorn del mes de may Miquel Teissie del mas de Ceries
juridixion del loc de Fornas confessa a deure a la gleisa de Nostra
Damo de Fornas so es a saber la soma de xij L. xx ' ss. contan per
L. XX ss. la calo soma de xij L. ledit Miquel Teissie confessa a deure
e promet de paga d'aissi a la festa de Sanct Miquel propda venen. En
la presensia de Arnaut Bonet de las Femad. e Bertran Blanc cossols,
Johan Blanc bailhe, Brenguie Turc, Johan Goût, Guiraut Gros, Peire
Cofant, Johan Peirri, Fransses Gros, Johan Gofant, Peiri Steve, e de
my jotz signât que de voluntat del dit Teissie ey faita la press. cedu-
la Tan e lo jorn desus scrit per mi.
J. Gros cappela.
A côté de la signature et à gauche : Pago Miquiel Teissie vij L.
xij ss. a my Anthoni Gombas jurât de Tan M. V© xviij.
L'an e lo jorn de ^ sus scrit Arnaut Bonet maje e Bertran Blanc,
consola de Fornas, confessan a deure a la gleisa de Nostra Damo de
Fornas so es la soma de xij L. contan per L. xx ss. La calo soma dit
x\j L. confessan a deure e paga de jorn en jorn en la presensia dels
testimonis de sus scritz e de mi jotz signât que ey faita la press-cedula
Tan e lo jora de sus scrit per mi.
Signé : J. Gros capela.
XVI
[po 27, V®]. L'an e le jorn desus scrit * confessan a deure a la dita
gleisa Miquel Teissie et Benaseg Teissie la soma de xj ss. Item Ber-
* Même signature au compte qui précède : P. la crosa vie. F» 19, v» ;
P. la crosa capp.
' Ce chiffre est peu lisible.
3 Deux lettres sont effacées entre les deux mots.
« 1548.
«5? NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
tran Teissie conffesa a deure la soma de xij sa. et so per caasa de
Jana que les gusditz Teissies an conprada de ladita. La cala soma pro-
meto de paga de jorn en jorn en la pressensia desus scritz (scritz
répété) et de my.
Gros, cappela.
XVII
[F^ 30, v®]. L'an mil V<* cinquante e dous e le xxviij^ del mes de
agoust, les juratz viels de Tan passât, que eron Arnaut Bonet e Ber-
nât Ferran, an rendut conte als juratz novels que son de pressenz so
es Peire Coffant e Guilhem Perri, juratz de la presenz gleisa de Nos-
tra Damo, an rendut conte premieiramen de Targen. Primo hi a en
aver set escutz del Solhel e ung scut de Spanhia e en monedo xij L.
contan per L. xx ss. soma en tout la soma de trenta L. la calo somo
le [sic] susditz juratz Peire Cofant e Guilhem Perri teno per resseaudo
en set scutz del solhel e xij L. en monedo.
Item tenon per prezes dos calissis de argen e abilhamens de damas
blanc, capo missal an son garnimen, capo prossecional e diagues e
autres abilalmens [sic] que tout so de sus tenon per près e resseuut
les ditz juratz. En la pressensia de Ânthoni Teissie consol e Peire
Cabrie, Peire Steve, Johan Goût, Johan Turc, e autres del dit loc de
Fornas e de mi jotz signât que ey scrit le press conte l'an e le jorn de
sus crit per my.
Signé: Gros, capela.
Resto a deure Bemat Ferran per ufertos vendudos v ss. viij d.
Arnaut Bonet resta a deure per son deutes a fait a la gleisa jx ss
V... * d.
XVIII
[F* 39, r<^] L*an milo cinq cens soixante et quatre a le vintres de
abrial, an redut conte lous discretz homes, so es sen Peire Blanc et
RamonTurc, juratz de la gleyso de nostraDamo deFournos per Tan
milo cinc cens soixante et très, so es a Arnaut Gros et Miquel Turc,
juratz de la dite gleyso per Tan présent, et an redut conte de v
{rayé) albos gamidos de vêles et courdos. Item an redut dous calises
d'argen. Item un sobrepelis. Item v corporlals. Item la capo blanco
de damas figurât et la pposesiuyrnal et diages. Item un autre capo de
mors de mego oustodoet la capo prosesiuenal et diages. Item un autro
^ Une partie du chiffre est effacée.
DE l'Église de fournes «s s
eapo de sedo blanco et bous garnimens ses diages. Item uno capo
roQgo e 808 garnimens. Item uno capo dels joves obrans e sous gar-
nimens. Item V toualos. Item xj roguetz. Item an redut libres et
antres causes del evetari como apar al libre. Item an redut d'argen
esmoncin (?) la somo de 3 Lt. 8 ss. et un pistolet fais laqualo somo
estavo meso entro las mesos de Arnaud Gros et Miquel Turc, juratz
de la dîto gleiso per Tam présent milo v^' Ixiiij. Présent Âuthoni
Teichie et de Gulem Péri, cossols del dit loc, et de Joban Teycbie de
las Femados et de Bernât Feran et Ouillem Blanc et de Peire Cofant
et de Johan Perl et do Johan Goût paire et fil et Jame Cabrie {ce der-
nier mot ajouté en marge) tous del dit loc et de Cristol Teychie del
camas de Séries et de mijos signât. Permj. B. Steve.
XIX
[P*> 41, po] Le XIX del mes de novembre mil s^ LXV pagua sen
Peire Quoifant del loc de Fornas a sen Guilhem Perj, jurât de Tan
presen de la gleisa de Nostra Dama de Fornas la some de j Lt.
XV 88. ij d. de toutsaus que restava a deure a la gleisa. Es presens
sen Johan Guot et de Guilhem Blanc, andous del loc de Fornas, e de
my que ey escripta la présenta bileta. Marc.
XX
[F<* 41, v^] L'an et le jorndesus scrit en la pressensia de testimo-
nis Buscritz, jeu de jotz signât me teni per pagat et conten de la
soma de IX francs XViij ss et so per le cervici del purgatori ; de la
calo soma quiti Guillem Perri et Jaume Teissie, juratz de Tan M v*
LXVj et le XXVj de mai faite la press. cedula per mi.
J. Gros cap.
[Ce reçu est barré]
XXI
[F* 42, ro]L*an mil V« LXVI e le XXII del mes» de julhet, Johan
Goat, filh de autre Johan Goût, e Frances Gros, juratz de Tan press.
de la gleisa del press. loc de Fornas, an bailhat a Johan Teissie
jove, filh de Ramon Teissie del mas de Geries, en conssentimen de
808 fraires Jaume e Johan, les ditz juratz an bailhat le nombre de X
nau bestias lanudas tant fedos que motos [en marge en gassalho] per
le terme de sine ans complitz comenssan le press. jorn de la Mada-
leno e finira senblable jom ; e devon parti la lano a la feita de
1 On a écrit deux fois del mes : le premier est barré.
25 4 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
sanct Jon Batista cascun an e toutz autres profitz qe cera aldit bes-
tial e devon rendre conte als ditz juratz cascun an del dit bestial.
Âital sondemoratz de pacte les susditz juratz a le dit Johan Teissie.
En la presensia de Johan Steve e Johan Perri deld. loc e de mi johz
signât que de voluntat dels juratz e Teissie ey faita la press. me-
moria l'an e lo jorn de sus scrit per mj.
J. Gros.
XXIl
[po 45^ poj L*AQ QQ^ii cincq sens septante et dax et le XXIIIl [et
quatre rayé] jour du moys de novembre, cause véritable, Guilem
Blanctz et Johan Goût, juratz de Pan présent de nostra Dame de
Fournos, an rendut lur conte als juratz nouvelz, cornées sen Ânthonj
Rougie jouve et Arnaud Blanc ; an randut le presen conte de l'ar-
gent que i a d'argent la some de j L ij s x d.
Item an rendut conte les dictz juratz vielz alz juratz nouvelz de
lur presos et mesos que [ja g ja agut a barré] i aguet tant de mesos
que de presos la some de . xj s xviiij s. *
Item an renduct conte delz abilaments et de dous calisis et del
lybre et del soubrepelys et del mysal et de toutz autres ournamenz
de la dicte gleyse, come apar par l'iventary. Les sus dictz contes an
randut les dictz juratz vielz als juratz nouvelz a la presensie de Gai-
raud Bonet, Peyre Blanc, Jehan Pery et Guilem Pery, toutz del
loc de Foumos ; et de aquo que deu Guilem Blanc a nostre Dame
de Foumos monte la somme de I It X s»
et de aquo que je deu. Jehan Jout, la some [IIII s rayé] iiij It.
ROYRK.
En marge : Le darie jour de jung (1591) a pagat ' Goûtais
juratz de la prezente annado qu'es Peire Sabblairoles et Jon Esteve de
Fournos la some de XXX s.
XXIII
[Fo 45, T»] L'an mil cinc cens septante et très et le xxni jour du
moys de may, comme les [consulz barré] juratz vielz an randut
lyour conte alz juratz novelz , comme es sen Peyre Blanc et
Guilem de las Femados, que les dyctz juratz [novelz rayé] vielz
an baylat l'argen que an amasat tant per liour annado que l'argen
que hy dayseron les juratz de l'an mil cinc cens septante et
1 Même abréviation que après Xj.
' Mots peu lisibles ; Sertma (?) Jen (?) Goitt.,»,
DE l'Église de fournes 26 5
dous, qu'eron sen Jehan Goût et sen G™ Blanc de Fournos, juratz
de la dycte annade, et les juratz vielz de Tan 1573, comme es
sen Anthony Rougie et sen Arnat BUnctz de Fournos; et letz
dyctz juratz an baîlat en conte de l'argen que devio sen Peire
Confifant quant el era jurât de Nostre Dame Fournos que le dyct
Centre la ligne qui précède et Vautre se trouve intercalée la
ligne suivante: et hy a d'argen la some ij It.] Conifant devio.... [une
ligne et demie barrée,]
Item an rendut conte les dictz juratz vielz alz juratz nouvelz tant
de mesos que hy a la some de sept soustz,
Item an rendut conte les dyctz juratz vielz alz juratz nouvelz
[nouuelz répété et barré la seconde fois] delz hornamens de la
gleyse de Nostre Dame de Fournos, corne es de dous calysis e delz
libre et delz sobrepelhis et delz mysals et de toutys autris hourna-
mensde la dyche gleyse de [de] Nostre Dame de Fournos, comme apar
par rinventary des susdytz contes; et les dyctz juratz vielz an rendut
iieur conte presen aro* de sen Jehan Teysye del mas do las Femados
et de sen Jehan Pery et de sen Anthony Teysye et de Anthony
Esteve et de sen Mycquel Turc et de sen Frances Gros, toutz de
Fournos, et de my que ey presys les sus dyctz contes par my
ROTRES.
XXIV
fF" 46, r"] Année 1574. Début de la reddition des comptes : L'an
1574 et le 8 jour du moys de may, comme les juratz vielz qu'es sen
Pe Blanc et G°* Bonetan randut...
Signé : Rotrbs.
[F* 46, vo] L'an 1575 et le 8 jour du moys de may comme les
juratz vielz qu'es sen Frances Gros et Hesteve Gombes an randut
lieurs contes as juratz nouvels qu'es sen Johan....
Signé : Royres.
[F« 47, r»J Gompte rendu de 1576 en languedocien. L'an 1576 et le
9 jorn del mes de septembre coma sen Johan [Johan] Pery et sen Ar-
naut Blancs juratz vielz [an redut le effacé"] de la gleysa de Nostra
Dama de Fornas...
Signé : Frances Royres.
[F* 47, vo] Gompte rendu de 1577 en languedocien.
[F« 48, r«>] Gompte rendu de 1578 en languedocien.
[F° 49, r*»] Compte lendu de 1579 en languedocien.
4 Sic.
25 6 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
[P* 49, V»] Compte rendu de 1581 en languedocien, sauf la for-
mule du début : L'an 1581 et le 6 jour du moys d*aoust...
[F° 60, r<>] Compte rendu de 1585 en languedocien.
XXV
[F* 50, r*] Compte rendu de 1585 en languedocien.
Ledit jour mesmes an que de sus 1585^ an [en marges et le 25
mars] rendut conte Anthoni Rongie et Cristol Blanc, juratz viels de
la gleyso deNostra Damo de Fornos de Tan 1583, als juratz novels, •
que son Peyre Blanc et Arnaut Pery de la présent annado, que,
contât presos et mesos, ledit Anthoni Rougie es demorat reduable
a la gleyso de Nostra Damo de Fornos de la somo de 4 1 12 s 3 d,
la qualle(ô?) somo promet de pagar lodit Rougie de jour en jour et
ledit Cristol Blanc n'a degut res...
Signé : Rougie.
XXVI
[F*» 47, p*] L'an 1576 et le 9 jorn de septembre, coma sen Johan
Johan Pery et sen ^ Arnaut Blanc, juratz viels de la gleisa de Nostra
Dama de Fornas, an redut lor conte de la ministration de la dita
gleisa de lor annada, so es als juratz novels que es senMicquel Turc
e sen Arnaut Bonet, juratz de la présenta annada ; premieiramen de
Targen que es a la dita gleisa, que n'i a la soma de 1 L. ^ ss. vj d.
Item an redut conte dels huornamens que son a la présenta gleisa,
coma es dos calisis de argen, ung libre gran e ung libre missaPe
ung capelet de capas de damas blanc, coma es la capa prossisiuinal
e lo diague e subrediague an lor guarnimen d'estolas e manipol.
Item ung autre capelet de capas de mieja osteda negra par les
mortz tôt guarnit coma la desus.
Item una capa misai per cada jorn.
Item très cortinas rogas per tenj davan Tauta de Nostra Dama.
Item catre toualos, dos de primas e dos de grossieiras.
Item très cosis petitz de cobertura roga les dos e Tautre cqubert
de damas viulet e qu'i a en escrit Jésus.
Item ung subrepelis.
* Une main toute récente a corrigé 1584 ; mais il y a bien 1585 dans le
texte. Ce même jour on a rendu les comptes des deux années précédentes.
2 Au-dessus de la ligne.
3 II n'y a rien entre l et le sigle ss.
* En marge : Et autres dos libres petitz.
DE l'Église de tournes 257
Item catre albas an lor guarnitnen. Les cals contes an redut ^ les
(susditz) juratz viels aïs novels. Présent sen Esteve Combas, cosol
del dit loq de Fornas, e de sen Peire Bonet e de mi que ej presis les
présents contes Tan e le jorn que desus escrit per mi.
Franges Rotrb.
XXVII
[F* 51, r«>]. L'an mil V* lxxxv e le quatriem jour d'aoust, ont
randu compte les bassinies et jures vieulx, que sont sen Père Blanc
e Arnaud Perry, aux jures noveaulx, que sont Michel Turc et Arnaud
Guy de Tesgliese Nostre Dame au lieu de Fournes, de l'adminis-
tration de leur année, tant de la recepte par euls frayée pour le
service de ladite esglise, que tout compte lesditz Blanc e Perry
ont baillé ausd. Turc e Guy, jures la présant année, la somme de
un g escu trente-trois soulz et six deniers ; laquelle somme les dits
Turc e Guy ont reçue ensemble dix-sept soûls et liards neufs. En-
semble ledit an et jour lesdits Pierre Blanc et Arnaut Guy ont randu
compte des omemens et abilhemens de ladite esglise, ainsin que aper
par rinvantayre sur ce faict cy devant [ici un renvoi à la fin du
compte où se trouve ajoutée la phrase suivante : Saulf les escremiees
que les dit Blanc et Perry ont prestées à G™ Turc, jurât des Isles].
Faict ce dessus a la presance de sen Anthoene Rougie et Pierre
Perry, consuls dud. Fournes, Jehan Teissie, Jehan Perry, Jehan Guy,
Ramond Turc, Jehan Ferran, Jehan Perry juve, Bringuie Turc,
toutz dudit Fournes et moy qui de leur consantement ay escripte et
signée la presanle, les an et jour susditz.
ROYRE.
[po 52, r®]. Reddition de comptes en languedocien : L*an mil v«
Lxxxviij et le vinct et sieis jour de jung, an rendut leurs contes les
bassinies et juratz vielz, que son sen Miquel Turc et Arnaut Guy, als
juratz novelz que son Jehan Estève et Miquel Turc jove, etc.
[F° 53, r®]. Reddition de comptes en français de 1589.
[F^ 54, r^]. Reddition de comptes en français de 1590.
[Fo 54, v»]. 1591. Français.
[F* 55, r^]. 1592. Français. Cf. le reçu donné la même année et
écrit en languedocien. Doc, xxil.
[F* 56, r"]. 1593. Français.
fF» 57, r«]. 1594. Languedocien.
[F® 58, r«]. 1595. Languedocien.
1 Une lettre effacée.
258 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
XXVIIl
[F^ 58, r®]. Le iiij jung 1595, dins la gieyso de nostra damo de
Fornos, an rendut lour conte les juratz vieils que son Arnaud Pery et
Peyre Teysie deldit loc als juratz novels que son Jehan Feran e Bal-
tasa Beraud de Taministracion de lour annado que tant de presos
que de mesos ; et premieyramen an rendut conté dels abilamens de
ladito gieyso et libres et dos calises et reliques de la saincto ostivo
(ou estrinof) et toutos autres causes commo es porta per Tinven-
tary.
Item ansy an rendut le conte de Targen qu'els an levât contant, que
somo de bon argen la sotna de viii liuras t.
Item an rendut conte les dictz juratz de dos amillos que son estados
donados a lad. gieyso que sont antre les mains de Pierres Sablayrolos
unne amelle et Tautre entre les mains de Peyre Blanc, commo son
m arqua dos a la marque de la gieyso ; le tout so de sus an rendut
les dictz juratz viels als juratz novels a las presensos de sen 6"
Rougie consoul et Antony Rougie, Peire Pery, Jehan Teysie, Jehan
Guy, Antony Blanc, Jehan Vialelo, Jehan Pery, [P*» 58, v®] signes
e marques, et de my dejoust signât G™ Rougie de las llhos [en mar-
ge : et Miquel Turc] que an coustumo dels dictz consouls et abitans
an presis les présent conte Tan e jour que dessus per my.
[Au verso se trouvent plusieurs signes et le nom des signa-
taires: Rougie, Teysie, Rougie, Pery, Guj, Steve, Turc,
Blanc et Rougie ; ce dernier a signé son nom et semble avoir
écrit les autres au-dessous des signes.]
XXIX
[po 59^ poj [^7^Q mille 1596 et le unsieme de agost, an randus les
cuntos les juratz viels qu'es Jan Feran et Balthasa Beraut a Pieres
Seblairolos et Bringuie Turc, )uratz novels, que les ditz juratz viels
oun randu tant que presos que mesos an resu les juratz novels la
somme de trois ecus sol de saisante sous pour piese et xij sous de
monoie et xvj al basi d'espercatori, plus sine capos misais et dus
capos prosicionals et dus chalicos dargan, catre diacres, dus blans et
dus noirs, et bairere (?) et dus misais et troies pans de estofo et tou-
tos autros choses apertenantos a la dite glise de nostro dame de
Fornos, comme apart par Tenventari. An presance de Pieres Blanc,
baile, et Michel Turc vieil, Peire Péri, consul, et Frances Gros, et
Arnaut Péri et Antoni Blanc, Christol Blanc, toutz degoust signes et
merces et moy qe ay fête la presante.
P. Martin pbre.
DE l'Église de fournes 250
L'an 1596 et le unsiestne de agoust a fet son cunte san Feran, lequel
confesse adeure la some de dus ecus de saisante sous pour piese et
vint sous que monte la sommo de vii Lt 11 s.
[F® 59, V®]. Reddition de comptes en français de 1597. Les jurés
continuent à y être appelés : juratz vielz — juratz novels.,.
F® 60, vo]. Reddition de comptes de 1599 en français. L'an mil
cinq cens nouant et neuf et le vingt-huictiesme jour du moys de juing
honnt randu conte les juratz vielz alz novelz comme sonnt Jacme
Blang et Jan Esteve...
XXX
[F® 65, p®] Le 13«"* jour du mois de abril mil six cens et six, au
lieu de Fournes, Pierre Sablairoles et Brenguye Turc, juratz vielz,
hont rendut conte de leur annade a Pierre Perry et Bernad Teissye
de Séries, juratz novelz ; premièrement en rendut conte de XVI Lt
Vlll sstz, dous calissiz d'argan et six cappos messalz garnides (do5 ?)
d'estole et manipoulz, dos cappos prossesionalz, quare [sic) albes,
cinq courpouralz garnis, uns relequie de latton, cinq touvalles, dos
courtines et dous missalz , dos robos de nostre dame, dous couissiz et
eouissiniere de telle et un petit de valions et une crois de latton et
un'escremiere et un candelye de latton et dous de fern et uns bassis
de couire et toutes autres causes apartenantz a ladite cleise comme
apt* par l'enventary. Presentz a ce Arnaud Teissye et Anthony Blanc,
consulz, et autres habitantz
Suivent les signatures.
APPENDICE
[F* 189, r°] L'an mil huit cens quarante et le dix a sept may le
conseil de la fabrique de Teglize de Fournes runis dans une chambre
de la previtaire enfein de donner et de debatre les comptes de recettes
et de depansses depuis le 15 avril jusques au dix a sept mai 1840
recette du bassein 28 » 6 f.
recette du grains ou argens 49 10
recete des chezes 63 17
recette du pain 10 2
recette de le du simatiere 2 15
recette de la sire du mois. 1 10
161 ÔÔ
1 Apart ou apert ?
f«0 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
Depanse de mil hait cents trante neaf :
de la cire depanse 68 » 14 f.
paye an carrillionear 14
paye pour Tuille 10 17
paye pour les ostiges * 6
paye pour le st. huille 3 03
paye pour un banc a la glize 35
paye pour les enses 16
paye pour une cadene al lustre 5 10
paye pour accomoder la navette 1
paye pour six chezes. 4 12
paye pour reparer les chezes 9
158 12 f.
Portant que le contable et reliquataîre de deux frans huit sols.
Le conseil approube le compte randu par...
[po 189, v°] L'an mil huit quarante un et le vingt-cinq avril le
consel de la fabrique de Teglize de Fournes runis dans une chambre
de la previ taire enfein donner et de debatre les comptes de recette
et depances depuis le dix a sept mai 1840.
ressu du relicat 2 40 f.
recette du basin 26 45
resu des mortuaire 2
recettes des grains 67 08
recette de Terve du simatiere 3 75
recette du pain 6 13
resu de la sire viellie 5 40
recette des chezes 60 75
173 96
depances de 184
depance de Tuille 9 95
depance de sire 84 30
d'ences 1 50
depance de las ostigues 8
pour aranger le chezes 4 10
paye au carrillionneur 7
paye pour les sains uilles 3 15
paye pour reparer un mur au simatiere 1
119 00
54 96 "
.---i
DE l'Église de foubnes 26 1
portant que le comptable et relicataire de cinquante-quatre frans le
cpnsel approuve
[F** 190, r*'] L'an mil huit cent quarante deux et le vingt quatre
avril le consel de la fabrique de Teglize de Foume reunis dans une
chambre de la previtaiere enfein donner et de debatre les comptes de
resette et depances depuis le 24 avril 1841 jusque à lannais 1842.
Resette de vasin 18 » 50
quette du grain ou argens 64 » 95
Resette du pain 7 » 60
Resette de mortuaire 32 »
L'erbe du simaitiere 5 » 10
Resette de chaize 63 » 85
Relicat 64 » 96
Total 256 » 96
Depances du Téglize sire 36 livres 3/4. 71 » 50 c.
Pour les fason de la chaize de vérité. 102 »
huile pour la lampe 7 » 06 c.
et le seint huilles ou les osties ou la
maisse du seint Roc 1 1 » 15
pour la carrilhonneure 12 »
Paiyé pour paitites reparassion du
réglize 12 » 70
216 » 41
Portant que le comptable et relicataire
de la somme dç quarante frans 50. . 40 » 50
Le consel approuve le compté randu...
REMARQUES GRAMMATICALES *
Les textes qui précèdent, quoique n'étant pas très variés,
présentent quelque intérêt au point de vue philologique. Nous
avons réuni ci-dessous les principales remarques, phonétiques,
1 NoTB SUR LA GRAPHIE DU MANUSCRIT : j représente tantôt le son t,
tantôt le son y; v et u ne se distinguent pas.
Pour les formes modernes, du^ m, 6u représentent les diphtongues
dou, tou, ôou; g représente toujours un son dur. E non accentué e fer-
mé ; è représente e ouvert.
262 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
morphologiques ou autres qu'ils suggèrent, et à Toccasion
nous avons comparé le parler ancien au parler d'aujourd'hui.
PHONÉTIQUE
§ 1. A. Le traitement de a tonique et protonique ne pré-
sente rien d'intéressant, sauf pour le mot ginie (ianuariu). Le
mot a disparu dans le patois d'aujourd'hui où l'on àiijanbiè,
sous l'influence du français.
SI
§ 2. A posttODique est passé à o dans le dialecte moderne.
Dans nos textes nous avons tantôt a, tantôt o. Les formes en
osont excessivement rares jusqu'au document de 1552 (XVII).
En voici le relevé : lano Intr. I, nostra damo Intr. I, annado 2,
507720 5, annado^ estados, annado 10, qualo 12, erô, annado 13,
nostra damo de Fornas, la calo 15, eron, nostra damo, monedo
la calo somo, resseuudOy monedo^ capOy ufertos, vendudos^ 17
(1552). A partir de 1552 les formes en a dominent.
§ 3. Sufflxe artu'^ ie^ ter, dans sestie, Intr. I, hereties S,
loguie 7, ginie 9, décrier 8 ; aria"^ iei — iey dans : premieyra-
men 1, premieiramen 17, 26, 28, grossieiras 26. Il est traité
différemment dans les mots suivants qui sont d'origine savante :
ordenary 1, enventafn/ 1 (forme normale, dans nos textes),
enventery 2, enventeri 3. Les formes actuelles pour ces deux
mots sont ourdinari, enàentari.
Le suffixe aria est représenté actuellement par ièro : rebièro,
prumièro,
§ 4. Le suffixe aticu est représenté par cg dans la forme
derayracges 9. Dans le parler actuel attcu > tch dont notre
cg est sans doute déjà l'équivalent.
§ 5. jB* protonique est resté dans derrier S (deux fois),
derer 4 ; il est passé à a dans darre 12, darie 22^ pargam 1
(auj. pargam^ dargnè).
%6. E bref tonique s'est diphtongue suivant la règle dans
vielh^ vielhs, sieys 3 ; siec Intr. 1. Non diphtongue dans derer 4,
darre 12. Formes actuelles bièl — sièis— siègre < * sequere.
%1. I long tonique suivi de la liquide / s'est diphtongue en
ta dans mandials 1, aàrial 11, 18 ; mt'al 3, 4. Resté intact dans
mil 6, 15. Formes actuelles : mil, abril ; mais fiai (ôlu), pialo
(pila).
§ 8. La pseudo-diphtongue io provenant de ione s'est déjà
DE l'Église de fournes sôs
transformée dans notre texte ; cf. deductiu 9. La prononciation
actuelle pour tous les mots venant de — ione est tu avec Tac-
cent sur le premier élément {passiu de passiane comme riu de
ritm).
§ 9. 0 ouvert suivi de c avait donné à Torigine la triph-
tongue uei; il est difficile de dire si le premier élément s'était
déjà durci en i; — b dans nos textes, la forme ueit 4, 14,
pouvant représenter ueit et veit.
Formes actuelles : bèit, nèit ; plèjo, fèlhoy trèjo^ mais cuèit
(coctu) et cuèr (coriu).
§ 10. 0 ouvert 4- semi-consonne ti reste o dans nou fnovu
et noue) 1, 4, vïngt-nou 1 ; passe à a dans Xnau 21 On dit dans
le parler actuel nôu (noue et novu) et dijdus. Mais à Touest de
Castelnaudary on a les formes nàu et dijàus, (0 ouvert ou
fermé suivi de la semi-cons. u est passé à a). La forme nau^
inconnue au narbonnais moderne, a existé dans le narbon-
nais ancien. Cf. nau^ in A. Blanc : Substitution du fr. au
prov. à Narbonne, Bulletin hist, etphil.^ 1897, doc, XVIL
§ 11. Vi du groupe latin iu s'est souvent maintenu en sjl-
labe posttonique : ceruici 20, purgatori 20, despercatori 29,
propi 14^ testimonis 2,|ô, etc., testimony 11, ordenary 1, enven-
tery 2, enventeri 3.
Maintien de la finale ulu dans manipol 1, 26.
A Texception de testimoni disparu et de propi remplacé par
prope les mots ci-dessus ont gardé i dans le parler actuel.
CONSONANTISMB
§ 12. Le groupe et donne régulièrement it : faït 2. On a
cependant la forme quiet 1 et quitz.
Dans le parler moderne les mots venant du latin et ont ré-
gulièrement it : faity nèit, cuéit.
§ 13. G. — A côté des formes agoust 17, 29, nous remar-
quons la forme avùst 1. Forme actuelle agoust,
§ 14. Le groupe dy a donné / dans batejar <^ * baptidiare.
Parler actuel : 6a//za (influence française) mais netefa,
§ 15. Il faut noter la dissimilation de pr dans propi 14 (auj.
prope) à côté de proprta ma 2. La métathèse de r n'a pas lieu
dans comprat 4, compra$ 1, conprada 16. Auj. crumpa.
264 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
§ 16. L. — Initial passé à d dans dayseron 23, comme dans
la plupart des dialectes méridionaux, (cf, Patois de Lézignan,
Revue des Langues Romanes, 1897, p. 32d^ §. 181).
§ 17. Le grouper» de diumu s'est réduit dans le dialecte
moderne an : joun (on dit également ^our; furnu^ four). Dans
nos textes, à côté de la forme fréquente /om, nous avons jon
13 (1537), yon en /on 12.
§ 18. Une question intéressante est de savoir si les trois
graphies /, //, Ih, représentent tontes trois le son de /
mouillé.
Examinons d'abord le cas ou le groupe M final ou non final
correspond aux groupes romans c7, ly^ iL
Lh : vielhj vielha^ toalhas^ gazalha, ambelky haylha \,juelhs
2 y vielh^ juelhs, bilheta, vielhs 3, gazalha Ajulhet 5, soUlh 6,
juelhs 7^julh, bilhetaS^fuih, 14, bailhe 14,15^ souàrepelkis 23,
bilheta I4yjulhet, filh 21, abilhamen 17, etc.,
L, Il : fulletS, las zilas l^julet 10, bileto 11, lazillas 12, abi-
lalmen 17 (à côté de abilhamens), toualos 18, Gulem 18, bileta
19, Guilen 22, abilamens 22, 28, Guilem22, 23, toualos 26, etc.
11 ne peut pas j avoir de doute pour la prononciation de /
mouillé dans ces cas ; elle s'est maintenue jusqu'à nos jours.
Il en va autrement pour / final. L mouillé final existe pa-
rallèlement à /simple dans le dialecte moderne de Fournes ;
il est donc permis de se demander si les graphies si nombreuses
juels^ viels (juels 1, 9, 10, 12, 13, viW9, 12, viels^ vielz 9, 10,
12, etc) ne représentent pas /simple. Les graphies de ces
mêmes mots avec lh représenteraient la vieille prononciation
qui se maintenait à côté de l'autre. Solhel (2 fois) 17, me
paraît être le résultat d'une confusion.
Les formes novelhs 3, consolhsb^metalh 7, représentent sans
doute des formes analogiques ; il me paraît difficile d'admet-
tre que lh représente ici / simple, comme Tadmet M Scunee-
GANS [Gesta Caroli Magni ad Cave, et Narb, [ Pseu do -Philo -
mena],Romani8che Bibliothek, T. XV, p. 60) pour les formes
qualh^ talh, bestialh, matinalh d'Alzonne * et pascalh^ telha
tela, portalh^ cristalh de Carcassonne * .
1 Dans des documents d^Alzonne de 1451 publiés par Mahul, I, 20-25,
* Livre des comptes.... de TËglise paroissiale de St-Michel (1417-1450).
DE l'Église de fournes «es
Je ne crois pas non plus qu'il faille voir des représentants
de / simple dans les graphies suivantes : Ihos 8, Ihor 9, Ihoc 9,
/Aor 9 (ibid. /o?'). Il faut admettre que ih représente ici /
mouillé ; car, dans la partie de nos textes où le français fait
sentir son influence, nous avons les formes suivantes : li'eur^
lyou7\ liour, 23, Heurs 24, qui dénoncent une prononciation
de lour avec / mouillé. De plus le parler moderne a la forme
liour à côté de la forme low\
La prononciation de l mouillé , venant de / latin simple
en syllabe initiale ou ûnale, appartient principalement au-
jourd'hui au domaine catalan ; elle empiète aussi sur les
dialectes environnants de TAude et surtout de TAriège :
dans TAude en particulier , cette prononciation se fait
sentir dans la haute vallée de TAude, environ jusqu'à Quillan.
Quelques villages de cette contrée ont même / mouillé
après une consonne, comme dans plhaj blhat (planu, bladu),
développement qu'a connu le groupe pi en italien avant de
passer à pi. Le domaine de / mouillé (venant de /simple latin)
ne s'étend pas aujourd'hui jusqu'à Fournes où l'on dit :
parel et parelh^ soulel et soulelh, calel et calelh, mais quintal,
métal; nous pouvons cependant admettre qu'au XVI" siècle
/ simple a pu sporadiquement devenir / mouillé et les formes
citées dans le paragraphe précédent sont des preuves de
cette mouillure.
§ 19. Le groupe tl dans rotulu a donné // ; rolle 4, ce qui
est la forme encore usitée aujourd'hui, et rolke, ce qui repré-
sente le traitement du groupe tl comme cL
§ 20. J est quelquefois représenté par g même devant a ou
0 : mego, rougo 18, 7'ogas 26, guels 13, miega 26. Cas con-
traire dans Jout (= Goût) 22.
§ 21. A remarquer aussi l'adjonction de h k j dans les
formes suivantes : Jhon, j'hore , majhon 9, jhorn, jhos, jhu-
ratz 10.
§ 22. Le groupe nd s'est réduit à d dans les mots suivants :
redut 7, 18, 26, redudas 7. Cette réduction ne s'est pas main-
MAHUL VLl. (Barthb ! Mémoires de la Soc. des sciences et arts de Car-
cassonne, II, 262-369).
18
266 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
tenue dans le parler actuel où, peut-être sous l'influence
française, on a randre, randut,
La forme redda 4, est remplacé aujourd'hui par les formes
rento-rendo,
§ 23. Nous avons affaire à une sorte de n mouillé dans les
formes \jung 22 (1591), ung passim.
§ 24. r intervocalique est représenté par z dans cazem 1,
^quatemu, qui existe déjà sous cette forme dans Tancienne
langue (cf. Rajnouard : Lex, Rom.).
§ 25. Le groupe pU est représenté par pd dans le mot
pt'opda 15 (prop'tana), inconnu dans le parler actuel.
MORPHOIiOGIB
§ 26. Article. — La forme la plus ancienne de l'article dé-
flni masculin est /o, los ; dans les sept premiers documents
(1504 à 1520) nous trouvons les formes /o, ios, lod,,losd.;
nous trouvons trois fois seulement les formes lez 2, lez 4,/e 5.
Dans les documents 15-21 (années 1543-1566) nous trouvons
la proportion inverse : vingt fois le, les, lesd. led,, quatre
fois lo 25, 17, 21, 37, une fois lous 18.
La forme usitée aujourd*hui à Fournesest le^les; elle s'y est
développée comme on voit au milieu du XVI' siècle.
La forme lous à cette époque est curieuse ; c*est la forme
usitée aujourd'hui dans le Narbonnais ; remploi de le , les
commence à Lézignan (18 kii. ouest de Narbonne).
Formes composées de Tarticle : Sing. : del 7, 19. Plur. :
dels 4, 12, des 14 ; als 6, as 13 (deux foiSy et 24.
Les formes usitées aujourd'hui sont del et dal pour le sin-
gulier; au pluriel dels^ des et das; as.
§ 27. Le pluriel des adjectifs et participes présente quelques
particularités intéressantes. Nous trouvons le pluriel iotz 2,
4, 10, 14 ; tous 18, toutz S, 23; mais dans ce même document
23 nous avons la forme loutys. A côté de toutys nous avons
autris ; enfin le participe passé de prene (prendre) se présente
à nous sous la forme prezes 8 (deux fois), 12, 17 ; et prezis 12,
23, 26, 28.
Les mêmes pluriels en is existent dans le parler moderne :
prezis, toutis, autris. Pour les participes dont le radical est
DE l'Église de fournes ««t
terminé par une dentale, on a les doubles formes poulidis et
poulits, (Sur l'origine de ces formes cf. P. Meybr in Romania^
XIV, 292, XVII, 32, et surtout XVIII, 425, où sont cités des
exemples de l'Aude.)
§ 28. Il ne faut pas voir des restes de cas-sujet dans ungs
mandials 1 ; ungs perdos 1. Ungs signifie sans doute ici : une
paire de. Uns bassis 30^ il s'agit d'une pâtre de bassins. Cf. ci-
dessous, § 29.
§ 29. Adjectifs numéraux : ungs I (trois fois), ordinaire-
ment ung, féminin unay unna, ungna. Plur. unas autras toa-
Ihas. Le dialecte moderne connaît encore cet emploi de un au
pluriel, quand on parle d'une paire d'objets ou d'un objet
composé de deux parties : unos mourdasos = une paire de pin-
cettes. Pour la graphie ung cf. plus haut, § 23.
Comme représentants de duos nous avons dos (masc. etfém.):
dos toalhos 2, dos soutz 1, dos motos 1, dos soutz 5. Il est pro-
bable qu'il j avait une différence dans la prononciation de
ces o. Le premier est passé aujourd'hui à ou (dous), l'autre
est un 0 ouvert : dos fennos = deux femmes,
Nous avons déjà la prononciation ou dans la forme andous
19, forme de Tancienne langue qui a disparu aujourd'hui.
(Auj. tous les deux = touti dous,)
Vtntres 18 et ving veit 4 nous représentent une manière de
compter inconnue du dialecte moderne. On dit binto très, binto
beit par analogie de trento [triginta) treSy etc. Septante et dux
22 est une tournure française.
§ 30. Adjectifs possessifs : lor 7, 10, 13, Ihor 9 (cf.
supra § 18 pour Ih) lors 1, Ihos S (mis sans doute pour Ihors ;
Ihos contes : la formule ordinaire est lors^ Ihors contes). Vu de
lur 2 nous représente sans doute un o fermé.
Dans les documents de la fin du siècle nous avons ou: lyour
23, lour 28.
La forme usitée aujourd'hui est Ihour. Cet adj. poss. a dis-
paru du patois de Lézignan où il est remplacé par soun^ sa,
§ 31. Adjectifs indéfinis. — Cascun a disparu aujour-
d'hui ; nous avons les deux formes cada 26 et cascun an 21.
Dans le parler actuel cadun fait fonction de pronom indéfini
et cada devenu cado (invariable) fait fonction d'adjectif indé-
fini.
268 NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
A remarquer aussi la vieille formule pltisors autres 9^ dispa-
rue aujourd'hui.
§ 32. Pronoms personnels. — I pars : la forme du sujet
est représentée par/ew (encore usité aujourd'hui, iéu) au cas-
sujet et my, mt\ aux cas obliques, conformément aux usages
de Tancienne langue : de mi 12, 15, 18, etc. ; a mj 10, a my 15 ;
per mi 15, per mi 17. On trouve cependant et my 2 au cas-
sujet.
Aujourd'hui iéu est exclusivement employé au cas-sujet
ou avec une préposition aux cas obliques (de iéu^per iéu, etc.).
Devant un verbe on emploie me (avec une préposition tou-
jours iéu): me diguèt = il me dit.
3« pers. sing. Cas obliques : //, /y 1, y 2 ; forme combinée
dans ambelh 1. Plur. eU {qu'els an levât 28).
La forme du cas oblique pour le pronom de la S* personne
est auj. i. Ex : tu le lui as dit : i b' ai ^ dit.
Ambel est représenté auj. par amel (avec lui). Quant au
pluriel eh il a pris la finale i comme la plupart des pronoms
et adjectifs : elis^ toutis^ autris, amelis.
§ 33. Pronoms possessifs. — Lur 2, 4, 6, Ihor^ lor 9,
10, 13. Ce pronom possessif est encore usité sous la forme
Ihour dans le dialecte de Fournes, tandis que le dialecte nar-
bonnais Ta perdu.
§ 34. Pronoms démonstratifs.— Neutre : aysso Intr. 1,
so 4, aquo 22. Féminin : aquelha Intr. 1. (Auj. aisso, aco^
akeio).
Enfin il faut noter la forme meteys 1, disparue de nos jours.
§ 35. Pronom relatif. — A côté de que (masc. et fém.)
on trouve une grande variété de formes de loqual : loqual
Intr. 1, losquals 5, lesquals9 ; laquala 6, laqualo 11, lacalo 15,
lasqais 12. Ce pronom n*est plus usité aujourd'hui.
§ 36. Conjugaison. — La langue de nos textes étant peu
variée, beaucoup de formes manquent. Voici celles qui peu-
vent nous servir à reconstruire une partie de la conjugaison
de cette époque.
Esser: prés. 3*'p. du plur. son l,so 10 ; imp. era 2 (3® p. sing.),
i Sur ramuïssement de s devant une consonne autre que c, p, t, cf.
Patois de hézignan, in Revue des l, rom.y 1897, § 130.
DE l'Église de fournes 269
eran 3, eron 17. Fut. cera, pass. ind. foren dans l*expression
foren agudas 2. La forme forerri se rencontre deux fois dans
les Gesta Caroli Magni ad Carc, (Ed. Schnbegans, p. 72 ;
renvoie à Dibz, Grammatik der Rom. Spr.^ 5* éd., p. 548,
Anm.)
Le paradigme actuel pour le présent indic. de esse est le
suivant : soun — es — es — en — èts — sonn. Imp. 3* p. plur. :
eroun. Pass. déf. 3* p. plur. : sougèou. Fut. sara^ saran. Le
paradigme du présent s*est conservé beaucoup plus pur que
dans le parler de Lézignan où Ton a au présent : ckbu fsidu),
chos (sios)^ ez, chon (sion)^ chots, soun.
§ 37. Verbe haber. Ind. prés, l p.: ^, 2, 4 ; hei, 9. Imp. 3 p.
sing. : avia 1, avio^ Intr. 1. Parf. aguet 21. Part. p. agut 22.
La forme actuelle de la l'*p.ind. prés, est èy; celle du part,
est agut et aût.
§ 38. Antres verbes. — La !'• personne de Tind. prés, a
pris uniformément la terminaison t, y, qui à l'origine n'ap-
partenait qu'aux verbes venant du lat. io ou ùco. Ex. : con-
fessi 6, confecy 11, quiti 20, aprometi 11, teni20. Il est proba-
ble que déjà à cette époque la plupart des verbes autres que
les auxiliaires esse, aver^ ainsi que les représentants de uado,
facto f avaient pris la finale i. Auj. aimt\ debi^ segutsst\ par-
tissi^ ett.
S* pers. sing. ind. prés, siec se, Intr. 1, 1 ; fe 1. Auj. seguits,
ten < tenet.
La 3* personne du pluriel se présente tantôt avec la finale
o, on^ tantôt avec la finale en. Ex. : tenon 17 (trois fois), devon
21, prometo 16, teno 17, daysero 23. La finale en est plus
fréquente. Ex. : devenS (trois fois), tenen{S fois) 12, 13; /)?'o-
meten 9 ; 3" p. du pass. déf. manjeren 1. La forme en on a
supplanté l'autre dans le parler moderne, sauf au subjonctif
présent. Cf. infra. (Cf. sur ces terminaisons P. Mbybr, Ro-
mania ^ IX, 202.)
Le subj. prés, est représenté par les deux formes sapian 15
et sapiant 14, qui renvoient directement aux formas lat'nes.
Au], que sapien, qu'ajen (habeant) ; mais que fasken ou fas-
koun.
Deber 1" pers. que je (/eu, 3* p. deu 22. Inf. deure 17. Part.
degut2b. Auj. debi^ debes^ deu,.,; deure ^ degut.
270 NOTICE SUR UN UYRE DE GOlfPTES
§ 39. Infinitif. — n est probable que r ne sonnait plus,
car à côté de pagar on a paga^ pagua 19 ; inf. de savoir =
$ab^, La forme tenj 26 est analogique de veni (uenire). Auj.
iène avec déplacement d'accent comme véze pour vezer. Infi-
nitif actael de fr. savoir = saupre^ formé sur le radical de
Tancien parfait saup.
§ 40. Participes. — Ressaubut 7, 8, 10 ; ressaubutz 12,
ressaubudas 8 sont des participes analogiques formés sur le
parf. re-saup. La forme resseuudo 17 paraît déjâiufluencée par
le français. Cf. supra les participes de aver, dever,
La forme actuelle du participe passé de ressaupre est ressa-
piuty avec le radical du subjonctif.
§ 41. Adverbes, prépositions. — No i a poy de manipol
1 ; de Iras escrit 13, a Iras 3.
Parmi les prépositions il faut citer am 1 (trois fois), amh 1
sens 1, dejotz 1 et pass., entra 18 ; ansi 8 ; ses 18. La forme
actuelle pour ce dernier mot est sans qui est un emprunt au
français.
§ 42. Particularités de syntaxe et de langue. —
a) Suppression de de après un nom de nombre : ;'. cest. blat
1 ; una liura cera 1 ; dos liuras cera 1.
b) Le nom de temps est employé sans article après la pré-
position a : a dos de novembre 4, a cinq de juUet 3, a viij de
septembre 2 ; mais a le vintres 18.
e) Cbangement de genre : ias gendarmas 1, où le change-
ment est amené par la finale a, et la argen 10 (deux fois), où
il est amené par une fausse décomposition du mot fla-rgen).
d) Mots invariables : viehl 1 (panna trincada et vielh), pré-
sent S (présent bUheta)^ missal (capa missaljj prosesiuenal 18,
causas apartenens lutr. 1. (Cf. au contraire : la présenta bilela
19. 1565.)
e) Le participe passé s'accorde avec son régime, qu'il soit
avant ou après : ey faita la 15, ey faits los 12, an rendutz los
comptes 3, an rendudas las causas 7, compresa la lumenaria 2.
Nous avons même un exemple de sjllepse dans avem près-
tatz la soma 7, à moins que prestatz ne se rapporte au sujet.
Participe invariable dans : contât totas causas Intr. I.
f) Construction des verbes : confessi a deure 6, confecy a
deure 11, prometi rendre d. On dirait auj. proumeti de ; quant
> '
DE L EGLISE DE FOURNES
271
à confessa il n'est plus employé que dans le sens ecclésias-
tique.
g) Remarquer les manières de parler suivantes : Présent
Anthoni... et de 18; espresenssen.., et de 19, qui sont amenées
par la formule ordinaire : en presensta de.
h) Enfin les expressions suivantes méritent également
d'être relevées: et non demas tornas son 1, 3; per cauza de
Intr. I ; après en seguen 3.
GLOSSAIRE
AhILLOS, ABfELLBS 28. Du
Canob : amiclus et amiclum
(fascla pectoralis) , cein-
ture. Cf. Lbvy , SuppL
Wôrterbuch, s. v. amilla,
Amitz 1^ amict.
Apar 3, 4, etc. 3* p. sing.
ind. pr. de aparer,
AuR 17, or. Forme actuelle
or empruntée au fr.
Bairere 29, qui tient du noir
et du blanc. (?)
Bassinies, 26, 27. Synonyme
de juratz, fabricien.
BiLBTA 19, bilheta 3, compte,
cédule.
BoRSA 8, trésor,
Gamas (del camas de Séries
18). Raynouard, IV, 148,
I : habitation principale,
maison de maître.
Canos 3, bâton (de cire, de
soufre, etc.). Cf. Mistral,
Lou Trésor dôu Felibrige,
Capblbt de capas, 26, chape-
let ou collection de chapes.
Cappela 15, curé. Un peu
vieilli auj. dans ce sens.
Cazern 1, cahier. Cf. Ray-
nouard, s. u.
Cedula 6, lettre, titre.
CoMPRAS 1, achats. Mot dis-
paru du parler moderne.
CoNPRADA 16, achetée. Auj.
crumpada.
CoNsoLs Intr. 1, pass. Con-
suls.
CoRPORALs 18, corporal.
CoRTiNAS 26. Rayn. II, 498,
1 : rideau , draperie. Ici
rideau ?
Cosis 26, couissiz 30, coussin.
CouissiNiERB 30, taie d'oreil-
ler.
DAYSAK2S{dayseron)^ laisser.
Même forme auj.
DiAOBS 18, dlagues l7, 20, cf.
subrediague.
272
NOTICE SUR UN LIVRE DB COMPTES
Dbratragobs 13, arrérages.
Cf. Rem, Grani,^ § 4.
DoBLA Intr. 1. Sorte de mon-
naie. Cf. A. Blanc, Subst.
du fr, au prov, à Narbonne^
p. 26 du tirage à part (Ex-
trait du Bull. hist. et phil,,
1897). M. A. Blanc a l'obli-
geance de me faire savoir
que dans les textes narbon-
nais du xv® siècle, la dobla
vaut dix deniers tournois.
Drap de Damas 2, drap de
Damas fegurat 18.
BSCUTZ DEL SOLELH 17, SCUtZ
solel Intr. 1. Cf. xxiv : trois
ecussol de saisante sous pour
piese. Scut de Spanhia 17.
Florin d'Aragon? Cf. An-
nales du Midi, 1898. p. 59.
Enseradas (toalhas) 2, enfer-
mées.
Enventart 1, pass. inven-
taire. Autres formes : inven-
tary Intr. 1 ; enventeri 3.
E. Levy, Suppl. Wôrter-
buch, 3, 103, 1, ne cite pas
de forme enventeri (on sait
que le Suppl. Wôrterb. ne
va pas ordinairement plus
loin que le xv« siècle).
Escremieks 27,escremiere30. ?
Esmoncin (argen) 18. ?
Fedas 1, brebis.
Festa de Sanct Miqubl 15,
terme de paiement.
Festa de Sanct Jan Batista
21, terme da paiement.
Floris 4, florin. Quelle va-
leur avait-il dans TAude?
Cf. Annales du Midi, 1898,
p. 52, n. Ibid. p. 58, il est
dit que le florin valait de 15
à 16 sous.
Franc 20.
Garnimen 1^ ornement.
Gazalha 4, gassalho 21, chep-
tel. Cf. P. Mbyer in Roma-
nia IV, 467
Ilhas (las) 4, hameau voisin
de Fournes, avec mairie,
desservant et école commu-
nale. Autres formes : las Zi*
las 7 {RRmon) dasilla Intr. 1.
Item en deduxio de Vitem 1,
pris dans le sens de compte,
paragraphe,
Juels \,juelhs 4. Raynouard,
III, 445, 1 : joyeh joell =
jojau. Ici objets précieux,
calices, patènes, etc.
JuLH 14, juillet.
Juratayria 3, année pendant
laquelle un jurât est en
exercice.
Lanudas [bestias) 21, bestial
lanut 4, moutons et brebis.
Lato 1, laiton.
Lemeta (1. remeta) Intr. 1. Du
Cange : ementum 2 =
« praestationis species ex
ouibus et porcis... a C'est
donc une sorte d'impôt?
Letras 1, textes, copies.
Levât (argent) 28, argent
recueilli. Usité encore dans
ce sens.
DK l'Église de fournes
273
Licencia 1, permission.
LiuRA, UEURA, poss. Livre.
Elle vaut vingt sous. Cf.
Doc. XV, XVI.
LoGUiB 7, loyer.
LuMBNARiA 2, somme dépen-
sée pour les cierges ou les
lampes qui brûlent dans
une église. Ratn. IV, 104,
1, donne cette déûnition
vague « terme collectif
spécialement usité dans les
églises ; ex. a laobra e a la
lumenaria.,, ». Du Cangb,
s. u. iuminariae : « eccle-
siarum, uti vocant, fabri-
cae, seu ecclesiasticorum
aedituorum et matriculario-
rum fisci... »
Magb 1, mage 15. Rayn. IV,
114, 1 : maire, chef. Ici sy-
nonyme de consol.
Malhevar 4, emprunter. Cf.
malevar in Gesta Caroli Mag-
ni ad Carcassonam, 1. 1152.
Mandials = 1, nappe, ser-
viette ; manque dans Rat-
NouARD. Du Canoë : « raan-
dile pro mantile : uelum...
uestimenti genus esse uide-
tur... » Cité dans Bartsch.
Chrest. Prov. (Glossaire)
sous la forme mandils. Cf.
Guillem de la Barre ^ éd. P.
Mbyer, Glossaire.
Manipol 1, manipule. Cf.
Rem. Gram. § 11.
Mbmoria 21, synonyme de
ceduia^ bilheta^eic. ; compte.
Mbsclada (capa) 1, opposé à
tela prim : en drap mêlé.
Cf. P. Mbybr> Hugo Ter-
ralh^ gloss.
Mesos 18, dépenses. Du Canob
s. V. misa : impensa, . • Ce mot
va presque toujours avec
expensa : misae et expensae ;
dans nos textes nous trou-
vons toujours ensemble :
presos et me«o« (14, 22, etc.) ;
meso signifie donc dépense
etpreso-= recette. Cf. prise
= perception in Godefroy.
Cf. Annales du Midi, 1898,
p. 55 :« Les comptes d'Albi
sont divisés en presas (re-
cettes) et mesas (dépenses).
Metalh 7, cf. Rem. Gram.
§18.
MiNHEs 2, coussin ? cf. minhot
== coussin dans Guillem de
la Barre, éd. P. Meybr,
gloss.
MissAL (capa^ 2, chape pour
dire la messe?
Notât 1. Le mot paraît si-
gnifier ici « contenant des
notes^de\& musique»; cazem
notât serait donc une sorte
de recueil de morceaux de
chant.
Obra 8, Tadministration de
TEglise, la fabrique. Le
mot est conservé dans la
locution française : le banc
d'œuvre^
Obrans 18, les jurés, les fa*
briciens.
«74
NOTICE SUR UN LIVRE DE COMPTES
Obribs Intr. I, même sens.
OsTAL 7, maison.
OsTEDA (miega) 26, oustodo
(mego) 18. Le même mot
sans doute que fr. ostade
dans GoDBFROY : « espèce
de serge on d^étame, sorte
de brocatelle mêlée de laine
et de poil. » Exemple cité :
le corps [du pourpoint]
estoit de demie ostade (H.
Estienne).
Pacte 21, dans Texpression
demora de pacte ^ tomber
d'accord.
Padblha 1, la patène.
PaNNA 1. GODEFROY S. V.
panne : étoffe de soie à
longs poils, drap, tissu...
particulièrement serviette
pour la table, essuie-mains.
Ici , nappe ? Mot encore
connu dans le Narbonnais,
où il désigne une étoffe à
longs poils.
Parti 21, partager. Sens pri-
mitif, inconnu aujourd'hui,
Payrolbt 1, petit bassin.
Pbrdos de XII cardenals 1. In-
dulgence 1 ou reliques 1 Go-
DBFROY : « reliques aux-
quelles des indulgences
étaient attachées ». Ici, re-
liques de XII cardinaux ?
Pbrbt, cf. tela.
Pbza (padelha) 1, massif, en
métal massif. Cf. argen
pezal.
Pipa Intr. I. Tonneau. Il est
difficile de dire quelle con-
tenance avait cette mesure
dans l'Aude. On pourrait
admettre la contenance
fixée par M. A. Vidal pour
les pipes du Tarn, car Four-
nés est à la limite de ce
département. A. Vidal ,
Annales du Midi^ 1898,
p. 66 (Compte d'Albi de
1368) : a una pipa de vi
que tenian Y sesties e emi-
na »• Le cours varia plus
tard. Ibid. p. 67 : fin du
XIV» siècle la pipa valait
de 7 setiers 1 émine à 8
setiers. Le setier vaut 86
litres (ibid. p. 83).
Pistolet 18 , demi-pistole.
Quelle valeur ?
Plusors {autres) 8, adj. indéf.
Disparu du parler actuel.
PoY 1, point, pas.
Presos 22, cf. mesos.
Prima 26 , fin , aujourd'hui
usité principalement dans
l'expression ôi prim (vin
qui coule du tonneau à la
décuvaison).
Procbssional 2, qui sert pour
la procession.
Propria ma 6, propre main.
Rbdda (de contes) 4, reddi-
tion de comptes. Cf. Rem.
Qram. §. 22.
Relequie 30, reliquaire.
Res 25, rien.
RoouBTZ 18, rochet.
Rollb 4, rôle, registre.
DE l'Église de tournes
275
Sacra 2 , consécration de
l'Église ou fête solennelle.
S ATT 1, satin.
SAUs(de tout saus) 19 =^80, ce.
^VNBAJ>A {aygua)l y e&u bénite.
Ce mot n'est usité aujour-
d'hui que dans Texpression
pa signât = pain bénit
Sbstib Intr. 1, Cest, blat 1,
setier. Cf. pipa.
SiGNBT 41, seing.
SOBRBPBLLIS 1, SUrplis.
SoMAR (soma, somo) 12, 14,
28 : former un tout. Cf.
Rayn. Lex Rom. s. u.
Spanhia 17, cf. scut^ escut.
StolaI, étole.
SuDiAOUE 2 et pass. Godbfrot
s. n. diague : tunique des-
tinée au diacre. Sudiague
serait une tunique destinée
au sous diacre.
Tb 1, Tbnen 12, de tener^
avoir, posséder. Le verbe
tène est encore aujourd'hui
assez généralement em-
ployé dans le département
de l'Aude avec le sens
avoir f posséder : ièn un trou-
pèU tèn de moutons = Il a
un troupeau, des moutons.
Dans la haute vallée de
TAude, influencée par le
catalan, il est encore plus
fréquemment employé. Cf.
A Rodome (canton de Bel-
caire) tèni fret = j'ai froid,
Narbonne : èy fret.
Tbla db pbret, 2.
Terme 21, terme de paiement.
Tbstimoni 14, 20, témoin. Ce
mot n'est plus usité dans
ce sens; rétymologie popu-
laire en a fait dans le Nar-
bonnais un synonyme de
tête (analogie de testa).
ToALHAS 1, toualos 26, touval-
les 30, nappe.
Trincatz 1, trincada 1, brisé,
déchiré.
Uperta Intr. 1, uffertas 10,
offrande.
Velbs 18, lire vélos ?
Vellous 30, velours.
Virât Intr. 1, transcrit.
J. Anoladb.
I DODICI CANTI
EPOPEE ROMANESQUE DU XVI* SIÈCLE
(Suite)
100. Aleramo a mirar lontan si [puose]
Per veder quanto Astolfo sa d'ischermo.
Et se aile sue parole boriose
Egli ha Talmo conforme, sano o infermo.
Stava egli adoaque infra più querce ombrose
Col cor trémolo si, ma Tochio ha fermo,
Sopra un poggetto onde veder poteva
Chiaro ci6 che ciascun di lor faceva.
101 . Et vidde ch' a l*uscir che fe Gorante
Astolfo con la lancia un sovramano
Le diè nel petto, et il colpo arogante
A dietro roversô sopra del piano
Quel crudo alpestro et rigido gigante
Fra tutti gli altri in apparenza strano,
Et ch* Astolpho alla gola del latrone
Tenea la lancia et le dicea : « Poltrone ».
f F® 48 ro] 102. Et poi udi che '1 duca ad alta voce
Minacciava il gigante d'impiccarlo
S* indi a parti rsi non era veloce
0 che volea di subito scannarlo.
Il gigante, che mira il sir atroce,
Prega ir lo lasci et non voglia amazzarlo,
Cui disse Astolfo : « Si con questo patto
Che tu ti parta, o gran ladron, di fatto.
CANTO: QUARTO «77
103. Etvoglio che tu vada nel Ponente,
Et, 86 tu mel prometti, me Tosservi,
Se non, ti far6 far morte dolente
Sol per la man dei miei più tristi servi,
Che me nel sangue tuo bruttar mia mente
Non lo comporta et men vuo* che mi servi. »
El gigante promette et giura andare
Se 1 duca gliel comanda in mezzo il mare.
104. Tan ta hapaura délia forte lancia
Ch' Astolfo le tien ferma in su la gola,
Vedendo che '1 guerrier non fa da ciancia,
Grave timor Tardir superbo invola.
Vuole costui mandar questi in la Francia
Aciô ch' Orlando con sua forza sola
Un di Fuccida, onde egli al duca cède
Et di partirsi al fin le dà la fede.
105. Non sa ch' in quella lancia è virtù taie
Et non nel cavallier, perû si rende
A lui Gon patto d'irsene con quale
Maggior prestezza il palladino intende,
Et giara per quel sol ch' ogni mortale
Col suo lume et splendor vivace rende,
Di non posarsi mai in tutta la via
Fin ch' in Ponente giunto egli non sia.
106. Con questo modo il duca Astolfo quello
Ladron levô del regno di Sylvana,
Onde ei giunse in Ardenna et fe Thostello
Che dissi già délia torre profana
Ove Orlando e Rinaldo e il damigello
Spagnuol vi capitar con mente insana,
Et con Tanello che pria fu di Gigi
Fur liberati et non da Malagigi.
[F»48vo] 107. Et percV in quella selva aspra ventura
Truovorno i cavallier [cjercando délia
Regina ingrata fuor d*ogni misura.
Ad Amor , a natura, al ciel ribella,
Speser più giorni indarno et per sciagura
Hor questa région cercando, hor quella,
Et pensando lontan indi scostarsi
Fur stretti in quella selva ritruovarsi ;
278 I DODIGI GANTI
108. Perô che Malagigi ivi da presso
Intertenea Rinaldo e il conte Orlando,
Perché egli havea sapato et chiaro espresso
Che ne venia Gradasso dal coi brando
Esser dovea re Carlo al tutto opresso,
Onde venia sua arte dispensando
In questo modo, benchè nulla valse,
Perché di Carlo ai cavallier non calse.
109. Non era ito prigione il gentil mago,
Perch' i demoni Angelica gabbaro,
A quai seppe egli simular Timago
SI che nol conoscendo lo lasciaro,
Et tomato in Guascogna tutto vago
Al suo comando li dimon tornaro,
Et, al petrone di Merlin tornato,
Truovô il libre da Angelica lasciato.
110. Angelica il lasciô quando partisse
Con TArgalia ch' ivi lasciô la lancia
Che toise Astolfo poi ; per quella ardisse
Tanto costui con la superba lancia,
Pur prigion stette, corne Tautor scrisse
Di lui corne degli altri sir di Francia
Li gesti tutti, et prigion stette tanto
Che di vincer Gradasso porto il vanto.
1 1 1 . Astolfo havendo poi, corne v' ho dette,
Superato Gradasso et liberato
Re Carlo et Francia» lasciô il suo distretto,
Ch* era Orlando truovar deliberato.
Giunse in l'Ëgitto alfin. Questo é Teffetto
Onde Gérante il ladro hebbe scaccîato
In la selva d*Ardenna, ove ancor era
Rinaldo, Orlando et Angelica altiera.
[F* 49 r®] 1 12. Stupi Aleramo quando oltra sua fede
Vide el duca gentil tanto galiardo
Et, bench* a peu a alli [ochi] stessi il crede,
Disseli : « 0 signer mio, quanto più guardo,
Debitamente a te Rinaldo cède,
Debitamente Orlando t* ha riguardo,
Perô che tu del monde in ogni parte
Somigli, anzi sei, credo, il Dio Marte.
CANTO QUARTO 279
113. Ma, poichô V hora è tarda et gîà nel mare
Vedesi Apol tuffar i bei crin d'oro,
Parmi, signor, dobiamo ritornare
A la fata gentil et del lavoro
Tuo degno a lei chiara notitia dare,
Ch* io 80 che n 'baverai degno ristoro. »
Oui disse il duca : « La fata gentile
Me ha ristorato, » et le mostrô il monile.
114. Poi disse: « V non mi parte sodisfatto,
S'io non abrugio la cappanna e il letto
Nel quai el traditor n'a più disfatto,
Se vero è quel che tu narrando bai detto. w
Et cosi smonta de 1' arcion disfatto,
Che già partito s*era il maladetto
Né lontano era mezzo miglio al luoco
Chevolto al crépi tar vidde il gran fuoco.
115. Et vidde Astolfo in la cappanna entrato
El letto fatto per Taltrui tormento
Et teste ancor sanguigne hebbe trovato
£ d*un romito certo vestimento.
Aleramo cercando in altro lato
Del frate il capo vidde, onde lamento
Si grande fenne che a pietà comosse
Il duca che da lei mai non se mosse.
116. Sepeliron le teste et fuoco derno
Alla cappanna et ripreser camino
Verso Sylvana, il mazimo et eterno
Dio ringratiando. Il degno palladino
El compagno conforta cb' al superno
Redentor creda, perché Saracino
A rhabito pareva, onde ei Chris tiano
Si confesô et di patria Alemano.
[F** 49 ^] 1 17. Cosi arsa la cappanna et discacciato
Il gigante ladron, con lieta fronte
Fu col compagno Astolfo ritornato
Ove bor lo lascio ritornando al conte,
Cb' ancor dubbioso dentr* al mar turbato
Si truova et verso el ciel con le man gionto
Suplica aiuto, et pur sel porta il legno
Fra Tonde piene d'impeto et di sdegno.
280 I DODICI CANTI
1 18. Et un turbine vien pien di furrore
Che tutto il palischermo sotto Tacque
Guopre. Se '1 conte hor ha pena nel core,
S*alta paura nel suo petto nacque,
Giudicalo hora tu, saggio lettore,
Che per mezza hora corne morto giacque
Et sotto Tonde per lo mar andava
El battel che la strega lo guidava.
119. In se tornato lo signor di Brava
Si vede corne un pesce in el mar cupo
Et d'Alessandro alhor si ricordava
Del drago nato, se fu vero il strupo,
Che col vetro ne V onde si calava :
Essendo délia terra avido lupo,
Desiava soggiogar ne V onde il pesce,
Ma il desio humano sempre non riesce,
120. Rivolta il conte alla maligna strega
La schiena sol per non vederla in faccia,
Perch' a pietà di lui mai non si piega
Ne ridurlo alla ripa ancor procaccia,
Anzi ogni gratia, ogni favor le niega
Et di farlo périr quasi minaccia ;
Ma egli guata nel fondo et chiaro vede
Quel pesce ch' indi parte et quel che riede.
121 . La spinosa murena trascorre
Ch'or questo pesce et hor quel altro prende,
L'anguilla spesso quinci e il lupo corre
Che questa il fragolin, quel altro attende
La scialpa e il tordo ; il tonno vi concorre
Che Tuno et Taltro poi di quegli offende ;
Li squadri, Tampie ragge vede e i rombi,
Li cani, i polpi et li pasci palombi.
[F^ 50 po] 122. Le sepie, i cantalupi, Taligoste,
L'ostrache sorde, cannole et telline
Van boccheggiando con le dure croste
Et fanno pur ma deboli rapine.
Gambari granci andar vede in più poste
Solcando il mar come le crude Erine
Et vede giù nel mar fra i pesci guerra
Quai fanno fere et homini su in terra.
CÀNTO QUARTO S8l
123. Vedevi il magior pesce che 1 minore
S*ingoa ne Tacque corne il lupo in sel va
La pargoletta dama senza core,
0 corne lamaggior la minorbelva,
0 corne fa il tjranno col furore
El Buddito meschino che s'inselva
Spesso fugendo, ove poi muor di famé
Et col suo satia altrui le voglie brame.
124. Ah Italia ingorda de T altrui fatica,
In te si nudre il perfido tyranno
CoU' altrui sangue ! 0 età beata antica
Che ti vivevi in pace senza affanno,
Sol di virtù, sol,d*honestade arnica,
Ne tenevafra i tuoi superbia il scanno,
Ne te Avaritia dominar poteva,
Perô lieto et contente ognun viveva !
125. Deh, vedi un poco il regno delli Insubri
Et come sta la misera Liguria
Che del suo cigno i pianti ancor lugubri
Manda fin aile foci delF Etruria;
Poi guarda Roma con li soi delubri
Come hora jace et quanto è sua penuria
Degli huomini ch* amor la libertade
Délia lor patria, délia lor cittade.
126. Tu non vedrai più il Code, Curtio, Attilio.
11 Torquato, Camille, il bon Marcello,
Mutio, Fabritio povero, Manilio
0 Flaminio o il Cursor o il villanello,
Ma Scipio truovarai posto a Tesilio
Come se fusse alla patria ribello,
Et con Sardanapalo et Cathilina
Tomato è Crasso in ultima ruina.
[r>50. v«] 127. Vedi i Rutili, i Voischi, li Latini,
Li Marsi, li Picenti, il mio paese,
Ch' al vincitor fu termini et confini
Che ritomô da bellicose imprese ;
Mira et Ravenna con li soi vicini
Ove vedrai la genti Ferrarese
Ingrassarsi nel sangue Ravennate
Senza mostrarle segno di pietate.
19
282 I DODIGI CANTI
128. Vedi san Léo col Montefeltro, tutto
Il smantellato Urbino ; ah, fier leoae,
Questo ô il soave et delettevol frutto
Già meritato per lunga stagione
Dachi nel tempo del tuo acerbo lutto
Te acarezzô nella sua regione !
Questo è quanto tu de* a Y alber dî Giove
Che al ciel ti fe salir, non per tue pruove I
129. 0 Italia, il regno che al dassezzo perse
Il re Aragonia stirpe, non ti dico :
S'unita fusti, i militi di Xerse
Con quei di Dario, an cor chè tuo inimico
11 monde havessi, non potria tenerse
Contra di te, o s'havesti il ciel amico ;
Ma haver nol puoi perché persa hai la fede
Che ti facea del sommo Giove herede.
130. Lupi son fatti li pastori tuoi,
Li principi tyrannî oltra misura,
Dalli toi mari in sin ai liti Eoi
Gente peggior su la terra non dura,
Ne amor ne fede régna infra gli heroi,
Ne délie pecorelle ha il pastor cura,
Ne puô mia penna scriver senza pianto,
Onde fin faccio a questo quarto canto.
Ferdinand Castbts.
(A suivre,)
BIBLIOGRAPHIE
Gasté (Armand). — VAvaricieux^ comédie traduite librement de VAu-
lularia de Plante par Jacques de Gahaignes (1580). — Roueriy 1898, 8*
M. Armand Gasté, professeur de littérature française à l'Univer-
sité de Caen, vient de publier en un beau volume pour la Société
Rouennaise de Bibliophiles une comédie de VAvaricieux, traduite en
1580 de VAulularia de Plante par un médecin caennais, Jacques de
Gahaignes, et qui, jusqu'ici, était restée manuscrite. La pièce se fait
lire avec plaisir et suggère quelques réflexions intéressantes.
D'abord, elle nous permet de constater une fois de plus combien
nos idées sur la propriété littéraire et sur le plagiat étaient étrangères
aux hommes du XVI* siècle. Larivey, en 1579, venait de publier la
comédie des Esprits qu'il avait, disait-il, imitée de Plante et de
Térence : or, les Esprits n'étaient, avec des modifications habiles
mais peu nombreuses, qu'une traduction d'une comédie italienne de
Lorenzino de Médicis, VAridosio, dont Larivey ne soufflait mot.
Gahaignes, en 1580, explique dans un prologue comment il a traduit
l'Euclio de Plante et ne fait aucune allusion à Larivey : or, qu'on
juge si Larivey n'aurait pas eu quelque raison de se plaindre :
SÉvBRiN (au moment de cacher Serrant (au moment de cacher
son argent près d'une croix) : son argent dans un cimetière) :
Qtie feray-ie ? L'y mettray-ief Mais deuant que m'en deffaire,
Oy; nenny; si ferayy je Vy vay ie veus veoir si quelqu'un me
mettre ; mais devant que me des- regarde point. Hé, mon Dieu I
charger, je veux veoir si quel- il me semble que ie suis veu de
qu'un me regarde. Mon Dieu ! chasqu'vn^ mesmes que les testes
il me semble que je suis veu de mort me regardent. Que fe-
d^un chacun, mesmes que les ray^ie f Vy mettray-ie ? Oy,
pierres et le bois me regardent, nenni, — Si feray, non feray,
Hé ! mon petit trou, mon mi* ie Vy mettray,.. Mon petit trou,
gnon, je me recommande à toy. mon mignon, garde-le bien,,. Je
(Les Esprits, II, 3.) ^« ^« recommande,
(VAvaricieux, IV, 2, p. 45.)
D'un comique grec à Plante, de Plaute à Lorenzino de Médicis, de
284
BIBLIOGRAPHIE
Lorenzino de Médicis à Larivey, de Larivey à Cahaignes, c'est ainsi
que les auteurs allaient se copiant.
Mais, comme les Esprits combinent à la fois les sujets de VAuîth
laria, de la Mostellaria et des Adelphes, Cahaignes n'a pu copier
Larivey qu'en de rares endroits : ailleurs il rivalise louablement avec
lui de verve, de naturel, de familiarité comique. Et la victoire, en
cette lutte, reste à Larivey, dont la langue a plus de saveur et un
goût de terroir plus prononcé ; mais le mérite de Cahaignes n'en est
pas moins incontestable.
Suivant à la fois l'exemple donné par Larivey dans ses Comédies
facétieuses et celui qu'avait déjà donné Antoine de Baïf dans le
Brave, traduit du Miles gloriosus en 1567, Cahaignes donne une cou-
leur française et même normande à la pièce du vieux comique latin.
Il applique à ses personnages les noms expressifs de Serrant,
ChichefacCf Madame Bonne^ au lieu de garder ceux à^EucliOy de
Staphyla et dL'Eunomia ; l'Âvaricieux cache son argent dans un
cimetière, et non dans le. temple de la Bonne Foi ; le voleur n'est pas
menacé du préteur, mais on va faire haro sur lui ; il n'est plus ques-
tion de monnaies antiques, mais de mailles, d'oboles, de testons,
à'écus; ce n'est pas une joueuse de flûte, mais des violons que le
fiancé envoie pour la noce ; la fille de Serrant, quand elle accouche,
n'invoque pas Juno Lucina, mais elle crie : Jésus ! Jésus ! Citons
un peu au hasard quelques plaisantes traductions :
Metuo ne mistum bibam {II,
3, 235).
Cererin, Strobile, has facturi
[nuptias f
— Quif — Quia temeti nihil
allatum intellego {II, 5, 310).
Pipulo hic differam ante aedis
[II, 2. 402).
Ubi nugivendis res soluta est
[omnibus,
Ibi ad postremum cedit miles,
[aes petit,
Itur, putatur ratio cum ar^
[gentario,
Impransus miles astat, aes
[cessât dari.
Fay grand peur que tout le
potaige du banquet ne soit ren^
uersé sur moy {1, b,p, 25).
le croy que ce sera vn soupper
de brebis. — Pourquoy dis4u
cela ? — Parce que te ne voy ne
sydre ni autre bruuage (II, 1,
p. 31).
le le diray dix mil pouilles
deuant ta porte (III, 2, p, 37).
En fin n'ayant point (Pargent
dans les coffres, fault faire de
belles promesses, remettre de
terme en terme, fausser sa foy,
emprunter aux vns pour bailler
aux autres, et comme on dit en
commun proverbe , descouurir
saint Pierre pour couurir saint
BIBLIOGRAPHIE 285
Vbi disptUaia est ratio cum Paul^ faire obligations et pren-
[argenlario, dre de (argent a interest (III,
Etiamplus ipsus débet argen- 5, p. 40).
tario,
Spes prorogatur militi in
[alium diem.
(III, 5, 481).
Pici divitiis qui aureos montis Me voila riche a tout iamais :
[colunt ie dis plus riche que le sultan
Ego solus super 0, Nam istos Solyman, car ie ne me veulz
[reges ceteros comparer aus autres rois qui ne
Memorare nolo» hominum sont que belistres au prix de
[mendicabula ; moy (/V, 7, p, 52).
Ego sum ille rex Philippus !
(/V, 6, 657).
Quid ? si falles ? — Tum me Si vous faictes autrement ? —
facial, quod volt, tnagnus lup* Queie n' entre iamais en paradis l
piter! (77, 8, 734). (/V, 9, p. 39).
Si j'ajoute que Cahaignes se permet cà et là quelques additions ou
quelques suppressions, on connaîtra bien le système de traduction
qu*il a adopté et qu'il justifie spirituellement dans un prologue :
« Geste comédie est une des celles de Plante, qu'il a intitulée Euclio.
Mais ie vous veus bien auertir en passant que comme elle luy est
semblable quand a l'argument et sujtte de personnages de scène en
scène, aussi est beaucoup dissemblable quand au discours, nes'estant
l'autheur qui Ta miseenfrançois, assubietty aus mots, termes et sen-
tences de Plante, mais ayant discouru par tout à sa phantasie ^. Si
vous luy demandez pourquoy il a prins une si grande licence, il vous
1 Aussi ne reprocherai-je point au passage suivant de contenir un faux
sens, mais de n'offrir aucun sens satisfaisant. Serrant vient d'ordonner à
Chicheface de bien garder la maison : « Ghichbface. — Que voulez-vous
que i'y garde qu'on ne l'emporte volontiers? Car les larrons n'y pour-
roient faire autre butin, n'estant meublée que de toiles d'araignes. » Il
faut lire : Que voulez- vous que i'y garde? qu'on ne l'emporte, volon-
tiers? », c'est-à-dire que voulez-vous que j'y garde? je dois garder qu'on
ne l'emporte, sans doute?
Ego intus servem? An, ne quis aedis auferat?
Nam hic apud nos nihil est aliud quaesti furibus :
Ita inaniis sunt oppletae atque araneis. (I, 3, 43.)
Le cinquième acte de rAvaricieiex est traduit du supplément de Go-
drus Urcéus.
?86 BIBLIOGRAPHIE
respondra qa*il y a plusiears mots en Plante qui ne se peuvent bien
rendre en françois, qu'il y a plusieurs gosseries et discours desquels
on prendroit en ce temps un bien maigre plaisir, parce qu'vn autre
temps apporte autre manière de viure, autre façon de faire et de par-
ler. Que si vous ne vous payez de ces raisons, il vous dira fraizement
qull Ta ainsy voulu faire, que tel a esté son plaisir, qu'il n'y estoit
pas tenu, qu'il Ta vertie seulement pour en faire présent aus comé-
diens qui passeront par ceste ville de Caen, afin de la représenter au
peuple françois qui prendra plus de passetemps à l'ouir telle qu'elle
est, que si elle estoit vertie mot à mot selon le sens de l'autheur. »
Cette dernière phrase mérite attention. Non qu'il faille en conclure,
ainsi que le fait M. Armand Gasté, que rAvaricieux € fut composé
pour une troupe de comédiens de passage à Caen qui durent la re-
présenter en 1580. » C'est là, semble-t-il, faire dire à Tauteur plus
qu'il n'a voulu dire. Cahaignes n'affirme pas qu'une troupe de comé-
diens va passer et se chargera de sa comédie. Il se propose simple-
ment, puisque des troupes de campagne se montrent à Caen de temps
à autre, d'ofirir son œuvre à l'une d'elles. Et notez que, d'après la
suite même de ce prologue, il a eu d^autres raisons, « plus vallables
et pertinentes », d'entreprendre sa traduction; notez encore que le
prologue tout entier a été biffé par l'auteur dans son manuscrit, ce
qui doit sans doute s'expliquer par un mouvement de dépit et de dé-
couragement. Il ne me parsdt donc pas qu^l faille ajouter rAvari-
cieux à la liste, bien courte, des pièces d'inspiration classique que
nous savons avoir été représentées au XYI* siècle ; mais enfin nous
voyons qu'en 1580 des troupes assez nombreuses passaient en Nor-
mandie et qu'un dramaturge amateur pouvait espérer y trouver des
interprètes.
Toutefois il était plus sûr de les chercher autour de soi, parmi
d'autres amateurs. Aussi quatre ans plus tard, le 26 juin 1584, le jour
où un certain Germain Jacques reçut le bonnet de docteur en théo-
logie, Cahaignes fit-il jouer par des jeunes gens de bonne famille,
ingenui adolescentes y une comédie traduite du latiniste hollandais
Cornélius Crocus et où étaient exposés les démêlés de Joseph et de
la femme de Putiphar.
L'Avaricieux a été publié avec un soin extrême par M. Armand
Gasté, qui l'a fait précéder d'une intéressante introduction. Au reste,
M. Gasté est coutumier de ces publications méritoires, et il y a quel-
ques mois à peine qu'il réunissait, plus complètement, plus diligem-
ment, et avec plus d'éclaircissements qu'on ne l'avait jamais fait, les
pamphlets et les opuscules divers qui constituent la Querelle du Cid.
Eugène Riqal.
BIBLIOGRAPHIE 287
Gehrt (Paul). — Zwei altfranzôsische Bruchstiicke des Floovant. —
Erlangen^ Junge und Sohn, 1896, m-S", [28 p.].
Ce travail est consacré à l'étude de deux fragments de Floovant ^
découverts à la bibliothèque de l'Université de Fribourg i. B. Ils se
trouvaient dans la couverture d'un livre provenant de Pabbaye de
Tennebach. Ces fragments sont les restes d'un manuscHt en parche-
min écrit à la fin du XIV* siècle ; ils ont été identifiés par M. G. Baist.
Ils comblent le tiers de la lacune qui se trouve dans le manuscrit
unique de Montpellier après le vers 430 et contiennent 192 vers,
dont les 96 premiers étaient inconnus jusqu'ici.
Le texte est accompagné de remarques critiques, d'une comparai-
son entre ces fragments et le manuscrit de Montpellier, de notes
grammaticales sur la langue de Floovant en général et sur la gra-
phie des fragments.
A remarquer parmi les notes celle du vers 68 (p. 14) sur anclune-
enclume. La forme paraît suspecte avec raison à l'auteur, qui donne
à cette occasion une nouvelle explication de l de enclume. Il admet
l'influence de includere employé en parlant du travail des orfè-
vres : le radical incud — aurait été influencé par le radical includ.
L'étude du contenu de ces fragments et de la forme du mot Floo-
vant (réduit en général à Flovent, Flovant) montre que la rédaction
de ce texte est postérieure à celle du manuscrit de Montpellier.
Le chapitre se termine par quelques pages intéressantes sur la
légende de Joyeuse, l'épée de Floovant, et sur les rapports de cette
légende avec celle de Durandal^ l'épée de Roland, et avec celle de
Courtainef l'épée d'Ogier.
Le chapitre III est un peu du remplissage; il s'occupe plutôt de
quelques particularités de la langue de Floovant que de la langue
même des fragments qui, à la vérité, ne fournissaient qu'une mince
matière. L'étude de la graphie forme un dernier chapitre qui amène
l'auteur à conclure que les deux manuscrits (Montpellier et frag-
ments) ont été écrits en Lorraine.
J. Angladb.
Nouvelles bibliographiques
La Revue des Universités du Midi, après avoir paru durant qua-
tre années sous ce titre, vient de subir une nouvelle métamorphose ^
Elle formera dorénavant deux recueils distincts, le premier s'appe-
1 Elle porta d'abord le titre d'Annales de la Faculté des lettres de
Bordeaux, 1879-1894.
288 BIBLIOGRAPHIE
lant : Revue des études anciennes j le second : Revue des lettres
françaises et étrangères. Des emprunts faits à Tun et à Tautre con-
stitueront un troisième périodique: le Bulletin hispanique. La Re-
vue des lettres françaises et étrangères paraît tous les trois mois ;
la périodicité des deux autres n^est point indiquée dans le fasc. 1 du
tome I. Ajoutons que les trois recueils portent encore le titre géné-
ral à' Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux et des Univer-
sités du Midi,
Après cet exposé qui ne sera pas inutile aux bibliographes, notons
l'article de M. E. Bourciez: L'agrégation d'espagnol et d'italien {Re-
vue des lettres françaises et étrangères, janv,-mars, 1899), et celui
de M. Eugène Bouvy: Dante en France à propos d'un livre récent.
C'est de l'ouvrage de M. Hermann Oblsnbr qu'il s'agit.
Le même travail a inspiré l'étude de M. Henri Hauvette: Dante
dans la poésie française de la Renaissance, {Annales de l'Université
de Grenoble^ 1^' trimestre 1899).
A signaler dans la Revue internationale de l'enseignement les ar-
ticles suivants : N. Vaschide . La nouvelle loi de l'enseignement
secondaire et supérieur en Roumanie (15 janvier, 15 février et 15
mars 1899). [C'est l'historique de la réorganisation de l'enseignement
en Roumanie durant les dernières années, avec des commentaires
critiques sur la nouvelle loi. Cette étude fait suite» en quelque sorte,
au beau livre qu'a publié notre confrère M. A. Ureohia , sur le déve-
loppement de l'enseignement en Roumanie depuis le commencement
de ce siècle *.] — G. Dbsdevises du Dezbrt. La réforme de l'ensei-
gnement secondaire en Espagne (15 janvier). — Jules Delv aille .
Ls travail en province (15 avril).
La. Revue des Pyrénées (janvier-février 1899) commence la publi-
cation d'une étude de M. Maurice Gat : Un poète béarnais du
XVIII* siècle, Cyprien d'Espourrin (1698-1759). Ce premier article
ne traite guère que des alentours du sujet : Origine de la famille
D'Espourrin, son blason, son château, etc. Il rappelle qu'on a dé-
montré que le poète naquit à Accous et non à Adast comme on le
crut pendant longtemps.
1 Oelsner (Hermann). — Dante in Frankreich bis zum Ende des XVIII
Jahrhunderts. — B&^lin, Ebering, 1898, tn-8^ [F//-106 p,].
2 Urbchia (V. A.) — Istoria scoalelor de la 1800 la 1864.— Bucuresciy
1894, 3 vol.
BIBLIOGRAPHIE ^89
Livres reçus
Dveamin et Païquier. — Charte gasconne de 1304 concernant les
reconnaissances féodales de la terre de Rivière en Bigorre. —
Bagnères-de-Bigorre» Imp, Bérot, 1898, in-8**. [24 p.].
[Extrait du Bulletin de la Société Ramond, 1898.]
FalgairoUe (Prosper). — Le Péage de St-Gilles au XIV» siècle,
d'après un texte languedocien inédit. — Nîmes, Imp, générale ^
in-8o. [12 p.].
[LacuYe]. — Ine brassaie de contes en bia laingage potevin, assaraie
in p*tit pretout dons le département daux Deux-Sèvres et mise en
livre delamoain de Moaitre R.-M. Lathiube, membre de la Sauciété
daux traditians poupulaires. — Paris, Lechevalier et Maisonneuvcy
1899, in.l2. [168 p.].
Lindberg (Lars). — Les locutions veibales figées dans la langue
française. — Upsal, Imp. Almqviat et Wtksell, 1898, gr. in-8^ [II-
117 p.].
[Thèse de doctorat d'Upsal.]
Linder (Alfred) — Plainte de la vierge en vieux vénitien. Texte
critique, précédé d'une introduction linguistique et littéraire. —
Upsala, Imp. Edv. Berling, 1898. in 8°. [II +8 + CCXLIV+102 p.].
[Upscda Universitets Arssh'ift 1898. Filosofi, Sprakvetenskap och
Historiska vetenskaper I.]
Lindqvist (Georges). — Quelques observations sur le développe-
ment des désinences du présent de l'indicatif de la première conju-
gaison latine dans les langues romanes. — Upsala^ Imp, Almqviat et
Wtksell, 1898, gr. in-8*. [11-161 p.].
[Thèse de doctorat d'Upsal] .
Loaieth (E.). — Observations sur le Polyeucte de Corneille. —
Christiania, Jacob Dybujod, 1899, gr. in-8®. [18 p.].
[Extrait des VidemJcabsselsJeabets Skrifter. II. Historisk-Filosqfisk
Klasse. 1899. n» 4.]
Miret y Sans (JoaqaimN — Noticia histôrica del monestir d'Al-
guayre de la orde sagrada y militar del hospîtal de Sant Joan de
Jérusalem. — Barcelona, Tip, « L'Avenç »,1899, in-8°. [64 p.].
Schnchardt (Hago). — RomanischeEtymologieen. I. — Wien, Cari
Gerold, 1898, gr. in-8<». [82 p.].
[Extrait des Sitzungsberichte der kais. Akademie der Wissenschaften
in Wien, Philosophisch-historische Classe, Bd, CXXXVIII.]
290 BIBLIOGRAPHIE
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française. — Upsala, Imp, Almqvist et Wiksell, 1897, gr. in-8°.
[11-180 p.].
[Thèse de doctorat d*Upsal.]
Hftzuc (Emile). — Grammaire languedocienne. Dialecte de Péze-
nas. — Toulouse, Privât, 1899, gr. in-8**. [XV-350 p.].
Torres y Gômez (Manmel Enrique). — Gramâtica histôrico-compa-
rada de la lengua castellana. — Madrid^ Sàenz de Jubera, 1899,
in-8o [XVI-492 p.].
Vidal (âug.). — Lou Paradou de moun paire. — Albi, Imp, G, -M.
Nouguiès, 1897, in-8«. [12 p.].
[Extrait de la Revv>e du Tarn, 1897.]
Vignauz (A.)- — Fillettes et Capitouls. Documents pour servir à
l'histoire de l'éloquence judiciaire et des mœurs à Toulouse, pendant
le XV« siècle. — Toulouse, Imp. Lagarde et Sébille, 1899, in-8°
[26 p.].
CHRONIQUE
BANQUET OFFERT A MM. GASTON PAKIS, CAMILLE CHABANKAU
ET P. MEYER A TOULOUSE.
C'est pendant la réception des Congressistes à l'Hôtel -de- ville de
Toulonse, réception par laquelle se termina la première journée du
Congrès des Sociétés savantes que Tîdée vint à nos amis de VEscolo
moundino d'ofiErir un banquet à MM. Gaston Paris et C. Chabaneau
On commença aussitôt à recueillir les adhésions. Félibres et romanistes
de Toulouse, de Montpellier, du Midi de la France et de l'étranger,
s'inscrivirent à l'envi. On avait, en sortant du Capitole, la certitude du
succès ; il ne restait plus qu'à fixer la date et le lieu du banquet. Le
mérite de cette rapide organisation revient tout entier à MM. Baquié-
Fonade et Louis Vergne de VEscoîo moundino. Le lendemain et le
surlendemain survinrent quelques nouveaux adhérents ; en outre, il
fut décidé qu'on inviterait au banquet M. Paul Meyer qui était arrivé
à Toulouse sur ces entrefaites.
Le banquet eu lieu le 7 avril, jour essentiellement félibréen *, au
Café Hiche. M. Jeanroy présidait, ayant à sa droite M. Gaston Paris, à
sa gauche M. Paul Meyer. M. Chabaneau, qui faisait vis-à-vis au prési-
dent, avait à ses côtés MM. Vergues et Sourelh, de VEscolo moundino-
Parmi les* convives on remarquait MM. Dognon, Baquié-Fonade, Wal-
lenskôld, Berthelé, Salverda de Grave, Grammont, Leite de Vascon-
cellos, Ducamin, Félicien Court, Brissaud, Sernin Santy, L. Constans?
Omont,Cartailhac, baron Dézasars deMontgaillard, Vignaux, Clavelier,
Prou, Caries de Carbonnières, J. Rozès, de Peyralade, Chabrié, E.
Privât, Journet, Dumoret, Anglade, Campa, Dereix, Delorme, Saint-
Raymond, Loris, Teulié, etc., etc.
Un peintre toulousain, M. G. Castex, avait dessiné un joli menu
où, comme dans notre sceau, on voyait le soleil disparaissant au loin
derrière les vagues, avec la devise de la Société des langties romanes :
s'es ESCONDDTZ MAS NON ES MORTZ.
Au Champagne, remplacé en la circonstance par la blanquette de
* Sept est le nombre aimé des félibres. VAiolij le moniteur officiel du
Félibrige — si toutefois on peut dire qu'il y ait quelque chose d'officiel
dans le Félibrige — paraît les 7, 17 et 27 de chaque mois.
292 CHRONIQUE
Limoux, le président, M. Jeanroy se lève et dit à peu près les paro-
les suivantes :
Nul, Messieurs, n'est plus étonné que moi-même de me voir à cette
place, que votre courtoisie m'a imposée, et je me demande si ce n'est
point par amour du paradoxe que vous avez voulu faire présider par
un professeur une réunion defélibres, — à laquelle nous nous sommes,
nous autres universitaires, associés de très grand cœur, — faire
exprimer vos sentiments dans le langage décoloré d'un philologue,
alors qu'il l'eussent été si bien dans les chaudes sonorités du parler
d'Oc, que je me réjouis d'entendre tout à l'heure ? Ou n'est-ce point
plutôt parce que vous avez voulu marquer ainsi clairement que vous
voyez en nous des alliés et des collaborateurs tout naturels ? Et c'est
là, en efEet, l'idée même qui a inspiré cette manifestation. Vous sen-
tez, Messieurs, que votre langue forme un tout, où le passé se rejoint
nécessairement au présent : sans doute vous n'avez le temps ni les
moyens de pénétrer tous les secrets de cette vieille langue des troa-
badours, aussi difficile que belle ; mais un instinct du coeur vous en
révèle l'incomparable valeur poétique ; vous aimez à y chercher les
titres de noblesse de vos idiomes locaux et vous sentez que, mieux
vous la connaitrez, mieux vous saurez dans vos œuvres préserver ceux-
ci des contacts qui, dans la rue, les défigurent et les déshonorent. Et
voilà pourquoi vous avez voulu rendre hommage aux trois savants
qu'une heureuse circonstance a réunis parmi nous. L'un est le maître
incontesté de la science romane ; c'est lui qui a suscité dans ce do-
maine, si délaissé il y a cinquante ans, une activité, une émulation
dont nos collègues étrangers pourraient vous rendre un éclatant témoi-
gnage. Quant aux deux autres, ils ont acquis des droits tout particu-
liers à votre reconnaissance : par les textes qu'ils ont découverts,
publiés, commentés, aussi bien que par leurs œuvres originales, ils
ont fait plus que personne en Europe pour le protçrès des études pro-
vençales. Je lève mon verre en l'honneur de l'auteur de VHistoire
poétique de Charlemagne^ en Thonneur des deux auteurs ou éditeurs
de la Grammaire Limousin^, des Derniers troubadours de la ProveMty
du Roman de Flamenca, de la Chanson de la Croisade^ des Biogra-
phies des Troubadours.
De nombreux applaudissements accueillent ce discours, et M. An-
dré Sourreil répond en languedocien :
Cars e illustres Mestres,
Lous Felibres de VEscolo Moundino sèm estad urous de l'oucasiu
que nous èro oufèrto per vostre sejourn dins la ciutad ramoundino,
pramo de vous donna lou testimoni de nostro admiraciu. Troubares
belèu que pagam d'un biais un pauc menud nostre dèime d'ounourifi-
caciu, es pamens del mai prigound de nostre cor qu'es moimtado Tens-
piraciu d'aquesto pitchouno festo.
Moussus e brabes counfraires, dins nostre poulid Lengodoc, -
dirèi dins nostre Mièjourn, perço que, coumo dis Mistral, sèm toutis
de fraires : Gascons, Limousis e Proubençals, — i'a pas de joio mai
grando, mai cando, qu'aquelo de se trouba en familho.
N'es uno atal la qu esproubam d'aqueste moument, ataulads que sèm
CHRONIQUE S93
per fa fèsto ai sabents que damb lours trabalhR toDcant la lengo rou*
mano, ni mounde fan counesse las bèutats de la litteraduro d'Oc.
Moussas, desumpèi lous afas tant mahirouses per nostre païs e
dount la pats de Maus vejèt la fin, i'a pas cause que lous Francimands
n'ajoun assaiado per nous deuaciunalisa ; pamens, que s*i sioscoun
près d'un biais ou d*un antre, lou sang quepisso dins nostros venos
es un sang rouxnan e Tengin de nostro raço es demourad gallès-rou-
manisad.
Disèm^ lous Mièjoumals que sèm en Franco lous eiritiès de l'engin
d'aquelos raços que dins Tantiquitad à Spartes, à Âtenos, à Roumo,
mountèroun la civilisacin à la cimo de Tescak) ; e, es pr' aco que pre-
tendèm abe cargo de nianteni ço que reste d'aquelo civilisaciu per-
fecciounado. An soubent damandad ço qu'ai juste poudio estre lou
Felibrigo ; moussus, n'es simplomen qu'aiço : la voulountad de l'afir-
maciu e de l'exprcHsiu de Tengin de la raço d'Oc, car lous Felibres
n'abèm qu'uno visto : fa mai riche lou patrimoni litterari e artistic de
nostro naciu !
Cridoun e countoun souben que la lengo d'Oc es falido e counto pus
que coumo dirio, un mounument arqueoulougic...
N'abèm, cresi, pas pla à nous inquiéta d'aquelos cridasous e d'aques
countes de maissants roussicads per la jelousio, de mentre que pou-
dèm f a vese à nostres euemics lous poulids broutons qu'à la couronne
literario del Mièjourn an ajustad desumpèi lou Felibrige . aquelos
obros inmourtalos que s'apèloun : Lis Isclo d'Ory NèrtOf Mirèio, Ca-
lendau, La Eèino Jano, Lou Rosôy de l'Oumèro de nostre tems : F.
Mistral: La Miougrano entreduberto e li Fiho d'Avignoun, de Th.
Anbanel ; Li Margarideto, de Boumaniho; Li Rouge dôu Miéjour, del
capouliè F. Gras; Li Couquiko d'un Roumièu, de L. Boumièn ; e Les
Cants del Soulelh ou Les Grilhs, de nostre grand troubaire del Lau-
ragues, Augusto Fourés.
Ë quand besèm tant poulido flouresoun e culido tantgranado, digas-
me se n'abèm pas rasou de counsidera coumo d'inoucents ou d'ases,
aqnes cacarotsque soustenoun que la lengo d'Oc es mortel...
Mes, Diu mercès, biu encaro nostre parla e pensi pas que de loun-
tems lou vejoun amourrad ; cado jour, à Palbre del Felibiîge pousse
une neuvèlo rèisse per ramplaça las vièlhos e sus sas brances, cado
estiu, nostre soulelh fai amadura la frucho bouno dount se nourris
lou pople d'Oc, per las mas de souspouètos...
Cars e illustres mèstres, de sus vostros cadièros de proufessours,
aprenès à la jouvenço qu'estudio, las lèis de nostro lengo e fasès cou-
nesse las obros de nostres escribans ; fasès atal obro f elibrenco .
Nous aus, mai menuds, anam pel campestre, per las col os et per las
coumbos, jous fresques oumbrages qu'oundroun nostre païs, damanda
à la nature l'enspiraciu que nous fara dire dins de verses armeu-
niouses la bèuta de nostre endret, las glerios de nostro patrie, nostro
fe, nostros esperenços e predicam al pople l'evangèli del Felibrige.
Cadun de nostre bord trabalham per la patrie ; daissas-me, en trin-
can à vostros santads, heure tabe à la grandeur de nostre Lengedoc e
à la leungo vide de soun parla !
M. Grammont dit quelques mots au nom de la Société des langues
romanes, dont il est le président. Puis M. Gaston Paris, dans une lon-
gue et délicieuse causerie exprime tout le plaisir qu'il éprouve à se
294 CHRONIQUE
trouver parmi les félibres et la joie, toujours nouvelle, qu'il goûte
chaque fois qu41 entend réciter ou chanter en langue d'Oc ; il a des
paroles particulièrement honorables et 83nnpathiques pour notre maître
et ami M. Chabaneau, ensuite il fait connaître aux assistants les tra-
vaux et les mérites des trois romanistes étrangers qui prennent part
au Congrès : MM. Wallenskôld, Salverda de Grave et Leite de Vas-
concellos.
Des applaudissements soulignent cette allocution et Ton boit à ceux
dont M. Paris vient de faire l'éloge, à leur pays, la Hollande, le Por-
tugal et à rindépendance de la Finlande.
M. Chabaneau se lève alors et, très ému, oc remercie VEscolo moun-
3> dino de Thonneur qu'il reçoit d'elle, mais dont il croit devoir n'ac-
» cepter pour lui qu'une faible part, réservant la plus grande à la
9 Société pour Tétude des langues romanes, dont les organisateurs
D de la fête ont eu la délicate attention, d'inscrire la devise en tête da
» menu du banquet. 11 rappelle, avec un redoublement d'émotion,
1» que cette même devise est gravée au bas du buste, pieusement
3) conservé par la Société, d'Anatole Boucherie, qui fut l'un de ses
}» fondateurs et auquel, plus qu'à nul autre, elle a dû de vivre et de
"» prospérer, et il demande qu^il lui soit permis d'associer la mémoire
> de cet ami à jamais regretté à l*hommage qu'il reçoit lui-même.
j> Rappelant ensuite que, dans une réunion de félibres, on ne san-
]» rait oublier le grand poète que tous aiment, admirent et vénèrent,
y> et qui est. pour ainsi dire, leur âme commune, il porte un brinde à
B Frédéric Mistral qu'il salue glorieusement des mêmes paroles que
:» Dante adresse à Virgile au premier chant de l'Enfer : Tu duca, tu
"» aignore e tu maestro ; et sur sa demande, on entonne le ohant de la
]> Coupe *.
C'est M. L. Vergue qui chante la Coupo,
Ensuite, sur la proposition de M. Gaston Paris, on envoie à Mistral
une dépêche ainsi conçue :
Félibres et romanisants, présents au Congrès des Sociétés savantes,
réunis pour fêter Qaston Paris, Camille Chabaneau et Paul Meyer,
saluent Mistral dtuia, signore et nuiesiro.
Voici la réponse de Mistral :
Salut e glôri au Felibrige moundin, au gai-sabé di Soucietat sabènto
1 Nous n'avons pu, faute de place, reproduire ou analyser tous les
discours qui furent prononcés durant le banquet, mais, à ceux qui dési-
reraient plus de détails sur cette fête, nous signalons les comptes rendus
qui ont paru dans la Te9T0 d'oc (mai 1899) et dans la Revue des Pyrénées
(juillet-août 1899).
CHRONIQUE 295
et à si très primadié : Gaston Paris, Paul Meyer, Chabanèu. Vivo
Toulouso I
F. Mistral.
Ainsi se termina cette réunion de félibres et de romanistes. Chacun
en emporta le meilleur souvenir en remarquant qu'il avait suffi de
mieux se connaître pour mieux s'apprécier.
Lo 23 avril s'est réuni à Arles, sous la présidence de M. Félix Gras,
le Consistoire du félibrige.
A la suite de ses délibérations, \a,joio dôu Gai-Sàbé (grand prix
de poésie) a été décernée à Philadelphe de Gërde (Madame Ré-
quier) .
MM. Maurice Joret, du Mas d'Agenais, et Simin Palat, de Yic-
de-Bigorre, ont été nommés Mèstre en Gai-Sabé.
Plusieurs provençalistes, dont la plupart sont de nos amis ou même
font partie de la Société des langues romanes, ont reçu le titre de
Sdci dôu felihrige. Ce sont :
MM. Xavier de Cunha, conservateur de la Bibliothèque de Lis-
bonne ;
DiKTRiCH Behrens, professeur de philologie romane à l'Université
de Giessen ;
Fritz Neumann^ professeur de philologie romane à TUniversité
d'Heidelberg ;
Jaeob Stûrzinger, professeur de philologie romane à TUniversité
de Wûrzbourg ;
GusTAV Eoerting, professeur de philologie romane à TUniversité
de Kiel ;
Eugène Ritter, professeur d'histoire de la langue française à
l'Université de Gtenève ;
D'' MoRiTz BoHEMANN, le traducteur des Rouge dôu Miejour de
F. Gras ;
Axel Wallenseôld, professeur de philologie romane à l'Université
d'Helsingfors (Finlande).
Le Comité fondateur du Museon arlaten, voulant assurer l'existence
de ce musée provençal auquel Mistral a consacré, pendant ces der-
nières années, toute son activité et tout son temps. Ta offert au dépar-
tement des Bouches-du-Rhône. Sur le rapport favorable du préfet,
M. Floret, le Conseil général a accepté le don. Mais il a été entendu
^^à CHRONIQUE
que le comité fondateur conserverait la direction du Museon et qu un
membre du Conseil général lui serait adjoint.
L'Académie des Jeux floraux de Toulouse a décerné , dans sa
séance du 3 mai 1898, une de ses fleurs à Philadelphb de Qerdb
pour son volume de vers : Cantos d^Azur,
M. Ludovic Legré, qui édita naguère lÀ Fiho d'Avignoun d'Au-
banel, publiera prochainement un recueil de poésies inédites du même
auteur. Ce volume aura pour titre : Lou RèireSoulèu , que l'on doit
traduire par « Le soleil d'outre-tombe ».
Le Gérant responsable : P. Hamklin.
I
A DON VITOUR BALAGUER *
Alor, rèn t'a fa p6a : Tamoar de la patrio
T'abrasavo lou cor, aies parti coume un lamp ;
E, treyant 11 moantagno, as fa de la pastriho
De sôadard, e n'as fa même di capelan.
Enterin, devouri d'un mau que desvario,
Ère clavela au lié, febrous e trampelant,
E t'assegure, ami, que s'èro pas Mario,
Aro sariéu coucha soute lou maubre blanc.
Quand sounjant à TEspagno, aquéu batèn sens remo,
La tèsto dins ti man, escampes de lagremo,
Qu'un inmènse aiiiarun ennègo toun grand cor,
Mete âsanço en Dieu, Vitour ! es lou plus sage...
Avèn fa, tôuti dous, un traite e sourne yiage.
Car vènes de la guerro e tourne de la mort !
I
A DON VICTOR BALAGUER
Donc, rien nef a fait peur ; Tamour de la patrie Vembrasait le cœur,
tu es parti comme un éclair ; et, parcourant les montagnes, tu as
transformé en soldats des bergers, des prêtres même.
Cependant, dévoré d'un mal qui égare, j'étais cloué au lit, fiévreux
et grelottant ; et je t'assure» ami, que si ce n^était la vierge Marie,
je serais maintenant couché sous le marbre blanc.
Quand, songeant à l'Espagne, — cette barque sans rames, — la
tête dans tes mains, tu verses des larmes, et qu'une immense amer-
tume noie ton cœur.
Mets ta confiance en Dieu, Victor! c^est le plus sage... Nous avons
fait, tous les deux, un perfide et sombre voyage, car tu reviens de la
guerre et je retourne de la mort !
^ Ces sonnets nous ont été obligeamment communiqués par M. Ludovic
Lborb. Ils font partie du volume dont la Revue annonçait, dans son
dernier numéro, la prochaine apparition et qui comprendra les poésies
encore inédites de Th^odorb Aubanbl sous ce titre : lou Rèire-Souléu^
c'est-à-dire c le soleil d'outre- tombe ».
xLii — JuiUet-Août 1899. 20
298
II
L'ARAGNO *
A-N-UN TBAITB
D^abord qae Tas voaga, meîchant I d'abord qu'as rout
Nosto vièio amista tant douço, tèndro e forto ;
D'abord qa'as, contre iéu, treva li draio torto,
Coame à-n-un ohin rascas, à-n-an padènt marron,
Te barre au front ma porto e bute li ferrou...
Yai-fen, traite, vai-t'en I nosto amistanço es morto.
L'as tuiado I — Un matin d'abriéu qu'ère pèr orto,
Yegnère dins Ion champ un brout, un galant brout
D'aubrespin rose ; au mié de la yerdo baragno,
Souto fueio, pamens espinche camina
Uno aragno ; eilalin, lou cèu pur s'escaragno
D'un nivoulun de dôu ; fai tèms sour ; a trouna...
La flour s'es espôussado, e rèsto que l'aragno
Fielant ourriblamen soun âéu entérina.
II
L'ARAIGNÉE
A UN TRAITRE
Puisque tu Tas voulu, méchant ! puisque tu as brisé notre vieille
affection si douce, tendre et forte ; puisque tu as, contre moi, suivi
les voies tortueuses, comme à uu chien galeux, à une bête puante,
Je te ferme ma porte et je mets les verroux... Va-t-en, traître, va-
t-en I notre amitié est morte : tu Tas tuée ! — Un matin d'avril que
j'errais à travers champs, je vis une branche, une jolie branche
D'aubépine rose ; au milieu du vert buisson, je découvre, chemi-
nant sous les feuilles, une araignée. Tout d'un coup le ciel bleu est
obscurci
Par un grand nuage noir ; le temps est orageux, voilà qu'il tonne...
Les fleurs se sont effeuillées, et il ne reste plus que l'araignée, dérou-
lant, hideuse, son âl empoisonné.
* Voir : Ludovic LuQKk, Le poète Théodore Aobanel, récit d'un témoin
de sa vie, p. 336*
2d9
III
PÉLIS GRAS
Dirias, tant es de forto raço,
Tant camino fier e segur,
Que dins si bras dabert embrasso
Tout lou souléu e tout Tazur !
Goume sus lou ro que s^estrasso,
Pèr querre un pau mai d'aire pur,
Mounto un sapin dre dins Taurasso,
Eu s'enauro vers lou bonur.
E plen de yido e bèu de joio,
Soun amo valènto e galoio
Nous boufo en tôuti Testrambord !
Soun vers a Tuiau d*uno espaso ;
Malur sus quau lus e tabaso :
Gantas-ié lou saume di mort!
m
FÉLIX GRAS
Vous diriez, tant il est de forte race, tant il s'avance fier et sûr,
qa^en ouvrant ses bras il va prendre tout le soleil et tout Tazur !
Gomme sur le roc qui se fend, un sapin, pour chercher un peu
plus d'air pur, monte droit malgré les tourmentes, lui s'élance vers
le bonheur.
Et plein de vie et beau de joie, son âme vaillante et sa belle
humeur nous soufflent à tous l'enthousiasme !
Son vers a Téclair d'une épée ; malheur à celui sur qui il étincelle
et s'abat : chantez-lui le psaume des morts I
300
IV
PARLA MUT
Ta foarèst e casièa peramount sus li moarre
Di nivo encamela, — nivo e niae soan ami.
L'aaro boafo: aabre, oustau, subran fau que 8*amourre
Goume un boulan de nèa di ro negras boami.
Dins lou céa, en foagnant, la lune sèmblo courre
Après li niéa d^argènt oante voudrié dourmi ;
Jamai d'an rai tant vién lis estello à fin mourra
Trelusèron. Pèr champ, li luserno an bleimi.
Ansin, Tauro d'amour, quand boofo sus uno amo,
Atubo dins lis iue un fioc estrange e dous,
Ë Tamouronso, emai digue pas que vous amo,
Dins Tuiau d'un regard coumprenès tôuti dous ;
E, paurous d'un bonur qu'un rèn trop lèu vous raubo,
Poutounas coume un fôu si man, soun peu, sa raubo...
Théodore Aubanbl.
IV
Il y a forêt et château par là-haut sur les pics où s'amoncellent les
nuages, — nuages et nuit se hantent. Le vent souffle : arbres, maison,
doivent soudain fléchir comme le tas de neige que les rocs noirs vomis-
sent.
Dans le ciel, en boudant, la lune semble courir après les nuées
d'argent où elle voudrait s'endormir ; jamais d'un éclat plus vif le
limbe plus net des étoiles ne brilla. Dans les champs, les lucioles ont
blêmi.
Ainsi, le vent d'amour, quand il souffle sur une âme, allume dans
les yeux un feu étrange et doux, et bien que l'amoureuse ne dise pas
qu'elle vous aime,
Dans l'éclair d'un regard vous vous êtes compris ; et, tremblant
pour un bonheur qu'un rien vous dérobe trop tôt, vous baisez comme
un fou ses mains, ses cheveux, sa robe...
LA TRADUCTION DU NOUVEAU TESTAMENT
EN ANCIEN HAUT ENGADINOIS
Par BIFRUN
EVANGELIUM JOHANNIS
(Fin)
CAP. XX.
(1) Et îlg prûmdi da Themna uen Maria Magdalenne bain
ma lualg, chelg era aunchia sckiiir, alg mulimaint, & uezét che
la pedra era aluêda uia dalg mulimaint. (2) Et ella currit dimê
& uen tiers Simonem Petrum & tiers aquel ôter discipul, qusel
che lesus amseua, & dis ad els : Eilg haun prais Tg signer oar
dalg mulimaint, & nus nu sauain innua chelg Tg haun mis. (3)
Mu Petrus giet oura & er aquel ôter discipul, & uennen alg
mulimaint. (4) Et curriuan amanduos isemmel, & aquel ôter
discipul currit auaunt plii bôd co Petro, & uen Tg priim alg
mulimaint. (5) Et s'abassand giu schi uezét el che [l]s' linzous
eran mis giu, imperscho nu giet el aint. (6) Et uen Simon Pe-
trus, chi gniua dsieua el & giet aint îlg mulimaint. et uezét
Vs linzous mis giu (7) & lin peijz da sûiêr chi era stô su sieu
chiô, brichia mis cun Vs linzous mu plaiô aint dimperse in iin
lœ. (8) Et alhura giet aint er aquel ôter discipul, quael chi era
gnieu auaunt alg mulimaint, & uezét & craiét. (9) Per che é nu
incligiauen aunchia la scritiira, chel stuaiua arisiistêr dais
morts. (10) Et tiraun uia Ts discipuls â lur chiêsa. (11) Et
Maria stêua oura da dour Tg mulimaint & planschaiua. Et
intaunt chella cridêua schi incliné ella Tg chiô alg mulimaint,
(12) & uezét duos aungels uestieus ad alf^ qusels chi se-[383]-
zaiuen allô liiin alg chiô & liôter als pes, innua chi era stô
mis Vg chiœrp da lesu. (13) Et dian agli : Duonna, che plaun-
schas tu? & dis ad els : Elg haun prais dauend mieu signer &-
eau nu ssè innua che Vg haun mis. (14) Et hauiand dik aqué,
302 l'Évangile selon s. jean
schi s^ualvét ella innaaous & uezét lesam stand allô, né
sauaiua che fiis lésas. (15) Et lesus dis agli : Duonna, che
plauQScbas tii ? Chi scherchias tu ? Ella pissiand che fus un
hortalaun, dis agli : Signer, schi tii Vg hasst purtô dauend,
schi di â mi innua che tii Vg haes mis, & ean Vg uœlg prender.
(16) lesQs dis agli : Maria. Et ella s'aulaét, & dis agli : Rab-
boni, chi uuol dir maister. (17) lesus dis agli : Num tuchiêr,
per cbe eau nu sun aunchia ieu sii tiers mes bab. Mu uatten
tiers mesfrars, & di ad els : Ch'eau uing sii tiers mes bab, &
uos bab, & mieu dieu, & uos dieu. (18) Et Maria Magda-
lene uen, & purto als discipuls, chella haués uis Vg signer, &
chelhaués dit aqué agli. (19) Et siandgnieu la saira in aqué
di, qusel chi era Vg prûm di da Themna, & Va hiisths eran
sarrôs, innua chels dise! puis eran araspôs par temma dais
lûdeaus, schi uen lesus & stet in miz, & dis ad els : la psesth
sala cun uus, (20) & cura chel hauét dit aqué, schi amussô el
ad els ses mauns & sieu flaunck. Et Ts discipuls hauiand uis
Tg^ signer sun allégros. (21) Et ho dit darchiô [384] ad els :
La psesth saia eu uus. Da cho che Tgbab ho tramis me, uschia
er eau tramet uus. (22) Et cura chel hauét dit aqué, schi
suflô el in els, & dis ad els : arfsché Vg saine spiert. (23) A
tuots aquels che uus gnis â pardunêr Is pchiôs, uignan â
gnir pardunôs ad els, & tuots aquels che us gnis ad artgniar
{sic), schi sun els artgnieus. (24) Mu Thomas iin dais dudesth,
qusel chi ho num Didymus (éd. didymus) uun era cun els cura
che lesus uen. (25) Et Ts ôters discipuls dschetten agli : Nus
hauain uis Vg signer. Et el dis ad els : upœia cheau ueza in
ses mauns Vg stizzi de las guettas, & metta mieu daint ilg
stizzi de las guottas : & metta mieu maun in sieu flaunck :
schi nu craich eau. (26) Et dsieua oick dis eran darchiô ses
discipuls aint da dains, & Thomas cun els : & lesus uen siand
sarrôs Ts hiisths, & stset in miz & dis : La psesth saia eu uus.
(27) Alhura dis el â Thoma : metta aint aqui tieu daint, &
guarda mes mauns, & tain nô tieu maun, & metta in mieu
flaunck : & nu daias esser mêl crataiuel, dimperse chi craias.
(28) Thomas arespundét & dis agli ; Signer mes, & deus mes.
(29) lesus dis agli : Thoma, par che che tii haes uis, schi [h] es
craieu : biôs sun aquels chi nun haun uis, & haun craieu.
(30) lesus faschét er bain bgierras ôtras isainas, in la ueziida
l'évangile selon s. JEAN 303
da ses discipuls, quselas chinu sunscrittasin aquaist cudesth:
mu aquaistas sun scrittas (385) par che uns craias^ che lesus
Christus saia aquel ûlg da Dieu, & che craiand uns hâgias la
uita aeterna.
CAP. XXI.
(1) Dsieua s'apalantô el darchiô lesus, alg mêr da Tiberia-
dis, & s'appalantô in aquaista guisa. (2) Elg eran însemmel
Simon Petrus, & Thomas qusel chi ho num Didjmus : & Na-
thanael qusBl chi era da Cana da Galilese, & Ts ûlgs da Zebe-
dei, & ôters duos da ses discipuls. (3) Simon Petrus dis ad
els : Eau uing a pasckiêr. Et dissen agli : Nus uulain er nus
gnir cun te. Et gietten oura, & muntaun impestiaunt in iina
nef, & in aquella not nu pigliaun é iinguotta. (4) Et siand
gio gnieu ladamaun, schi stet lesus sii la riua, imperscho Vs
discipuls nu Tg cunschetten. (5) lesus dis ad els : Giuuens,
hauais uiis qualchiôsa da mangiêr ?* Arespundetten agli : Na.
(6) Et el dis ad els : matté giu Parait da la part dretta délia
nêf, & gnis ad acchiattêr. Et mattetten, & gio nun eran bas-
tauns da trêr su aquella per la granda quantitêd dais pesths.
(7) Mu aquel discipul, qusal chi amêua lesus, dis â Petro : Elg
es Tg signer. Et Simon Petrus dimê sco el hauét udieu, che
fus Tg signer, schi s'schinto elaintrarassa(per chel eraniid)
et s'mattét îlg mêr. (8) Et Ts ôters discipuls uennen cun la
nauetta (per che els nun eran lœntsth [386] da terra dimperse
dintuorn duaschient bratshmuots) traiand Tarait dels pesths.
(9) Et SCO che sthmuntaun in terra , schi uezetten é brasth-
chias chi eran missas allô, & pesth mis siisura, & paun. (10)
lesus dis ad els : Purtô nô da nos pesths, quels uns hauais ap-
pigliô huossa. (11) Et Simon Petrus giet sii & tirô Tarait in
terra plaina da schient schinquau[n]ta trais grands pesths.
Et siand taunts schi nun es aruot Tarait. (12) lesus dis ad
els : gni nô, & giantô. Et iingiiin dais discipuls Vg asckiéua
dumandêr, dschant: chi ist tli? sauiand els ch'elg era Vg si-
gner. (13) lesus uen dimê, & prandét Vg paun, & det ad els, &
sumgiauntamaing Vg pesth. (14) Aquaista es huossa la terza
uuotta che lesus s'ho manifestô â ses discipuls, cura chel fiit
304 l'Évangile selon s. jean
arisûstô dais morts. (15) Et cura che hauetten gîantô, scM
dis lesus â Simoni Petro : Simon da loannis, amas me plii co
quaists ? Et dis agli : schi, signer, tii s»s ch'eau am te. Dis
agli : paschainta mes agnels. (16) Et dis darchiô agli : Simon
da lohannis, amas me ? Dis agli : schi, signer, tii sses ch'eau
am te. Dis agli: paschainta mias naorsas. (17) Dis agli la
terza uuota : Simon da loannis, amas me ? Et Petrus hauét
mêla uitta, chel hauét dit agli la terza uuota : amas me ? &
dis agli : Signer, tii sses tuottes chiôses^ tii SS8S ch'eau am te.
lesus dis agli : (18) Par Tg uaira, par Tg uaira dich eau â ti,
cura che [387] tii eras plii giuuen, schi schintêuas te dues &
giauas innua che tii uulaiuas, mu cura che tii uainst uijlg,
schi uainst â stender oura tes mauns & tin ôter uain â schin-
têr te,& uain ad mnér innua che tii nu nous. (19) Etaqué dis
el Tg dant ad inclijr cun che mort chel gniua â gluriûchiêr
dieu. Et cura chel hauét dit aqué, schi dis el agli : Yitten
dsieua me. (20) Et Petrus s'uuluét, & uezét aquel discipul,
quel che lesus amêua, chi gniua dsieua, qusel er sii la schaina
fiit apuzô sii Tg sieu bruost, & dis : Signer, chi es aquel chi
t'tradescha? (21) Et hauiand Petrus uis aquel, schi dis el â
lesu : Signer, & aquaist che ? (22) lesus dis agli : Sch'eau uœlg
chel arumagna inûna ch'eau uing, che uo â ti tiers ? Tii uit-
ten dsieua me. (23) Et giet oura très aqué aquaist plêd traun-
ter Ts frars, che quel discipul nu gnis â mûrir. Et lesus nun
hauaiua dit agli : el nu muera, dimperse : Sch'eau uœlg chel
arumagna, inûna ch'eau uing, che uo â ti tiers? (24) Aquaist
es aquel discipul, qusel chi do testimuniaunza da quaistas
chiôses, & ho scrit aquaistas chiôses. Et nus sauain che la
sua testimuniaunza es uaira. (25) E sun aunchia bgierras
ôtras chiôses, chi ho fat lesus, qu'elas(s)chi dessen gnir scrit-
tas scodiina, dimperse schi pais eaa che niaunchia Tg muond
pudés tigner aint aquels chi scriuessen Ts cudesths.
Jacques Ulrich.
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
(Suite) •
[50 (c» 2)] •* Qe ges lo temps qan leiba
GIRARD DE BURNELL (c f. 1 vo) ^^^^^
y_ g Qj. 242 1) Si ben se gença * fuill e flors
10 Tan nou maiuda mon chan-
I. Â ben chantar.Conuen amars [tar ^
E locs e graçirs e saços Cum prex et * graçirs do
Mas seu agues dels ca[t]rels [seignors.
[dos II. E per amar. Fo ia chantars
5 Nô par ials altres espères * Graçif (!)e iois eprez ^ pels
Qe luoc me dona lois ades [pros
E la saço pos qeu soi gais E se ^ qe sola sospeiços
* On vient de signaler trois autres cahiers écrits par le copiste du ms.
a, Jacques Tessier de Tarascon. Ils ont conservé la seconde partie du
Chansonnier de Bernart Amoros qu'on croyait perdue jusqu'ici. Les
cahiers se trouvent dans le fonds Campori à Modène, et sont cotés
n"' 494, 427, 426. (Voyez la note détaillée de M. Giulio Bertoni dans le
Giornale storico délia letteratura italiana, 1899, vol. XXXIV, p. 118 ss.).
Les trente-huit chansons de la première partie du Chansonnier omis
par Tessier dans notre ms. a ne sont pas insérées non plus dans les
mss. de Modène. On n'a donc que les variantes interlinéaires des
mss. c* et F*. C'est pourquoi j'imprime ci-après le texte de ces chansons
selon c* et F* en rejetant les variantes interlinéaires au bas des pages.
— Le reste du ms.c' vient d'être publié par moi dans la ,, Wissenschaft-
liche Beilage zum Vorlesungsverzeichniss der Universitàt Greifswald,
Winter 1899- 1900 » (tirage à part sous le titre : c Die altprovenzali-
sche Liedersammlung c dei" Laurenziana in Florenz nach einer in seinem
Besitz befindltchen alten Absckrift hei*ausgegeben von E. Stengel,
Leipzig, Dieterichsche Verlagsbuchhandlung, Theodor Weicher, 1899,
in-8o, 76 pp.). Par une coïncidence fâcheuse, le même chansonnier a
été reproduit en même temps par M. Pelaez dans le fasc. 20 des
Studj di filologia romanza p, p. M, Ernesto Monaci. C'est une re-
production diplomatique et intégrale du ms. c. —
** Riscontra col libro del s' Lione Strozzi (= le chansonnier de Ber-
nart Amoros) :
' oblides — s Si tôt lagenza — ' maiude mos chantars — * precs de —
• Gracitz e prazatz iois — • E fon
306
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT ÂMOROS
5 Ses autre plus qom î cuiges
ËDsegnaua qom senantes *
Vas ^ tôt son benestar des
[lais
E qes pênes enmans ' assais
Cum ^ li cregues preç e
[ualors
10 E qes chausis * de mes(es}-
[cabar
Eil fos uils segnorils (e) ho-
[nors.
III *. Era non par. Qe castîars
Me ^ ualgues ni clams ni
[tenços
Pero non crei^qanc amors
[fos
5 Plus fin sol qamadors ^ tro-
[bes
E qi per dreit *® la raiçones
Tôt iorn meillura e " ual
[mais
Mas si cum *' par fin als
[uerais
Sembla trafan als tricbadors
10 E lor enian fal nô camar *3
Qeposfaillnones fin amors.
IV. De chastiar. Me ** soi tan
[pars
Qe pro ueç*5 nestau con-
[siros
Qar uei qab pogner ^^ des-
[peros
5 Nô puesc tan far qe iois
[cobres
Pero si sos duz " aueres
Mos bels seigner lir e los-
[lûais
Qeu nai sofert me fora
[iois *•
E forç e ualors ^* e socors
10 E deuriasen plus coichar^®
Qar non deman ni uoilldail-
[ors «.
V. E seu dafar(8).Li fos auars
Don magues mandat ni so-
[mos
Âssaz aportera ^' raços
5 Qe ia conuent no matendes
Mas seu li soi uerais penses
Sis 3' taing qes uolua nis
[biais
Qe la bona sperançam pais
E macompaing ab cbanta-
[dops
10 E ma faich solaz acobrar •*
Don mera totz cobrar amors
al, a cors *5.
VI. (cf. 2r^)E ges dauer ««. Nô
[par afars
Pos *' qe trabailz ni messies
No toi qe '* non sia ioios
5 Qanc nô paret *• qe ben
[annes 3®
Celui '^ cui iois non agrades
Qanc '^ senz ni poder cui ici
[bais
Non magradetni no matrais
Qe deschai ^' irada ricors
10 E qi qe sap el ** trop pcn-
[sar
1 senanses — * A — 3 e mains — * Com — 5 gares — • questa stanza nel
libro L. S. è dopo la seguente. — » Mi — « cug — * fina samadors —
10 dreg — ** se mellurae — ** com — i^ camjar — ** Mi — ** pron uetz
— *• pôgier — *' ditz ^- *» iais — i» ualers — '• cochar — •» demant nin
uoill dailliors. Qui ua la stanza : A merceiar ( = VI.) — •* laportera
S3 Ses — 2< atrobar — 2* acors — *• dauar— *' Des— «« com — a» parec
— 3» âmes — " Selui — 3« Ni — »» besa — 3* napel
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
307
Saber eu die qanz es follors.
VII. A merceiar. Taingmerceiars
E frankeç als fracs amoros
E contrais sobre[r]s orgoil-
[los
5 Orgoils e mais qe sis gardes
DuQ altre pas anz qe passes
Ja uils ni sobrers ni sauais
Noill plagraqe noil taing sa
[pais
En tal obra don desonors
10 Li reman ses saraçonar
Lan auen entrels amadors,
VIII. Seigner sobre totz de colors
Sô li drap e qil sap triar
Faill si compra del * sor-
[deiors.
[51 (ca 3)] 2
GIRARD DE BRUNELL
(= B. Gr. 242, 59)
I. Qant la bruna auraseslucha
Pel soao ter mini franc
Era^ se de ioi me stanc
Sil bes sonnela nis ^ clucha
5 Lamors qim ^ fera languir
Si uolam de logna ublit *
Mal mer e si ^ fal mos chan
Vos naurez tort mal amiia *.
II. Qar nos mes un pauc es-
[clucha
Mauez uirat brun de blanc
Nô per SO qeu dises ' anc
Dom maiaz tal ira aducha
5 E si*® auses descobrir
Gom uos madôna pleuit**
Qe destratz " ni mais ni dan
Non *3 lez qe plus uos en di-
[ia.»
III *5. Lo cor dinz men crida en
[chucha *•
Qi nol rôpa ni[l] de(l)sbranc
Del vostramor & eu plane
Qar uei " qe ren nô a frucha
5 Ans sai qera ner a fugir *^
Se ^9 uiure nô uoil aunit
E temi sobra lafan'®
Qem toi repaos en des tri-
[ia 21.
IV. Tal mauez tornat qa lucha
Non defendria dun manc
(c /*. 2 t?«) E uiz anc leu
[clop ni ranc ^2
Qi per ^^ mal pas nô tre-
[bucha
5 Qauant nô pusca ^4 fugir
Eissament uaoe febreçit ^s
Com sel desamat aman
Qe de ioi se desraiia ^6.
V. E la noiç qan son me tur
[cha 27
Dorm sobrascha ^8 et sobre
[banc
Trou qe me ^' dolen li flanc
Per qe ^^ ma ualors destru-
[cha
Uos — 2 Riscontrf'a coUihroL. S. : — « Eras — * Si bes soneUla ni —
» qem — « non lam des luing oblitz — ' sim — « Tort naurez uos mal
amiga - ^ qeus disses — lo sieu — i* madonam pleuitz — *2 destrics —
*3 Nom — ** diga — *5 Qtiesta stanza nel libro L. S. [u]a al contrassegno
[c'est-à-dire entre la str. V et VI) — *« cridem ucha — *' sai — ** Enanz
men er a partir— lo Si — "Et es tan sobrers lafan — '' repaus en des-
triga. — 22 greu clop ni rans — 23 si a — 24 Lg^ non puesc auant —
25 Tan souans e feblezitz — 2e desraziga — '^ nues qan le sons me tru-
cha — «8 sobrarco — ^* Tro qem mi — 30 on
308
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
5 Qellech ' non pois ren ^
[dormir
Ans en ^ leu tôt esbait *
E pensde uos en estan ^
Contra qe mez tant eniia •.
VI. A ' ma uolontat pairrucha *
Non mai laissât caiii ni sanc
Pustel en son oill el ' cranc
Qius me cuid auer *<* for-
[ducha.
5 Qabanz " merier a fenir
Mon uers qe sia complit *2
E sui " daiço plus daman
Qar anc mi noc gent mendi-
[ia H.
VII Qeu ui lora e uos la uit *^
Non cuiera uns amiran *•
Ni noges " deus los al mau-
[diia ".
[52 (c»4)
GIRARD DE BURNELL
(= B. Gr. 242, 40)
I. Jois e chanz. E solaz
E cortesiam plaz
Mais non mes gen
5 Qieu sols ab cen
Chant ni mesbaudei
Qapenas uei
Qa ioi iog mi sostegna
Perqe mestrang **
10 E pois 20 qem plang 21
Del us del monseignors '^
Qe mauia socors
Ab ioi cobrar *^ promes
Mais la speranç el bas
15 E ço de quieu 2* plus uaill
Mi sui 25 fors del trebaill
Per qe ma sospeiços
Se 2« uai uiran.
Qe mer ab ioi raços.
IL El maçanz. Dereiaz *^
Qe ser on fol leuaz '®
Ira chazen 2»
5 Qar foUamen
Enqier e donnei ^o
Cuei n5 son trei
Gui tan souen nauegna '^
Mais sen gadang ^2
10 E si remang ^3
Entrels fis amadors
Qe qant eu cuit 2* aillors
Virar on conqeses
Lom diz ma bona fes
15 E mostrem ^^ son miraill
Qe qi per faillir faill
Nô es ualenz ni pros ^
Anz son dui dan
E fora mielç qun ^7 fos.
III. (c f.3r^). Aitan^s danz. Nai
[celaz ^'
De qem fora clamaz **
Mais no menten
5 E clam souen
Ni lei non desrei **
* Qen leig — « puesc eu — 3 mi — * totz esbaitz — b estanz — « eniga
— ' Qab — » paurucha — 9 & — 10 mi quid — " Qenanz — 12 com-
plitz— *3 Mas — *♦ genz mendiga — i« uiz — *6 amiranz— i' Mi no-
gues — 18 lo maldiga.
Hiscontra col lihro del s'' Lions Strozzi: *» qieu mestrainh — *o puis
— 21 plainh — 22 mosseignors — «3 cobrat— «* perqe — *» fui — '«Sen
— 27 dereiatz — ^«leuatz — «» chaen — »<> domnei — 3i uegna — 32 ses
gazain — 38 remain — 34 em cuig — 36 Em mostre — 36 uerais ni bos —
3' quns — 38 Ai canz — ^ celatz — ♦• Don mi f . clamatz — ♦* leu n. defrei
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
309
Tôt ben am nei
Com|* îam diz ni messegna ^
Qaissimjgauang '
10 Qar 81 sofrang ^
En ^ loncB temps bonamors
A fins entendedors
Tôt restaura un ^ mes
Per qieu ni tu sim cres
15 Non ai cor qe ' nuaill
Per un an ^ sis trassaill
Anz serai uers ^ e bos
Quanc ab enian ^^
Non sauenz ^^ amoros.
IV» Mas lemanz ^^. Es intraz
Qe desteia dains laz ^^
Vilanamen
5 Cuns ^^ a presen
Qe bais ni manei
Non sec tomei
Ni nescrida ses segna ^^
Pero nos tang *^
10 Qe sacompang *'
Dôna en cui es *® ualors
Ab tal qan *® laura sors
Qe iamielz^Onon uolgues ^*
Anz uolgrail '^ conogues
15 Anz qe trop sagaçaill *^
Nil don ganz ni fermaill
Si ner genz lo resos ^*
Qar gen ^5 maçan
Sol hom far de gaz ^^ dos.
y. E sil manz. Ses tardaz ^^
Qem degresser mandaz^^
Eu lo maten *^
5 Si tôt'® uen len
Non cug^' mal mestei
Qar ben ^^ fadei
Et 3' Jesper ia non uegna '*
Qar gen bargang ^^
10 Sieuper estang '^
Don mon aur per " foUors
Zo troban '^ els actors
Aiuda maintas res
Mais er a gran 3* dan près
15 Jois ^® e demoraill
Pos si feç dautre taill
Domneis e fo saços
Com ** per un gan
Ëra gais ^^ et ioios.
VI. Et ^5 es granz. Freuoltaz **
Com ben am desamaz *^
Ses iauçimen
5 Per tal conuen ♦•
Qe cill segnorei
Cui rë non crei*"'
Sien uau secan ^^ coma le-
[gna *"
E qam qem lang ^^
10 111 iaçes bang ^^
Ë gença sas ^^ colora
E mi cres tal ^^ dolors
Qe Iam ^^ las & espres *^
1 Qi — * ditz ni meseigna — 3 gauain — * sofrain — 8 Un — « Tôt o
r. us — '' qem — 'P. una — ^ fiz — *• engan — n sauenc — ^^ Maig
enianz — ** Qemguereia dams latz — ï* Cus — i^ non crida sa seina
— 16 Per qe nos tain — i' sacompain — 18 ab cui uai — i* can — '-i* mais
— *i ualgues — '2 Ben uolgra — '^ sajassaill — ^4 ressos — •* Qe bel
— -8 bels — 21 tardatz — '8 degrestre uiatz — 29 Eu si laten — 3" bes
— 31 cuig — ** Si bera — '3 Nil — 3* ueina — 38 Qq ben bargain —
36 Si per estain — 37 qe — 3» trobam — 39 Per qe nan — *o Joias —
*' Qe — *2 Erom bautz — ♦3 Ar — ** freuoldaz — ** desamatz — *" couen
— *^ grei — *8 Seus ses secs — " leinna — *® Mais qi qes lain — *i iac el
bain — ** Defigenie sa — ^i E lui cresca — 54 sec ~38 despres
310
LE CHANSONNIER DE BEHNAftT AMOROS
Mas amors ges nous pes ^
15 Qe non par ben egaill ^
Qieu * désir e badaill
E uiua consiros^
E qella chan
(c f. 3 »«;. Del mieu » dol-
sas chansos] .
Vil. Perç qi qes ait • dail
Non mou de las senaill '
Don for enqer * ioios
Sil » traitz daitan "
5 Nos fos uiraz " en dos.
[Ylll. A dieu coman
Mon sobre totz ioios.
IX. E plagram cab lui fos.] *•
[53 (c- 5)]
GIRARD DE BURNELL
(B. Gr. 242, 55)
I. Per solaz reueillar
Qi ses trop endurmiz^'
E per prez qi es faidiz
Acuillir e tornar
5 Me cugei trabailar
Ma(r) ar men soi geqiz **
Perço men " sui failliz
Qar non es dechabar **
Com plus men uen uolon-
[taz e talanz
10 Plus creis de lai lo danna-
[ges el danz.
II. Greus es de sosfraitar *^
A uoz 0 die qouiz
Com era ioi grasiz
E tuit li benestar
5 Ornai poden uirar
Qi ega *• de fust nouiz*'
Ni uilan ueil *® forniz
Ester gart'* caualchar
Laiz es lafars e mais e mal
[estanz
10 Don hom perd dea e re-
[man malanananz(!).
III. E uiz ^^ torneis mandar
E segre gens garniz
E pois dels meis feria
m
Unna saisons ^' parlar
5 Ar es prez de raubar
E dembraçar ** berbiç
Chaualer ^^ sia auniz
Qil met a donneiar ^^
Pois che tocha deus mas
[môtons^^ belanz
10 Ni chi ^^ rauba gleisas ai
[uiandanz.
IV. On sum ^^ gandit ioglar
Qeu uit 3^ gent acuiliz
Qa tal a mester '* guiz
Qi solea '* guidar
5 E pero sens reptar *^
Auar tan es chariz '^
Pois fo bon ^^ prez failliz
Qi solean '^ menar
De compagnons e non sai
[dire qanz
* Ges amors mais noil pes — ' Non mes uis ben engail — ' Com —
* cossiros — 6 Dautrui — « Mas eu qi qes crit — ' Nom parc de lase-
naill— «alqes — • Sel — lo dantan — »« Non ses changes. — ** VIII et
IX manquent dans c.
Riscontra con L. S.: i3 Qar es trop adormitz — *♦ giqiz — 18 en —
16 dachabar — *' soferair — i8 Qega — *9 nouitz — 20 uilans uieils —
*i Estr a grat — 22 Eu ui — 23 saizo — ** dembrassar — 25 Ghaualers
— 2* en donnerar — ^^ mans moutons — '8 qe — «9 Ar son — 3i ui —
81 mestier — 32 Qe sella — 33 doptar — ^4 Anar tal escharnitz — ss fon
bos — '• Qe solia
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
311
10 Gent en âmes e bels eben-
[estanz.
V. E ui per cort * anar
De ioglaret ' petiz
Gent chausat ^& uestîz
Sol per donnas laudar *
5 Ar non auden ^ (of» 4 r^)
[parlar
Tant es lor prez desliz ^
Dont lo tort ensiz ^
Délias mal rasonar *
Digas * de qals délias o dels
[amanz
10 Eu die de totz qel prez na
[trait leoianz *®.
[VI. Qea eis qi soil sonar
Totz pros hom eissemitz
Es tau tant esbaitz
Qe non sai conseillhar
5 Qen luec de solassar
Aug et** en cort los critz
Qaitan leu ser grazitz
Delauca Ion bramar
Lo comdes lai entre lur com
[bons chanz
10 Dels ries afars e dels temps
[e dels anz.
Vil. Mas acors afranchar
Qe ses trop endurzitz
Non dieu om los oblitz
Nils ueils faigz remembrar
5 Qe mal es a laissar
A faiz (c. en: sarz) ** pos es
[pleuitz
E mal don sui garitz
Nom chai ia metzinar
Mas zo com ue uir e torn
[embalanz
10 E preng e lais e forsi dams
[los panz.
VIII. Daitant puesc eu uanar
Qanc mos estols ^^ petitz
Non fon de]s êuazitz
Quea litz (!) per tôt doptar
5 Ane n6 fes mas honrar
Los uolpis mal arditz
Dont mos seigner chauzitz
Si deuria pessar
Qe nOilhe*^ ges pretz ni laus
ni bobanz
10 Qieu qim lau del sia de lui
clamanz.]
54
BERNARD DEL VENTADOR
(=r B. Gr. 70, 36)
I. [p. 75) Pos mi preiatz segnior
Quieu chant eu chantarai
E qant cug chant ar plor
Coras qieu men essai
5 Greu venez ** chantadors *•
Ben chant qant mal li vai
E uai me mal damor
Anz mieils cane no fes mai
E doncs per qe mesmai.
II. Gran ben e grant honor
Conosc qe dieus me fai
Qeu am la belazor
Et il me qieu o sai
5 Mas eu soi sai alhor
E nom sai com sestai
Zo mauci de dolor
Car ochaizon non ai
De souen venir lai.
III. Mas per *^ tant mi plai
* cortz — ■ ioglaretz — • chausatz — < lauzar — * anzon — • lur p.
delitz — 7 Dont es lo t. eissitz — • raisonar — » Digatz — !• lenjanz. Ci
mancan le 3 stanze appié (=VI VII VIII).— n /.: eiv- 12 /.: Afars — i» /.:
ostals — ^^ /.: noilh es — ^s c» en: veirez — *•/.: chantador — *"^ /. : pero
312
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Qant de lieis mi soue
Qi qe cride ni brai
Eu non aug nuillia re
5 Tan douzament mi trai
La bellal cor a se
Qe tais ditz qeu soi sai
E 80 cag e so cre
Qe de sos oilz nom ve.
IV. Amors e qe farai
Non garraira * ab re
Tal mal ai don morrai
Del dezirer qem ve
5 Sil bella lai on iai
Nom aizis près de se
Qieu lembras e la bai
E lestreinha vas me
Son gen cors graile pie.
V. Bona donna merce
Del vostre sin ^ aman
QeuB am per bona fe
Cane re non amei tan
5 Mas iointas e col cle
Vos mautrei e coman
E sen luec sesdeue
Vos mi faitz bel semblan
Qe moût nai gran talan.
VL Ges damor nom recre
Per mal ni per afan
E qant dieus mi fai be
Nol refut ni soan
5 E qant bes no men ve
leum sai soffrir mon dan
Calas cochas coue
Com se vauga loinham '
Per mieils sallir etran *.
VIL Mon escudier e me
Don dieus cor e talan
Gamb dui anem au an.
VIII. E men essems ab se
Mon aziman
Per far tôt son coman.
55
BERNARD DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 3)
•
I. (p. 76) Amors anqeraus preiara
Quem fosses plus amorosa
Cuns paucs bes desadolora
Gran re de mal e paregra
5 Sera maguesses. merce
Car de me nous desoue
Mas em pens qenaissim
[preinha
Con fes al comensamen
Can me mis al cor la flama
10 De lieis qem ses estât ^ len
Et anc non des iauzimen.
II. Moût viu a gran aescarra
E ab dolor angoissoza
Cel qe totz temps aseinhora
Mala dona qeu mestegra
5 Jauzenz mais aissi maue
Qe lieis qe désir nô cre
Qeu lam tam qa mi coueinha
Lonors nil bens qieu naten
E an tort cals nom reclama
10 Mos cors mas lieis solamen
E 80 qa lieis es plazen.
III. Totz temps de lieis mi lau-
[zara
Seram fos plus volontoza
Camors qel cors enamora
Men det mais no mescha-
[zegra
5 Non plazers mas fa les ® qe
Enuei ^ e désir anc se
E se lieis plaz. qem reteinha
1 c. en : garrai ia — * c. en: fin — * c. eii : loinhan — ^ c. en: enan —
* L : fes estar — • c. ew : max se bes — "^ /. : Eu uei
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
313
Far pot de mi son talen
Miels no fal ventz de la
[rama
10 Qenaissi vaut ^ lieis segaen
Con la foillja sec lo uen.
IV. Tant es frescha blancha
[clara
Camors nés vas mi doptoza
Car sa beaatatz alugera ^
Bel iom. e clarzis nueg
[negra
5 Aut 3 sei fait on miels coue
Son siu e de beaultat pie
Non dio * laus mas mortz.
[me veinha
Sien nous am de tôt mon
[sen
Ma donnamors men liama
10 Qem fai dir suau e gen
De vos maint vers auinen.
V. Dousa res coinde tenara
Humilz franche orgoilloza
Bella genzer qobs no fora
Domnaper merceusqe segra
5 Car vos am mais cautra re
Qeus prezes merce de me
Car tem camors mi des-
[treinha
Si pietat nous en pren
Et si muer car mos cors
[ama
10 Vos ves cui res non defen
Tem qe faissatz faHmen.
VI. (p. 77) Souen plor tan qe la
[cara
Nai desneu ^ e vergoniosa
El vis sen desacolora
Car vos on iauzir me degra
5 Perd * qe de mi nous soue
E n5 don dieus de vos be
Seu sai senz vos corn cap-
[tenga
Caitan dolotrosamen ^
Viu com cel qe mori e flama
10 E si tôt nom faz paruen
Nuls homîels de ioi nô sen.
66
BERNARTZ DEL VENTADOR
( B. Gr. 70, 41)
I. Qant par la flors iostal vert
[foil
E nei lo temps clar e sere
Lo douz chantz dels auzels
[pel broil
Madouza lo cor em reue
5 Cant lauzel canton a lur for
Eu ai plus de ioi e mon cor
Deî ben chantar pos tuit li
[mieu iornal
Son ioi e chant qieu non
[penz de ren al.
II. Cela del mon qe eu plus
[vueil
Cui am de bon cor e de fe
Au ben monpretze lo acueil
E lescouta e lo rete
5 Cora qem fos damor aillor
De lai soi ben vengutz al cor
Merces domna nom ai par
[megal *
Res non suffraing sol qe
[dieus vos mi sal.
III. Tais ni a qe an maisdorgoeîl
Cant grantz bes ni granz
[iois lurve
* /. : vauc — * /. : alngora ^^ c. en: Tuit — ^ c. en : die — « c. en:
destreit — ^ c, en: Pero, /. : Perc — ' c. en: doloirosamen — » c. e?i :
ni égal
21
314
LE CHANSONNIER DE
Mas eu soi de melior es-
[cueil
E plus francs can dieu mi fa
[be
5 Domna * per qieu chant em
[demor
Per la bocham metetz al cor
Un doutz baisar de sin *
[amor coral
Qem met en ioi en get lira
[mortal.
lY. Ben fai ' la nueg cant mi
[despoil
El leig qeu noi dormirai re
Lo dormir perd, car eu lom
[toil
Per nos donna dO mi soue
5 Car lai on hom a son tesor
Vol om ades tener son cor
Per Tos ^ o die dOna de cui
[me cal
Neguns vesers mon ^ bon
[pensar nom val.
V. Donna si nous uezon mei
[ueil
Ben sapchatz qe mos cors
[vos ve
Ë nous doilljats si tôt mi
[dueil
Qeu fai ^ com vos destrenh
[per me
5 E sil gelos vos bat defor
Gardatz qel no vos batal cor
Seu ^ fai enoi e vos a lui
[atretal
Ni ia' ab vos non gazaing
[ren per mal.
VI. (p. 78) Cant mi membra
[cui amar soil
BERNART AMOROS
La falsa de mala merce
Beus die qe tais ira macoil
Qe per pauc de ioi non recre
5 Si ia hom per ben amar mor
Eu men morrai qe dinz mon
[cor
Li port amor. tan sin * e
[natural
Que cug * son fais vas me
[li plus leial.
VII. Sal dieus midonz. e mon
[bel vezer sal
Tôt ai quant voil qe nom
deman ren al.
VIII. Mon bel vezer gard dieus
[dir e de mal
Sieil soi de loin h e de près
[autretal.
57
BERNARTZ DEL VENTADOR
( =B. Gr. 70, 42)
1. Cant par la flors lerba
[fresca la foilla
Qaug ^* lo chant dels auzels
[pel boscatge
Ab lautre ioi qeu ai e mon
[coratge
Dobla mos lois, e nais e
[creis e broillja
5 E no mes vis com ren puesca
[valer
Sel eis no uol amor e ioi
[auer
Mas tôt cant es salegree
[sesbaadeia.
II. Ja nos- cug hom qeu de ioi
[mi recreia
* c. en : Donna — * c. en ; fin •
en : mom — * c. en : sai — ' /.
— *•/.: Et aug
• c. en : sai — ^ c, en: nos — • c.
Sius — 8 c. «1 : fin — ^ c. en: tug
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
dl5
Nim lais damor per dan
[qauerne soilha
Qeu non ai ies de poder qe
[men toilha
Camors masail [qem sob-
resegnjoreia
5 Em fai amarj zo qeil platz e
[voler
E seu am zo non ^ eschazer
Forsa damor mi fai far vase-
[latge.
III. Mais en amor non a hom
[segniartge »
E qi li qier Tilanamendom-
[pneia
Camors no vol rê qe esser
[nô deia
Paubres e ries, fai amors
[dun paratge
5 Se luns amies, vol lautre
[vil tener
Greu pot amors ab orgoil
[remaner
Corgoilz dechai e fin amor
[chapdoillha.
IV. Qeu sec selui qe plas vas mi
[sorgoillha
E celhai fui qem fo de bel
[estatge
Per qi mal sal qe ia domna
[macoilha
5 Ma dreg len fatz qeu men
[fazfol parer
Qar per cela qem toma e
[nOchaler
Estau aitan de lieis qe non
[la ueia.
V. (jî. 79) Car costum es tos-
[ temps qe fols foleia
E ia nô er qeu eis lo rain^
[non ceiba^^
Qem bat en * fer perqe es
[dregtz qe me loilba ^
Car anc me près pui dau-
[tramor enueia
5 Mas fe qe dei lieis un ora ^
[bel vezer
Se de samor me toma en bon
[esper
Jamais vas lieis non farai
[vilatnage.
VI. J a non aia cor félon ni sal-
[uatge
Ni contra mi maluatz con-
[seil non creia
Cades soi sieus liges on qeu
[mi stera *
Si qe dessus mon cap li ten
[mon gatge
5 Mas mans iontas lim ren al
[sieu plazer
E ia nom voilh mais da sos
[pes mouer
Tro per mercem mera ^^ lai
[on " depoilha.
VII. Laigua del cor camdos los
[oils mi moilha
Men ^^ ben guirenz qeu
[penet *' mon solatge **
Mas ben conosc qe mi donz
pren dâpairatge ^^
Sela tant sai ^^ qe perdonar
[nom voilha
5 Mas meus nO so zil ^^ ma
[empoder
* /. : zo qpie nom den — * /. : segnioratge — ' lacune non indiquée par
le copiste. — ♦ c. en: ram — * /. : coUlia — • /. : em — ' /. : doilha —
• c. en:e mom — ^ c, en : steia — *• c. en :meta — " c. en ; oiz — *• c. en :
Mes — *'c. en : penei — *♦ /. : folatge — ** c. en: dampnatge — *• /. ;
fai — *' c. «1 : 80 e il
316
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Mais pert ella qeu el meu
[dechaer
Per qe lier mal sab son
[home plaideia.
Ylil. Mon messatgier man a mon
[bel uezer
Qar cel qem toi lo sen e lo
[saber
Ma tout mi donz e lies qe
[non la ueia.
68
BERNARTZ DEL VENTADOR
( -= B. Gr. 242, 12)
l. Aqest terminis clars e gens
Qes tant desiratz e volgutz
Deu esser ab ioi receubutz
Ë chascons en sia iaozens
5 Car ven estatz
Ab sas clardatz
A cui non platz
Jois mi solatz
Non es amatz
10 Ni amaire.
II. A men meilhura mos talens
Per ioi car issem a la lutz
Qe totlo déport el desclutz *
Coae qesta sazos comenz
5 Car vei los pratz
El boscz foilhatz
Aiso sapchatz
Per amistatz
Soi eu vezatz
10 E chantaire.
III. Mos cors nés plus gais es-
[colhentz
Car mes uns messatgiers
[vengutz
Qem terrais ^ dun amor sa-
[lutz
Don mi uen iois e iauzi-
[mentz
5 Sim nai estatz
Loncs temps iratz
Damor sebratz
Desacordatz
Ar post * assatz
10 De ioi faire.
IV. (p. 80) Molt ez granz la
[proez el senz
Qeil ha tan bos sabers
[adoitz
Cane per leis no fo menta-
[gutz
Orgoilz ni noil passet las
5 Qamilitatz [denz
Don es cargatz
Sos cors prezatz
La ten em patz
El bel parlatz
10 E non gaire.
Y. Sobre totz bos ensegna*
[mentz
Es lo sieus per meillor ten-
[gutz
Ni genzers cors no fo vezutz
Ni no len er ra * faitz con-
5 Anz a poiatz [tentz
Los auzorz gratz
Qals plus membratz
Er so sapchatz
[Greu la meitatz
10 A retraire].
VI. [Donna mos pens e mos en-
[tenz
E totz mos respeigz e mos
[cuigz
Es en uostra merce cautz
E prendaus de me chauzi-
[mentz
5 Qeu soi dun latz
* /. : desdutz — 2 /. ; retrai — ^ /. : pose — * c. en ; ia
r
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT ÂMOROS
31*7
Pel ool lassatz
0 ^ nos donatz
E autreiatz
Car tan siatz
10 Debonaire.]
VIL Donna voilhatz
Qe mos pensatz
Si ^ vertatz
E sa vos platz
5 Mayoluntatz
Men esclaire.
YIII. Donna sius platz
Merce naiatz
E nom fassatz
Lonc mal traire.
59
BERNARTZ DEL VENTAOOR
(= B. Gr. 70, 35)
I. Per miels cobrir lo mal pens
[el cossire
Chant e déport et ai ioi e
[solatz
E faz eâors ^ sieu sai chan-
[tar ni rire
Gades me muer, e nuil sem-
[blant non faz
5 Qe per amor soi si apode-
[ratz
Tôt ma vencut. per forza e
[per batailha.
II. El mont non ai ni trebail
[ni martire
Senz mal damor qieu nol
[sostis * en paz
E daqel mer si bem peza
[sofrire
Camar mi fai amors lai on
[lei plaz
5 E die vos ben qe seu non
[sai s amatz
Nou reman ges en la mia
[nuailha.
III. Ins e mon cor me voil mal
[em pren ira
Car eu set * tant las mias
[voluntatz
Mas neguns hom aital re
[nom deu dire
Com non sab ges qui ses
[auenturatz
5 Qe farai doncs dels bels
[semblantz '*
Failhirai lor mais voil qe
[dieus mi falhia.
IV. Ab lauzengiers non ai ren
[a deuire
Qe ia nuls iois per els n6 er
[celatz
Daiso no mes seuals cab
[escondire
Et ab mentir, lor ai chia-
[miatz. los datz
5 Ben es totz iois a perdre en
[destinatz
Qant perdutz es per la lor
[deuinailha.
V. (p, 81) Mi donz soi hom
[et amies e seruire
Mais noil deman plus dau-
[tras amistatz
Mas qa celât los seus bels
oils me [uire
Qe molt me fan gran ben
cant] sois iratz
5 E ren lor en laus e merces
[e gratz
Qieu non ai mais amies qe
[tant mi vailha.
1 c. en : A — • Z. : Sia — ^ e. en: esfors — ^ c, en: sofris — * /. :
sui — * Z. : sec — T /. .• semblantz priuatz
318
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
VI. Jam voil eu mal so die qant
[la remire
Anz menam mais car anc
[fui ran ^ auzatz
Qeu anc en lei. auzei mon
[cor assire
E faz men plus cortes e es-
[senhatz
5 E cant la vei soi tant enue-
[ziatz
Cades mes vis. qel cor ves
[cel • sailha,
VII. Molt pose auer grant gaug
[cant la remire
La bocha els oils la gola
[els m anz els bratz
E lautre cors don il nés
[ren a dire
Aissi es totz belament faizo-
[natz
5 Genzer de se non sap faire
[beautatz
Per qeu en trai gran ' pena,
[e greu trabailha.
VIII. Coronat man salutzet amis-
[tatz
Eil clam merce qe m ai ut e
[qem vailha.
IX. E qem voilha sia senz o
[foudatz
Nom pot esser ni afanz ni
[trabailha.
60
BERNART DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 33)
1. Pel douz chant qel rossi-
[gnols fai
La noît qant me soi endor-
[mitz
Ressit ^ de ioi totz esbaitz
Damor pensius e cosslranz
5 Car ^ mos meillers mestiers
Qe tostemps ai ioi volon-
[tiers
Et ab ioi comensa mos
[chantz.
II. Qi sabra* lo ioi qeu ai
Qe lois fos uegutz ne auzitz
Totz autre iois fora petitz
Mai qeu teing qe mos iois
es granz
5 Tais se fai cortes e parlers
Qen cuid esser ries e so-
[brers
Definamor qeu nai des' tanz .
III. Donna vostre soi e serai
Del vostre seruizi garnitz
Vostrom sui iuratz e pleuitz
E uostre mer a desabanz
5 Ëi uos es lo mieus iois
[primers
E si seres vos lo derrers
Tant con la uia merduranz.
IV. (p, 82) Quant eu remire son
[cors gai
Con es ben faitz a totz
[ chauzitz
Sa cortesia sos bels ditz
Ja moslauzars nO mer enanz
5 Cobs mi auria uns anz en-
[tiers
Sin volia esser vertadiers
Tan es cortesa e benestanz.
V. Cil qe cudon qeu sia gai
No sabon jes com lesperitz
Es de leis priuatz ni auzitz^
Sitôt lo cors sen es loignatz
* c. en: tan - ' /. : lo cel — ^ c. en ; greu — * c. en .• lessit — • /.:
Caisso es — • Z. ; sabia -- ' /. : dos — « c. en : aizitz
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS 3 1 9
5 Sapchatzlo meillersmessat-
[gers
Gai de leî es mos cossirers
Qei recorda sos bels sem-
[blanz.
VI. Non sai cora mais vos
[veirai
Mas vau men îratz e marritz
Per vos me soi del rei par-
[titz
E prec uos qe nô sia danz
5 Qeu serai en cort presen-
[ters
Entre donas e cauallers
Franz ^ e dolz e humelianz .
VIL Nugo mos cortes messat-
[gers
Chantatz ma chanson volon-
[tiers
A la reina dels normans.
61
BERNART DEL VENTADOR
(=B. Gr. 70, 15)
I. Ghantars non pot gaire
[valer
Se dinz dal cor no mou lo
[chantz
Ni chantz non pot dal cor
[mouer
Si noi es fin amors corals
5 Per so es mos chantars ca-
[bals
Qe ici damor ai et enten
La bocha els oils. el cor el
[sen.
1 L Ja dieus nom don aqel poder
Qe damor non prenga ta-
[lantz
Si ia ren non sabîa auer
Mas chascun iornmen ven-
[gues mais
5 Tost' naurai bon cor siuals
E nai molt mais de iauzi-
[ment
Gar nai bon cor e mi aten.
III. Amorblasman pernO saber
Fola gens mas leis non es
[danz
Gamors non pot ies des-
[chaer
Si nO es amors comunals
5 Aîsso non es amors aitals
Nô a mais lo nom el paruen
Qe ren non amasinon pren.
IV. Seu en volgues dire, lo ver
Eu sai ben de cui mou len-
[ianz
Daqellas camon per auer
E sor ^ merchadanz e uenals
5 Mensoingiers en fos eu e
[fais
Vertat en die vilanamen
E peza me car eu non ment.
V. (p. 83) En agradar ren *
[voler
Es lamors de doz finz amanz
Nulha resnoil pot pro tener
Sil voluntatz non es égals
5 E cel es bes fols naturals
Qi de so qe vol la reprent
Eil lauza so qe noilhes gent.
VI. Molt ai ben mes mon bon
[esper
Gant celam mostra bel sem-
[blant
Qeu plus désir e vol vezer
Franch e fina douz e leials
5 En cui lo rei serra fais *
1 c. en : Franc — « /.: Tostemps — » c. ew : son — * c. en ; e en -
^ c, en: séria sais
320 LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Bel e coui dab^ cors auinent
Ma fait rich orne de nient.
VII. Rem non am mais nifai*
[temer
Ni ia res nô seri afanz
Solmidonzvengues aplazer
Caicel iorns mi sembla na-
fdals
5 Cab sols bels oils esperitals
Mesgarda mas so fai ta lent
Cun sol dia me dura cent.
VIII. Lo vers es finz e naturalz
E bos celui qi ben lenten
E meilher mes quel ioiaten.
IX. Bernartz del ventadorn enten
El dig el fag el ioi aten.
62 3
BERNART DEL VENTADOR
( = B. Gr. 70, 28)
I. Le bel temps de pascor
Ab la fresca uerdor
Nos aduz foill e flor
4
5 Per qe tuit amador
Son gai e chantador
E eu sospir e plor
Qen lois no ma sabor.
II. A totz me clam segnior
De ma dôna e damor
Aqist diu * traitor
Car mi fiaua en lor
5 Me fan viure a dolor
Per ben e per honor
Cai fait a la genzor
Qe nom val nim socor.
III. Pena e dolor e dan
Na • aguda e ai gran
Mas sofert o ai tan
No mo tien ad afan
5 Ane no vegues aman
Tan fort am ses enjan
Qeu nom vau jes camjan
Si com las donnas fan.
IV. Pos fom andui esfan "^
Lai amad e la blan
E uai mamors duran
A cascun jorn del an
5 E si nom fai auan
Amors a bel semblan
Qant eil « deman
Tem qe naia talan.
V. (p, 84) Non fai » nuil tant leial
Drut sordeis ait son al
Qeu lam damor coral
E lei de me non cal
5 Anz diz ben qe per al
Nom porta ira mortal
E si per som vol mal
Pecchat fai criminal.
VI. Las e niures *<> qem val
Qant no uen a iornal
Mon fin ioi natural
El leit dinz fenestral
5 Blanc e graz atretal
Coma neus a nadal
Si camdui cominal
Mesurassem égal.
VII. Ben fora oimais razos
Bona domna e pros
Qem fos faitz guiardos
Du baizar a rescos
5 E ua " per als non fos
Car nous >2 soi enoios
Cus bes ual dautres dos
le. ^n : coind ab - 2 e. en: sai - 3 £« rnéme chanson attribuée
aPetre Vtdal se retrouve n^ 117 (p. 117 du ms,) - ^Lacune nonZlZ
parle copiste - ^ ,. : ^ui - • /. ; Nai - ' /. : effan - • T HI
no leil - « c. «I. ; sai - 10 c. en: uiures^ 11 c. en: ia - li/* nouT
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
321
Quant per forsa es faitz dos.
VIII. Quant vei vostras faizos
Els bels oils amoros
Bem merauil de nos
Gom mes de mal respos
5 Qe bem par traizos
Qi par e francs e bons
Qes ^ mas orgoilhos
Lai on es poderos.
IX. Bel uezer si non fos
Mos clauandos e uos
Eu guerpira chanzos
Fermai dels enoios.
63
BERNA RTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 76, 18)
I. E maint engiein torn e uira
Mos talanz e uen a iai
Lai on mos volers s a irai
Lo cors non pausa ni fina
5 Sim te coinde e gai
Fin amours a oui mapai
Non sai com me conteinha.
II. Ges amors no fa il per ira
Ni se feing per ditz sauai
Qant es de bon près verai
Qe la ten en disciplina
5 Re non sap qes fai
Qe nô coue ni seschai
Qe nuls homs la destreinha.
111. Gum ^ son cel qe ren non
[tira
Si tôt ma donnam sostrai
Ni ia declam non serai
Qil es tan pura e fiua
5 Qe ia non creirai
Si de son tort li qier plai
Qe merces non lien preignha.
IV. Per mon grat eu men iauzira
Et pel bon talent qieu nai
Mes veiaire qe ben val
Gardatz selam fos vezina
5 S eu nagra ren mai
Eu co caissi me aurai
Sa leis platz qem reteignha.
V. [p, 85) Mos messatgiers ma-
Car tost non es lai [taina
Vias ven e via s vai
Ma la chanson li esseignha.
64
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 29)
I. Lo rossigniols sesbaudeia
Josta la ilor el uerjant
E pren men tan granz enueia
Qieu non puesc mudar mon^
[chant
5 E non sai de qe ni de cui
4
E fas esfors car sai faire
Bon vers pos no sui amaire.
II. Mais ad amor qi donneia
Ab orgoil et ab enjan
Qaicel qi totz iorns merceia
Nis vei trop humelian
5 Gapenas vol amors celui
Qes francs e fins si co eu sui
So ma toit tôt mon aifaire
Gancnoil fui fais ni trichai re.
III. Aissi com lo rams se pleia
Lai on le ^ uentz lo uai
[menan
Son ieu uas leis qiem guer-
[riera ^
Àclins per far son coman
5 Gent ioga de mi es desdui
» /. ; Que es — s /. : Eu — 3 /. : non — * Lacune non indiquée par le
copiste — s /..* lo — • c. en : guerrieia
1
322
LE CHANSONNIER DE BERNARÏ AMOROS
Qar del seu eus tort mi con-
[dui
Et es ben costum de laire
Cuidon tug sion seu fraire.
IV. Totz tempz mauci em plai-
[deia
Em va ochaizon troban
E nom par qeil auer deia
Cor félon ni mal talan
5 Mais laiga qe soau sadui
Es peler qe cela qe brui
Enian fa qe debonaire
Sembla e non o es gaire.
V. E ia nuls hom qe la veia
Sos bels oils ni son semblan
E qant il de ren foleia
Vas mi versa tôt lo dan
5 Mas aiso^ confonem destrui
Car de mal linatge redui
Ambz los oilz li don a traire
Sautre tort mi pot retraire.
VI. De tôt luec on il esteia
Mi defui em vau loignian
E per so qieu non la ueu ^
Pas li mos oils claus denan
5 Caicel sec amors nesdui
Eil lencauza qi li fui
Molt a bon cor del es traire
Tro qe vas mi dons repaire.
VII. Ja non er si tôt mi greia
Qenqer fin e plag noil man
Qemal mes caissim recreia
Ni pergua tan lonc afan
5 Al seu obs mi gart e mestui
E se non em amie ambdui
Dautramor non mes veiaire
Qe ia mos cors sen esclaire.
VIII. {p. 86) Enaissifos près con
[eu sui
Mos aluergniaz e foram dui
Qe plus nos pogues estraire
Den beluezer de belcaire.
IX. Tristan se nocaus ue gaire
Mais nos am qe non soil
[faire.
65
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 10)
I. Bel mes gen ' chant en aqel
[mes
Cant flor e foilha vei parer
Et aug lo chant pel bioil
[espes
Del rossigniol matin e ser
5 Adonc seschai
Qeu aia iauziment
Dun ioi verai
En qe mos cors salent *
Car eu fai * ben qe per
[amor morrai.
IL Amors e qals honors vos es
Ni qals pros vos en pot cha-
[zer
Saucies celui qavez prez
Qi ves vous non sauza
[mouer
5 Laig vous estai
Car de mi ^ nous pren
Qamat aurei
En perdon loniament
Cela on ia merce non tro-
[barai.
ÏIl. Pos vei qe preiar ni merces
Ni semis ^ n5 pot pro tener
Per amour de dieus mi fe-
[zez
* L : aisô — * /.: veia — ^ /.: qeu — * /.: satent — * /.: sai ~ • /. ; mi
dois — ' c. en,: seruirs
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
323
Mi donz un pauc de bon
[saber
5 Qe grant ben fai
Unz paucs de iauziment
A cel qe trait
Tant de mal con eu sent
E saissi moir recrezentz li
[serai.
IV. Garitmagra si macizes ^
Qadoncs vagra ^ fait som
[plazer
Mas 808 bels cors francs e
[cortes
Lo genzers corn puésca ue-
[zer
5 Nagra esglai
E penedera sen
Ja nô creirai
No mam cubertamen
Mas cela sen uas mi per
[plana ^ essai.
V. Del maier ♦ tort qieu anc
[nagues
Vos dirai sius voles lo uer
Amarai la ssa lîei plagues
E seruirai de mon poder
5 Mas non seschai
Qeil am tan paubrament
Pero ben sai
Qaissi fora viuent
Qe ges amors segon ricor
[no uai.
M. Grant mal ma fait mabona
[fes
Quem degra vas mi donz
[valer
Mas ar ai faillit e mespres
Per trop amar e per temer
5 Doncs qe farai
Ailaz caitiu dolent
Qa totz autres *
De bon acuilliment
Et a me sol dona ira et es-
[mai.
Vil. El mont non es mais una res
Per qieu grant ici pogues
[auer
E daqela non laurai ges
Ni dautra non puesc ges
[voler
5 (p. 87) Car pleitz • ai
...^pretz e sen
En son plus gai
E tenc mon cors plus gen
E sil no fos eu non amara
[mai.
66
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr, 70, 1)
L Ab ioi mou lo uers el co-
[menz
E ab ioi reman e fenis
E sol qe bona fos la fiz
Bon teing qe forai ^ comen-
[samenz
5 Car de la^ bona comensansa
Mi uen iois et alegransa
E per zo deu la bona finz
[grazir
Qe tôt bon sag *® vei lauzar
[al fenir.
II. Sim apodera amors em venz
Qem merauil com sil sofris
Car non die e non esbruiz
So don sui tan ries e iaiizenz
5 Mas leu veires fin amansa
Ses paor e ses duptansa
1 /.: maucizes — * /.: magra — 3 /.: plan — * /.: maior —-^ l.: es mai
— • /.: per leis — ^ l: Valor e - » /. : quer lo— » /. : de - *• c. en. : fag
324
LE CHANSONNIER DE
Qades rem ' hom ves son
[amicfailir
Per qea non auz de parlar
[enardir.
III. Dana ren maoncla ' mos
[senz
Cane nais hom no lom '
[enqis
Qe volontiers no lin mentis
Ni nom par bon esseigna-
[menz
5 Ânz es folia et enfanza
Qi damor a benanansa
Qe vol adaatre tôt son cor
[descnbrir
Si noUh en pot o valer o
[semir.
IV. Ben seschai a dona ardi-
[menz
Ëntranol gen e mal vezis
E sadreit cor non lafortis
Gréa pot esser pros ni va-
[lenz
5 Perqiea prec naia * men-
[branza
La beUa en coi ai fizansa
E nos camge per paraolas
[nis vir
Qenemics qai faz den vera '
[morir.
V. Non es ennegz ni failjmenz
Ni vilania so mes vis
Mas dôme cant se fa deais
Daatrai amor e conoissens
5 Enoiose qeos enansa
Sim faitz enoig ni pesansa
Cascaz si vol de son mes-
[tier farmir*
Men cofundetz e vos non
[vei iaazir.
BERNART AMOROS
YI. Ane sa bella bocba menz
Non cniei baizan me trais
Car àb nn dooz bazar mau-
[ds
E sab antre no mes goi-
[rentz
5 Atretal mer per semblanza
Con de pelaos la lanza
Qe del sien colp nom po-
[diom gaerir
Son antra vez no sen fezes
[ferir.
VU. (p. 88) BeUa donnai vostre
[cors genz
Eil vostre bel oil man coo-
[qais
Le donz esgartz e lo clers
'^vis
E la bella bocha rizens
5 Qe cant en men prent es-
[manza
Nons traep debeaatategan-
[za
Le 'genzers estcom puesc el
[mon chauzir
O no vei clar dels oils ab
[qieas remir.
VllI. Bel vezer ses • doptanza'
Sa *^ qe vostre pretz enansa
Qe tant sabes de plaser far
[e dir
Per qe nais homs nos pot
[damar sufûrir.
67
BERNATZ DEL UENTADOR
(— B Gr. 70,27)
1 . Lonc temps a qiea non chan-
[tel mai
1 /. : tem ' /. : maonda — • /. : hom mon joi nom — ♦ /. : naia en
— 5 c. en : denveia — • c. «i : tormir — ' /. : La — « /. : senes ^*c.en:
duptanza — *•/.: Sai
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
325
Ni saup ^ far captenemen
Mas ar non tem plueia ni ven
Anz stti intratz en gran cos-
[sire '
5 Com pogues bons mo tz assire
En vn vers qai aperit
Sitôt non pars flors ni fuelha
Meils men vai qel temps
[florit
Pos lamors qieu tant vueil
[me vol.
II. Sabor ai gent sotil e gai
Cane hom nO vi tan aui-
[nent
Pretz e beutat valor e sen
Et a' truep mais qeu nô sai
[dire
5 Res non es de lieis a dire
Ab sol qil fezez * dardir *
Cuna nueg lai on despuelha
Me menés en luec aizit
Em fezez del béas ^ las al
[col.
III. Si nom manda lai on il iai
On eu remir lo sieu cors
[genz
A cal obs ma fag de nien
Ailas comuer de désire
5 Vol mi doncs mi donz an-
[cire
Car lam o qei^ ai chauzit
Aram faza so qes vueilha
Truc ^ son talan naia com-
[plit
Qeu nom ^ plaing si tôt me
[dol.
IV . El mon tam bon amie non
[«
Praire *° cozin ni paren
Qe sim vam on " ioi enqeren
Qeu e mon cor. non lazire
5 E si men fai escondire
Non sen tenga per trait
Non vueil lauzenia mi tuei-
[Iha
Mi donz nim leu aital crit
Per qe mi lais mûrir de dol.
V. Totz me desconois tam ben
[vai
E sauzes dir en au ^^ men-
[ten
Ni auzes far mon ioi paruen
Pels miels del mon son iau-
[zire
5 E sieu fai ^' chantar ni rire
Tôt mes (p. 89) per leis es-
[carit
Ai qieu no sen mal qem
[dueilha
Tant ma lois prez e sazit
Non sai sieu suiaqel qe sol.
VI. Per sol so ** bel semblan
[qem fai
Cant luecs ni aizes lio cosen
Ai tant de ioi qe sol nom
[cen **
Souen fail ^* em nolf em
[uire
5 E sai ben can la remire
Cane hom plus bella ^^ non
[vi
Per merceil prec qe ma-
[cueilha
E pos tant ma enrequit
Nom sia qi dona qi dol ^^.
* /.: saubi — * /. : en cossire — • /.: A—* /.: f. tan — ^o. en: dardit
— 6 €. en : bras — ' /.: qel ^^c.en: True — ^ /. : nomen — *o /. ; F.
ni — 11 /. : va mon — ** c. en : cui — ^^ c. en : sai — *♦/.: lo — " o.
en; den — *• c. en : sail — " U : bellazor — ** /. : toi
326
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
68
BERNATZ DEL VENTADOR
(=B.Gr. 70,4)
•
L Amors e qeus es veiaire
Non trobas mais fol cant me
Cuias donc qieu siamaire
E qe ia non truet * raerce
5 Zo qem comandatz affaire
Parai eu caissis coue
Mas aisso non esta be
Qem fassatz tostemps mal
[traire.
11. Eu am la plus debonaire
Del mont mais qenuilha ren
Mas ela nom ama gaire
No sai perqe sesdeuen
5 Las cant eu raen cugestraire
Non puesc qamors me rete
Traitz sui per bon a fe
Amors beus o puesc re traire.
III. Ab amor mer a contendre
Qe nom ê pose mais tener
Qen tal luec men fai enten-
[dre
Dont eu nuil be nô esper
5 Anz pauc ^ me feira pendre
Car sol vai ^ cor ni voler
Mas ieu non ai ges poder
Qem posca damor défendre.
IV. Pero amors sol deissendre
Lai ont li ven a plazer
Qem pot bengazardon ren-
[dre
Del maltrag e del doler
5 Tant non pot mesfar ni ven-
[dre
Qe mais nom pusca valer
Sol ma domnamdeing voler
Ë sa paraula entendre.
V. Ieu sai ben razon e causa
Qe puesc a mi donz mostrar
Qe ges loniamen non auza
Amors aissi conqistar
5 Mas amors venz tota causa
Qem venqet de vos amar
Atretal si pot lieis far
Per un a petita causa.
VI. (jp. 90) Ben es enuegz e
[granz nauza
De totz iorns merce clamar
Mas amours qes e menclau-
[za
Nos pot cubrir ni celar
5 Las mos cors non dorm ni
[paaza
Ni pot en un luec estar
Ni eu non o puesc dorar
Si la dolors nom saauza.
VII. Donna nuls hom non potdire
Lo mieu bon cor mil * talan
Qieus ai cant de vos cossire
Qe anc ren non amei tan
5 E mort magran li suspire
Donna passât a un an
Si no fossoil bel semblan
Per qem doblon li coszire.
VIII. Non faz mas gabar e rire
Donna can res vos deman
Mas si vos marnasses tan
Al re vos couengra dire.
69
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 7)
I. Era no uei luzir soleil
Tant me son escurzat ^ H
[rai
E ges per aisso non mes-
[mai
Cuna clardatz me soleillia
i l, : truep — ^ /. ; a. per pauc — * /. : nai — * /. : nil — » /. : escuràl
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS 3?7
5 Damor. qinz el cor me raia
E cant autra genz sesmaia
leu meillur enanz qe sor-
[dei
Per qe motz chantz no sor-
[deia.
II. Paor me fan maluais con-
[seil
Per qel segles mor e dechai
Qera saiustô li sauai
Et luns ab lautre conseilha
5 Con * fin amors dechaia
Ai maluaza genz sauaia
Qi vos ni vostre cosseil cre
Domideuperd e descreia.
m. Prat * semblon vert e ver-
[meil
Eissament com al temps de
[mai
Sim te fin amors coind e
|gai
Neus mes fiers ^ blanqe
[vermeilha
5 E liueins * calenda maia
Car la ^ genzers e la plus
[gaia
Ma mandat qa samor mau-
[trei
Sanqer ® no lom desautreia.
IV. Nueg e iorn penz consii* e
[ueil
Plor e sospir e pueis mapai
Et on ^ penz eu plus mal
[trai
Mas bons respeigz mi re-
[ueilha
5 Don mos coratges sapaia
Ai fol cai dig qeu mal trata*
Pos tan rie coratgem vei •
Ries soi ab sol qe la veia.
V. Daqest me rancur em qereil
Qeras men fan dol desmai *^
E peza lur lo iois qieu ai
E pos ehascuns sen qereilha
5 Del autrui ioi e sesmaia
Ja ieu meilhor dreg non aia
Cab sol déport venz e guer-
[rei
Celui qui plus mi guerreia.
VI. (p, 92). G es ma donna nos
[merauil
Siel qier qem don samor
[nim bai
Contra la fondât qeil retrai
Fora leu granz merauilha
5 Si ia maeoilha nim baia
Ai serra " com me retraia
Ai eal vos vi e eal vos vei
Per benananza qem veia.
VIL Fin amors ab nos mapareil
Pero non eonuen ni mes-
[chai
Mas car per vostra mereeus
[plai
Dieus eug que mo apareilha
5 Qe tant rie amors meschaia
Ai donna per mereeus plaia
Aias de vostre amie meree
Pos aitantgenvos merceia.
70
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 43)
1. Cant vei la lauzeta mouer
De ioi sas alas contrai rai
* /. : Gosi — * /. : Prat me — ^ c. en: flors — * /.: liuerns — * /.: Quel
— * c. en: Fanqer — t /. : on plus — * c. en : traia — • /. : enuei —
*• /.: dol et esmai — " c. en : ser ia
32B
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Qe sobli es laissa chazer
Per la douzor qal cor li vai
5 Ai las cals enueia men pren
De cui qeu veia iauzion
Merauil me ^ car de se
Lo cor de deztrer ^ nô fen. ^
IL Ailaz tant cudaua saber
Damor eran * petit en fai ^
Car eu damar nom puesc
[tener
Cela don ia pron non aurai
5 Tout ma mon cor e tout
[mal sen
E si meteis e tôt lo mon
E can fun ^ tolc nom laiset
[ren
Mas dezirer e cor uolon.
III. De las donnas mi desesper
Jamais en lor nom fizarai
Caissi con las sueil mainte-
[nir
Tôt aissi las desmanterai
5 Pos vei qe nuilha pro nom te
Vas lieis qe mauci en ' con-
[fon
Totas las dopt e las mescre
Qe ben sai catretals si son.
IV. Ane non agui de mon poder
Ni no fui mieus de pueis en
[sai
Qem laizet en sos oils vezer
En un mirail. qe moût mi
[plai
5 Mirails. pos mi mirei en te
Ma 8 mortli suspir de preon
Caissim perdei com perdet
[se
Lo bels narcilis^ en la fon.
V. Daisso fai ben femna parer
Ma donna per qieli lo retrai
Car so vol qe non deu voler
E so com li deueda fai
5 Cazutz sui en mala merce
Et ai ben fag con fols el
[pen *o
E no fai " per qe mesdeae
Mas car truep pugei con-
tramon.
Vl. Qî. 92), Pos a mi donz nom
[pot valer
Precs ni merces nil dregtz
[qieu ai
Ni a lieis nom ven a plazer
Qieu lam iamais non ho di-
[rai
5 Aissim part de leis en *• recre
Mort ma e per mort li res-
[pon
E uauc men pos il nom rete
Chazutz en essil non sai on.
71
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 31)
I. Non es merauilha sieu chan
Miels de mil '^ autre chan-
[tador
Qe plus ai lo cor vas amor
E miels sui fagz al sieu
[coman
5 Cor e cors e saber e sen
E force poder i ai mes
Sim tira vas amor le fres
Qen ren als mos cors non
[saten.
II. Ben es mortz qi damor non
[sen
1 l. : Merauillas mai — * /. : dezirer — 3 /. : fon — * /. : e tan * /. :
sai— « c. en : sim — ' /.: cm — • /.: Man — • /,; Narcisus — lo /. : pon
— " c. en: sai — 12 /.: em — ** c, en : nuil
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
829
Al cor calqe dousa sabor
E qe val viures senz amor
Ma per enueg far a la gen
5 Ja domidieus non mazit'
[tant
Qieu ia pueis viua iom ni
[mes
Pos ieu de miei ' serai re-
[pres
Ë damor non airai ^ talan.
III. Perbona fe e ses enian
Am la plu bell e la meil-
[hor
Del cor suspir e del oils
[plor
Mas truep lam * per qei ai
[dan
5 Eu nO pueis mais samor ma
[près
E la carceren qil ma mes
Non pot clans obrir mas
[merces
E daqella non truep men s.
IV. Cant eu la veibemmes par-
[uen
Als ois al vis a la color
Catressi trembli de paor
Confaf lafueilha contra el
[ven
5 Non ai de sen per un enfan
Aissi sui damor entrepres
E domen caissi es sorpres
Pod om auer almoma gran.
V. Bona donna ren nous de-
[man
Mas quem prendatz a ser-
[uidor
Seruirai vos con bon se-
[gnior
Calque sial guizardonam
5 Veus mal vostre comanda-
[men
Francs cors gentils humils
[certes
Ors ni leons non es vos ges
Qe maucizatzsa vos mi ren.
VI. Aqesta amors me fer tan
[gen
Al cor duna douza sabor
Cent vez muert * lo iom de
[dolor
E reuiu de iois autras cen
5' Ben es mos mais de bel
[semblan
Qe mais val mos mais cau-
[tre bes
E pos lo mais autam bos
[mes
Bons mes le bens après
[lafan.
VII. Ai dieus caissi fosson trian
lÀ fais drut dels finz ama-
[dors
E lauzengier e trichador
Portesson corns el front
[deran '
5 Tôt laur del mon e tôt lar-
[gen
Volgrauer * dat sieu lagues
Sol qe ma dOna conogues
Aissi con eu lam finamen.
72
BERNARTZ DEL VENTADOR
(B. Gr. 70, 16)
I. {p. 93) Conortz era fai ^ ieu
[be
Ne ^® ges de me non pen-
[satz
1 /. .• mazir — s /. : denuei— ' /.: aurai—* /.: lam eu — * c. en,: nien
— • /. : muerc — ' c, en: deian, /. : denan — • /. : ï uolgr — * c, en:
Bai — !• ;.: Que 22
330
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Pos salutz ni amistatz
Ni messatgiers non men ue
5 Truep tug^ cai fag lonc
[aten
Et es ben semblanz oi-
[mai
Qieu chanso cautrui * pren
Pos no men ven auentura.
II. Mon conort cant mi soue
Con fui gent per vos on-
[ratz
E car vos mi oblidatz
Per un pauc no muer de se
5 Qieu mezeis vauc enqe-
[ren
Qem mis de foudatz em-
[plai
Qe ia mi donz sobrepren
De la mia forfachura.
III. leu lencolpei de tal re
Dont me degra saber grat
Qe fe qieu dei aluemjatz
Tôt o fez per bona fe
5 E sieu en amor mespren
Tort a qi colpa men da '
Car qi en amor qer sen
El non a sen ni mesura.
IV. Per ma colpa mesdeue
E ia non sia priuatz
Qe vaz leiz no sui tornatz
Per fondât qe mi rete
5 Tant ai estât loniamen
Qe de vergoinha quieu ai
Non ans auer ardimen
Lai an sil nom asegura.
V. Tant er gent seruitz per me
Sos durs cors fels et iratz
Tro sia totz adousatz
Ab bel s digz et ab merce
5 Qieu ai ben trobat legen
Qe gota daiga cant chai
Fer en un luec tan souen
Tro caua la peira dura.
YI. Qi ben remira e ue
Oils e gole front e faz
Caissi ies fina beutatz
Remais * ni meins noi coue
5 Cors lonc dreig e couinent
Gen afiblan coind e gai
Hom non la lauza tan gen
Com la saup formar natura.
73
BERNARTZ DE VENTADOR
(= B. Gp. 70, 25)
I. Lant cant vei la fueilha
Jus. dels arbres chazer
Cui qe peza ni dueilha
A mi deu bon saber
5 Non crezatz qez eu^^ vueilba
Flor ni fueilha vezer
Pos vas me sorgoilha
Cil qeu plus veil auer
Cor ai qeu men tueilha
10 Ë non ai ges poder
Cades cug ma tueilha *
On plus mi desesper.
II. Estrainha nouella
Podes de me auzir
Cant ieu vei la bella
Qem solia cuellir
5 Ela nom apella
Nim fai a se venir
Lo cors sotz laulella "^
Me fai de dol partir
Dieus qel mon chapdella
10 Men don de lieis iauzir
Qieu saisim reuella
1 /. : cug — s /. : chas so que a. — ' /. ; fai — ♦ /. : Qe mais — * /. :
queu — 6 /. : macueilha — ' /. : laissella
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
331
Noi es mas del morir.
III. Non ai mai fizansa
En agur ni en sort
Ma bona esperansa
Ma contondut ^ e mort
5 Ai can long * me lansa
La bella qieu am fort
Can lî quer samansa
Con sieu agues gran tort
Tant nai de pezansa
10 Qe totz men desconort
E non fas semblansa
Cades chant e déport.
IV. {p. 94) Non fai • mais qe dire
Mas moût fas gran folor
Qieu am e dezire
Del mon la bellazor
5 Ben fan aueire ^
Qi anc fei mirador
Qe cant mo consire
Non ai guerrer peior
Qe la * iorn qes mire
10 Ni penz de sa valor
Non serai iauzire
De leis ni de samor.
V. Ges per drudaria
Non lam car nom coue
Ma sa lieis plazra ^
Qem fezes qualqe be
5 leu li iuraria
En dieu e ^ ma fe
Qel bez qem faria
Non fos saubutz per me
E son plazer sia
10 Qieu sui e sa merce
Cil plag qem aucia
Qieu non men clam de re.
VI. Ben es dreicz qes eu ^ pla-
[gnia
Sieu pert per mon orgueil
La bona compagnia
El solatz cauer sueil
5 Petit mi gazaignha
Le foils arditz qeu cuoil
Pos vas me sestraignha
Cella qeu am e vueil
Orgueill dieus afrainha
10 Qaram ploron miei oili
Dreigz es qem sofraignha
Jois qieu meteis lom tueil.
74
RERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 44)
I. Tant ai mon cor plen de
[ioia
Tôt meis de natura
Flors blancha vermeill e
[groia
Me sembla freidura
5 A lo uent et a la plueia
Mi ven auentura
Per qe mos pretz mont e
[pueja
E mos chanz meillura
Tant ai al cor damor
10 De ioi e de douzor
Qe le gels me sembla flor.
E las neus verdura.
11. Anar puesc senz vestidura
Nutz e ma camisa
Pos fin amors masegura
De la freida biza
5 Mas totz hom se desmesura
Qi nos ren ^ de guiza
Per qeu na*® prez de mi cura
Pos lagui enquiza
^ e, en: confondut — * c. en : lonc — ^ c. en : sai — * c. en : fari
aueire — * /. : ia — ^ c. en: plazia — ' /. : e per — • /. : qeu — » /. :
ten — 10 /.: nai
332
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
La plus bella damor
10 Don aien ^ gran honor
Senes lieis ab ma ricor
Non volgraaer fnza.
III. De samistat mi reisa ^
Mais eu uai ^
^ conqisa
La bella semblansa
5 Et ai en a ma deuiza
Tant * benananza
Qe ia iom qieu laia viza
Non aurai pesanza
Lo cor ai plen damor
10 Qe lesperit el cor
El cors es sai ^ aillor
Loing de lieis e franza.
IV. leu nai ^ bon esperanza
Mas petit maonda
Catressi fui ^ emblanza ^
Con la naus en londa
5 Delmalpensqemdesenanza
N5 sai on mesconda
Tota nueg me vir em lansa
Desobre lesponda
Peigz trai pena damor
10 De tristan lamador
Qi suffri mainta dolor
Per iseutz la blonda.
V. Ai deus car semblés yronda
Qe voles per laire
E uengues de nueg prionda
Ins en son repaire
5 La bella ^® donna iauzionda
Vostre fiz amaire
A paor qel cors noil fonda
Sai fil " dura gaire
Donna vas vostre amour
10 Jong mas mans e ador
Gentz cors ab fresca color
Grant mal me faitz traire.
VI . (p, 95) El mon non a noil
[afaire
Don ieu tant consire
Ni cant cug de lieis retraire
Qe de ioi nom uire
5 E mos semblantz non ses-
Gui qe lauja dire [claire
Si cades mi es vejaire
Cai talan de rire
Talan '^ de bon amor
10 Qe maintas ves em plor
Pero qe meilhor sabor
Men an ^^ suspire.
75
BERNARTZ DEL VENTADOR
(=B. Gr. 70,12)
1. Be mon** perdut en lai ves
[ventador
Tuit mei amie pos ma donna
[nomama
E non es dreigz qe eu ia-
[mais lai tor
Qe truep estei ves mi sal-
[uatg e grama
5 Toz ioms mi fai irat sem-
[blant e mor
Car en samor me deleit em
[soior
E de ren als vos ^^ rancura
[nis clama.
11. Si con le *^ peis sesiaissa
[de caior
^ c, en : aieu, /. : aten — ^ c, en : teisa, /. : men raisa — 3 Lacune
non indiquée par le copiste; l. : fizanza — ♦ /. : Que siuals eu nai — */.:
Tan de — • /. : E lo cors estai — ' /. : nai la — 8 c. en : sui — • /. : en ba-
lanza — lo /. : Bella — " c. en : SaisU — i^. : Tan lam — i3 /. : an li
*♦(. ; man — " c. en ; nos — *« /. : lo
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
333
E non sap mot trut * qelcs
[près al ama
Meslaissei ieu de truep
[amar. uniom
Qieu non gardei si sien ' el
[mei la flama
5 Mart ^ plus fort no feira
[fuecs de forn
E desamor. nom paesc par-
[tir un torn
Aissim ten près samors e
[maliama.
m. Non merauil de samor sim
[ten près
Qe genzer cors non cré qel
[mont se mire
Gais e cortes humils e
[francs e finz
E totz aitalz com ieu vueil
[ni dezire
5 Non puesc dir mal de lieis
[car non i es
Qieu lagra dig de ioî sieu
[loi saupes
Mas non loi fai.^ perqeu me
lais del dire.
IV. Tost temps voirai sas ho-
[nors e sos bes
Eil serai homs e amies e
[seruire
Amarai la cui qe plaiz o cui
[pes
Com nom pot cor destrein-
her sens aucire
5 Non sai donna volgueso non
[vol gués
5
Mas totas res pot hom mal
[escriuire*
V. De las autras soi si desca-
[legutz ^
Qe cals se vol me pot vas se
[atraire
Ab un couen qe nom sia
[vendutz
Lo bens nil gaug qe ma en
[cor a faire
5 Preiars sens prons aber.ges^
[tôt perdutz
Per me o die qieu en son
[coffondutz
Qe trait ma la falsa de mal-
laire.
76
BERNA RTZ DEL VENTADORN
(=B. Gr. 70,21 )
1. Ges de chantar nom pren
[talanz
Tant me peza de so qe vei
Qe merces soli om en granz
Con agues pretz honor elau
5 Mas era non vei ni non au
Com parle de drudaria
Per qe pretz e cortesia
E solatz torn e non chaler.
IL Dels barons comensalenianz
Cus non ama de bona fe
Per ' son sec als autres le
[danz
E negushom de lur nos iau
5 Ni amors non reman per au
Car ben Ieu tais amaria
Qi sen ten qar nos sabria
A guisa damor captener.
IlL {p. 96) Per ren non es hom
[tan presentz
i c. en: true — * c. en : fui — ^ l, : Que mart — * /. : sai — * Lacune
non indiquée par le copiste, *^ ^ /.: h. em. escrire — ^ L: descasegutz —
^ /.: sai ben es.
334
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
Com per amor e per donmei
Qe daqi mueu deportz e
[chantz
E tôt canta pretz rie cabau
5 Nola homs aenz amour ren
[non van
Perqieu non vneil sia mia
Del mon total segnioria
Si ia ioi non sabiauer.
IV. De mi donz mi laa cent ai-
[tanz
Qtfieu ni)n sai dir et ai ben
[drei
Qe tant * pot me fai bels
[semblanz
E sona mi gent e suan
5 Emandet me perqieu mesiaa
Qe per paor remania
Car ela plus vom ' fazîa
Perqieu nestau en bon es-
[per.
y. De tris ' amor son fiz amantz
Don duc ni comte non enuei
E non es reis ni amirantz
El mon qe si nauia tau
5 Non sen fazes rie con eu fau
Ë si lauzarla volia
Ges tant dire nO poiria
De ben qe mais non sia ver.
VI. Bona domna cueind e pre-
[zanz
Per dieu aias de me merce
E ia nO voz ânes doptanz
Del vostr amie fin e corau
5 Far me podez e ben e mal
En la vostra merce sia
Qieu son gamitz tota via
Com fassa tôt vostreplazer.
77
BERNATZ DEL VENTADOR
(= B. Gp. 70,6)
L Eram conseilhatz * segnior
Vos cauetz saber e sen
Una domnâ det sabor
Qai amada loniamen
5 Mas ara fai ^ en vertat
Qil ha altramic priuat
Et anc de nuil compainhon
Compaignhatan greus nom
[fom •.
II. Cella vol ^ amador
Ma donma eu non ho defen
E lais ho mais per paor
Qe per autre chauzimen
5 E sanc hom dec auer grat
De nul seruizi forzat
Ben dei auer gazardon
len qe tant grant tort per-
[don.
III. De laiga qieu dels oils plor
Escriu salutz mais de cen
Qieu tramet a la genzor
Et a la plus auinen
5 Maintas ves mespueis mem-
[brat
Lamors qem fes al comnjat
Qiel vi cubrir sa faizon
E nom poc dir oc ni nô.
IV. Li sieu bel oii traidor
Qe mezgardanon tau gen
E saisi gardon^ ailhor
Moût i fan gran faillimen
5 Mas daitan man ben honrat
Qe seron trail * aiostat
Mais gardon lai on ieu son
Qe a totz cels denuiron.
* c. en : cant — *c.en: nom — ' c. en : Xsl — * c. en: cosseilhatz —
* c. en : sai — • c. en : fon — ' /. ; vol autr— ■ c. en: mil]
LE CHANSONNIER DE BERNÂRT AMOROS 335
Dun vers nouel a la freida-
[ra
V. Posvoutz sonalafolor
Gen serai fols sieu non pren
Daquetz dos mais lo menor
Qe mais val mon ecien
5 Auer en lieis la meitat
Que tôt perdre per fondât
Qe anc a nuil drut fellon
Damar non vi far son pron.
VI. (p, 97) Duna ren son en
[error
Et estau en pensamen
Qe loing aurei ma dolor
Sieu aqest plait li cpnsen
5 E sieu li die mon pensar
Teinh me per deseretat
Damor e ia dieus nom dom
Pueis faire vers ni chanzon .
VIL Car sieu lam a desonor
Esqerns et ^ a tota gen
E tenran men li pluzor
Per comut e per sufren
5 E saisi p^rtmamistat
Veus mon dampnatge doblat
Cal qeu fass o cal qe non
Res no men pot tener pron.
78
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70 13)
I. Bem cuigei de chantar suf-
[frir
Josta sai ' el doutz temps
[suau
Mas er pos neguns no ses-
[iau
E pretz e donar vei mûrir
5 Non puesc mudar non pren-
[ga cura
Qe conortz er als autres en-
[tre lor
E couen ben pos mi vai ben
[damor
Caia meilhor solatz a tota
[gen.
IL Donna vas calqe part em '
[vir
Ab vos remainh et ab vos
[vau
E sapchas qe de vos me lau
Assatz mais qieu non sai
[grazir
5 Ben conosc qe mos pretz
[meillura
Per la vostra bona ventura
E car vos plac qem fezes
[tan donor
Lo iom qem detz em baizan
[vostra amor
Del plus sius platz pren-
[netz esgardemen.
III. Amors aissim faitz trassail-
[lir
Del ioi qeu ai nou * vei ni
[au
No sai qe en die ni qe fau
Cen vez entreblit ^ pel consir
5 Qieu degrauer sen • e mesu-
[ra
Si mai adoncs mas pauc mi
[dura
Tal redirem ^ toma iois en
[error
Pero ben fai * qe cent ves
[es damor
Gom cama ben. non a gaire
[de sen.
U.: er — ^cen: sui, L : Josca sai — « /. : qem — * c. en : non —
* /. : mentroblit — « c. er» : cen — M. : Calreduirem — • c. en : sai
336 LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
IV. Greu eu sabrai mon meils
[chanzir
Si fas ^ bellas faissos men-
[taa
Qe ren mos lauzors nom
[abau
A sa gran beutat eissernir
5 Res mais no men desase-
[gura
Pos tant es douz e fin e
[pura
Grant paor ai cazesmes sa
[valor
E lauzengier volon mon dan
[damor
E dirai len moût lieu azira-
[men.
V. Doncs li deurieu ben seruir
Pos vei qe ten » guerra
[nom val
Qe sap lauzëgiers en anc «
[mal
Greu me poiria damour jau-
[zir
5 Per lieis es razos e mezura
Qieu serua tota creatura
Neus lenemic deu appellar
[segnior
Cab gent parlar conqier hom
[miels damour
Tôt lo peior. ad obs de ben
[volen.
VI. Amours cil qe vos ♦ volon
[delir
Son enoios e desleiau
E sius deschanton men qe
[eau
Nols pot hom miels envi-
[lanir
5 Ben conosc a lur parladura
Qilteinhon ' mal contra na-
[tura
Ast * an perdut uergoinha
[e paor
Partit de dieu tôt pel sor-
[dei damor
E eu soi fais si mais ab lur
[conten.
79
BERNARTZ DE VENTADORN
(= B. Gr. 70, 37)
1. (p. 98) Cant la douza aura
[venna ^
De ves nostre pais
Mes veiaire qieu senta
Un vent de paradis
5 Per amor de la genta
Ves cui eu son aclis
On ai meza mentenda
E mon corag assis
De tôt autram partis
10 Per lieis tant matalenta.
II. Sol lo iois qem prezenta
Siei bel oil e clars vis
Qe * plus non consenta
Me degrauer conqis
5 Non sai per qieu vous men-
[ta
Qe de ren non fon fis
Mas grieu es qem repenta
Qe una vez me diz
Qel pros hom safortis
10 El maluatz sespauenta.
m. De donnas mes veiaire
Qe gran faillimen fan
Pero car non son gaire
Amat si » fin aman
5 Mas eu non auz retraire
» c. en : sas - 2 /.: ren - 3 /.: estauc - *./.; c. qeus - W. : reinhon
c. en : Clst — » c. en: vente -r • /.: Qe ia — » /.: li
LE CHANSONNIER DE BERNART AMOROS
387
Mas 80 qellasvolran
Qieu sai ben eus trîchaire
Ha damor abnejâ^
0 plus o quatre tanz
10 Con sera^fiz amaire.
IV. Domna qe cuias faire
De me qe vos am tan
Per qem faitz tan maltraire
Ni mûrir de talan
5 Ai franche debonaire
Fazes mun bel semblan
Tal don mos cors sesclaire
Qe pen e maltrai gran
Ë noi dei auer dan
10 Qieu no men puesc estraire.
80
BERNARD DEL VENTADOR
(=B. Gp. 70, 39)
I. Gan lerbes vertz e fueilla
[par
E flors. botonon pel uerian
El rossigniols aut^ e clar
Leua sa uotz e mou son
[chan
5 Joi ai de lieis e ioi ai de la
[flor
Joi ai de me e de mi donz
[maior
Dans totas partz fui^ de
[ioi claus e senz
Mas il es lois que totz au-
[tres iois venz.
H. Tant am mi donz e la teinh
[car
E tan la dopt e la reblan
Qeiesdemenon laus preiar
Ni ren noil die ni ren noil man
5 Pero ben sap mon mal e ma
[dolor
E can li platz fai me ben e
[honor
Ë car noil platz suffrirai
[men almeinz
Ga ^ ieu non vueil ca lieis
[sia blasteinz.
III. Ben la volgra sola trobar
Qe durmis on fezes semblan
Adoncs vemblet* un douz
[baizar
Pos ren non uail qeu loil
[deman
5 Per dieu donna pauc es-
[pleitan. damor
Pos vai "^ sen le temps e
[perdem lo melhor
Parlar pogran ab cubertz
[antreseinhz
E pos nom val arditz val-
[gues mengienz.
IV. Sieusaupes la gent enchan-
Miei enemic fora, enfan [tar
Qe ia nuls non saupra pen-
[sar
Ni dir ren qem vengues a
[dan
5 (p, PP.) Adoncs veu* remi-
[rar la genzor
Son cortes cors et sa fresca
[color
Eil baizeralabocha a blans
[dens
Si qe dos mes i puegra ^ lo
[seinz.
V. Ben deuriom dona blasmar
Gan truep vai son amie tar-
[zan
1 /. : ab enjan — ^ c. en: fera — * /. : autet -^ * c. en
Car — • c. en : liemblet — ' /. : Vai — * c, en : ireu
gra
sui — ^ /. :
• /. : pare-
338 LE CHANSONNIER DK
Qe longaa paraola damar
Es granz enueiz et par des-
[man '
5 Qamar pot on e fair semb-
[lan ailhor
E gent menar '. lai on non
[es autor
Bona douma al sol clamar'
[me deinz ^
Ja per mentir ieu non serai
. [ateintz.
VI. Ailas com muer de consi-
[rar
Qe maintas ves en consir
[tan
Qem laisera lairos emblar
Qe ren non sabria qe fan
5 Per dieu amors ben trobatz
[eissedor
Ab paucs damis e sens au-
[tre socor
Car una vez fan ^ mi Jonz
[nom destreinbz
Anz ^ qieu foz de dezirer
[esseinhz '',
VII. Merauil me con puesc du-
[rar
Qe noil demostre mon talan
Cant ieu mi donz uei ni es-
[gard
Li sieu bel oil tan ben li
[s tan
5 Par pauc me teinb car en-
[ues lieis non cor
Si feira ieu si non fos per
[paor
Cane DO ui cors miels tail-
[lat. ni enpenz
BERNA RT AMOROS
Ad obs. damar si * tan
[grieus nilenz.
81
BERNATZ DEL VENTADOR
(B. Gp. 70,19)
I. Estât ai con homs esper-
[dutz
Per amor on lonc estatge
E son me tart aperceubutz
Qe fait auia folatge
5 Qe tôt mera* saluatge
Caisi fui de cban recresutz
E on ieu plus esteia ^^ mutz
Mais feira de mon damp-
[natge.
II. Ga tal donna mera tendutz"
Cane non amet de coratge
E eram son reconogutz
Qe truep ai fag lonc ba-
[datge
5 Mas ieu segrai son usatge
De cui qem vueilba sarai
[drutz
E mandarai per tôt salutz
Et aurai mais cor volatge.
III. Truanz u veil" esser per
[damor'3
Ca leis couen qieu aprenda
E prec la de son amador
Qel ben qeil fara non venda
5 Masmais^^belmes qen liais
[satenda
Cautra nam plus belle meil-
[hor
Qê ual aman ^^ em socor
Ëm fai de samor emenda.
* /. : enian — M. : mentir — 3 /. : ab s. camar -^ * c. en : teinz —
8 /. : tan — « /. : Abanz — ' /. : esteinhz — « c. en ; fi, /: sia — • /. •
mera ades — ^o /. : estera— ^W. : rendutz - 12 /. : t. vueil — " /.
samor — i* /.; Mas — 1* /.: v. e maiuda
LE CHANSONNIER DE BERNA RT AMOROS
339
IV. Aqesta me fai tan donor
Ca leis plazca mercem pren-
[da
Pero non uei doneiador
Qe meils de me sentenda *
5 Nom fassa far long atenda
Qe loncs termes me fai paor
Qiea non uei maliiaz dona-
[dor
Cab loncs termes nos de-
[fenda.
V. Donna pensem de marnjar '
Lauzengiers oui dieus con-
[trainha
Per caitan com lur pot em-
[blar
De ioi aitan sen gazalha
5 Anz qe negunz hom sem
[plaîha
Pert 3 loncs temps nostra
[amors durar
Ëcant luecs er vuillatz par.
[lar
E cant luecs non er remai-
[nha.
VI. {p, 100) Ma donna fo al
[comensar
Franch e de bella compaîha
Per qieu la deis * mais amar
Qe sem fos fer et estrainha
5 Dreitz es qé donna safraï-
[ha5
Ves cellui qe a cor damar
Qi truep fai son amie tar-
[zar
Dreitz es qe iois li soffrai-
[nha.
82
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. gr. m, 7)
I. De lei on son* mei désir
Car sai qe cil non dezira
Per qieu souen plainh e sus-
[pir
Mas il non plain ni suspira
5 Per so de leis sort ^ me ran-
[cur
E es dreita ma rancura
Qieu non penz dautra ren
[ni cur
E il de me non a cura.
H. E men son tuic * aqil consir
Don nulz fiz amanz consira
E si bem vau nim volf nim
[vir
Mos cors nos volf ni nos
[vira
5 De lieis qe atent qem meil-
[lur
Qe tôt 80 qes vol meillura
E sol caillors non si peuir •
Amors ab lieis non peiura.
III. Totzlos afanz qem fai sof-
[frir
Moût volontiers los suffrira
Cellâ deinhes sol acullir
Tan gen con ieu lacullira
5 Ja noil agra cor fais ni dur
Doncs per qes*® il tan dura
Qe on pins" ues lieis matur
Et il meinz ves me satura.
IV. Si sagrades de mon seruir
De tôt mo sen la seruira
Car daqest mal qê fai lan-
[guir
W. : si entenda — « /. : eniannar — 3 /. : Pot— * /. : dei eu — » c. en :
sastaîha — • /. : son tuit — ' /. ; fort — ^ c. en: luit — • /. ; peiur —
^^ l.: qe mes — ii /.: plus eu
34 0 LE CHANSONNIER DE
Sai ben qe pueis non lan-
[goira
5 Mas nO valon precs ni con-
[iur
B si mercea noil coniura
Tant cum pauc ues me sa-
[dreitur
[Non aura de me dreitara].
V. Non pues mudar cades non
[tir
Lai on mos malz aiz me tira
Car tôt mon cor ma fag
[partir
De lai don ia nom partira
5 Sil seu esgart doucet e pur
Qim fai cnidar. qil es pura
Mi disses so qem fos segnr
De leis qe nom assegura.
83
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 124. 1)
L Ab lo douz temps qes re-
[nouella
Vueil faire nouella chanzon
Camors nouella men somon
Dun nouel ioi qi me capdela
5 E daqest ioi autre iois nais
E sien non lai non potrai
[mais
Mas ades ador e soplei
A leis oui am de cor e uei.
IL Tant mi par mesperanza
[bella
Qe bem valvna reneson ^
E pueis espers mi fai tal
[pron
Ben serai ries si ia mapella
BERNART ÂMOROS
5 Nim diz bêla douz amies
[verais
Ben vueil qe per me sias
E ia nous vir per noil esfrei
Vostre fiz cors, del mien
[domnei.
III. (p, î01)Ar BÏ dig 80 qem pla-
[zeria
E sai qe nos pot anenir
Qe donna non diz son désir
Anz cela plus so que uolria
5 De son amie cel vol onrar
E fai sades plus a pregar
On plus la destreinh sos ta-
[lantz
Mas ben val dir le bels sem-
[blantz.
IV. Qui 2 ren sap de drudaria
Leu pot conoisser e chaazir
Qeil sembla ^ el douz sous-
• [Pir
No son messatge de fadia
5 Mas talant ha de fadiar
Qi zo qe ten vol demandar
Per qeu conseil als finz
[amantz
Qen prendent fasson lar
[demantz.
V *
Car ieu ai dig qe fiz amies
I fai moût qe pros e qe ries
Si can pot de si donz sa
[pana
5 Mas noi cug far negun or-
[gueil
Se la ren qe plus am e uueil
Bai et abratz e vueil saber
Sil plai qieu aia nul plazer.
î /. : teneson — * /. : E qui — 3 /. .. q. bel semblan — * Lacune non
indiquée par le copiste.
LE CHANSONNIER DE BERNA RT AMOROS
34 1
VI. Lai on es proeza certana
Ves salue ren * e not tries
ChanzoB. qel segniers ter
[abrics
Contra la fola gent vilana
5 Els dus fraires de rocafueil
En cui pretz e iouentz sa-
[cueil
Sapchas a tos obs retener
Si vols en bona cort chaber.
84
BERNART DEL UENTADORN
(= B. Gr. 124, 2)
I. Amors menuida ê somon
Quieu chant e ' fassa saber
Consim ten amors em poder
0 si mes truep mala o non
5 E pos vei qe sil men apella
Kil sazos cades renouella
Ben es dreitz qen chantan
[retraia
Cosim conorta e mapaia
Us iois qi ses e mon cor mes
10 Per bon respeit qe ma con-
[qes.
II. De totz los bes qen amour
[son
Ai eu ara qalqe plazer
Car ieu ai mes tôt monesper
Mon pensar e mentencion
5 En amar domna coind e
[bella
E soi amatz duna puicella
E can truep sodadeira gaia
Deportemi cossi qem plaia
E per tant non son meinz
[après
^ c, en: ten, /. : ten vai — * J. : e qe -
— » /. : iaia — « c. en : Un — ' /. : dos
10 Ad amor si la part en très.
m. Amors vol ben qe per rason
Ieu am mi donz per mais
[valer
Et am puicella per tener
E sobre tôt qem sia ben ^
5 Sap toseta de prima cella
Cant es frescheta e nouella
Dont non cal temer. qe iam
[traia
Maiz me ^ tant qe ab leis
[Iaia 5
Am^ ser o des. ' de mes e
[mes
10 Per pagar ad amor lo ces.
IV. Non sap de donei pauc ni
[pron
Qui del tôt uol si donz auer
Non es domneis pos torn
[auer
Ni cors si ren * per juizar-
[don
5 Aian o anel o cordella
E cug nesser rei de castella
Pro es domneis damor ve-
[raia
Si ioias pren. e can pot
[baia
Es * soble plus tengua mer-
[ces
10 En thesaur e nol done ges.
V. (jp, 102) Franca pucella de
[sazon
Me plaz cant mes de bel
[parer
Es nai ^® de iosta me sezer
Can son vengutz en sa mai-
[zon
5 E sil voil baizar la maicella
— 3 /.: bon — * L: Mais si mes
8 c. en: ten—»/.: El— lo c.
en : uai
842 LE CHANSONNIER DE
0 Testreing un pauc la ma-
[mella
Nos mou nis vira, ni ses-
[glaia
Anz poinha com ves me sa-
[traia
Trueque^ baizars en siapres
10 El douz tocar de luec
[deues.
VI. De soudadeira coind e pro
Vueil qê don ab pauc de
[qerer
Tôt so camors vol a iazer
E nom faza plag ni tenzon
5 Dostar camisa ni gonella
Anz danzd segon qel viella
Cel qe non ha suinh qe ses-
[traia
De fare tôt iuec damors ^
[latraia
E sil nauia mais après
10 J a del esseinhar nos feizes.
86
BERNARTZ DEL VENTADOR
[= B. Gr. 79, 22)
L Ja mos chantars no mer
[honors
Encontral grant ioi cai con-
[qes
Cades magrobs si tôt ses
[bos
Mos chanz fos meiller qe
[non es
5 Aissi con lamor es sobrana
Per î mos cors meillur e
[sana
BERNART AMOROS
Deuri esser meiller lo uerr*
qeufaz
E sobre totz e volgutz e
[chantatz.
II. Haideus can bonafor amers
De do8 amies sesser pogues
Qe ia negus dels enoios
Lor amistat non conogues
5 Gortezia moites vilana
Qar aqesta falsa gent vana
Faz conostre semblan ni
[amistatz
Car es cortes lo plus mal
[enseignatz.
III. Per merceprec als amadors
Pero si * consir e pes
Del segle con es enoios
Ei tan * pauc ni a de cortes
5 Qamors mas hom per tôt se
[vana
Non es ^ amors mas ufana
Et esenuegz vilani efoudatz
Qi non garda cui de ^ esser
[priuatz.
IV. Se tôt me ' vergoigne paors
Blasmar* mer damor mas
I bem pes
Qar aqest lauzar nom es
[pros
E pos mos conortz non es
[res
5 Qeu vei qe mêina pana '
Cil qi nom vol esser humana
E qar non puesc auer. joi
[ni solatz
Chant e déport mil vetz qe
[sui iratz
V. Chauzit ai entre las meil-
[lors
* /. : far t. i. camors — M. : Per qe — 3 /. : Gascus per se — ♦ /. :
can — B /. : es ges — • /. ; deu — î /. : mes — « /.: Blasmat — • /.:
qe de nienmapana
LE CHANSONNIER DE BERNA RT AMOROS
S43
Tôt lo miels qe anc dieu s
[fezes
Mas tant a van cor e doptos
Qera lai era non lai ges
5 Qe val aitals amors aurana
Qe ges non pot una setmana
Luns bo8 amies ab laatr
[estar em patz
Ses granz enois e ses ene-
[mistatz.
VI. {p, 103) Totz temps es iois
[ir e dolors
E totz temps ira iois e bes
5 Qi pert per falsa laus hu-
[mana
Tal ioi de fin amor certana
Qe qim mezes tôt lo mon ad
[un latz
Eu preiral ioi per oui sui
[enganatz.
VII. Bella donna vostre secors
Mauria mestier sius plagues
Qemoit mes mala la preizos
En qamors ma lassât e près
5 Hai dieus quan malament
[mafana
Qan zo qem trais e mengana
Me fai amar se tôt me pez
fom platz
Era sai ieu qeu sui apode -
[ratz.
VIII. Messatgiers vai ten via
[plana
A mon romeu dreitvez viana
E digas li qieu lai fora tor-
[natz
Si mos décor lagues salutz
[mandatz.
86
BERNARTZ DEL VENTADOR
(= B. Gr. 70, 30)
I. Lo temps vai e ven es uire
Per iorns per mes e per ans
Et eu las no sai qe dire
Qades es us mos talans
5 Ades es us e nos muda
Qunon ^ uoil. e nai volguda
Don anc non agui' iauzi-
[men.
II. Pois ella non pert lo rire
A miu uen e dois e danz
Qaital ioc ma fait assire
Dont ai lo peior dos tanz
5 E tais amors es perduda
Qes duna part mantenguda
Tro qem fai acordamen.
III. Ben deuri esser blasmaire
De mi meteis per rason
Cane nO nasqetcel de maire
Qi tant seruis en perd on
5 E cilla no mô chastia
Ades doblarail folia
Qe fols non tem tro qe pren.
IV. Jamai non serai chantaire
Ni de lescola ne blo
Pos mos chantars nom val
[gaire
Ni mas voltas ni mei so
5 Ni rë qeufassa ni dia
Non conosc qe pro me sia
Ni noi vei meilluramen.
V. Se tôt fas de ioi paruenza
Molt ai dinz lo cor irat
Qi viant ^ mais penedenza
Faire denant lo pechat
5 On plus la prec plus mes
[dura
' Lacune non indiquée par le copiste, — * /.: Qunam
Tianc
— M.: aie— ♦/.:
34 4 LE CHANSONNIER DE BERNÂRT AMOROS
Mas si em breu no meil-
[lura
Vengud er al partimen.
VI. Pepo ben es qella venza
A tota sa volontat
E cil a tort o bistenza
Ades naura pietat
5 Car zo mostra lescriptura
Qus aiz de bon auentura
Val us fol ' iomz mais de
[ceu.
VIL (p, 104) Ja nom partrai a
[ma vida
Tant qô sia sais ni fanz ^
Qe pos lay maner ' issida
Balaia totz temps lo grâz
5 E se tôt nO fes ^ coitada
Ja per me non er blasmada
Sol der ^ adenansesmen.
VIII. Ai bona amor e complida
Cors ben faitz deliatz e
[planz
Ai fresca cara* colorida
Cui dieus formet de sas
[manz
5 Totz temps vos ai desirada
Qe ren als ^ nom agrada
Daltra amor nO ai nien.
IX. Dolza res ben ensegnada
Cel qiu8 a tan gent formada
Me don cel ioi qeu natcD.
1 /.: sols — * c, en: sanz — ^ L: larma ner - * /. : ses — * /. : des
— « /. : cam — 7 /. : res altra.
QUELQUES LETTRES DUCALES
DE LOUIS XII
(Paris, Archives nationales^ JJ, 233, 234, 235)
Les lettres patentes données par Louis XII comme duc de
Milan sont encore bien loin d'être toutes connues et impri-
mées. La majeure partie s*en trouve, sans doute, conservée
dans les registres Ze^^ere ducali des archives de Milan, et no-
tamment dans ceux désignés par les cotes et titres HR Dona-
sioniy essensioni, concessioni; IV, Lettere e concessionidiLodovico
re dt Francia (1470-1512) ; VI, Concessioni e privilégia dont
j'ai publié précédemment un minutieux dépouillement. Mais
il s'en faut que dans ces registres aient été insérées toutes les
lettres de Louis XII. On en trouve dans les registres JJ des
Archives nationales de Paris, qui n'existent pas dans les regis-
tres parallèles des archivesmilanaises.il pourra donc être utile
aux historiens du Milanais que Ton mette sous leurs yeux ces
divers textes. Je me bornerai, quant à présent, à publier des
lettres patentes relatives à Tépoque delà conquête delà Lom-
bardie par le roi Louis XII, et toutes dd.tées des années 1499
à 1501.
Je n'ai nullement la prétention de donner un commentaire
de ces lettres, — commentaire pour l'établissement duquel plu-
sieurs des instruments de travail nécessaires me manquent
aujourd'hui ; mais le texte tout cru des documents est ce qu'il
importe avant tout de faire connaître. Les lettres ci-dessous
sont relatives aux affaires les plus diverses, et, par leur suite,
rappellent la marche même des événements au cours desquels
elles ont été données par le roi victorieux. Les premières dans
l'ordre chronologique, — qui est celui que je suis pour les pu-
blier, — sont des confirmations de privilèges pour des éta-
blissements publics et religieux de Pavie : l'université, les
couvents de Santa Maria délie Grazie (la Chartreuse) et de
28
346 QUELQUES LETTRES DUGÂLES
SS. Marco ed Aoreliano; elles ont été données lors de la
<c nouvelle et première entrée » du roi dans cette ville, en oc-
tobre 1499. Mous savons qu'il s'j arrêta du 2 au 5 octobre, et
qu'il j fut charmé par l'accueil des habitants, la beauté da
parc, et les chasses qu'il y fit avec le marquis de Mantoue. —
Entré à Milan, c'est par des actes de clémence que le roi ma-
nifesta tout d'abord sa présence (il ne devait pas tarder à
changer): il accorda des lettres de rémission à divers indivi-
dus coupables de meurtre ou d'assassinat ; en voici deux, Vune
en faveur d'un prisonnier, Giovanni Antonini dit Gacto (?),
qu'il délivre, l'autre en faveur d'un a latitante » Gaspare Pe-
gro, qu'il amnistie. Dès ce moment (octobre 1499) va commen-
cer la pluie des donations^ privilèges, concessions de toutes
sortes, tant sur les Milanais fauteurs de l'expédition, comme
les Trivulce et les Tornielli^ ou ralliés à la domination fran-
çaise, tels les Borromeo, les Pallavlcini et bien d'autres,
que sur les Français ayant pris part à Texpédition même ou
au voyage royal. Les registres de Milan sont pleins de privi-
lèges et donations accordés aux divers membres de l'illustre
famille Trivulce ; cependant, nous trouvons dans le registre
JJ. 233 des lettres nouvelles en faveur de Catalan Triulzi, de
Bernardine et de Teodoro Triulzi et de Barbara Yisconti.
Nous y trouvons aussi des lettres que le mépris de ses con-
citoyens pour celui qui en fut le honteux bénéficiaire a sans
doute empêché de faire enregistrer à Milan, — sans doute on
a craint un soulèvement de l'opinion publique contre ce traî-
tre, — je veux dire le dernier châtelain de Porta Giovia, le
Bernardine da Corte, à qui Ludovic Sforza avait si chaleu-
reusement confié le dernier rempart de la résistance et qui,
d'une âme si lâche, trahit sa confiance. Son frère Jacopo da
Corte, complice de la trahison, fut aussi part prenante à sa
récompense: l'un et l'autre devinrent en vertu des lettres
patentes de Louis Xll, propriétaires d'immeubles à Milan.
Parmi les Français, nombreux furent ceux sur qui s'épancha
la manne des générosités royales : une lettre ducale du re-
gistre JJ. 233, nous permet d'y ajouter un Italien francisé,
Nicolas Gaynier, frère du célèbre médecin du roi, originaire
de Pavie, et dont Tinfluence était si grande sur son client
princier. Parmi les grandes familles qui avaient servi Ludo-
DE LOUIS XII 347
vie Sforza, celle des San Severini eut alors une politique bien
personnelle et bien complexe : elle se trouva divisée entre
Tancien et le nouveau régime: cependant c'est à Louis XII
qu'elle finit par se rallier ; ici nous trouvons deux lettres con-
cernant l'un des San Severini, le comte de Gaiazzo, Tancien
général de Ludovic: par Tune, il obtient sa naturalisation
comme sujet du roi de France ; par l'autre, il obtient des pri-
vilèges et des concessions. H est à noter toutefois que Louis
XII attendit plus d'un an (de mai 1500 à décembre 1501) pour
lui en accorder. Il se déûa toujours de Gaiazzo et de ses frè-
res, même de son grand écujer: il exigeait de celui-ci, six ans
plus tard, une déclaration que tel fief ne lui était concédé
qu'en usufruit et non en propriété : l'original de cette décla-
ration est aux archives nationales. — Les lettres suivantes
nous portent après la soumission définitive de la Lombardie
à la domination française : les villes adhérentes à Ludovic
Sforza restauré sont sévèrement punies de leur révolte ; ce-
pendant comme il n'était pas de l'intérêt du roi de ruiner ses
nouveaux sujets ou d'exciter parmi eux une haine durable,
après les menaces et les rigueurs, il j eut des accommodements
et des amnisties. En juillet 1500, Louis XII donnait à Pavie des
lettres d'abolition et confirmait ses privilèges, montrant ainsi
que la part qu'elle avait prise àla restauration sforzesque était
oubliée. — La domination française est désormais établie d'une
façon durable : de nouvelles confirmations de privilèges sont
accordées (ici, à l'ordre de St-Jean de Jérusalem), de nouvel-
les concessions ou donations faites à ceux qui n'ont pas eu
leur part à la première curée : c'est le tour des Pallavicini
(en octobre 1500, avril et décembre 1501), des capitaines
ou gentilshommes français de troisième plan ; le secrétaire
de Trivulce, Angelo Sacco, tire lui aussi son épingle du jeu.
— Ces quelques lettres ducales de Louis XII ajoutent, on le
voit, plus de précision dans le détail au tableau que j'ai
tenté de tracer naguère de l'établissement de la domination
française en Lombardie.
Léon-G. PÉLissiEB.
348 QUELQUES LETTRES DUCALES
Confirmation des privilégos des rollgionses dn Convent
de SS. Mare et Anrélien de Pavie.
[Octobre 1499]
Archiyes nationales JJ, 233, n* 38
Ladovicns, Dei gracia Francornm Sicillie et Jhemsalem Rez, dax
Mediolani, notum facûnus nniversis presentibus et futuris nos récé-
pissé hamilem supplicacionem dilectarum nostrarum in Christo ab-
bâtisse et monialinm monasterii sanc torum Marcie et Aoreliani quod
nuncapatar monasterium senatoris, ordinis sancti Bénédicte Papie de
Observancia, dicencium ad causam dicti eorum monasterii habere
plura privilégia et immunitates ipsis supplicantibus per predeces-
sores nostros duces Mediolani concessa et concessas, qu^bns preteritis
temporibus et continue use sunt et ntentur de presentî, sed in illis
formidant turbari sea inquietari, nisi eadem per nos confîrmentar ;
petendo preterea qnatenus predicta earum privilégia et immunitates
laudare, approbare et confirmare juxta ipsorum privilegiorumformam
et tenorem, et super hiis graciam liberalitatemque et litteras nostras
de super concedere, Nos vero supplicacioni dictarum abbatisseetmo-
nialium supplicancium tanquam equitati et racioni consone bénigne
annuentes, aliisque justis causis et racionibus moti ; ex nostra certa
sciencia et de nostre plenitudine potestatis, maturaque deliberacione
super hoc prehabi ta; omnia et singula privilégia, immunitates ipsarum
supplicancium laudavimus, ratifficavimus et approbavîmus, laudamus-
que ratiffîcamus et approbamus per présentes ; volumusque et conce-
dimus ut quod ipse abbatissa et moniales supplicantes dictis privile-
giis et libertatibus utantur et gaudeant, prout illis hactenus riteetrecte
use sunt temporibus retroactis, utunturque de presenti, omni contra-
dicione cessante ; mandantes preterea universis et singulis
Datum Mediolani in mense octobris, anno domini millésime cccc^
nonagesimo nono et regni nostri secundo . Sic sigruUum : Per regem
ducem Mediolani in suo consilio: 0. Budé. Vita conUntor : 0. Budé.
Collation faicte à Toriginal. J, ëra.rt.
DE LOUIS Xll 349
Gonllrmatloii des prlTilèffes du Couvent de Santa Maria
délie Oraale près de Pavle.
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n<* 32
Ladovicus, Dei gracia Francorum, Sicillie et Jherusalem Rex Dux
Mediolani Papieque Cornes i, etc. Universis notum facimus quod nos
supplicacioni parte dilectorum nostrorum venerabilium monacorum
et religiosorum sancte Marie de Gracia prope civitatem nostram
Papie ordinis cartusiensis ^, requirentium privilégia, concessiones,
imunitates, literas, exempciones, franchisias, donaciones et prero-
gativas eisdem monasterio, priori, mognachiis, {sic) bonis et personis
in eis expressis per illustrissimes olim duces Mediolani, antecessores
nostros et alios, tam pro dote quam pro fabriqua ejusdem ecclesie
concessas etindultas sibi per nos confirmari et ubi opns sit de novo
concedi benigniter incUnati, presertim cum satis ample cerciorati simus
quanta fuerit devocione f undatum ipsum monasterium per illustri-
mum condam Johanem Galiaz Vicecomitem, ducem Mediolani, proa-
vum nostram, et ipsis privilegiis et concessionibus ab eodem et suc-
cessoribus inde donatum ; quorum pium animum atque institutum, ut
eisdem in hocdominio légitime successimus,ita circa preservacionem
ecclesiarum et locorum religiosorum, quse semper nobis precipue cure
et veneracioni fuerunt, insequi omnino volumus: ex nostra certa scien-
cia et de potestatis pienitudine, matura magni consilii nostri nobis
assistantes deliberacione prehabita, ea omnia et singula privilégia,
indulta, concessiones, libertates, immunitates et cetera, de quibus
supra, eisdem monasterio, priori, monacis et personis in eis expressis ac
bonis, tam dotis quam fabrice, ejusdem monasterii, tam per prefatum
illustrissimum Johanem Galiaz et ejus filios, ducesque alios, qui succes-
* On remarquera que dans Tacte précédent Louis XII prend seulement
le titre de dux Mediolani, et qu'ici il y ajoute celui de Papie Cornes.
Nul doute que cette addition ait été commandée par le désir de satis-
faire le vieil esprit de jalousie qui animait sans cesse Pavie contre Milan.
Ludovic Sforza avait fait porter à son fils aîné le titre de comte de
Pavie et avait, tout à la fin de son règne, obtenu de Maximilien pour
cet enfant le titre de prince de Pavie : il ne fallait pas que le nouveau
régime parût faire moins de cas que l'ancien des privilèges ou des désirs
de Pavie.
> La Gertosa di Pavia.
350 QUELQUES LETTRES DUCALES
Bvre domini status Mediobuii et comîtttns Papie qnovismodo potiti
sont, conoessas et confinnatas coneesaaque et oonfinnata ; atqœ
rdaidonem haberi Tolamns hamm sme; confirmaiima, ratiffieamns, el
approbamos, et pio confinoatis mt wupra ab omniboa habeii debere
▼olumoB et obsenran, et qnatenoa opos sit ea omnia, modo preraisso,
concedimos, proat illis actenns rite et lecte nsi et gavisisunt Man-
dantes preterea oniTeniSy «. 9. s.
Datum Mediolani, in mense octobris, anno domini milleaimo cccc**
nonagesimo nono, et regni nostri secundo. Sic ngmaJbam: per regem
ducem Medioanli, in suo consilio : Garbot. Vimi eontador : O. Badé,
Collation ùdcte à Toriginal: J. Er^&t.
Ckiallrmaiioii des pii-vilèses antérieurement eoneédés
& r Université de Pavle.
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n* 3i
Ludovicus, Dei gracia Francorom, Sicillie et Jherusalem Rex, Ddx
Mediolani Papieque cornes, etc. Universis facimas manifestum quod
nossummopere gaudentes immanitates et privilégia quibusqae sub-
dictis nostris induite continue preservare dignum inprimis existi-
mamus, ut colegia doctorum sint nobis in his preceteris commendata :
Quippe que ab eis eorumingeniis dominia nostra plurimum illustrentur
et rébus status nostri totîque reipublice optime consulatur ; qaare
supplicacioni benedilectorum fîdelium nostrorum doctorum juristanim
et medicorum sive artistarum utriusque colegii civitatis nostre Papie,
super iis nobis facte, benigniter annuentes ; ex nostra certa sciencia
et de potestatis nostre plenitudine matura, et magni consîlii nostri
nobiscum assistantis deliberacione prehabita : capitula, statuta, fran-
chisias, immunitates, exempciones et quaecumque privilégia eisdem de
u troque colegio tam per illustrissimos predecessores nostros duces
Mediolani quam alios quoscumque de temp tores, concessa, indulta et
confirmata, ac omnia etsingulain eis contenta, confirmamus, ratifica-
mus et approbamus, ac roboris firmitatem obtinere volumus, et quate-
nus opus sit, eisdem de novo concedimus juxta illorum formam et
tenorem, ut jacent et prout hactenus illis rite et recte usi et gavisi
sunt; et ulterius eisdem liberaliter et de gracia speciali, presencium
teuore, concedimus et indulgemus, ut nullus qui non sit doctoratus in
studio publico et in rigoroso examine gaudeat privilegiis doctorum in
ducatu nostro Mediolani et comitatu Papie. Sic enim Reipublice
DE LOUIS XII 351
commodo omnino fieri volumus. Mandamus praaterea gubernatori....
Datum Mediolani, in mense octobris, anno Domini millesimo cccc<^
nonagesimo nono et regni nos tri secando. Sic signatum: per Regem
Mediolani ducem, episcopo Lucionensi, magistro Goffrido Caroli, in
curia parlamenti Delphinatas consiliario, et aliis presentibus. Visa
contentor: 0. Budb.
4
Lettres de rémission pour Gaspare Pegro
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n° 22
Loys, par la grâce de Dieu, roi de France, de Sicille et Jérusalem
duc de Milan. Sçavoir faisons à tous présens et à venir que nous
avons reçu humble supplication de Gaspart Pegro, jeune gentilhomme
âgé de 33 ans ou environ, demeurant en notre ville et cité de Milan
contenant que, en Tannée passée, ung nommé Jacques Brunel, qui
es toit plein de malice, paillardie et mauvaise vie, et qui ne serchoit
toujours que question, noise et débat, s'adressa un jour audit sup-
pliant, et) sans qu'il eût cause de ce faire, Toultragea, par plusieurs foy s,
tant de parolles que autrement en maintes manières, et davantaige
devant plusieurs gens le menaça de le tuer, quelque part qu^il le
rencontreroit. A quoi ledit suppliant, qui ne lui demandait rien, ré-
sistoit le mieux et le plus sagement qu'il pouvait. Mais ledit Brunel,
non content de ce et continuant toujours en son dit mauvais voulloir et
malice, le 16^ jour de février dudit an, rencontra en suppliant,
lequel il assaillit et voulut et qu'il est vraisemblable à douster
en le frappant, et lui baillant plusieurs coups, ne scet ledit suppliant de
quoy, pour ce qu'il était si pressé qu'il n'avait loisir de le regarder.
Touteffois ledit robe, suppliant trouva que ledit Brunel lui avait fait
plusieurs pertuis en sa lesquels sembloient avoir esté faits d'un Cous-
teau. Et voyant ledit suppliant ainsi estre assailli par icelluy Brunel, et
le danger où estoit sa personne, tira ung pougnal pour s'en defFendre ;
duquel, ainsi que ledit Brunel le suivoitet le pressait toujours, comme
dit est, icelluy suppliant en se recullant devant lui en tira un coup
contre icelluy Brunel, et l'en frappa à la poitrine; au moyen duquel
coup ledit Brunel alla de vie à trespas; et, avant que trespasser, reco-
gneut et confessa qu'il avait tort, et à ceste cause pardonna libérale-
ment sa mort audit suppliant.
Toutefois, ledit suppliant, redoutant rigueur de justice, scet absenté
de notre ville, pays et duché de Milan, auquel ne ailleurs en notre
royaume il n'oserait jamais seurement converser ne demeurer, se nos
352 QUELQUES LETTRES DUCALES
grâce et miséricorde ne lui estoient sur ce imparties, en nous humble-
ment requérant que, attendu ce que dit est et mesmement que ledit
suppliant a fait et commis ledit cas en soy deffendant, et que le
deffunt a été agresseur, et aussi que icelluy suppliant a toujours esté
de bonne vie et honneste conversacion, sans jamais avoir été attainct
ne convaincu d'aucun autre vilain cas, blasme ou repronche, lui im-
partir sur ce nos grâce et miséricorde.
Pourquoy nous, ces choses considérées, voulant miséricorde préférer
à rigueur de justice, audit suppliant avons tenu, quitté et pardonné, et
par la teneur de ces présentes, de grâce espéciale et pleine puissance
et auctorité royale, remettons, quictons et pardonnons le fait et cas
dessus dit, avec toute peine, offense et amende corporelle, criminelle et
civille, en quoy, pour occasion dicelluy cas, il pourroit estre encouru
envers nous et justice ; en mectant au néant tout adjournement
appeaulz, ban et defifaulx, s'aucuns sont ou estoieutpour ce contre lui
ensuiz ; et l'avons restitué et restituons à sa bonne famé et renom-
mée, au pays et à ses biens non confisqués; satisfaction faite à partie
civilement, tant seuUement si faicte n'est ; et quant à ce, imposons
silence perpétuel à notre procureur commis et à tous nos autres jus-
ticiers et à leurs lieutenants présens et à venir, et à chacun d'eus
si comme à lui appartiendra, que de nos grâce, quittance, par-
don et rémission, ils facent, souffrent et laissent à toujours ledit sup-
pliant joir et user plainement et paisiblement, sans lui faire ou donner
ne souffrir estre fait ou donné aucun destourbier ou empeschement
au contraire en aucune manière ; ains, se son corps ou aucun de ses
biens sont ou estoicnt pour ce prins, saisis, arrestés, ou autrement em-
peschés,les lui mectent ou fassent mettre bientost sans délay à pleine
délivrance. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et
estable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites pré-
sentes, sauf en autres choses notre droit et l'autrui en toutes.
Donné à Milan au mois d'octobre, l'an de grâce 1499, et de notre
règne le Becond, Ainsi signé: Par le roy, duc de Milan, en son conseil :
Barbot ; Visa contentor : 0. Budk.
Lettres de rémission pour Jehan Antoine, alias Gacto
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n'» 25
Loys, par la grâce de Dieu, roy de France, de Sicille etJhérusalem,
duc de Milan. Savoir faisons à tous présens et à venir, nous avoir
1
DE LOUIS XII 353
receue humble supplicacion de Jehan Anthouine alias Gacto, mais-
tre consturier juré de la cité de Pavje, aagé de vingt quatre ans ou
environ, chargé de femme et enfans, contenant que: le premier jour de
septembre dernier passé, le dict suppliant, estant au marché auquel
Ton aaeoustumé de vendre et distribuer le sel gabelle, avec plusieurs
autres, vit et apparceut illec ung nommé feu Jehan Jaques de Be-
cherie S dudict lieu de Pavie, lequel avait essayé et essayoit à desro-
ber dicelluy sel, et pour ce que le dict Becherie vit que le dict suppliant
Tavoit apperceu, incontinent vint audevant de luy, disant telles paroles
que : «Ah! traitre,es-tuicy ? Je tetueray ! », et, en ce disant, mistlamain
à Fespée qu'il avoit, de laquelle il B*esforça frapper sur le dict suppliant,
et le poursuyvit tellement que le dict suppliant fut contraint, pour soy
desfendre et repuiser la force du dict Jaques Becherie, de tirer une
espée qu'il avoit ; de laquelle en soy desfendant audict conflict et dé-
bat, il donna sur la teste dudict Becherie qui le pourchassoit tous-
jours, comme dit est ; à Toccasion de quoy, le dict suppliant, de chaulde
colle tout esmeu, en seste instant d'un poignal qu'il avoit donna ung
autre coup audict feu Becherie en la poictrine, dont il tomba par
terre ; à l'occasion de quoy, tentost après, alla de vie à trespas. Pour
lequel cas le dict suppliant a esté mis et constitué prisonnier es
prisons du Chastel dudict Pavye ; desquelles nous l'avons fait déli-
vrer ^ à nostre première et nouvelle entrée en la dicte cité ; en nous
humblement requérant par le dict suppliant que, actendu qu'il a com-
mis le dict cas de chaulde colle et en son corps dépendant, et que en
tous ses autres affaires il s'est bien honnestement conduit et gouverné,
sans avoir esté reprins d'aulcun aultre villain cas, blasme ou re-
prouche, il nous plaise, etc., Pourquoy nous, en faveur de nostre dicte
nouvelle entrée, et en usant des droits, prérogatives et préhéminen-
ces, desquelz noz prédécesseurs roys de France ont accoustumé joyr
et user, avons quicté, etc. Sy donnons etc., au gouverneur et potes-
tat dudict Pavye et à tous noz autres justiciers, etc. Et affin etc.,
sauf etc. Donné à Milan au moys d'octobre, l'an de grâce mil cccc
quatre vingt dix neuf et de nostre règne le deuciesme. Ainsi signé :
Par le Roy en son Conseil : Picart. Visa contenter: 0 Budé.
' Gian Giacomo de Beccaria, d'ailleurs inconnu. Ce voleur de sel était-
il de la même famille qu'Agostino-Maria di Beccaria, le dernier ambas-
sadeur de Ludovic Sforza à Sienne?
* Coutume traditionnelle des rois de France.
354 QUELQUES LETTRES DUCALES
6
Don à Nicolas Gasrnler de Pavie dos bions Jadis possédés
par Pietro de Vesano.
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n"* 42
Lojs, par la grâce de Dieu, roj de France, de Sicille et Jhérusalem,
duc de Millan. Savoir faisons à tous présens et à venir, que nous,
ayans regard et considération à plusieurs bons et agréables services
que nostre cher et bien amé Nicolas Guaynier de Pavye, nous a, par
cy devant et par longtemps, faiz, mesmement enlaprésente conqueste
de Millan ; aussi ceul& que nostre amé et féal conseiller et médecin
ordinaire M*' Théodore Guaynier, son frère, nous a faiz et fait conti-
nuellement en grand labeur et sollicitude à Tentour de nostre per-
sonne et autrement ; à icelluy Nicolas Guaynier, pour ces causes et
autres à ce nous mouvans , avons donné, cédé, transporté et délaissé,
et par la teneur de ces présentes, de nostre certaine science, grâce
spéciale, plaine puissance et auctorité, donnons, cédons, transpor-
tons pour luy, ses hoirs, successeurs et ayans cause, à tousjours, tous
et chascun les biens meubles et immeubles qui furent et appartin-
drent à Pierre de Vésan, despiéça pour bonnes, justes et raisonnables
causes, advenuz, confisquez et applicquéz à notre cEambre ducalle, et
que le seigneur Ludovic Sforce, injuste occupateur de notre dit duché,
avoit donnés et transportés à André de Ferrare ; pour desdits biens joir
et user par le dit Nicolas Guaynier, sesdits hoirs, successeurs et ayans
cause, et en prendre, percevoir et recevoir les fruiz, prouffix, revenues
et esmolumens qui y appartiennent, à quelque valleur et estiœacion
qu'il/ soient et puissent estre et monter, et les applicquer àleurprouf-
fit, et en faire et disposer à leur plaisir et voulenté, comme de leur
propre chose et héritage; sans aucune chose en réserver à nous et aui
iiostres, fors seullement au regard desdicts héritaiges les foy et hom-
raaige, saulcuns y appartiennent, ressort et suppériorité, et à la charge
de payer et acquiter les charges et devoirs, saulcuns sont deubz à
cause desdittes choses, où et ainsi qu'il appartiendra. Sy donnons en
mandement, etc.
Donné à Millan, au mois d'octobre, Tan de grâce mil cccc iiii" dix
neuf et de nostre règne le deuxiesme: Ainsi signé: Loys. Par le Roy,
duc de Millan, le seigneur Jean Jacques, mareschal de France, et
autres présens; Robertet.
DE LOUIS XII 855
Confirmation des privilèges des liabitants
de BuBto Arsizio.
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n"* 35
Ludovicus, Dei gracia, Rex Francorum, Sicilie et Jherusalem, dux
Mediolani, 6tc. Universis presentibus et futuris notum facimus quod
dileçti et fidèles nostri communitas et homines habitantes in villagio
Bargi Busti Ârsicie, diocesis Mediolani, ad nos humiliter pervenerunt
dicentes quod temporibus retroactis per predecessores nostros multa
faerant eis privilégia concessa pluresque f ranchisie et libertates, quibus
usi sunt continue ; sed dubitant absque confirmacione nostra impos-
terum in illis inquietari ; supplicantes humilime ut illa seu illas nobis
placeat confirmare, ratifficare et approbare, et super iis litteras nos-
tras concedere opportunas. Nos vero supplicacioni dictorum suppli-
canciam bénigne annuentes, et cupi entes eosdem ut veros fidèles et
subdictos nostros humane tiactare;hiis de causis,etaliis justis nos et
animum nostrum juste moventibus, matura deliberacione super hoc
prehabita, ac de potestatis plenitudine et auctoritate ducali, quibus
fungimur in hac parte, easdem privilégia, libertates, franchisias et jura
a predecessoribus nostris ducibus Mediolani concessa, cum eorum
omnibus pertinentiis et appendentibus, ratas et gratas, rataque etgrata
habentes, laudavimus,approbavimusetconfirinavimus,laudamusque et
tenore presencium approbamus, et confirmamus, volumusque et conce-
dimus ut a modo ipsi supplicantes et eorum descendentes,nati etnascituri
in futurum, dictis privilegiis, libertatibus, et omnibus quibus preteritis
temporibus rete et recte usi fuerunt et gavisi, utunturque de presenti
diebus hodiernis, utantur et gaudeant in futurum, quacumque contra-
dicione cessante. Quocirca omnibus et singulis justiciariis officialibus,
vassallis et subdictis nostris, presentibus et futuris, tenore presentium,
damus inmandatis quatenus prefatos supplicantes et eorum successores,
presentibus ratifficacione, approbacione, confirmacione et gracia, uti
et gaudere pacifice sinant et promictant, in contrariumque facta sic ut
sint ad statum pristinum et debitum reducant seu reduci faciant in
judilate. Quod ut fîrmum et stabile perpeluo maneat in futurum, pre-
sentibus diximus apponi sigillum, nostro et alieno jure in omnibus
semper salvo. Datum Mediolani in meuse octobris anno domini mil-
lésime cccc°*°nonagesimonono et regni nostri secundo. Sic signatum:
per Hegem ducem, in suo consilio: Robertet.Visa contenter: 0 Budé.
356 QUELQUES LETTRES DUCALES
8
Don à Beraardino da Gorta d^una maison à Milan
[Octobre 1499]
Archives nationales, JJ, 233, n<* 34
Loys, par la grâce de Dieu, roy de France, de Sicile et Jhérusalem,
duc de Milan. Savoir faisons à tous présens et à venir que nous, ayant
regard et considéracion à plusieurs bons, agréables et recomman-
dables services ^ que nostre cher et bien amé Bernardin de Curte,
nous a faiz, et à la fidélité dont, comme nostre bon et loyal subgeet, il
a usé envers nous, fait et espérons quHl fera en Tavenir ; à iceluy, pour
ces causes et desdits services aucunement le rémunérer, avons, oultre
et par dessus les autres dons et bien£faiz ^ qu'il a de nous, donné,
ceddé, transporté et délaissé, et, parla teneur de ces présentes, de nos-
tre certaine science, grâce espécial, pleine puissance et autorité, don-
nons, cédons, quictons, transportons et délaissons pour lui, ses hoirs,
successeurs et aians causes, une maison, court, jardin, aisances et
appartenances, que tenoit ou estoit tenu au nom de Jehan Sforce, sei-
gneur de Pensauro ^, prouchain parent du seigneur Ludovic Sforce,
assise en nostre ville de Milan sur le court de laiivière de Porte neufveS
en la parroisse de sainct Barthélémy, advenue et applicquée à nostre
chambre ducalle pour aucunes bonnes, justes et raisonnables causes,
pour de ladite maison, court, jardin, aisances et appartenances, joyr
et user, et icelle avoir, tenir et posséder par le dit Bernardin da Corte,
sesdits hoirs, successeurs et ayant cause, en payant les charges et de-
voirs deuz à cause de la dicte maison, où et ainsi qu*il appartiendra.
Si donnons en mandement, etc.
Donné à Milan au moys d'octobre. Tan de grâce mil quatre cccc (sic)
quatre vingt dix neuf, et de nostre règne le deuxiesme. Ainsi signé:
Loys. Par le Roy duc de Milan, Monseigneur le Cardinal d'Amboise,
le seigneur Jehan-Jacques, mareachal de France, et autres présens :
Robertet. Visa contentor: 0. Budé. Collation faicte à Toriginal. J.
Erart.
1 II est digne de remarque que le rédacteur de ces lettres n a pas
osé ou voulu spécifier de quelle nature étaient les services rendus par B.
da Corte au roi de France. Il les qualifie d'agréables^ soit ! Mais recom-
mandables !
* Stipulés par le traité de capitulation.
3 Giovanni Sforza, seigneur de Pesaro, le premier mari de Lucrèce
Borgia.
* Naviglio di Porta Nuova.
DE LOUIS XII 357
9
Donation à Jacques da Gorte
[Août 1500]
Archives nationales, JJ, 234, n» 56
Loys, roj de Sicille et Jhérusalem, duc de Millan, savoir faisons
etCy que, pour considëracion en faveur et recongnoissance de plusieurs
bons, grans, agréables et recommandables services, que nostre amé
et féal Jacques de Courte, chevalier, nous a par cy-devant faiz mesme-
ment au fait de la réduction en noz mains et obéissance de nostre
chastel de Millan, et en ensuivant certain traicté par nostre amé et
féal cousin, conseiller et chambellan, le seigneur Jehan Jacques, mares-
chai de France, lors nostre lieutenant général de nostre dit duché,
touchant la réduction en noz mains dudit chastel de Millan, et icellui
traicté entretenir à icellui ; pour ces causes et pour autres considéra-
cions a ce nous mouvans, avons donné, transporté et délaissé, don-
nons, transportons et délaissons de nostre plaine puissance et aucto-
rite ducal, par ces présentes les choses qui sensuyvent : c'est assavoir
le lieu et vallée appelé la vallée de Gessie, compris les terres, lieux,
confins et ce qui est deladite vallée, avec tous et chascuns les droiz,
fruictz, prouffitz, rentes, revenues et esmolumens quelz conques
dicelle vallée ; item tous telz biens immeubles que le dit Jacques de
Courte choisira en nostre vieil parc de Pavye, jusques à la valleur de
douze cens escuz par an de commune estimacion : item une maison
ou maisons qui furent àAngel Symonnete, assise en Porte Cymairede
Cussano (sic), parroisse sainct Marcel de Millan, en la rueDenissavo
avec une petite maison estant devant lesdites maisons où se faisoit
Tes table des chevaulx, avec les édiffices dicelle maison, cours, jardins,
ensemble tous les autres droiz et appartenances d'icelle, lesquelles
maisons et biens sont despieça advenuz, escheuz et applicquez à nos-
tre cbambre ducalle, pour bonnes, justes et raisonnables causes comme
Ton dit, pour desdites choses joir et user par ledit Jacques de Gurte,
ses hoirs, successeurs et ayans cause, et en prendre, percevoir et rece-
voir les fruictz, proufQtz, revenus et esmolumens, à quelque valleur
et estimacion qu'ilz soient et puissent estre et monter, les applicquer
à leur prouffit ou autrement en faire et disposer à leur plaisir, ainsi
et par la forme et manière qu*il est contenu audit traicté ; en réservant
et retenant pour nous et noz successeurs audit duché les foy et hom-
mage, ressort et souveraineté des lieux dessudits et aussi moyennant
que le dit de Gurte, sesdits hoirs successeurs et ayans cause, paye-
ront et acquicteront les charges et devoirs deuz à cause desdits heri-
358 QUELQUES LETTRES DUCALES
taiges ou ainsi qa'il appartiendra. Si donnons en mandement par ces
mesmes présentes, etc
Donné à Meleun, an moys d^aoust Tan de grâce mil cinq cent et de
nostre règne le troisiesme. Ainsi signé: par le roy duc de Millan,
Monseigneur le cardinal d*Âmboise et autres présens : RobertetViaa
contentor: Garbot.
10
Don d^one maison à Milan à Gathelan Trlvnlzio
[Novembre 1499]
Archiyes nationales, JJ, 235, n"* 346
Loys, par la grâce de Dieu, roy de France de Sicille et Jhérusalem,
duc de Millan. Savoir faisons à tous présens et à venir que nous,
ayans regard et considéracion aux bons et agréables services que
nostre cher et bien amé Cathelan de Trévoul nous a faiz à la con-
queste de nostre duché et estât de Millan, où il nous a servy vertueu-
sement et à son povoir; àicelluy, pour ces causes et pour desdits
services aucunement le récompenser, et autres considéracions à ce
nous mouvans, avons donné, ceddé, transporté et délaissé, et par la
teneur de ces présentes, de nostre certaine science et auctorité don-
nons, cédons, transportons et délaissons, pourluy, ses hoirs, succes-
seurs et ayans cause, une maison assise en nostre bonne ville et cité
de Milan, en porte Commasne, en la paroisse Saint Thomas-en-Terra-
mare, nommée la maison de Pigeai avec ses appartenances et dep-
pendances,qu6 tenoitfeu Loys de Tre8ac^,en son vivant secrétaire du
seigneur Ludovic ; laquelle maison, pour aucunes causes, à ja pieça
esté déclairée appartenir et confisquée à nostre chambre dacalle;
pour la dite maison et ses appartenances avoir, tenir et posséder par
le dit Cathelan, sesdits hoirs, successeurs et ayans cause en prendre
les fruiz, prouffitz et esmolumens en payant et acquictant toutes
voyes les cens, rentes et autres charges ordinaires deues danciennecté
sur la dite maison. Sy donnons en mandement, etc
Donné à Vigesne au moys de novembre Tan de grâce mil cccc
quatre vingts dix neuf et de nostre règne le second. Ainsi signé iLojs.
Par le Roy duc de Millan, le seigneur Jehan Jacques de Trevoul
mareschal de France et autres présens : Robertet. Visa contentor : Budé.
* Lodovico Tersago.
DE LOUIS XII 859
11
Autre donation au même
[Novembre 1499]
Archives nationales, JJ, 235, n*" 347
* [donnons]
tous et chascun les biens meubles et immeubles qui furent et appar-
tindrent au comte Ludovic Bargamin et Charles Bargamin son cou-
sin, lesquelz ont tenu le parti, service et obéyssance du seigneur Ludo-
vic à rencontre de nous, en commectant crime de rébellion ; et par ce
confisquant ces dits biens à nostre chambre ducalle ; pour desdits
biens joir et user par le dit de Trévoul jusques à la valleur de quatre
cens escus de rente ou revenu par an, excepté toutes voyes du lieu et
place de Genye, dont avons ailleurs disposé, sans autre chose réserver
à nous des dits héritaiges, en payant et acquictant toutes voyes les
charges et devoirs ordinaires que les dits héritaiges doivent et peuent
devoir d'anciennecté, où et ainsi qu*il appartiendra. Sy donnons ^.. . .
12
Donation à Bernardino Trivolzio
Archives nationales, JJ, 235, n* 369
Loys, par la grâce de Dieu, Roy de France, duc de Millan. Savoir
faisons, etc, que nous, ayans regard et considéracion aux bons et
agréables services que nostre amé et féal conseiller Bernardin de Tré-
voulse, chevalier, nous a faiz en la conqueste de nostre duchié de
Millan, où il nous a servy à son povoir; pour ces causes et desdits ser-
vices aucunement le récompenser, et mesmement, moyennant la somme
de trois cens cinquante escus qu'il a par nostre ordonnance baillée à
nostre amé et féal Aymé d'Aurillac, dit Pocquedenare, auquel en
avons fait don ; à icelluy Bernardin, pour ces causes et autres à ce
nous mouvans, avons donné, ceddé, transporté et délaissé, et, par la
teneur de ces présentes, de nostre certaine science, pleine puissance
* Le texte de cette donation est identique à celui de la précédente
jusqu'à ces mots : Donnons, etc.
s La formule de la fin est identique à celle de Tacte précédent.
360 QUELQUES LETTRES DUCALES
et auctorité, donnons, cédons, transportons et délaissons, pour luy,
ses hoirs, successeurs et ayans cause, la Plèbe de Berbat et sa juridi-
cion, ainsi quelle se comporte et poursuyt, assise en nostre duché de
Millan que tenoit Charles, dit le baron de Ferrart, lequel a tousjours
tenu le parti, service et obéyssance du Seigneur Ludovic à rencontre
de nous ; au moyen de quoy il a confisqué le dit lieu et plèbe à nostre
Chambre ducale, pour icelle plèbe et juridiction avoir, tenir, posséder,
joir et user, par le dit Bernardin de Trévoulse, ses dits hoirs, succes-
seurs et ayans cause» et prendre, recevoir et percevoir les fruiz, re-
venuz et esmolumens, sans aucune chose en excepter ne retenir k nous ;
fors seullement les hommage, ressort et souveraineté, en payant et
acquictant les charges et devoirs de la dite plèbe et juridicion, où et
ainsi qu*il appartiendra. Sy donnons
Donné à Vigesne, au mois de Novembre mil quatre cens quatre
vingt dix-neuf et de nostre règne le second. Ainsi signé : Lojb, Par le
roy, duc de Millan, le Seigneur de Gyé, mareschal de France et autres
présens: Robertet. Visa contenter: Budé.
13
Donation faicte à Th. de Trivulce
Archives nationales, JJ, 235, n" 121
Loys, par la grâce de Dieu, roy de France, de Napples et Jhérusalem,
duc de Millan, savoir faisons que nous, ayant regard et considéracion
aux bons, agréables et recommandables services que nostre amé et
féal Théodore de Trévoul, conte de Lanoie, nous a par cydevant faitz,
tant au recouvrement de nostre estât et duchié de Millan que autre-
ment en plusieurs manières, fait et continue chacun jour, et espérons
que plus face cy-après; àicelluy, en aucune remunéracion des dits cer-
vices, et pour autres causes et considéracions à ce nous mouvans,
avons donné, octroyé et délaissé, donnons, octroyons et délaissons,
de nostre certaine science, grâce spéciale, plaine puissance et aucto-
rité royal et ducal, par ces présentes, pour luy, ses hoirs, successeurs
et ayans cause, les bourgs de Glarea, comprins la Rocquecte et fron-
tière de Pizicon*, décade la rivière deEldua * etaussi de Cavercurta^à
nous appartenans, avecques la justice haulte, moyenne et basse, mère
nuyte et impere, appartenans et deppendants diceulx bourgs, le revenu
* Pizzîghctone.
2 Adda.
3 Gavacorta?
DE LOUIS XII 361
desquelz Ton dit n*excéder soixante dacatz de revenu par chacun an,
pour desdites choses joir et user par ledit Théodore *.
Donné à Ohalon, au moys d*avril Tan de grâce mil cinq cens et
ung^ après Pasques, et de nostre règne le quatriesme. Ainsi signé :
Loys . Par le Roy, duc de Millan : Robertet. Visa contenter : Amys.
14
Donation à Barbara Visconti
[Août 1500]
Archiyes nationales, JJ, 234. n** 48
Loys, etc., roy de France, de Sicille et de Jhérusalem, duc de Millan,
savoir faisons, etc, que nous, considérans plusieurs bons et agréables
services que nostre très chère et bien amée la Dame Barbe Visconti,
fille de nostre amé et féal cousin, conseiller et chambellan, le Sei-
gneur Jehan Jacques de Trévoust, mareschal de France, nous a par
cy-devant faiz, en tenant tousjours nostre party et querelle, à l'encontre
de tous noz adversaires, et, pour ce faire, supporté de grans despan-
ces ; à icelluy, pour ces causes, et autres à ce nous mouvans, avons
donné, ceddé, transporté et délaissé, et par la teneur de ces présentes,
donnons, ceddons, transportons et délaissons pour elle, ses hoirs et suc-
cesseurs, tous et chacun les biens et héritaiges, tant féodaulx que allô •
dyaulx, qui furent et appartindrent au Seigneur Jehan Marie Visconti, à
nous appartenant, advenuz et escheuz en nostre chambre ducalle par
droit de forfaicture et confiscacion par ce qu'il a tenu le party, querelle,
faveur et service du More, nostre ennemy, avec quatre ou cinq ses en-
fans ; lesquelz enffans sont encores à nous rebelles, et de présent hors
dudit duché, tenans party à nous contraire ; pour lesdits biens et héri-
taiges féodaulx et allodyaulx dudit Jehan Marie, avoir, tenir et possé-
der parla dite dame Barbe, ses dits hoirs et successeurs, et enprandre,
parcevoir et recevoir les fruictz, prouffitz, revenues et esmolumens à
quelque valleur qu*ilz soient et puissent estre et monter, pourveu toutes
voyes que déclaracion sera faicte de la confiscacion diceulx biens
à nostre dite Chambre ducalle ; et en cas que iceulx biens ne nous
^feussent adjugés et déclairés confiscquéz, nous voulons et entendons
néanmoins pour la seurté de nostre estât dudit duché et pour la
suspicion que avons de la personne dudit Jehan Marie Visconti aux
causes desus dites, que les places et forteresses de Fontenete,
* La formule qui suit est identique à celle de Tacte précédent.
24
302 QUELQUES LETTRES DUCALES
Saguanty et Albiza, appartenantes ou qui appartiendrent pour la
moictié à icelluy Jehan Marie, soient mis es mains et povoir d'icelle
dame Barbe, dont avons trouvé seurté et fiance, pour icelles tenir et
garder jusques à ce que par nous autrement en soit ordonné. Si don-
nons en mandement, etc
Donné à Montargis, au moys d'aoust,ran de grâce mil cinq cens et de
nostre règne le troysiesme. Ainsi «igné : par le Roy, duc de MillaD,
Robertet. Visa contentor : Garbot.
15
Lettres de nataralité pour Francesco San-Severini,
Conté de Gayazzo.
[Mai 1500]
Archives Nationales, JJ, 235, n** 166
Loys, etc., roy de France, de Sicille, Jhérusalem, duc de Millan;
savoir etc. Nous a vons receu humble supplicacion de nostre cher et
bien amé cosin Jehan Francoys de Saint Severin, conte de Cayasse, et
de Barbara de Gonzague, sa femme, contenant que, tantost après la
conqueste et recouvrement de nostre duché et estât de Millan, nostre
dit cosin et sa dite femme viendront et se sont retirez en cestuy nostre
royaume, où ilz sont de présent, en entencion de y demeurer et vivre le
restede leurs jours; et à ceste cause, désireroient pour lentretenement
de leur estât y acquérir aucuns biens ; mais, pour ce qu'ilz sont natifz
hors de nostre dit royaume, ilz doubtent que noz officiers ou autres,
après leurs trespas, au moyen de noz ordonnances sur ce faictes, voul-
sissent prandre et appréhender leurs dits biens, et iceulx prétendre nous
appartenir par droict d'aubayne, et en fruster leurs enfans ou autres
héritiers qu'ilz auroient lors de leur trespas, se par nous ils n*estoient
habillitez et dispensez d*en povoir dispenser et tester ainsi qu'ilz
nous ont dit et remonstré, en nous requérant humblement leur impartir
sur ce nostre grâce et libéralité. Pourquoy nous, les choses dessus
dites considérées, inclinans libéralement à la requeste desdits sup-
pliants et désirans favorablement les traicter, en considéracion des
bons, grans et recommandables services, que nostre dit cosin nous a
faiz, fait et continue chacun jour, et espérons que encores face ; à
icelluy notre cousin le conte deCayasse etsa dite femme etàcbacuQ
d'eulx, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons donné et
donnons, de nostre certaine science, grâce spéciale, plaine puissance et
auctorité royale par ces présentes, congié, licence, permission et oclroy
d'acquérir en nostre dit royaume tous telz biens meubles et immeubles
qu'ils y pourroient -licitement acquérir, et d'iceulx, e nserable de ceulx
qu'ilz y ont jà acquis, disposer et ordonner par testament et ordon-
DE LOUIS XII 363
nance de dernière voulenté, donacion faicte entre vifz, et autrement
ainsi que bon leur semblera» et voulons que, après leur dit trespas,
leurs dits hoirs ou autres, à qui ilz en pourroient disposer, leur puis-
sent succéder, prandre et recueillir leurs ditz biens et successions, tout
ainsi et par la forme et manière que s'ilz estoient natifz et extraicts de
nostre dit royaume; et quanta ce, les avons, eux et leurs ditz héritiers,
habillités et habillitons de nostre plus ample grâce par ces dites pré-
sentes, sans ce que, à la cause dessus dite, aucun destourbier ou
empeschement leur soit faict, mis ou donné au contraire, ores ne le
temps advenir, ne pour raison de ce ilz ou aucun d'eulx nous soient
tenuz payer à nous ou aux autres aucune finance ou indampnité ; et
laquelle finance, à quelque somme quelle se puisse monter, nous leur
avons en faveur et considéracion que dessus donnée, acquittée, don-
nons et quictons par ces dittes présentes signées de nostre main. Par
lesquelles donnons en mandement k etc
Donné à Lyon, au moys de may. Tan de grâce mil cinq cens, et de
nostre règne le troisiesme. Ainsi signé. Par le Roy, Robertet. Visa
contentor : Amys.
16
Confirmation de privilèges pour la veuve et le fils mineur
du comte de Gayazzo, Jehan de St Severin.
[Décembre 1501]
Archives nationales, JJ, 235, n° 134
Ludovicus, Dei gracia, Francorum, Neapolis et Jherusalem rex, dux
Mediolani etc. Notum facimus universis presentibus et futuris quod
nos, attendentes per optima, grata et recommandabilia obsequia, per
deffunctum consanguineum nostrum Johannem Franciscum de Sancto
Severino, comitem Cayacii, in rébus nostris grandissimis impensa, et
presertim in recuperacione et adeptione regni nostri Neapolitani pre-
custodiam exercitus et belli ordinendo, ubi demum deffunctus est;
desiderantes etpreoptantes per dicta servicia ad utilitatem et comodum
nostre consanguinee ejusdem deffuncti relicte, et nostri consanguinei
eorum filii infantis minoris, ejusdem tutricis et gubernatricis addere ;
etiam animadvertentes quod ante ipsam adepcionem dicto deffuncto
polliciti fueramus bona quse possidebat in dicto regno Neappolitano
confirmare ut in simili confîrmaveramus ea quse tenebat in ducatu et
dominio nostro Mediolani ; hiis causis et aliis consideracionibus ad hoc
animum nostrum moventibus, predicte consanguinee nostre tutrici et
consanguineo nostro ejus filio, confirmavimus, stabilimus et corrobo-
364 QUELQUES LETTRES DUCALES
ramas, et per présentes nostras mota proprio, certa sciencia et aucto-
lite regîa et ducali, confirmamus, stabilimus et corroboramus bona qu»
seqimtur, sita et situata ia dicto nostro regno Neapolitano, videlicet
Comitatum Cayacii, cura suis villis Campaignano, Yignarello et Esquillo
in Principatu infrascriptis villis, scilicet Cere, Albanella, Cometo,
Lacaufoy a Filleto et sancto Petro, cum aliis suis pertinenciis, juribus
etjuridictionibus per dictum deffunctumconsanguineumnostnimetejus
successores, a quinquaginta annis citra continuis et consecutivis débite
detentisetpossessîs, tamentempore expulsionis et usurpacionis eisfacte
de eisdem bonis, via guerre et hostiiitatis, in hiis annis comprebenso
et numerato ; de quibus omnibus ac etiam ceteris quibuscumque bonis
mobilibus, immobilibus, juridictionibus, juribus et privilegiis, qualibas
etquantiscumque sint, sitis in dicto nostro regno Neapolitano, sive sint
feudalibus, sive alodialibus, quse et quomodocumque per dictum def-
functum et successores tenebantur et possidebantur, et quorum ipsam
consanguinea nostra tutrix et noster consanguineus sunt in légitima
tenuta possessione, et quibus recte et débite uti et gaudere possunt et
debent, de novo et in quantum opus foret, investimus ac investiti esse
volumus et mandamus, ita quod ipsa bona tenere et possidere possint
et de eisdem disponere ad suarum libita voluntatum, prout per retroacta
tempera poterant; reservata tamen nobis superioritate et juribus nostris
et alienis semper salvis. Mandantes propterea, etc
Datum Blesis in raense decembris, anno domini millésime quinqua-
gesimo primo, et regni nostri quarto. Sic signatum: Per regem, domino
Cardinali de Ambasia inFranciam legato, et aliis presentibus: Gedoyns.
Visa contenter: Amys.
17
Abolition pour les habitants de Pavie
[Juillet 1500]
Archives nationales, JJ, 135, n° 168
Loys, etc., roy de France, de Sicile et Jhérusalem, duc de Milan,
comte de Pavye. Savoir faisons à tous, présens et à venir, comme noz
très chers et bien amez les nobles, citadins et communauté de nostre
ville, cité et conté de Pavye, ayent envoyé par devers nous noz chers
et bien amez Gristophore Albercia, docteur en chacun droit, Jehan
Estienne Rigié, Silvestre Bucigella, leurs ambassadeurs et depputez,
etpareulx fait faire plusieurs remontrances, reques tes, supplicacions;
et entre autres, nous ont très humblement faict supplyer et requérir
que nostre plaisir soit remettre, quiter, abolir et pardonner à tous et
DE LOUIS XII 365
chascuns les citadins et habitans de nostre dite ville, cité et conté de
Pavye, tous les crimes, délictz et malesfices par eux commis et perpé-
trez, durant le temps que le seigneur Ludovic Sforce a tenu et occupé
nostre paysetduché deMillan, soitpour crime de lèse majesté ou autres,
et les restituer et rappeller à leur bonne famé et renommée et à leurs
biens, et au surplus mectre au néant tous et chascun les appaulx,bans,
bannissemens, pertes, procès et procédures qui contre eulx pourroient
avoir esté faiz pour cause desdictz crimes, délictz et malesfices, et sur
ce leur impartir noz grâce et miséricorde. Pour ce est-il que nous, ces
choses considérées, voulans et désirans humainement et doulcement
traicter lesdicts nobles, citadins et communauté de ladite ville, cité et
conté de Pavye à ce qu ilz soient doresnavant plus enclins de vivre et
eulz entretenir soubz nostre obéissance, comme bons et loyaulx sub-
jectz ; pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons quicté, aboly,
remis et pardonné, et par la teneur de ces présentes quictons, abo-
lissons, remectons et pardonnons, de nostre certaine science, grâce
espéciale, plaine puissance et auctorité royal et ducal, tous et chascun
les dits cas crimes, délitz et malesfices commis et perpétrez par lesdits
citadins et subgectz de nostre ville , cité et conté de Pavye, pendant
ledit temps que ledit seigneur Ludovic a esté occupateuret détenteur
de nostre dit pays et duché de Millan, soit que lesdits délictz aient
esté poursuivis ou non et compostez ou non par ledit seigneur Lu-
dovic, et aussi soit pour cas et crime de lèse majesté ou autres ré-
servez, et exceptez ceulx qui seront ci-après déclairéz, c'est assavoir
hérésie, boutement de feuz, sacrileiges, assassinemens , homicides,
faiz de guet-apens, forcemens et violemens de femmes , crimes de
faulx; et avec ce leur avons quicté, remis, abolly et pardonné, exceptez
lesdits cas ainsi réservez, toutes peines, amandes et offenses corporel-
les, criminelles et civilles, en quoy, pour raison desdits cas, crimes et
délictz ains non réservez, ilz pourroient estre encouru envers nous et
justice, et les avons restituez et restituons à leur bonne famé et re-
nommée, au pays et à leursdits ; biens en mectant au néant tous et
chascun les appaulx, bans, banissemens, sentences, procès et procé-
deures, qui, contre eulx et chascun d'eulx, en pourroient estre pour les
causes dessus dites ensuivy; et sur ce imposons silence perpétuel,
tant à nostre procureur général et fiscal, satisfaction faite à partie
civillement tant seulement ; si donnons en mandement par ces dites
présentes à nos amez et féaulx les gens de nostre Sénat de Millan, au
gouverneur etpotestat dudit Pavye, et à tous nos autres justiciers et
officiers et à leurs lieutenants présens et à venir et à chascun d'eulx,
si comme à luy appartiendra, que de nos présens lettre, commis-
sion, abolission et pardon, ils facent, seuârent et laissent ausdits
citadins et habitans et chascun d'eulx respectivement, joyr et user
366 QUELQUES LETTRES DUCALES
plainement et paisiblement, à tousjoors et perpétaellement, sans
poar occasion desdits cas, crimes et délictz leur faire mectre ou
donner, ne souffrir estre faict, mis ou donné aucun destourbier ou em-
peschement à leurs personnes et biens ; et se, en quelque manière
que ce soit pour ceste cause, ils ont leurs dits biens, sont ou estoient
pour ceprins, saisiz, levez, arrestés, emprisonnés ou empeschés, mec-
tiez les luy ou faictes mectre incontinent et sans délay à plaine déli-
vrance.
Donné à Lyon au moys de juillet, Tsin de grâce mil cinq cens et de
nostre règne le troisième. Ainsi signé ; Par le roy, duc de Millan,
monseigneur le cardinal d*Amboise Louis Tévesque d*Alby, les sei-
gneurs de Gyé et de Trimoille, mareschaulx de France et autres pré-
sens : CoTTKRAU. Visa contentor : Amt8.
18
Confirmation des privilèges de Pavie
[Juillet 1500]
Archives nationales, JJ, 235, n* 169
Loys, etc. roy de France, de Sicille et Jhérusalem, duc de Millan*
conte de Pavje, savoir faisons à tous présens et à venir comme noz
très chers et bien amez les nobles, citadins, manans et habitans de
nostre ville et cité de Pavye, nous ayent par leurs embaxadeurs et
depputez Cristofore Albericia, docteur en chacun droit, Jehan Estienne
Rigie et Silvestre Bucigella, fait dire et remonstrer que, combien que
aux potestat^ vicaire et juge dudit lieu de Pavye, qui sont les juges
ordinaires, et non à autres apparteigne la congnoissance de traicter
et décider des causes et matières, tantcivilles que criminelles, devant
noz subgectz, et des despences de ladite ville, cité et conté de Pavye,
laquelle de tout temps et d'ancienneté avait acoustumé de ainsi en
user; ce néantmoins, aucuns cappitaines et gens de guerre et autres,
s'esforcent chacun jour entreprandre congnoissance d'aucunes matières
tant criminelles que civilles; combien qu'ilz n'aient aucune puissance
de ce faire, et y font et commectent plusieurs abbus; qui estoit très
grans grief, préjudice et dommaige de noz subgectz dudit pais, en
nous humblement requérant que nostre plaisir soit les faire régir et
gouverner touchant ledit fait de la justice par les dits juges ordi-
naires, ainsi qu'il est acoustumé par cy devant et d'ancienneté, et dé-
clairer sur ce nostre voulloir et intencion, et aussi les entretenir en
leurs droitz et privilleiges du grand magistrat de la dite ville, et les
leur confirmer, ratiffier et approuver, et sur le tout leur impartir noz
DE LOUIS XII 367
grâce et libéralité ; pour ce est-il que nous, ces choses considérées,
voulans et désirans les dits suppliants favorablement et humainement
traicter et les entretenir en leurs piivilleiges, libertez et franchises, à
ce qu*ilz aient meilleur couraige de vivre soubz nostre obéissance
comme noz bons et loyaulx subgectz ; et pour autres considéracions à
ce nous mouvans, avons voulu, dict, éclairé et ordonné, et par ces
dites présentes, de nostre certaine science, grâce espécial, plaine puis-
sance et auctorité royal et ducal, disons, déclairons, ordonnons, vou-
lons et nous plaist que doresnavent, en nostre ville, cité et conté de
Pavye, ny aist que lesdits potestats, vicaire et juges ordinaires qui
congnoissent desdites causes et matières tant civillesque criminelles
des subgectz et des dépendances de la dite ville, cité et conté de
Pavye, ainsi qu*il est acoustumé faire et qu'il a esté par cy devant
observé et gardé ; et en avons interdist et desfendu, interdisons et
desfendons à tous autres, de quelque estât ou condicion qu'ils soient
toute juridiction et congnoissance. Et en oultre, à iceulx suppliants
avons confirmé, ratiffié et approuvé, et par ces présentes confirmons,
ratiffions et approuvons lesdicts privilleiges, libertez et franchises
à eulx donnez et concédez par noz prédécesseurs, ducz de Millan et
contes de Pavye, touchant ledit grant magistrat de la dite ville; vou-
lons et nous plaist qu'ilz enjoissent doresnavent, plainementet paisi-
blement, etàtousjours perpétuellement, tout ainsi et par la forme et
manière qu'ils en ont par cy devant, deuement et justement, joy et usé.
Si donnons en mandement ,etc
Donné à Lyon au moys de juillet. Tan de grâce mil cinq cens et
de nostre règne le troisiesme. Ainsi signé: Par le Roy, duc de Millan,
Monseigneur la cardinal d'Amboise, Louis, évesque d'Alby, les sei-
gneurs de Gié et de Trémoille, mareschaulx de France, et autres pré-
sens : Cotterau. Visa contenter : Amys.
19
Confirmation des privilèges de Tordre de
S. Jean de Jhéruaalem à Milan.
Archives Nationales, JJ, 235, n" 185
Loys,etc., roi de France, de Secille,deJhérusalemet duc de Millan,
savoir faisans etc. Nous avons receu humble supplicacion de nostre très
cher et féal amy le Cardinal, grant maistre de Roddes, et de noz chers
et bien amez les prieurs, commandeurs, chevaliers et religieux de l'or-
dre Saint Jehan de Jhérusalem, contenant que, par les privilleiges et
libertez anciens de la dite religion, ilz ont le privilleige, de toute an-
cienneté, tant en nostre royaume que autres royaumes et pays de cres-
tienté de prandre les despeulles des commandeurs de ladite Religion,
368 QUELQUES LETTRES DUCALES
après qu*ilz lont allés de vie à trespas, aaasi les yaccans et mortuo-
rum ; pareillement de donner et conférer les commanderies de la dite
religion ; et de ce ont accoustumé user de toute ancienneté par tous
lesdits royaumes et pays, et joissent encores à présent, réservé en nos-
tre duché de Millan, que, despuis Texurpation dicelle faicte par ceulx
de Sforce, lesdits Sforces les ont empeschez en iceulx droiz et plu>
sieurs autres à la dite religion appartenant, et depuis ny en ont peu
avoir la joissance, à leur très grand préjudice et interest ; requérans
par nostre grâce et libéralité leur estre imparties. Pour quoy, nous,
ces choses considérées, voulans et désirans les droiz anciens de la
dite religion leur estre renduz et restituez, gardez et observez, ayans
regard mesmement aux grans et insupportables fraiz, chargez,
peines et travaulx qu'ilz ont supporté de tout temps et supportent
jor et nuict por le soustenement, tuicion et desfense de la crestianté,
ensemble au service divin fait Jor et nuit en la dite religion, parquoy
ne vouldrions leurs droiz estre detenuz ne diminuez, mais plustost
augmentez à iceulx grant maistre, chevalliers, commandeur et reli-
gieux de la dite religion suppliants à nous ; pour ces causes et autres
à ce nous mouvans, avons octroyé et octroyons, de grâce spécial,
plaine puissance et auctorité royal; par ces présentes, voulons et nous
plaist, quilz et leurs successeurs en ladite religion présens et à venir
ayent doresnavent en nostre duchié de Millan tous les ditz droiz et
despeuilies desdites commanderies, après qu'ilz seront allez de vie à
trespas, mortuorum et vaccans, qu*ilz puissent donner et conférer les
commanderies quant elles seront vaccans en icelle duchié et joissent
et usent de tous les droiz, privilleiges, franchises, libertez, préroga-
tives et préhéminances comme leur ordre, par ce qu'ilz faisoient d'an-
cienneté et qu'ilz font encores à présent en nostre dit royaume, pays
et seigneuries et autres royaumes chrétiens. Si donnons en mande-
ment, etc
Donné à Lyon au moys de juillet. Tan de grâce mil cinq cens, et de
nostre règne le troisiesme. Ainsi siyné: Par le Roy, duc de Millan,
Monseigneur le Cardinal d'Ambboise, l'evesque d'Alby le, seigneur de
Gyé, mareschal de France et autres présens :Cottereau. Visa contentor
Amys.
20
Donation à Galéas de Sallesart et Jacques de Gardonne
[Septembre 1500]
Archives nationales, JJ, 234, n® 30
Loys etc. Savoir faisons à tous présens et avenir que nous, aiant
regard et considération aux bons et recommandables services que noz
DE LOUIS XII 369
chers et bien amez Oallais de Sallezart, seigneur de Laz, et Jacques de
Cardonne, gentilzhommes de nostrehostel, nous ont parcy devant faiz
au fait de noz gueres et conqueste de nostre duché de Millan et au-
trement en mainctes manières, font et espérons que encores facent au
temps à venir à iceulx ; pour ces causes et autres à ce nous mouvans,
avons donné, ceddé, quicté, transporté et délaissé, et par la teneur
de ces présantes, donnons, ceddons, quictons, transportons et délais-
sons pour eulx, leurs hoirs, successeurs et aians cause, la mestairie de
Douzonville, terres et appartenances d'icelle, assiz en la paroisse de
Manchecourt et chastellenie dTerre-le-Chastel, et tous et chascuns
les biens tant meubles que immeubles et arréraiges d'icelle mestairie,
qui furent et apparandrent et qui povoient corapecter et appai'tenir à
feu Charles le Picart, filz de feu Perrinet le Picart ; icelle mestairie,
terres et appartenances et autres biens dessusdiz à nous advenuz et
escheuz par droict daubaine, et déclarez appartenir par sentence de
nostre bailly d'Orléans ou son lieutenant, parce que icellui feu Char-
les le Picart est allé de vie à trespas sans hoirs ni héritiers habilles
à lui succéder; pour de ladicte mestairie, terres et appartenances
d'icelle et biens dessusditz joir et user par lesditz de Laz et Car-
donne, et en prandre, parcevoir et recevoir les fruiz et prouffiz, reve-
nues et émolumens, à quelque somme qu'ilz soient et puissent estreet
monter, et autrement les appliquer à son prouffit et en faire et dispo-
ser à leur plaisir et voulonté, comme de leur propre chose et héritaige;
sans aucune chose en réserver ni retenir pour nous ou les nostres, fors
seullement les foy et hommaige, ressort et souverainté, eu faisant et
paiant les charges et devoirs, s'aucuns sommes sont deuz pour raison
de ladite mestairie et biens dessusditz où et ainsi qu'il appartiendra.
Si donnons en mandement, etc ;
Donné àBloys, au moys de septembre. Tan de grâce mil cinq cens et
de nostre règne le troysiesme. Ainsi signé: Par le Roy, Robertet.
Visa contenter : Amys.
21
Donation à Hiaronimo Pallavicini, évéque deNovare
[Octobre 1500]
Archives nationales, JJ, 234, n* 38
Loys etc. Savoir faisons, eic, que nous aians regard et considéra-
tion à plusieurs bons, notables, vertueux et recommandables servi-
ces que nostre amé et féal conseiller Jherosme, marquis Palvesin,
évesque de Nouvarre, nous a par cy devant faiz, tant à la conqueste et
370 QUELQUES LETTRES DUCALES
redduction par nous faits de nostre duchié de Millan, à laquelle mes-
mement pour la dernière conqueste et redduction dicelle lui et les
siens nous ont très bien, loyaumentet vertueusement servy, sans riens
esparner; àicelui nostre conseiller, pour ces causes et autres à ce nous
mouvans, avons donné, transporté et délaissé, donnons, transportons
et délaissons de nostre plaine puissance et auctorité, par ces pré-
sentes, pour luj, ses hoirs, successeurs et aians cause, ung petit villaige
à nous appartenant assiz en nostre duchié de Millan en Tévesché de
Parme, nommé Montepaille, qui n'est que de la valleur que de vingtz
ducatz d*or de rente et revenu par an ; pour dicelluy villaige, sesdroiz
et appartenances, ainsi qu'il se comporte à la dite valeur de vingt du-
catz par an ou environ, avoir, tenir et posséder par nostre dit Conseil-
ler, sesditz hoirs, successeurs et aians cause, et dicelluy joir et user
plainement et paisiblement, en faisant et aquictant les charges et de-
voirs deuz à cause dudit villaige, où et ainsi qu'il appartiendra ; moyen-
nant et parmy toutes voyes que, toutes et quantes foiz que nous ou noz
prédécesseurs baillerons ou ferons bailler à nostre dit conseiller ou à
celui ou ceulx qui auront son droit la somme de cinq cens ducatz
pour une fois, nous pourons avoir et retirer le dit villaige, et le re-
mettre à nostre dominance ducal. Si donnons en mandement, etc. ...
Donné à Bloys au moys d'octobre l'an de grâce mil cinq cens et de
nostre règne le troysième. Ainsi signé : Par le Roy. Gedoyn. Visa
contentor.
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE
Loeseth (E.). — Obserrations sur le Polyeucte de Corneille. — Chris-
tiania^ Jacob Dj/bwad, 1899, gr. in-S". [18 p.].
[Extrait des Videnskabsselskabets Skrifter. II, Historik-filosofisk
Klasse, 1899, n» 4.]
TjG mémoire de M. E. Loeseth, communiqué au cinquième congrès
des philologues Scandinaves, mais rédigé en français, comprend :
1® une revue des jugements portés sur Polyeucte, depuis Tapparition
de cette oeuvre jusqu'à nos jours ; — 2° un examen rapide de ces
jugements ; — 3* une conclusion.
L'exposé des jugements émis est intéressant, bien qu'on pût Tamé-
liorep ou le compléter çà et là : Sarcey devrait être cité d'après son
feuilleton du Temps, non d'après le compte rendu fantaisiste d'une de
ses conférences qu'a donné M. Jules Lemaître ; — M. Moûnet-Sully
a publié da.ns la. Revue d'art dramatique (15 avril 1891) une inter-
prétation de Polyeucte, qui me paraît parfaitement insoutenable,
mais qui est curieuse et par elle-même et par la situation de son
auteur.
L'examen des jugements est souvent judicieux, par exemple dans
les pages consacrées aux critiques de Lessing : je ne crois pas qu'il
le soit partout, et on le voudrait parfois plus explicite.
La conclusion est que Polyeucte, ayant suscité des explications
diverses, manque fâcheusement de clarté. Pourquoi Corneille n'a-t-il
pas peint son martyr de telle sorte qu'on ne pût voir en lui, tantôt un
pur néophyte chrétien, tantôt un mari jaloux ? « Pourquoi n'a-t-il pas
indiqué clairement la part de l'amour et la part de la religion dans la
conversion de Pauline ? » « Le poète a fait une trop grande place au
vague, et l'incertitude qui en résulte, loin de rehausser le charme de
la pièce comme dans certains drames saturés de pensées et sombre-
ment philosophiques, ceux d'Ibsen ou de Renan, par exemple, ou
dans quelques poésies délicieusement et artistement crépusculaires
des meilleurs symbolistes, en diminue au contraire la valeur intrin-
sèque. » — Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Je me contenterai
de remarquer que les critiques ne discutent pas seulement sur les
personnages d'un Ibsen, mais sur ceux d'un Shakspeare, d'un Gœthe,
voire d'un Racine. Quand un Scribe fait mouvoir les pantins qu'il a
mis en scène, il a bien soin — et il lui est aisé — de nous dire quelles
ficelles il tire pour cela. Mais le poète qui peint ou qui crée des êtres
372 BIBLIOGRAPHIE
▼i van te ne peat rendre un compte aussi rigoureux des actions de ses
personnages : savons-nous jamais nous-mêmes, alors que nous pre-
nons une décision grave, quelle part exacte il faut faire aux divers
motifs et mobiles qui ont ag^ sur nous ?
Somme toute, M. Loeseth n'a pas senti avec quel art et avec qaelle
force de génie Corneille a fondu dans son Polyeucte un drame hagio-
graphique, dont le ressort essentiel est la grâce, et une tragédie ra-
tionnelle, où tout s'explique par les sentiments et par les passions
des personnages. Bien qu'il prononce deux fois le mot de tragi-comé-
die, il n'a pas vu non plus avec quelle ingéniosité Corneille a fait
entrer dans une tragédie classique les plus utiles éléments de la
tragi-comédie antérieure. 11 a mieux étudié les critiques de PolyeucU
que Polyeucte même. Mais son mémoire n^est pas sans mérite, et,
puisqu'il est l'œuvre d'un étranger, nous devons en remercier autant
qu'en féliciter l'auteur.
Eugène Rigàl.
Béer (Rudolf). — Zur Ueberlieferung altspanischer Literafurdenkmàler.
Wien, Cari Gerold, 1898, in-8» [45 p.]. (Extrait de la Zeitschrift fur die
ôsterreichischen Gymnasien,)
Il se peut que notre connaissance fort modeste de l'allemand nous
trompe, mais il nous semble que M. B. donne à Ueberlieferung un
sens qu'il n'a pas ordinairement. Nous nous attendions à ce qu*on nous
énumère et nous décrive les manuscrits et les éditions qui nous ont
conservé tel ou tel texte, ou à ce qu'on nous parle des catalogues de
ce genre déjà existants : mais la tâche que s'est imposée M. B. est
tout autre.
Dans un premier chapitre intitulé : Der gegenwàrtige Stand der
Quellenkunde^ il cite et apprécie rapidement la Bibliotheca Eispana
de Nicolas Antonio (2* édition), la littérature deTicknor, celle d'Ama-
dor de los Rios, les travaux entrepris par MM. Ëwald, Lœwe et
lui-même pour les Monumenta Germaniae ou la Bibliotheca patrum
latinorum hispaniensis. Ce sont là en réalité des œuvres d'ordre
divers, et dont deux au moins n'ont que des rapports lointains avec
V Ueberlieferung telle que nous l'entendons.
Mais nous voyons bientôt quelle est l'idée véritable de M. B. : il a
voulu faire un petit traité de méthodologie. Après avoir montré, en
quelques lignes trop brèves, qu'il n'existait pas de manuel de litté-
rature espagnole bien fait, répondant aux exigences de la science
moderne, il indique au savant ou plutôt aux savants courageux qui
se proposeraient de combler cette lacune, le plan qu'ils devront sui-
vre pour y parvenir. Mais au fait, encore ici, s'agit-il de bibliogra-
BIBLIOGRAPHIE 37 3
phîe 011 de littérature proprement dite, du manuel de littérature idéal,
ou du manuel de bibliographie qui devra le précéder et lui servir de
base solide. On nous parle tantôt de Tun, tantôt de Tautre, et parfois
de telle façon que nous ne savons plus au juste duquel des deux il
s*agit : confusion fâcheuse, surtout chez un auteur de méthodes.
Heureusement M. B. appuie ses théories d'un exemple, qui, sans
doute, va tout éclairer. Il occupe dans notre brochure le chap. II: Das
Poema del Cid : die Handschrift ; et le chap. III : Das Poema del
Cid : die Provenienz, Dans ces quelques pages, toutes les ques-
tions relatives knoscantares sont touchées : description du manuscrit,
son histoire, éditions qui en ont été faites, et ici nous sommes dans
VUeberlieferung ; date, lieu de la composition, auteur, et ici nous
sortons de VUeberlieferung ; car on comprend bien que pour résoudre
ces derniers problèmes, M. B. est obligé d'étudier plus ou moins son
texte, d'en recueillir les allusions historiques, de jeter un coup d^œil
sur son vocabulaire et sa grammaire. Il est même amené, quoiqu'il
8*en défende, à en esquisser une appréciation littéraire. De telle sorte
que nous ne voyons pas bien ce que Thistorien de VUeberlieferung
laisse ici à faire à l'historien de la littérature proprement dit.
En réalité M. B. a mal choisi son exemple. Un manuscrit unique,
sans date et sans nom d'auteur, doit forcément jouer de ces tours au
bibliographe trop consciencieux qui se croira obligé de lui trouver un
état civil. Mais peut-être aussi le bibliographe sort-il ici de ses attri-
butions, et peut-être sa fonction véritable est-elle de regarder les textes
de ce genre par le dehors, de les mesurer, d'en compter les feuillets
sans les lire, d'en dater l'écriture. Disons mieux, dans ees cas-là,
l'étude ne peut plus être partagée entre le bibliographe et le littéra-
teur : ils doivent travailler ensemble, s'aider mutuellement et se
compléter l'un l'autre.
Voyons donc ce que vaut Pétude bibliographique et littéraire que
nous présente M. B.
Elle est fort confuse et embrouillée. Elle porte de plus les traces ma-
nifestes, matérielles, d'un travail hâtif. Par exemple, p. 12, M. B. ouvre
une parenthèse pour nous inviter à ne pas confondre Angel Amador
de los Rios, auteur d'articles parus dans la Revista de Espana sur
l'exactitude historique et géographique du Poème du Cid, avec José
Amador de los Rios, auteur de la littérature bien connue. Or le pre-
mier s'appelle, en réalité, Angel de los Rios y Rios, sans rien d'Ama-
dor. P. 18, M. B., non content de changer l'état-civil de Angel de los
Rios, l'accuse de ne pas indiquer la provenance de deux documents
dont il se sert : ce qu'il a fait pourtant, comme on pourras'en convain-
cre en se reportant à la Revista de EspaHa, t. LXXI, p. 521, n. P. 38
on nous renvoie pour le catalogue des manuscrits originaires de Car-
374 BIBLIOGRAPHIE
dena, para en 1851, et dans le Mémorial histôrico espanol, BJiBoletin
de la Real Acadernia de la Eistoria^ qui n'a vu le jour qu'en 1877.
Les déclarations de M. B. nous faisaient espérer un travail définitif
digne de former un chapitre de Thistoire idéale de la littérature espa-
gnole à laquelle il doit servir de modèle : nous sentons dès maintenant
que nous serons déçus. Nos inquiétudes s'accroissent en constatant
que de tous les sujets qu'il aurait pu traiter M. B. a choisi celui qui
lui convenait le moins. Lui qui avait le choix entre tant de manuscrits
qu'il a maniés pendant deux ans de séjour en Espagne, en a choisi un
qu'il n'a jamais vu. Aussi la description qu'il nous en donne n'est ni
meilleure ni pire que celles que nous connaissions déjà et qui, malheu-
reusement, n'étaient pas parfaites, D. RamonMenéndez Pidal vient de
nous l'apprendre ^ 11 ne manque pas seulement une feuille après le
V. 2337 ; une autre a été coupée après le v. 3507, comme le prouve
outre le sens, le talon visible, quoique personne ne l'eût encore vu.
Il n'y a pas eu un seul correcteur, il y en a eu plusieurs d'époques
différentes.
Les éditions sont expédiées p. 15 en quatre lignes : Fénumération
des trois premières terminée par un etc., avec un supplément tout
aussi sec p. 45. Comme on le voit, la partie Ueberlieferung n'est pas
brillante.
Pour ce qui est des diverses questions soulevées par le Poème du
Cid, M. B. nous résume lui-même le résultat de ses recherches, p. 45:
« La première rédaction du Poème, qui ne nous est pas parvenue, eat
lieu au commencement du XI1I« s. et à Cardena. Le texte dont se servit
Alphonse X pour la rédaction du quatrième livre de sa Crônica gênerai
en est proche parent. Cette chronique alphonsine dans les parties où
le Poème lui sert de source est importante pour la connaissance de
celui-ci, dans les paraphrases elle est précieuse pour l'expliquer^.»
M. B. a voulu dire sans doute que la chronique nous aide a retrouver
la forme primitive du Poème lorsqu'elle le suit pas à pas, presque mot
par mot, et nous aide à l'entendre lorsqu'elle le paraphrase. Mais il
me semble que dans les deux cas le Poème est source, u Dans les
vieux catalogues de bibliothèques le Poema n'est pas nommé. Les
Hechos del Cid qui y figurent se rapportent à la chronique... »
Il n'est, dans ces résultats, rien de bien nouveau. Dozy, Bello,
et d'autres ont déjà placé la composition du poème au commence-
ment du XIII^ siècle. Les raisons qu'ils apportaient n'étaient pas
* Poema del Cid. Nueva ediciôn. Madrid 1898.
' Voici le texte : Dièse alfonsinische Crônica ist in den Theilen, wo das
Poema als Quelle herangezogen wird, nicht unwichtig fur die Kenntnis
der Dichtung, in den Paraphrasen wertvoU fur die Erklârung.
BIBLIOGRAPHIE 375
décisives ; celles de M. B. ne le sont pas davantage. Elles consis-
tent en considérations générales sur Tétat de la civilisation espa-
gnole aux XII» et XIII*' siècles, sur les conditions matérielles de la
production littéraire à cette époque : arguments dont, pour notre part,
nous faisons peu de cas, parce qu'il nous paraît qu'ils peuvent servir
également toutes les causes. Nous en dirons autant des preuves
tirées de la qualité de la langue du poème. M. B. apporte ici le
témoignage de M. Araujo qui dit dans sa grammaire du Cid que
cette langue « reâète fidèlement le dictionnaire castillan du XII* et
du XIII* siècles ». On est étonné de voir un érudit, nourri à la bonne
école, faire état d'une telle affirmation qui ne repose sur rien, comme
on peut s'en rendre compte en se reportant à l'ouvrage d'où elle est
tirée, et qui porte même en elle, dans sa rédaction, la preuve évi-
dente de sa nullité scientifique. D'ailleurs, serait-elle rigoureusement
établie, de quoi peut-elle nous servir ? Elle nous ouvre une marge
de deux cents ans et nous sommes déjà enfermés entre 1136 et 1270,
entre Alphonse l'empereur, qui est nommé dans le poème, et Al-
phonse le Sage, qui s'en est servi dans la première moitié de son
règne. De plus, Floranes, l'érudit qui a le plus rajeuni notre texte,
ne l'a mis qu'en 1245. Enfin M. Lidforss nous a enserrés entre 1135
et 1 139. On peut ne pas admettre sa solution, mais comme elle est
fondée sur des données précises, tirées du poème lui-même, sur des
allusions historiques qu'il renferme, il n'est pas permis de la passer
BOUS silence, et il fallait la ruiner avant d'en proposer une autre.
Au sujet des relations de la chronique alphonsine avec notre poème,
M. B. refuse d'admettre la théorie émise par D. Ramôn Menéndez
Pidal dans ses Infantes de Lara, Il nous paraît avoir tort et peut-
être l'a-t-il reconnu lui-même, après avoir lu l'article du même auteur
paru dernièrement dans la Reime Hispanique. Aussi nous n'insiste-
rons pas.
Les a hechos dd Cid » qui figurent dans les vieux catalogues se
rapportent à la chronique et non au poème. En effet, dit M. B.
p. 25, le quatrième livre de la Crônica gênerai qui, plus d'une fois,fut
copié à part, qui était un texte d'une lecture plus facile que le Poème,
qui était recommandé d'ailleurs par l'autorité royale de son auteur,
c par son pavillon » dut se substituer dans tout le moyen âge à la
vieille geste, comme « Livre du Cid ». Il me semble, quant à moi,
que, quel quefiit le discrédit d'une œuvre, cela ne pouvait empêcher
Fauteur d'un catalogue de l'inscrire sur ses listes, s'il la trouvait
dans le fonds qu'il inventoriait. De plus, si l'on pouvait être embar-
rassé pour donner un titre générique exact à des œuvres relatives au
Cid, c'était plutôt pour la Geste, monument d'un genre dont on avait
oublié le nom, que pour une chronique, genre qui n'a cessé d'être
376 BIBUOGRAPHIB
connu depuis Alphonse X jusqu^à nos jours ; et par snite ce titre
vague Hechos dd Cid devrait plutôt nous £ûre songer au poème,
qu*à la chronique. Mais au fait, le mot Crôniea ne se trouve-t-il pas
dans le catalogue en question? La citation qu'en fait M. B. est
rédigée de telle façon qu'on ne peut pas le savoir au juste. Si le mot
y figure, la démonstration de M. B. est oiseuse, s'il en est absent,
elle est notoirement insuffisante.
Mais la partie la plus originale du travail de M. B. est celle
où il essaie de préciser le lieu où le Poème du Cid a été composé.
Il nous assure d^abord qu'un monument aussi important n'a pu être
matériellement exécuté que dans un grand monastère. — A mon avis
nous n*en savons rien au juste. — Ce monastère est celui de Cardena,
qui joue un grand rôle dans la Geste, ce qui indique que la Geste
a été composée à Cardena, par un moine de Cardena. M. B. calcule
que plus de deux cents vers sur trois mille sept cents, compte
rond, lui sont consacrés. Mais, peut-on dire, ce rôle a été attribué
à San Pedro par l'histoire même. Le Cid de son vivant eut de
nombreuses relations avec ce cloître ; c'est là qull fut enterré,
après sa mort, et que furent enterrées sa femme, ses filles» plusieurs
de ses parents, plusieurs de ses compagnons d'armes et jusqu'à son
coursier, le célèbre Bavieca. Par suite, quoi d'étonnant à ce que ce
cloître occupe dans la Geste une place que lui assignait l'histoire, et
que ne pouvait lui refuser le poète quel qu'il fût, moine de n'importe
quel cloître de Castille ou jongleur laïque du même pays. M. B.
prévoit Tobjection et, pour y parer, il s'attache à prouver que les
vers consacrés à Carde&a sont d'un tel caractère, révèlent un tel
souci des intérêts moraux et matériels du couvent, donnent des
détails si nets sur les événements du Poème qui s'y déroulent, qu'ils
n'ont pu être écrits que par un moine de ce monastère, dans le but
d'être utile au monastère, en s'inspirant de traditions qui ne se per-
pétuaient que là dans toute leur force, et sans doute aussi en s'ai-
dant de documents qui ne se trouvaient que là. La démonstration de
M. B. est forte, elle n'est pas inattaquable. Pour ma part, je m'é-
tonne qu'un moine si bien intentionné, si bien pourvu de renseigne-
ments de toutes sortes, que l'histoire autorisait à se donner libre
carrière, n'ait su tirer que deux cents vers d'une aussi ample ma-
tière. Il écrivait à une époque où la légende pieuse du Cid s'était déjà
développée sans doute, et il ne lui a pas fait le moindre emprunt, lui,
moine. Lors du premier voyage de Minaya en Castille, après la dé-
faite de Ffariz et de Galue,il le laisse aller à Sainte-Marie-de-Burgos
commander et payer mille messes et ne le charge pas du moindre
présent pour San Pedro de Cardena. Enfin lui qui avait à sa dispo-
sition les annales du couvent, où devait se trouver la liste authenti-
BIBLIOGRAPHIE 377
que des abbés, introduit un don Sancho qui, à ce qu